Vendredi 5 mai 2023, BE SMART reçoit Barbara Dupuis (Ex-ceo, The Blond Cactus)
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00:00 Je vous disais tout à l'heure que ça allait être une émission très centrée finalement autour de l'échec et du rebond.
00:09 Et on en parle maintenant avec Barbara Dupuis. Bonjour. Bonjour Aurélie.
00:12 Alors vous êtes l'ancienne CEO de The Blonde Cactus. Alors Barbara, moi je vous ai rencontrée il y a deux ans.
00:17 Vous étiez récompensée par un prix du retail pour votre entreprise The Blonde Cactus.
00:23 Fin 2022, voilà, votre entreprise s'arrête. Mais finalement vous voulez retenir que le positif de tout ça.
00:28 Vous avez publié un post qui m'a beaucoup interpellée sur LinkedIn. Donc on va en reparler.
00:32 Mais d'abord on va peut-être revenir au commencement pour ceux qui ne vous connaissaient pas.
00:36 Quel était le business de The Blonde Cactus ?
00:39 Le business de The Blonde Cactus, c'est une marque de décoration florale et végétale qui alliait des objets anciens recyclés à des fleurs séchées et des plantes autosuffisantes.
00:52 Voilà, donc c'était l'univers du cadeau, du plaisir, le plaisir d'offrir, l'art de recevoir qui constituait l'ADN de la marque et des produits en tant que tel.
01:07 Donc le combo fleurs et objets de décoration.
01:11 Et en plus avec un côté recyclé, durable, qui marchait plutôt bien d'ailleurs.
01:16 Ah oui, ça marchait bien. Ça marchait très bien et on a une croissance qui était continue sur les quatre premières années.
01:26 On faisait en moyenne 100% de croissance chaque année.
01:29 Voilà, dans une moindre mesure, en 2021 on a fait 400 000 euros de chiffre d'affaires.
01:36 Donc c'est pas non plus extraordinaire mais je pense toujours que sur ce type de sujet, c'est pas une notion de grandeur de chiffre au final.
01:46 Parce que ça change rien. La finalité, elle est la même qu'on fasse 2 millions d'euros de chiffre d'affaires ou 400 000 euros. C'est la même problématique.
01:57 Donc du coup, fin 2022, vous décidez d'arrêter. Pourquoi ? Qu'est-ce qui s'est passé ?
02:02 Il y a un problème de conjoncture économique qui est lié. Les raisons, on les connaît, on ne va pas revenir dessus.
02:12 On a aussi, pour ma part, mon marché qui s'est retourné. C'est extrêmement compliqué le marché de la fleur, du végétal au global.
02:20 Donc ça fait 2 grosses raisons, 2 bonnes raisons. Et là, basé sur les succès de 2021, on s'est dit que c'est le moment de lever de l'argent.
02:35 Parce que je ne l'avais pas fait jusque-là. Il y a eu avec le Covid un pivot qui s'est opéré sur le business model de la marque.
02:44 Qui s'est axé un peu plus sur de l'événementiel. Il y a eu les pop-up, c'est là où est intervenu le pré-unibail, etc.
02:50 Donc on a repensé le business model, on l'a recentré sur de l'événementiel. Et c'était une nouvelle façon de faire du retail.
02:59 Et là, on s'est dit, ok, on a un résultat suffisant pour lever de l'argent. Sauf qu'en fait, le contexte structurel économique fait qu'on n'a pas réussi.
03:10 Et à ce moment-là, malheureusement, c'est le moment où on a commencé à manquer de cash. Et du coup, quand vous vous retrouvez avec une sorte de fragilité financière,
03:24 très difficile de... Quand on saute, on ne suffit plus. Très difficile de rebondir. Et on se retrouve un peu dans le besoin financier.
03:34 Et là, on est quand même beaucoup moins en situation de force face à de potentiels investisseurs, etc. Donc ça, c'était un des points d'entrée sur 2022.
