BE SMART - L'interview de Solène Madec (Belle) par Aurélie Planeix

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Vendredi 2 juin 2023, BE SMART reçoit Solène Madec (fondatrice et ceo, Belle)
Transcript
00:00 On va parler d'un secteur que j'aime beaucoup, qui est le secteur de la communication et
00:08 de la publicité en compagnie de Solène Madec.
00:11 Bonjour.
00:12 Bonjour.
00:13 Alors Solène, vous êtes fondatrice et CEO de l'agence Bell, c'est une agence qui s'occupe
00:16 plus particulièrement des startups, on va y revenir.
00:18 Mais d'abord, Bell, c'est une agence qui a trois ans.
00:21 Vous avez fondé ça en entreprenariat, en intreprenariat même, alors que vous étiez
00:25 encore au sein de l'agence Babel.
00:27 Quelle a été la jeunesse de ce projet entreprenarial qui vous a poussé à lancer votre propre
00:32 boîte ?
00:33 Je pense déjà à une envie qu'on a depuis longtemps.
00:37 Je pense que quand on a la fibre entrepreneurial, on l'a.
00:41 Qu'on tait plus ou moins, donc il y a un moment de sa vie, on se dit ça y est, c'est
00:46 le moment.
00:47 Et souvent le moment, c'est une rencontre.
00:49 J'ai eu la chance de rencontrer mes deux associés actuels, que sont Nathalie Alves
00:53 et Pierre Duquenoy, avec lesquels on s'est mis à travailler de façon ultra naturelle
00:58 avec un taux d'efficacité qui était top, beaucoup de plaisir dans le travail.
01:02 Et on s'est mis à travailler différemment de la structure dans laquelle on était hébergé.
01:06 Et on s'est dit, ça mérite qu'on crée notre propre agence.
01:09 On l'a vécu un petit peu comme hébergé de façon sereine dans un plus grand groupe.
01:19 Et puis une fois que le modèle a fait ses preuves, on a décidé de le racheter.
01:22 Donc on est indépendant depuis le 22 juillet dernier d'un point de vue juridique.
01:25 Qu'est-ce qu'il y a de si différent dans votre façon de travailler avec vos associés ?
01:29 Déjà, on n'a pas le même métier.
01:32 Nous, on est vraiment une agence publicitaire, très sociale et digitale.
01:37 Babel est une très grande agence, près de 200 collaborateurs, plutôt sur des enjeux
01:43 corporate, avec une grande complexité, des très grands déploiements.
01:47 Nous, on a eu envie de faire une agence qui nous ressemble.
01:49 Ça faisait 10-20 ans qu'on était dans ce métier.
01:51 Moi, j'étais 10 ans chez l'annonceur, donc je savais peut-être ce dont le marché avait
01:57 besoin.
01:58 Pierre et Nathalie avaient aussi...
01:59 Pierre, par exemple, a été DC à Londres d'agence digitale.
02:03 Il a en même temps fait les bébés et vient.
02:05 Donc on avait tous envie, avec suffisamment de séniorité, de se dire qu'on avait envie
02:08 de faire notre métier, avec notre façon de faire.
02:12 C'est vraiment une maison d'artisans, belle, ultra agile.
02:16 Il n'y a pas le stagiaire, le directeur du stagiaire, le stagiaire-directeur.
02:20 On a beaucoup grossi.
02:23 On est quasiment en train de passer de 10 à 30 en très peu d'années.
02:27 Mais avec toujours les seniors aux manettes, parce que notre métier est beaucoup plus
02:33 compliqué qu'avant.
02:34 Moi, je rêve de faire un métier comme dans Mad Men.
02:36 On sortait juste une affiche ou un film.
02:39 C'est vrai, ça paraît simple en fait, en y réfléchissant.
02:41 Je me dis, mais même les créatifs parfois, on se dit, mais quelle chance ils avaient
02:44 ces publicitaires.
02:45 Il y avait beaucoup plus d'argent, beaucoup plus de délai et beaucoup moins de déploiements.
