Ponctuation avec Serge Pouth du 02 Mai 2023

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00:00 Salut à tous et bienvenue dans PONTUATION, le magazine littéraire de la CRTV.
00:18 Nous sommes à Wotesi et je vais vous dire, c'est un plaisir, un bonheur de retrouver
00:27 le village de Guillaume Oyenumbia, l'endroit où il est né et l'endroit qu'il a exploité
00:33 dans ses ouvrages.
00:34 Et puis le beau chant, on entend le chant des oiseaux et chant contre chant, vous avez
00:40 la meilleure image.
00:41 Pour parler de Guillaume Oyenumbia, pour faire le tour, revenir sur sa littérature, le professeur
00:48 Marcel Mboda et toi.
00:49 Bienvenue professeur.
00:50 Merci Serge Cout.
00:52 Je commence d'abord par essayer de capter vos émotions ici dans le chant à Wotesi.
01:00 Alors c'est comment, vous êtes soulevé de ravissement ?
01:04 Oui, le ravissement dû au rafraîchissement que cette belle campagne procure.
01:09 On est dans un endroit où on n'entend que des bruits naturels à l'exception de quelques
01:15 voitures qui passent.
01:16 C'est un lieu de repos, c'est un lieu de rafraîchissement, c'est un lieu de recueillement.
01:21 Tout est calme ici.
01:22 Tout est calme et vivant en même temps parce que ça vide une vie qui est celle des humains
01:29 qui vont et viennent, chaleureux comme l'était Guillaume.
01:33 C'est peut-être un trait de caractère des gens de cette région, de ce village précisément.
01:38 C'est généreux par tout ce qu'on voit pousser comme étant des dons de la nature, des arachides,
01:44 des bananiers et toutes sortes d'autres choses qu'on plante ici.
01:48 Sous vos pieds, il y a justement ces plants d'arachides qui nous rappellent un peu l'étymologie,
01:54 le nom.
01:55 Vous décidez, c'est la terre fertile.
01:58 Oui, selon l'explication qu'en donnait Guillaume et qui est l'explication liée à la langue
02:04 qui est parlée ici, c'est la terre généreuse, la terre féconde.
02:08 Je pense que avoir tout ce que nous voyons autour de nous, on sent que ce nom a été
02:15 très bien choisi pour cet endroit.
02:17 C'est le beau, on peut dire, c'est le paysage idéal du confinement littéraire.
02:22 Oui, c'est un environnement qui inspire.
02:25 Quand on est ici, je pense que comme l'a fait Guillaume, on a le temps d'observer
02:31 et on se dit qu'est-ce qu'elle est généreuse la nature envers les habitants de ce coin.
02:36 Et je pense que la célébration, l'attachement de Guillaume Oyonumbia à son terroir natal,
02:43 à ce village, est justifiée par ce que ce village peut offrir.
02:48 Parce que si la nature avait une âme, on verrait très bien que la nature est généreuse,
02:55 elle est aimante envers les habitants de ce noble country.
02:59 Sauf que la nature n'a pas ce trait d'humour.
03:03 Oui, parce que l'humour, le rire, est une forme de l'intelligence humaine.
03:08 Je ne sais pas si les êtres humains ont seul le privilège de l'humour,
03:13 mais évidemment, ça montre à quel point un esprit peut être raffiné,
03:18 à quel point un esprit peut saisir la réalité dans toutes les nuances qui la constituent.
03:23 On va tout de suite parcourir ses ouvrages, le raconter à travers ses ouvrages,
03:28 et le tout dernier qui est sorti aux éditions du Patrimoine, ce n'est plus chez Clé,
03:35 mais en tout cas ça voyage toujours, c'est bien logé dans le Patrimoine,
03:38 c'est "Les choses vont changer, suivi de le discours".
03:41 Mais ce qui est super remarquable, c'est que c'était un tapuscrit gardé,
03:48 je ne sais pas s'il avait même l'intention un jour de produire,
03:51 mais c'est Savop qui a décidé de mettre à la disposition des lecteurs cet ouvrage-là.
03:57 Alors, est-ce que ça inaugure quelque chose ?