03:48 On a commencé à sentir la difficulté de lever de l'argent. Et puis, comme je le disais tout à l'heure en off, il y a effectivement cet essoufflement qui est même pas palpable,
04:10 mais qui est factuel sur le fait que le marché, il est ce qu'il est, et que le produit est moins désirable. Et du coup, c'est d'autant plus difficile à vendre, à pitcher, à prouver, parce que...
04:24 Comment je peux dire ? Le produit étant moins désirable, il faut aussi se faire à cette idée. Et c'est factuel. Et on ne peut pas aller contre ça, en fait.
04:36 Néanmoins, au-delà de toutes les difficultés que vous racontez là, vous dites "je ne vois pas l'échec, je vois l'épanouissement et l'apprentissage".
04:46 Qu'est-ce que vous avez appris dans cette aventure que vous n'auriez pas appris ailleurs ?
04:52 Déjà, l'entreprenariat, c'est être seule, surtout quand on est solo-preneur. Et on a beau être hyper bien entourée par d'autres entrepreneurs ou par des associés financiers, etc.,
05:06 on est quand même seule à la barre. Et le fait d'avoir personne sur qui s'appuyer, ça faisait vraiment poser quelque chose de très... Enfin, la solitude, c'est très intime.
05:22 Et je pense que moi, ça m'a appris la résilience, la patience et, encore une fois, savoir accueillir l'échec.
05:38 Mais comment on accueille cet échec ? Et comment on a envie de le voir et de le percevoir ? On a le choix, en fait.
05:47 Et moi, durant cette période de questionnement, encore une fois, intérieur sur le marché, ce qu'il est, c'est factuel.
05:55 Les chiffres sont ce qu'ils sont avec la trésor qui n'est plus. Il va falloir prendre une décision.
06:02 Il y a aussi toute cette notion de responsabilité entrepreneuriale quand on est chef d'entreprise et ne pas confondre acharnement et persévérance.
06:10 Et comment on va au bout des choses ? Comment on a exploré toutes les pistes possibles de porte de sortie ?
06:18 Qu'est-ce qui s'offre à moi à cet instant T ? Et, encore une fois, de prendre de la hauteur et de la visibilité et de se dire...
06:26 Voilà, on prend la bonne décision et la bonne décision, c'est la responsabilité de fermer.
06:33 Donc, ce que ça m'a appris, c'est ça, c'est cette capacité à prendre des décisions dans l'adversité.
06:38 Tout à l'heure, mon invité qui a parcouru aussi un parcours avec pas mal d'échecs me disait finalement, être entrepreneur, c'est aussi parfois...
06:47 Voilà, se mettre des œillères et mettre un peu ses émotions de côté pour en revenir au pragmatisme et aux mathématiques.
06:53 C'est un peu ça ce que vous êtes en train de me dire.
06:56 Exactement. Les chiffres, c'est les chiffres. Malheureusement, on est obligé de faire avec et de forcer de constater que ça ne marche plus.
07:07 Donc, c'est concret et ça sonne la fin. En fait, il n'y a pas d'autre...
07:14 C'est comme quand on fait un business plan et voilà, il y a un résultat, il est positif ou il est négatif.
07:20 Et en fait, les décisions, elles sont juste là. Et je pense que ça, il faut l'avoir en tête dès qu'on démarre son business.
07:28 Ça n'est pas la route vers le succès. C'est une route, c'est un chemin qui mène vers le succès, mais ça n'est pas forcément la finalité.
07:36 Ou alors, et ça c'est le discours que je prône, c'est quelle est la définition du succès ?
07:41 Et pour moi, la définition du succès, c'est l'apprentissage et l'épanouissement.
07:48 Et en fait, moi, c'est tout ce que j'ai appris durant ces cinq dernières années qui aujourd'hui, j'en sors beaucoup plus riche et beaucoup plus grandie.
07:55 Et moi, c'est ça que j'ai envie de retenir.