02:49 Et en même temps, le terrain de jeu est plus vaste.
02:51 Alors voilà, trêve de plaisanteries.
02:53 Ça demande.
02:54 C'est assez rigolo.
02:55 Le métier a beaucoup changé en publicité ces dernières années.
02:59 Et même, je vois, a changé depuis quatre ans.
03:02 Ah oui, qu'est-ce qui a changé depuis quatre ans ?
03:04 Aujourd'hui, vous êtes beaucoup sur des marques qui ont des budgets plus restreints.
03:07 C'est normal.
03:08 Et l'inflation, la crise en Ukraine n'a pas amélioré les choses.
03:11 Donc, on se retrouve sur des contrats publicitaires où souvent, on est amené à…
03:15 La première année, on refait un petit peu, on va dire, les grands héros de la publicité,
03:19 à savoir des films publicitaires, des grandes campagnes, des shoots ad hoc.
03:24 Et après, il faut savoir maintenir cette conversation renouvelée à chaque fois avec
03:29 des supports qui sont nouveaux, notamment grâce au digital et au social.
03:32 Et ça, ça nous offre des opportunités de créativité plus grande, de parler avec plus
03:37 de temps.
03:38 En télé, les formats se raccourcissent.
03:40 On était sur le 30.
03:41 Maintenant, le nouveau 30 et un petit peu le 20 secondes.
03:43 Donc, avoir de la place pour raconter des choses, c'est aussi plus compliqué.
03:47 Donc, c'est la chance aussi du social.
03:50 On a plus de temps pour raconter des sujets, de la pédagogie, d'intéresser les consommateurs
03:55 sur des questions qui se posent, d'apporter des réponses, d'être plus dans une logique
03:59 servicielle.
04:00 Et puis, en même temps, il y a TikTok qui est arrivé ou il y a encore des choses à
04:03 faire.
04:04 Donc, on peut aussi plus s'éclater.
04:05 Mais voilà, c'est belle.
04:07 On essaye d'avoir une proposition de valeur qui est des seigneurs aux manettes, très
04:11 agile et très rapide.
04:14 C'est d'ailleurs pour ça qu'on bosse beaucoup avec des acteurs de la nouvelle
04:17 économie.
04:18 Et en même temps, un piano publicitaire qui s'est… Au début, il n'y avait que
04:24 la presse, la radio.
04:25 Un jour, il y a eu la télé.
04:26 Maintenant, il y a le digital et le social, mais c'est le même piano.
04:28 Et donc, on essaye de très bien travailler sur ce piano élargi avec une très forte
04:35 conscience business.
04:36 Donc, c'est ce faisceau de choses qui fait qu'on s'est dit que ça mérite d'avoir
04:42 une proposition de valeur ad hoc.
04:44 Et c'est comme ça qu'est Nébel.
04:45 Et comme ça a très bien fonctionné, on a pris notre envol et nous, on est devenus
04:48 indépendants.
04:49 Parmi vos clients, il y a beaucoup de start-up, d'acteurs de la nouvelle économie, comme
04:52 vous dites, start-up, scale-up et unicorn.
04:54 Ce sont des entreprises qui sont digitales natives.
05:01 Est-ce qu'elles trouvent aujourd'hui un intérêt à communiquer en télé ? On les
05:04 voit assez peu finalement.
05:05 Est-ce que ce n'est tout simplement pas leur culture ? Comment est-ce que vous les
05:09 accompagnez sur ces enjeux ? Est-ce qu'il faut même qu'elles y aillent ?
05:11 C'est très juste.
05:12 On a deux types de clients.
05:15 La majorité de notre chiffre d'affaires est quand même sur les entreprises traditionnelles,
05:20 mais qui, voyant qu'on est très implanté dans la nouvelle économie, se disent « ah
05:24 ben tiens, ils ont l'air d'être assez digitaux et branchés sur les nouveaux usages ».