04:00 Est-ce que c'est un nouveau matin qui se lève si on fait la jonction
04:03 avec les funérailles littéraires et artistiques organisées après sa mort ?
04:08 Alors, vous faites bien de relever que c'est sa veuve, sûrement en rangeant son bureau,
04:15 ses armoires après son décès, qui tombe sur ce texte-là.
04:19 Et il est possible qu'il y en ait d'autres, comme elle l'a dit elle-même.
04:23 Ce qui explique que ce texte n'ait pas été publié du vivant de Guillaume,
04:27 c'est peut-être son perfectionnisme.
04:29 Vous voyez, les textes courts sont assez souvent des textes sur lesquels les auteurs,
04:34 dont on peut penser de façon erronée qu'ils sont pareuseux,
04:39 ne cessent de travailler et de retravailler, de remettre sur le métier leur ouvrage.
04:43 Je fais l'hypothèse que Guillaume était un écrivain perfectionniste
04:47 et qu'il ne se satisfaisait pas lui-même des choses qu'il écrivait.
04:51 Et pour les pas faits, il les déposait de côté,
04:54 et peut-être l'oubli et d'autres occupations faisant, il les abandonnait là quelque part.
04:59 Parce que quand vous prenez le tapuscrit de "Les choses vont changer" et "Le discours",
05:03 vous voyez très bien que c'est un texte saisi.
05:06 A l'époque, ce n'était pas évident, il n'y avait pas les machines qu'on a maintenant pour saisir un texte.
05:10 Et lorsque vous avez ce texte-là sous la main,
05:13 vous voyez très bien que l'auteur a fait des rajouts au stylo à billes.
05:16 Un peu comme tout candidat à un examen qui, avant de rendre sa copie, la relie,
05:23 fait des petites corrections ça et là.
05:25 Et je fais l'hypothèse que Guillaume mettait de côté ce texte-là pour les relier,
05:31 et les relier de manière à ce qu'il soit convaincu lui-même
05:34 qu'il avait atteint le niveau de perfection qu'il méritait qu'il soit publié.
05:38 Le premier texte date de 1993, le deuxième de 1994.
05:42 C'est-à-dire "Les choses vont changer" 1993, "Le discours" 1994.
05:46 Voilà, et Guillaume est mort il y a deux ans,
05:48 puisque, et quand vous regardez entre 1993 et il y a deux ans, quand il était vivant,
05:53 il s'est passé un temps suffisant pour que lui-même se décide d'aller déposer ce texte-là chez un éditeur.
06:00 Mais il ne l'a pas fait.
06:01 Il ne l'a pas fait, parce que je pense que, au-delà de la maladie après quelques années,
06:06 mais les années où il était encore capable d'apprécier ses propres textes,
06:11 je pense qu'il n'était pas toujours satisfait de la qualité de ce qu'il avait déjà écrit.
06:15 Quand vous dites "il prend le temps",
06:17 je me souviens avoir acheté le tout dernier "Dormaisson", "Jean Dormaisson",
06:24 sorti aussi à titre posthume et publié par sa fille.
06:28 Elle disait qu'il prenait le temps de tout vérifier lui-même,
06:33 mot après mot, virgule, point, virgule et autre.
06:38 Est-ce que c'est ce sens de la rigueur,
06:42 cet esprit méticuleux qu'il met dans la copique à rentre ?
06:47 Je pense que c'est propre à une certaine époque.
06:49 Des gens d'un certain âge ont la culture de la perfection
06:53 et ils ont la rigueur de la qualité de ce qu'ils doivent produire.
06:57 On peut mettre Guillaume sur ce registre-là aussi.
07:00 Mais ce qui est bien à souligner,
07:02 et c'est véritablement l'hommage et les compliments qu'on doit faire à sa veuve,
07:07 c'est qu'elle a toujours été proche de lui.
07:09 Anecdote pour anecdote, j'ai été directeur des éditions Clé pendant 9 ans.
07:13 Je n'ai jamais vu Guillaume arriver aux éditions Clé Seul. Jamais.