07:57 Vous pensez qu'on montre une image parfois un peu trop positive de l'entreprenariat et qu'on a tendance à masquer un peu toutes ces difficultés que vous racontez ?
08:05 Complètement. Complètement. Et ça m'attriste parce que je pense que montrer ses faiblesses, c'est tabou.
08:16 Surtout en entreprenariat où effectivement, à l'ère des réseaux sociaux, etc., on a tendance à toujours montrer tout ce qui est beau, tout ce qui est positif.
08:25 Et à jamais, il y a toute cette notion de filtre, si on veut faire des mauvais jeux de mots, qui viennent se positionner en superposition.
08:38 Et on est toujours dans cette course à l'image et à être bien vu. Et on cache ce qui ne va pas.
08:45 Et dans la réalité, d'ailleurs, au-delà des réseaux sociaux, c'est la même chose.
08:49 On n'irait jamais dans une soirée entrepreneuriale à une conférence où on va demander à quelqu'un « comment ça se passe le business en ce moment ? »
08:57 « Tout va bien, c'est génial, on fait ci, on fait ça. »
09:00 On ne va jamais vous dire « c'est la mouise, je n'ai plus de réseau, je ne sais pas comment je vais faire si je ne trouve pas de solution dans cinq semaines. »
09:07 Jamais, personne ne vous dira ça. C'est vraiment « je vais montrer que tout va bien ».
09:12 C'est un mindset qui est conditionné. C'est culturel chez l'entrepreneur.
09:18 Et c'est dommage. Parce que ça ne prépare pas les gens à l'échec.
09:24 C'est possible que ça ne marche plus pour des raisons qui sont indépendamment de moi.
09:28 Même si j'ai pris des bonnes décisions tout au long de ce chemin, il y a le marché.
09:33 C'est l'offre, c'est la demande.
09:35 C'est la crise qui ne dépend pas forcément de vous.
09:37 C'est la crise et tous ces facteurs extérieurs qu'on doit prendre en considération
09:42 et qu'on devrait intégrer psychologiquement à l'équation dès le départ pour ne pas avoir de mauvaise surprise.
09:49 Je pense que c'est aussi pour ça que j'ai « bien vécu » cette fermeture et qu'il était temps de fermer la page.
09:57 Parce que moi, j'avais intégré tout ça dès le départ.
10:00 Est-ce que vous vous dites « bon tout ça c'est très sympa, j'ai appris plein de choses, mais c'est bon, l'entrepreneuriat ne repassera plus par moi » ?
10:07 Non. Je ne me dis pas ça.
10:10 Parce que déjà dans la vie, on ne sait jamais.
10:14 Et je pense qu'il faut faire ce qui est bon pour soi.
10:19 Moi aujourd'hui, j'ai choisi de retourner au salariat.
10:23 Et je suis très épanouie dans mon travail, j'adore ce que je fais, j'adore les gens qui m'entourent.
10:31 Et si demain, ce n'est plus ça, parce que j'ai envie de remonter autre chose ou parce que j'ai envie d'aller vers d'autres horizons,
10:41 ce sera ok parce que c'est une question d'alignement.
10:45 Il y a aussi effectivement cette question qui terrorise les entrepreneurs et dont on parle très peu.
10:53 C'est hyper tabou, on en parle souvent de façon un peu cachée.
10:58 « Ah là là, mais moi si j'arrête, si demain j'arrête, comment je vais faire ? »
11:02 « Mais moi je ne pourrai jamais être salariée de nouveau ? »
11:05 En fait, ce n'est pas vrai, il ne faut pas se dire ça.
11:07 C'est cette peur qui vient bloquer, comme si on était dans une impasse, alors que ce n'est pas vrai du tout.
11:12 Donc aujourd'hui, tout va bien ?
11:14 Merci beaucoup Barbara, difficile de ne pas vous rapporter votre témoignage.
11:18 Merci Aurélie, à très bientôt.