05:27 Mais en effet, on a aussi toute une part de notre activité qui est sur ces acteurs
05:31 de la nouvelle économie, où en effet, on est dans une logique « je veux, je ne veux
05:34 pas ». Quand je dis « je veux, je ne veux pas », c'est « je rêverais d'avoir
05:37 une marque plus connue ». Donc, ils languent sur des clients qui ont des marques installées,
05:43 qui ont su investir dans de la notoriété de l'image et en même temps, qui se disent
05:46 « est-ce que je ne vais pas foutre mon fric par la fenêtre ? ». Donc, il y a une sorte
05:50 de dualité.
05:51 C'est pour ça que souvent, c'est un petit peu au pied du mur qu'ils y vont.
05:56 Quand je dis au pied du mur, c'est qu'on accompagne ces entreprises sur la construction
06:02 de la marque.
06:03 Auparavant, ils ont beaucoup travaillé sur un marketing à la performance.
06:05 Donc, ils ont travaillé sur deux choses, l'amélioration de leur expérience, donc
06:09 beaucoup de devs, beaucoup de travail sur les features, sur la partie expérientielle,
06:13 donc la proposition de valeur qu'ils offrent et une logique très perf, SEA, display, vraiment.
06:21 Et au bout d'un moment, ils atteignent un plafond de verre.
06:23 Ils se rendent compte que même la rentabilité de leur investissement à la perf est moindre
06:28 et souvent, ils ont une levée de fonds qui fait qu'il faut dérouler une autre partie
06:31 du business plan et aller pêcher plus large.
06:35 Et pour aller pêcher plus large, c'est-à-dire trouver des consommateurs au-delà de vos
06:38 early adopters, il faut travailler sur la notoriété de votre marque pour justement
06:42 vous faire connaître auprès d'un bassin d'audience qui est plus large.
06:45 Alors, on ne passe pas, c'est très rare, d'une marque qui est 100% à la perf à de
06:50 la télé.
06:51 La majorité du temps, je prends le cas par exemple de Conto qu'on accompagne depuis
06:55 plusieurs années, on commence par une première campagne d'images.
06:59 Alors, elle peut être 100% digitale qui était vraiment du paid mais dans une logique de
07:04 notoriété sur Conto ou on peut commencer pour beaucoup d'entre eux par de l'affichage
07:09 métro.
07:10 Je ne sais pas si vous regardez, la majorité du métro parisien aujourd'hui.
07:14 Absolument, c'est vrai.
07:15 Et donc en fait, c'est souvent une façon pour eux de faire un galop d'essai.
07:19 Je commence à investir dans la marque mais je suis très héroïste.
07:23 Donc, même si on fait beaucoup de pédagogie avec eux et vous évoquiez les notions de
07:27 culture d'entreprise, c'est vrai, ils n'ont pas cette culture de la marque et ils ont
07:30 toujours peur de se faire avoir entre guillemets en se disant je ne suis pas dans la maturité
07:34 d'une marque comme Coca, Danone, à pouvoir faire des grands films comme ça et de me
07:38 dire, ok, à un moment donné, comment mon trafic sur site a augmenté, l'acquisition
07:43 de leads.
07:44 Donc, on les accompagne justement et même nous, on a changé notre façon de faire notre
07:47 métier notamment grâce à mon associé Nathalie Helves qui est très spécialisée sur les
07:51 plans d'action pour faire, le terme est horrible, de la brandformance.
07:55 C'est-à-dire la brandformance, ah oui, non, c'est pas très joli.
07:58 Mais on comprend.
07:59 Voilà, c'est comment on fait de la brand, comment on commence à faire de la notoriété
08:04 sans laisser tomber quand même les enjeux de performance parce que le nombre de fois
08:08 où on a fait vraiment des spots dans le KPI, on se met d'accord dans une salle de réunion
08:11 qui est est-ce que le KPI sera bien, comment la notoriété augmente et trois jours après
08:16 la diffusion qui est, mais je ne vois pas le trafic sur site qui augmente, ah oui, moi
08:19 ce n'était pas dit ça.