07:17 Il était toujours précédé ou suivi par son épouse Julienne.
07:21 Et toutes les questions en rapport avec le patrimoine de l'exploitation de son oeuvre
07:27 se sont faites en présence de cette veuve.
07:29 Je pense que c'est un bon exercice pour qu'après, cette fibre-là ne se perde pas.
07:36 Imaginez que Guillaume avait fait son oeuvre sans y intéresser son épouse.
07:41 On aurait perdu les textes qui viennent de paraître
07:43 et on aurait peut-être perdu a priori les autres textes qui pourraient se retrouver dans ces tiroirs.
07:49 Donc c'est un bonheur, c'est une chance d'avoir une femme si à l'aide
07:55 et si concernée par la vie littéraire de son mari.
07:59 On va avancer cet ouvrage très rapidement parce qu'on va parcourir les autres aussi.
08:02 Avec une image en première de couverture, nous sommes sur la place publique
08:10 et là c'est un discours qui se tient.
08:13 La mise en contexte, c'est les années 90.
08:16 Une année de brèze d'abord, une année de récession économique.
08:20 Oui, tout à fait.
08:21 Je pense que Guillaume a le génie d'attirer notre attention sur des choses importantes,
08:29 sur un ton badin.
08:31 C'est un prince sans rire.
08:34 Donc il touche là où ça fait mal sans en avoir l'air.
08:38 Et même ceux qu'il critique se retrouvent en train de rire, de sourire de ce qu'il dit.
08:43 Il s'agit ici de la dénonciation de ce qu'on peut considérer comme la fumisterie politique
08:50 de certains hommes politiques, c'est-à-dire qui disent des choses auxquelles ils ne croient pas eux-mêmes
08:56 et qui malheureusement ont en face des gens qui eux-mêmes,
09:00 même s'ils croyaient en quelque chose, sont pressés par les besoins immédiats.
09:05 Ils ont des besoins humains à satisfaire immédiatement.
09:07 Ils veulent manger, ils veulent boire.
09:09 Les discours peuvent attendre.
09:10 Et dans les deux pièces de discours, il s'agit d'un nouveau ministre
09:16 qui est porteur des espoirs de toute une région, d'un village et des contrées voisines.
09:21 Mais on voit comment la vanité prend le dessus.
09:24 Plutôt que le ministre soit celui qui va développer le coin,
09:27 on se retrouve avec des gens qui se réjouissent d'être plus grands désormais que leurs voisins
09:32 qui eux n'ont pas de ministre.
09:34 Voilà un peu le registre dans lequel Guillaume écrit ses pièces.
09:37 Et on voit à la fois comment il ironise sur les politiques,
09:43 mais il ironise pas moins sur les populations
09:48 qui elles-mêmes ne savent pas au fond ce qu'elles veulent en dehors de boire, manger, se réjouir.
09:53 Ce ministre qui est coaché par le député, il va avoir...
09:57 Il y a beaucoup de jeux de mots dans cet ouvrage.
09:59 C'est un plaisir en matière de jeux de mots.
10:01 Mais je retiens quand même cette formule, cette leçon de choses qu'il donne au ministre.
10:07 La continuité, la continuité, mais le changement dans la continuité.
10:11 - Tout à fait.
10:12 Non, Guillaume est expert dans le jeu de mots.
10:14 Je me rappelle qu'à la dédicace de l'ouvrage mardi dernier,
10:19 vous avez souligné un passage, le jeu de mots,
10:24 "La chambre de Bonne et la bonne chambre".
10:27 Voilà, donc c'est typique des œuvres de Guillaume Oumoumbia.
10:31 - Il est coaché de cette manière.
10:33 - On voit le lien.
10:35 Ces deux ouvrages seraient dû être deux.
10:39 Comment expliquer ça ?
10:40 Que ce soit "Les choses vont changer", "Le discours", c'est la même intrigue.
10:45 - Et c'est tout le génie de Guillaume Oumoumbia.
10:48 Ces deux textes, il n'aurait pu en faire qu'un avec deux actes.
10:53 Le premier serait en rapport avec ce qui est raconté dans "Les choses vont changer".
10:58 Et le deuxième avec "Le discours".
11:00 Guillaume a le souci de ne pas peser sur le lecteur.
11:05 Il a le souci de donner un peu comme des apéritifs de lecture.
11:10 C'est donc des pièces qui peuvent se lire,
11:13 même par le lecteur, le plus par ceux qui prendraient plaisir.
11:16 Elles ne sont pas longues, toutes ces œuvres, comme vous voyez.
11:18 Pas par paresse, pas par manque de souffle,
11:21 mais par souci d'égailler, par souci de dire des choses,
11:26 de façon prompte, de façon à ce qu'elles marquent les esprits.
11:30 En fait, si Guillaume avait écrit dans d'autres genres,
11:34 il aurait été un excellent noveliste comme il est un excellent chroniqueur.
11:37 C'est-à-dire, bref, danse incisive.
11:40 - Là, c'est sorti chez "Patrimoine".
11:44 Vous tenez là un livre qui est quand même un chef-d'œuvre.
11:47 - Oui, "Les chroniques de Voutessi".
11:48 - Dans la trilogie, "Les chroniques de Voutessi".
11:51 - Comme je disais, je pense que Guillaume écrit en se souciant
11:55 de ne pas épuiser le lecteur par des textes indéfiniment longs.
12:00 Il fait des chroniques comme des séquences.
12:02 Si on était, je ne connais pas le genre,
12:04 mais si on était dans le cinéma, dans la fiction,
12:07 ça serait de courts épisodes.
12:09 C'est-à-dire qu'on n'a pas besoin de voir un film de deux heures
12:14 en une seule séance.
12:16 On fait des séquences de 15 minutes.
12:19 Et je pense que quand on sort, et c'est ça qui est intéressant,
12:22 quand vous sortez des chroniques,
12:24 ils vous donnent rendez-vous aux chroniques 2.
12:26 Et quand vous sortez des chroniques 2,
12:27 ils vous donnent rendez-vous aux chroniques 3.
12:29 Donc, c'est des textes qui s'enfilent
12:32 et qui captent le lecteur le long des pages.
12:34 - Alors, je vais vous annoncer une bonne nouvelle.
12:37 Vous êtes à Voutessi.
12:39 On a retrouvé deux personnes.
12:42 Hélène de "Notre fille ne se mariera pas".
12:47 Ce n'est pas un personnage.
12:49 Ce n'est pas une personnalité.
12:53 Ce n'est pas une simple personne.
12:55 Hélène est vivante.
12:56 Hélène de ce livre-là.
12:59 On a retrouvé Juliette de "Tropes étonnantes à Marie".
13:03 - Ce n'est pas étonnant parce que de nombreux écrivains
13:06 écrivent en s'inspirant de la réalité qui les environne.
13:10 Dans un de ses ouvrages, "Le romancier et ses personnages",
13:13 François Mouriac, qui a épris Nobel de littérature en 1952,
13:16 dit qu'il ne peut pas imaginer un roman
13:21 sans qu'il soit identifié dans son environnement immédiat
13:24 et les lieux et les personnages.
13:26 Il le fait seulement.
13:28 Les lieux et les personnages portent l'intrigue qu'il brode
13:32 au regard de la réalité qu'il environne.
13:34 Donc, je crois que Guillaume est un bien de cette catégorie d'écrivain.
13:37 Et vous ne pouvez pas être un chroniqueur,
13:39 c'est-à-dire quelqu'un qui rapporte les faits
13:43 de façon instantanée,
13:44 sans être un fait observateur de votre réalité.
13:47 Et ce qui donne de la vraisemblance au récit,
13:49 c'est le fait que la fiction se mêle à la réalité.
13:54 Et quand vous lisez les pièces de Guillaume,
13:56 en réalité, j'ai l'impression qu'il y a plus de choses qu'il observe
14:01 que de choses qu'il crée et qu'il invente.
14:03 Il met simplement en fiction,
14:05 il enfile les récits de vie des gens qu'il entoure.
14:09 - Alors, qu'est-ce qu'on peut dire des chroniques ?
14:11 - C'est des modèles.