08:20 Mais donc, ça veut dire qu'il faut le faire.
08:22 Donc à chaque fois, maintenant chez Bell, on fait à la fois des très forts, voilà,
08:28 on fait beaucoup de projets sur cette construction de marque à la fois en termes de positionnement
08:32 parce qu'au-delà de la notoriété, il y a qu'est-ce qu'on raconte et comment on
08:35 est singulier et comment j'assure quand même pour les actionnaires une lisibilité
08:41 sur un début de performance où on se dit je ne suis pas en train d'investir en me
08:45 disant peut-être que dans cinq ans ça va marcher parce que ce n'est pas la temporalité
08:48 de ces entreprises.
08:49 La temporalité de ces entreprises, c'est qu'il faut une lecture sur le ROI de toutes
08:52 leurs actions.
08:53 Je pense qu'elles soient RH, commerciales, marketing ou autre.
08:56 Donc voilà, on travaille main dans la main pour à la fois les faire progresser sur cette
09:01 culture de la marque et en même temps être en empathie avec la culture ROI qu'ils ont.
09:06 Ça veut dire qu'en fait, il faut presque construire de nouveaux KPI en fait pour bien
09:10 les accompagner et que ça rentre en même temps dans leur logique si je vous souviens.
09:14 Exactement.
09:15 C'est-à-dire qu'il faut être moins binaire qu'on a pu l'être avant et qu'il faut bien
09:18 travailler sur le funnel entre la notoriété très haute et la performance et naviguer
09:24 et se dire qu'il ne faut pas qu'on soit exclusif dans un KPI et que oui, on peut les
09:30 faire cohabiter.
09:31 On traite aussi le offline de façon complètement nouvelle chez Bell.
09:35 Auparavant, quand on livrait un spot télé, on faisait quelques vagues, puis des post-tests,
09:42 puis des études de contribution par exemple.
09:45 Et l'année 2, on se disait « Ok, est-ce qu'on optimise le montage ? Est-ce qu'on
09:48 optimise le packshot, le call to action, les RTB, donc les fameuses preuves ? »
09:53 Oui.
09:54 Nous, on peut le faire pour certaines scale-up durant la première vague.
09:58 C'est-à-dire qu'on est capable de livrer un nouveau montage si on se dit qu'on a
10:02 hésité.
10:03 Là, quand on regarde les perfs, on fait exactement comme sur le digital, mais en offline.
10:07 C'est-à-dire qu'on optimise continuellement.
10:09 On utilise même parfois le digital et on pousse différents montages de RTB, de CTA.
10:15 Et on se dit « Ok, qu'est-ce que l'algorithme au final nous dit sur le montage le plus
10:20 efficace ? »
10:21 Parce qu'en effet, ce qui marche en télé ne marche pas en digital, mais a priori, l'inverse
10:24 est vrai.
10:25 Quand ça marche sur YouTube, on pousse et c'est typiquement ce qu'on a pu faire
10:28 avec de grosses licornes.
10:30 Et justement, je pense qu'ils nous ont aidé aussi à faire progresser notre pratique.
10:33 Nous, on leur apporte et ils nous apportent aussi.
10:36 C'est ça qui est intéressant.
10:37 - Et c'est la nouvelle culture de la data dans votre métier maintenant ?
10:39 - Oui, data qui était déjà très présente dans le digital et le social.
10:44 Ce qui est intéressant, c'est quand elle devient hybride et que typiquement, Nathalie
10:48 qui est issue du digital, quand elle regarde la télé, elle la regarde avec cette culture-là.
10:52 Et en effet, c'est pouvoir rassurer l'ensemble de nos clients sur la valeur qu'on leur apporte.
11:00 C'est-à-dire que moi, j'ai été 10 ans annonceur, on est entrepreneur, on a conscience
11:05 que quand on investit, il faut prouver la performance de nos actions.
11:09 Et donc, c'est ce qu'on essaye de faire vraiment, mais de façon sincère chez Bell.