14:11 Si vous voulez vous faire chroniqueur,
14:13 il faut avoir lu de bons chroniqueurs.
14:15 Si vous voulez vous faire plaisir, il faut lire de bonnes chroniques.
14:18 Et en la matière, les chroniques dont vous tessiez sont un modèle.
14:21 Je voudrais vous dire que Guillaume Oyunumbia est l'un des rares écrivains
14:26 qui, dans les années 80, fait partie de la collection...
14:30 Parce qu'il y a une collection de textes publiés,
14:32 je ne sais plus très bien dans quels cadres ça s'est fait,
14:35 mais les meilleurs, les classiques africains.
14:37 Il y a une collection de classiques africains,
14:39 dont les textes paraissaient en français et en anglais,
14:42 qui ont été sélectionnés dans ces années-là
14:45 et qui existent jusqu'à présent,
14:46 bien que l'éditeur n'existe plus.
14:48 Vous avez de beaux livres,
14:50 parce que les chroniques publiées par Cléont était reprise dans ce cadre-là,
14:53 en un seul volume, chronique 1, chronique 2, chronique 3.
14:56 - L'ouvrage des chroniques 1 s'ouvre par...
14:59 - Le serment de Johannes Nkatefue,
15:02 et donc les personnages typiques de l'œuvre de Guillaume Oyunumbia.
15:05 - L'église est derrière vous.
15:06 - Voilà.
15:06 - L'église est juste derrière vous, où Nkatefue était,
15:10 mais je ne sais pas si à Temtem, on l'a pas retrouvée quelque part.
15:14 Le catéchiste, qui avait plusieurs rôles dans ses différents théâtres,
15:21 on peut fixer cette mémoire-là.
15:23 - Tout à fait.
15:24 Et je pense que la présence de cette catégorie de personnages dans l'œuvre de Guillaume
15:29 est révélatrice des mutations qui se sont produites
15:32 après l'évangélisation des peuples de l'Afrique.
15:35 Et ce n'est pas un paradigme simple.
15:38 Si on regarde aujourd'hui, par exemple,
15:42 les dérives et toutes les autres formes de transformation,
15:46 de mutation de notre société liées au rapport à la religion, à l'église,
15:51 on voit très bien que c'est quelque chose qui vient
15:55 bousculer notre environnement, notre perception des choses.
15:59 Si vous lisez Angèle Benven,
16:01 il dit qu'en réalité, les Africains sont portés vers le spirituel
16:08 depuis toujours, par essence, par nature,
16:11 et qu'en réalité, la religion chrétienne est venue simplement,
16:16 elle a pris parce que nous étions comme des pierres d'attente,
16:19 d'attente de la révélation qui a été faite par l'évangile.
16:24 - Alors ça, ça va vous étonner.
16:26 C'est pratiquement, on va dire, combien?
16:29 48 pages.
16:31 48 pages et un prix.
16:33 Un prix de la madoisie.
16:35 - Et l'autre chose qu'il faut relever, c'est que
16:38 les oeuvres de Guillaume Oyunambia n'ont pas seulement compétit à l'échelle nationale.
16:42 Plusieurs de ses pièces de théâtre sont primées
16:47 dans un concours inter-africain.
16:49 Radio France Internationale qui faisait un concours théâtral inter-africain
16:53 est l'un des cas dans lequel Guillaume a été reconnu
16:57 et sanctionné comme l'un des meilleurs dramaturges africains.
17:00 Et je pense, c'est ce qui explique
17:03 que où que vous alliez à travers le monde,
17:06 vous allez rencontrer quelqu'un qui a lu,
17:08 qui a participé à la mise en scène
17:10 ou qui a assisté à la représentation de Croix Pétendant en Marée.
17:13 Anecdote pour anecdote,
17:15 je suis en train d'aller en tant que directeur des éditions clé
17:18 au Congo en RDC.
17:20 Je passe par le Congo Braza,
17:22 je traverse à la Chaloupe
17:24 et quand j'arrive de l'autre côté avec un carton de livres que j'allais exposer,
17:27 je tombe sur un responsable de douane.
17:30 Il me demande, mais qu'est-ce que vous avez dans le carton?
17:32 Il faut déclarer ce que vous avez dans le carton pour payer ce que vous devez payer.
17:34 Je dis, non, monsieur le douanier, ce sont des livres.
17:37 Alors, c'est quel livre?
17:38 Il ouvre lui-même pour se faire une religion et il tombe nez à nez avec Croix Pétendant.
17:42 Et il me dit, moi, j'ai joué cette pièce quand j'étais au lycée.
17:44 Allez-y, allez-y.
17:45 Donc, c'est pour dire si la renommée, la reconnaissance de Guillaume est internationale.
17:52 Alors, vous citez justement cette oeuvre là, son maître ouvrage,
17:56 qui a un record de longévité au programme dans les établissements scolaires.
18:01 Et pas seulement au Cameroun,
18:02 parce que lorsque j'étais directeur des éditions Clé, là encore,
18:05 j'ai reçu une commande du Sénégal de 10 000 exemplaires de Croix Pétendant à Marie
18:11 qui était au programme au Sénégal.
18:13 Et c'est la même chose si vous allez dans tous les pays francophones du monde.
18:17 Vous allez trouver des gens qui ont lu ou qui vendent parce que c'est au programme
18:21 ou que c'est dans les bibliothèques, c'est un texte d'exercice pour la mise en scène.
18:26 Alors, moi, je voulais juste insister sur quelque chose.
18:28 L'émission s'appelle "Pontuation".
18:30 La perle pontuative, représentant point, point, point, un mari.
18:36 Je crois que vous faites bien de souligner que ce qu'il y a de plus significatif dans ce titre,
18:41 c'est cette pontuation, les points de suspension qui indiquent l'ouverture du texte.
18:45 Il y a trois prétendants, il y a un mari.
18:48 Entre les prétendants et le mari,
18:50 c'est toute l'histoire qui va être racontée par Guillaume Mounoumbia.
18:53 Donc, le titre est déjà révélateur de la qualité,
18:57 non seulement du génie de l'auteur, mais suggestif par rapport à comment on va passer des prétendants au mari.
19:04 Il est en seconde lorsqu'il écrit ça.
19:07 Comment est-ce qu'on peut, à cet âge-là, concevoir une telle titraille ?
19:12 Oui, je pense que quand on lit le texte,
19:17 on prend la mesure du niveau de la maîtrise de la langue française qu'a l'auteur.
19:21 Et on ne peut donc pas s'étonner qu'il soit capable de ce sens, de la nuance,
19:27 parce que le titre colle exactement avec le texte.
19:30 Et s'il a écrit le texte qu'il a écrit, on peut faire l'hypothèse qu'il était capable d'exprimer,
19:36 puisque le titre a pour fonction de désigner le texte,
19:40 mais également de suggérer le sens qu'on va lui donner.
19:42 Donc, de ce point de vue-là, le titre et le texte entrent en résonance
19:47 et révèlent la qualité, la maîtrise de la langue qu'a Guillaume Mounoumbia.
19:51 D'où la longévité de la présence de ce livre dans les programmes ?
19:55 C'est un classique d'écriture, comme on vient de le dire,
19:58 mais c'est également un classique en rapport avec les thématiques de la vie,
20:02 la question du rapport entre la tradition et la modernité.
20:05 Donc, la question de la doute est abordée dans la pièce.
20:08 Il y a également la question du genre.
20:10 Quel est le statut de la fille dans nos sociétés ?
20:13 C'est un problème qui n'est pas définitivement réglé.
20:16 Il y a encore des contrées où les filles ne vont pas à l'école comme les garçons.
20:19 Et je pense que l'intelligence qui est déployée par les personnages de la pièce, par Julienne,
20:25 est quelque chose d'exaltant et qui mérite.
20:28 Parce que voilà une jeune fille qui ne désobéit pas à ses parents quand on veut la marier,
20:34 mais qui se sert de son intelligence.
20:37 Dans cette pièce, Guillaume nous montre que ce n'est pas la violence physique,
20:43 ce n'est pas les slogans, mais par l'intelligence qu'on peut trouver la bonne harmonie
20:48 entre les valeurs de notre tradition et les valeurs de la modernité.