11:14 Donc, soit via de la data, des études, des prétestes, beaucoup d'analytics en fait.
11:19 - On a beaucoup dit que la télé était un peu un outil passéiste, on va dire.
11:24 Aujourd'hui, vous considérez quand même que ça reste une vraie opportunité et qu'on
11:27 n'en est pas du tout là.
11:28 - Non, on n'en est pas du tout là.
11:29 Et ce qui est drôle, c'est que je vous disais, on a deux jambes chez Bell, on a les clients
11:36 historiques et les nouveaux acteurs et chacun l'angle sur l'autre.
11:39 Les nouveaux acteurs, ils rêveraient d'avoir une marque connue comme des marques historiques
11:43 et les marques historiques rêveraient d'être modernes comme les autres.
11:46 Et ce qu'il y a d'intéressant, c'est qu'aujourd'hui, il y a certaines licornes et certains fonds
11:51 d'investissement qui sont derrière certaines licornes.
11:53 Nous, c'est drôle, c'est certains fonds d'investissement qui nous amènent certaines
11:56 marques qu'on accompagne.
11:57 On les a accompagnés dans l'hypothèse où ils allaient progresser sur la marque.
12:01 Et ça, on a conscience typiquement quand on veut très fortement augmenter la notoriété,
12:06 quand on veut très fortement augmenter un bassin qu'on va pouvoir travailler après
12:10 en digital pour le travailler et typiquement pouvoir descendre sur l'étape de la performance.
12:15 On ne peut pas se passer de la télé.
12:16 Quand on a certains objectifs, et alors après, oui, il faut s'adapter.
12:22 Vous le voyez, les codes en télé ne sont pas les mêmes.
12:24 Quand on traite une start-up, on a à cœur d'apporter aussi dans l'écriture, publicitaire
12:31 télé, et ça, c'est le talent de Pierre, la capacité à avoir une écriture qui dise
12:36 en même temps start-up.
12:37 On sent cette audace parce que souvent, ce sont des gens qui ont distribué leur marché.
12:40 Donc là aussi, on ne peut pas avoir une tonalité pépère.
12:43 Il faut que ce soit aligné en termes de personnalité d'entreprise, personnalité de la publicité.
12:49 Et en même temps, il faut être très juste.
12:51 Il faut être très juste sur la qualité de l'insight.
12:53 Il faut connaître sa cible parce qu'en fait, la télé, quand vous faites de la pub télé,
12:56 il faut partir du principe, c'est ce que je dis à tous mes clients, personne ne veut
12:58 voir votre publicité.
12:59 Non pas qu'ils ne vous aiment pas, mais on est les premiers à être en double écran,
13:03 à aller se servir un thé ou autre.
13:06 Donc il faut tout d'un coup être capable que la personne se dise, tiens, c'est intéressant,
13:11 il m'a compris.
13:12 C'est vrai que c'est un truc que je vis.
13:14 Pareil quand on fait une campagne dans le métro.
13:16 Donc il faut vraiment bien connaître leur cible, avoir cette fraîcheur et cette audace
13:21 créative qui fait qu'on lève le nez et puis après cette agilité et cette culture de
13:24 la perf qu'on évoquait.
13:25 Et dans ces cas-là, oui, la télé n'est pas du tout morte.
13:28 Cette audace créative, elle a encore de la place aujourd'hui dans des budgets qui sont
13:34 contraints et en même temps qui doivent s'adresser à des supports de plus en plus nombreux ?
13:38 Justement, je pense que la créativité, la réponse à ces budgets contraints, soit
13:43 vous avez la chance d'être un acteur historique qui a des millions et des millions d'euros
13:46 et vous pouvez faire une créore, on va dire, relativement neutre, on va dire.
13:53 Et en fait, c'est parce que vous avez énormément de répétitions publicitaires que ça va
13:56 rentrer.
13:57 Si ça n'est pas le cas, à GRP contraint, donc à audience publicitaire restreinte,
14:03 vous avez besoin de cette audace créative et de cette créativité pour tout d'un coup
14:06 émerger.
14:07 Il y a tellement de contenu que si à un moment donné, vous n'avez pas un peu d'audace
14:11 pour dire aux gens, regardez-moi, vous prenez un sacré risque.
14:15 Je pense que même la créativité est au service de la performance dans des budgets restreints.
14:19 Quand je vous écoute, j'ai l'impression que vous vous amusez follement.
14:22 Oui, c'est vrai.
14:23 En fait, on s'éclate.
14:25 À la fois parce que quand on crée une entreprise et qu'on s'est choisi mutuellement, on a
14:32 vraiment un grand plaisir à aller au boulot le matin et ça, c'est important.
14:35 Je pense qu'après le Covid, on avait tous aussi envie de se retrouver et on a travaillé
14:39 un lieu avec mes associés vraiment où on a plaisir tous à venir.
14:45 Pareil pour nos clients s'ils ont besoin de faire des réunions chez nous.
14:48 Comme on fait notre métier avec vraiment la façon avec laquelle on aime le faire et
14:55 avec laquelle vraiment on croit qu'on peut avoir des résultats, je pense que c'est aussi
14:58 une des raisons du succès de BEL, c'est qu'on le transmet et qu'on partage ça avec les
15:04 marques qu'on accompagne.
15:05 Vous êtes quand même une des rares femmes à la tête d'une agence.
15:10 Je ne voudrais pas dire de chiffres sur le marché, mais à mon avis, on ne dépasse
15:15 pas les doigts de la main, voire même on est en dessous.
15:17 Qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui, encore en 2023, il y a aussi peu de femmes à la
15:24 tête d'agences de pub en France ?
15:26 C'est un sujet éminemment compliqué.
15:28 Il y a pas mal de grandes patronnes d'agences qui sont salariées de grands groupes.
15:34 Je pense qu'il y a très peu de femmes entrepreneurs à la tête d'agence.
15:39 Je pense que c'est un métier qui est difficile, que c'est un métier à un moment donné où
15:44 quand on est jeune maman, ce n'est pas évident.
15:46 C'est pour ça qu'on a à cœur avec BEL de proposer une nouvelle façon de travailler.
15:52 Moi j'ai des jumeaux, donc ma vie privée est clé, mes enfants sont clés.
15:57 Je pense que c'est aussi comme ça qu'on est bon et que vous ressentez le plaisir avec
16:02 lequel je vous parle de tous ces sujets-là.
16:05 C'est important, c'est comme ça qu'on est équilibré, c'est comme ça qu'on a de l'énergie,
16:08 c'est comme ça aussi qu'on a de la créativité.
16:09 Quand on a le cerveau enroulé, comme dirait mon fils, c'est très difficile d'avoir des
16:14 idées neuves sur des sujets compliqués.
16:16 Mais c'est vrai que beaucoup de modèles d'agences, et pour les défendre, c'est vrai qu'on nous
16:22 demande des choses beaucoup plus compliquées.
16:24 Avant on livrait, on en parlait en début d'interview, un film, deux affiches, une radio.
16:29 Maintenant quand on livre un film, il faut quand même savoir qu'on livre entre 42 et
16:32 58 formats.
16:33 Entre 42 et 58 formats pour une seule campagne ?
16:36 Oui.
16:37 Sur des délais qui sont beaucoup plus courts.
16:40 Le métier est beaucoup plus dur, on a beaucoup de mal aussi à défendre notre rémunération,
16:45 donc ce n'est pas facile.
16:46 C'est vrai que dans une économie contrainte, ça a tendance à tanguer.
16:50 C'est pour ça qu'il faut être extrêmement organisé.
16:53 Moi, quel plaisir, hier on faisait encore une réunion en équipe et quand les collaborateurs
16:59 nous disent qu'il y a une vraie hygiène de vie et de travail chez Bell, c'est une
17:03 immense fierté qu'on a avec mes associés parce que je pense que les agences ne sont
17:10 pas obligées de se vivre comme des entreprises qui sont à part.