20:51 Ses parents sont plutôt soulagés à la fin de la pièce,
20:54 parce que comment auraient-ils pu rembourser les doutes successifs qu'ils ont pris
21:00 si leur fille n'avait pas eu l'intelligence qu'elle a ?
21:04 Et si l'amour, parce que c'est la pièce du triomphe de l'amour et de l'intelligence,
21:08 Trois pétendants à marier.
21:10 Quand vous mettez toutes ces thématiques ensemble,
21:12 vous comprenez que cette pièce peut rester au programme 100 ans.
21:14 Elle aura toujours quelque chose à enseigner à toutes les générations d'élèves.
21:18 On en vient maintenant aux dernières thématiques de cette émission.
21:23 Funérailles littéraires et artistiques, qu'en attendre ?
21:26 Est-ce qu'il faut juste ce Mont-Venu célébrer ?
21:28 Ou est-ce que c'est l'indicateur de ce qu'on peut en faire ?
21:33 Une destination touristique à partir du livre.
21:38 Je pense que derrière tout ce qui se fait, ici ou ailleurs,
21:41 il y a toujours des êtres humains qui sont passionnés de quelque chose
21:46 et qui portent cette chose-là.
21:47 Si la veuve n'avait pas eu le dynamisme qu'elle a,
21:51 si ses beaux-frères, si sa grande famille n'avaient pas eu l'intérêt pour Guillaume qu'ils ont,
21:56 vous avez suivi le témoignage de Sa Majesté Ndoudoumou,
21:59 je pense qu'il a fait le déplacement de Yaoundé pour assister à tout ce qui s'est passé là-bas.
22:04 Si les gens qui sont autour de lui n'avaient pas eu cette passion,
22:07 on n'en serait pas là.
22:09 Pas tout ailleurs où ça se fait.
22:10 Quand vous avez une association des amis de Mouriag,
22:13 vous avez une association des amis de Victor Hugo,
22:16 une fondation Francis Bébé,
22:19 Mongo Betty, il y a toujours des gens derrière.
22:21 Et je pense que c'est ces gens-là qui devraient être encouragés
22:25 et qui ne devraient pas nécessairement s'attendre à des appuis institutionnels.
22:30 En s'organisant pour entretenir la mémoire d'un écrivain,
22:35 on n'a pas besoin de milliards.
22:36 On a besoin de faire des choses auxquelles on croit,
22:39 on a besoin de faire des choses qui ont un sens.
22:41 Et dans le cas d'Espèce, je pense que tout ce qui se fait
22:44 depuis la dédicace de son ouvrage au posthume jusqu'à présent
22:48 et qui va se poursuivre demain,
22:50 ça participe de la célébration, de la commémoration d'un écrivain.
22:55 Si ceux qui vont rester continuent à le faire,
22:58 la mémoire de Guillaume sera entretenue.
23:00 Et maintenant, il faut simplement imaginer qu'on soit un peu créatif.
23:04 Si vous te suffiguez dans le dictionnaire à Rousse,
23:07 pourquoi ne pas en faire un lieu de pèlerinage ?
23:10 Pourquoi ne pas imaginer que les enseignants,
23:12 à partir de ceux qui sont dans l'environnement immédiat,
23:16 viennent visiter la tombe de Guillaume Ounoumbia avec leurs élèves,
23:20 viennent lire des extraits de l'œuvre de Guillaume Ounoumbia ?
23:23 Bref, c'est à notre génie qu'il faut adresser la question
23:27 de savoir comment perpétuer la mémoire des grands hommes.
23:30 Guillaume, on parle de lui, il est mort en 2021.
23:34 On parle de lui depuis le soleil des indépendances.
23:37 Oui, depuis 1964, depuis la publication de Trois Pétales dans l'air.
23:40 De quoi est-ce le nom, cette évocation ?
23:43 Est-ce que c'est pour dire aux jeunes, le talent est porteur ?
23:49 Ah oui, le talent est porteur et l'écriture est porteuse de façon intemporelle.
23:54 Je me souviens d'une anecdote qu'on attribue à un écrivain congolais,
23:58 je crois que c'est Henri Lepes.
24:00 Et on lui demandait, entre l'écrivain et le politique,
24:03 parce qu'il a été premier ministre dans son pays, ambassadeur aussi,
24:07 qu'est-ce qu'il préférerait que la mémoire retienne ?
24:11 Et il disait, on ne se souviendra pas de qui était le premier ministre du Congo,
24:17 même si c'est lui, il y a 20 ans,
24:20 mais on se souviendra d'un écrivain qui s'appelait Henri Lepes.
24:24 C'est le cas d'espèce avec Guillaume Ounoumbia.
24:26 Les immeubles peuvent se détruire, les fortunes peuvent se défaire,
24:29 mais les oeuvres restent intemporelles.
24:31 La preuve, nous lisons, Socrate, nous lisons des textes du Moyen-Âge,
24:36 du XVIIe siècle, du XVIIIe siècle,
24:38 l'oeuvre littéraire notamment survit à l'usure du temps.
24:43 Et c'est ça qu'il faut retenir pour Guillaume Ounoumbia,
24:45 comme pour tous les bons écrivains.
24:47 La pensée imprimée pérennise son auteur.
24:50 Absolument.
24:52 Merci beaucoup d'être venu à Pontuation.
24:55 Vous n'avez pas parlé de vos ouvrages.
24:58 On se souvient de cet ouvrage, je ne vais pas dire pamphlété,
25:02 mais ce coup de marteau donné au système, au milieu éditorial,
25:09 par rapport aux oeuvres, aux programmes.
25:12 Ça fait secouer bien sûr l'indernon.
25:16 Est-ce qu'il y a d'autres ouvrages que, peut-être pas,
25:18 c'est le même temps que le professeur Marcelin Boudaétois est en train de préparer ?
25:24 Alors la première chose que je voulais dire,
25:25 c'est que dans le domaine des livres et des manuels scolaires,
25:29 nous avons fait une très grande avancée.
25:32 J'étais à un atelier à Libreville, il y a deux mois,
25:36 organisé par la conférence des ministres de l'éducation d'Afrique francophone.
25:40 Et tout le monde là-bas constatait que le niveau que le Cameroun a atteint
25:43 en matière de rigueur dans la sélection des manuels scolaires
25:47 n'est égal à celui d'aucun autre pays.
25:50 On doit préciser que vous êtes secrétaire...
25:53 Permanent du conseil national d'agrément des manuels scolaires et des matériels didactiques.
25:58 Et depuis le 16 décembre 2021,
26:01 le chef de l'État a promulgué une loi sur la promotion du livre et de l'industrie du livre,
26:07 qui est révolutionnaire parce qu'elle intègre à la fois le livre de littérature générale
26:11 et le manuel scolaire. C'est unique en Afrique.
26:14 Maintenant, pour ce qui est de mes propres travaux,
26:16 je suis en train de rééditer un ouvrage qui est paru en 2004,
26:21 "La littérature camounès depuis l'époque coloniale, figure esthétique et thématique",
26:25 dont le livre va sortir dans les prochains mois.
26:28 C'est une reprise d'un texte qui est sorti de façon plus ou moins confidentielle en 2004.
26:34 Et je pense que ça mérite d'être refait pour que les nouvelles générations puissent accéder à ce texte aussi.
26:42 C'est une somme avec de très grandes contributions,
26:46 Binan Bikoy, Charlie Gabien, Boc, les grands écrivains,
26:50 Manon Djana, Gaston Polifa, etc.
26:54 On a été de temps en temps dérangés, mais c'est bon,
26:57 quand on est à la nature, les moutes et autres, machin, on dit quoi ? Merci, m'vous t'aissie ?
27:02 La nature a ses droits que personne ne peut aligner, sauf à nous, en murée, en dehors d'elle.
27:08 On dit merci, m'vous t'aissie.
27:09 A la nature et ses ratures.
27:12 C'était "Pontuation", à mardi prochain.
27:15 [musique]