17:12 Oui, il y a quelque chose de très différent par rapport à des entreprises où j'ai
17:16 pu être, des corporate, parce qu'il y a ce management de la créativité qui ne se
17:20 manage pas comme de l'IT ou comme de la compta, c'est sûr.
17:24 Mais en même temps, on a beaucoup de bonnes pratiques aussi à prendre et à s'organiser
17:29 et à se faire confiance et des choix aussi de rentabilité.
17:33 Quand vous ne faites pas travailler les gens le midi et le week-end, vous renoncez aussi.
17:38 Mais il faut être en phase avec ses valeurs et je crois que c'est nos valeurs à Pierre,
17:43 Nathalie et moi.
17:44 Et c'est cet équilibre-là qui permettra d'amener plus de femmes à des postes comme
17:48 le vôtre ?
17:49 Clairement.
17:50 Si vous ne vous dites pas, parce qu'en publicité, le nombre de jeunes femmes que vous avez au
17:54 début en chef de pub, en créatif, et au final vous en avez de moins en moins, c'est
18:00 qu'à un moment donné, il y a un renoncement.
18:01 Or, ces filles-là pourraient très bien être un jour directrices de création ou patronnes
18:06 d'agence.
18:07 Mais à un moment donné, elles ont dû sentir que ça n'était pas compatible avec le modèle
18:12 de vie auquel elles aspiraient.
18:14 Donc c'est aussi à nous de faire ce que toutes les entreprises de tous les secteurs
18:21 dans beaucoup de régions géographiques font.
18:24 Il faut qu'on bosse pour que ce soit compatible.
18:26 C'est du boulot, c'est des choix stratégiques, mais c'est possible.
18:32 Vous êtes aussi parmi les cofondatrices de l'EIA Capital, fond de Capital Risques, qui
18:37 n'investit que dans les projets portés par des femmes.
18:39 C'est votre façon aussi de pousser cet entreprenariat féminin ?
18:42 Oui, exactement.
18:44 Quand on voit que les équipes cofondées par des femmes, c'est 25% des startups, et
18:51 elles lèvent, je crois, la dernière étude, c'était encore moins de 5% des fonds.
18:55 Et quand on regarde, sur les petites levées de fonds, il y a des femmes.
18:58 Mais si vous regardez les grosses séries, il n'y a plus de femmes en termes de fondatrices.
19:04 Il y a un vrai problème.
19:05 Pour autant, elles ne sont pas moins talentueuses.
19:06 Là, c'est pareil.
19:07 Ce n'est pas une histoire de talent, ce n'est pas une histoire d'idées, ce n'est pas une
19:10 histoire d'organisation.
19:11 Donc, on a eu envie de proposer ça.
19:14 Au début, on était une quinzaine, maintenant, on est une trentaine, avec cette volonté
19:19 de participer à un plafond de verre qui se casse sur le financement des femmes entrepreneurs.
19:25 Il y a une double vocation.
19:28 Il y a ça, il y a financer des femmes entrepreneurs, et il y a aussi développer l'investissement
19:31 féminin.
19:32 Parce qu'il y a beaucoup d'hommes qui, avec leur économie, mettent des tickets ou mettent
19:37 des lignes dans des startups.
19:38 C'est moins fréquent chez les femmes, alors que pour autant, elles peuvent avoir la même
19:42 épargne, la même connaissance économique et business, la même capacité à analyser
19:47 des dossiers.
19:48 Donc, on a envie de proposer un endroit où, à la fois, on peut défendre cet entrepreneuriat
19:55 au féminin et cet investissement féminin.
19:57 Ça m'a aussi donné des ailes.
20:00 Clairement, il y a beaucoup d'entrepreneurs chez Leïa.
20:02 De voir autant de femmes qui réussissent, qu'on se courage, cette énergie, c'est
20:07 vrai qu'on se dit que c'est aussi possible pour soi-même.

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