Dr Yannick Frézet, président du syndicat CSMF 42 : "Ces maisons médicales aggravent le désintérêt pour la médecine de ville"

  • l’année dernière
À l'occasion de l'ouverture de deux maisons médicales par le Groupement hospitalier de la Loire, le docteur Yannick Frézet, président de la Confédération des syndicats médicaux français 42, est l'invité de France Bleu Saint-Etienne Loire.
Transcript
00:00 Avec notre invité ce matin, nous parlons de ces maisons médicales de jour qui ont ouvert dans le département de la Loire.
00:05 Il y en a deux à l'hôpital Nord de Saint-Etienne et à Saint-Chamond à l'hôpital du Gier,
00:09 présentées comme une solution pour désengorger les urgences et les cabinets de médecins.
00:13 Alors qu'en pensent-ils ces médecins ?
00:15 Bonjour Yannick Fraiset.
00:16 Bonjour.
00:17 Vous êtes médecin à Rive-de-Gier et président de la Confédération des syndicats médicaux français dans la Loire.
00:23 On connaît les difficultés à prendre rendez-vous chez un médecin généraliste en ce moment.
00:28 Est-ce que ces maisons médicales de jour sont une bonne chose ?
00:32 Je dirais oui et non.
00:34 Oui dans le sens où vous répondez à un besoin, où les patients ont besoin quand leur médecin traitant n'est pas disponible,
00:40 de pouvoir consulter pour eux-mêmes, pour leur enfant, pour une autite, pour une angine.
00:45 Donc dans ce cadre-là, ça s'inscrit dans une offre de soins qui est nécessaire sur notre territoire de la Loire,
00:50 qui est en difficulté bien évidemment comme tous les autres au niveau français.
00:54 J'aurais tendance à vous dire non.
00:56 Pourquoi non ? Parce qu'une fois de plus, on crée un millefeuille supplémentaire avec un dispositif nouveau
01:02 porté par les hôpitaux publics cette fois-ci et le groupement hospitalier Territoire de la Loire
01:07 sur des réflexions qui ont été menées quand même de façon bien isolée initialement.
01:12 On a été, nous médecins de ville, conjointement associés à ce projet tardivement,
01:16 mais il était déjà bien fixé initialement, qui est fait uniquement pour désengorger les urgences,
01:21 qui n'est pas fait forcément pour axer son orientation uniquement sur la médecine de ville.
01:26 - Mais alors tous ces patients qui vont aux maisons médicales,
01:29 est-ce que vous par exemple, vous auriez le temps de les prendre en charge ?
01:31 Est-ce que ce n'est pas mieux qu'ils se reportent finalement sur cette solution ?
01:34 - Il y a un dispositif déjà qui est existant et que je porte moi,
01:37 puisque c'est moi qui en ai la responsabilité, qui s'appelle le service d'accès aux soins,
01:40 que le président de la République veut déployer dans l'intégralité des départements français,
01:45 c'est-à-dire la collaboration ville-hôpital des patients que nous réadressons de la part du 15 ou du 18
01:53 vers la médecine de ville, vers des médecins généralistes volontaires
01:56 qui s'organisent pour prendre en charge ces fameux soins non programmés,
01:59 ce dispositif existe déjà.
02:01 Et je le redis, malheureusement ces médisons médicales de jour ont été initialement portées par les services d'urgence
02:06 qui n'ont pas forcément eu la bonne idée de venir nous solliciter pour travailler conjointement sur ce réadressage.
02:13 - Mais on sait aussi Yannick Fraiset que certains médecins ne prennent pas de nouveaux patients
02:18 et donc du coup qu'il est un peu essentiel de se tourner vers d'autres solutions de soins
02:22 et donc souvent vers les urgences au final.
02:24 - Il faut bien dissocier deux choses.
02:26 Le fait de ne pas prendre forcément de nouveaux patients n'implique pas la prise en charge des soins non programmés.
02:30 Dans le dispositif que je porte du service d'accès aux soins,
02:33 vous avez plus de 25% des médecins généralistes de la Loire, ce qui est absolument gigantesque,
02:38 qui prennent tous les jours en charge des patients que nous leur réadressons.
02:41 Pourquoi ? Parce que ce sont des consultations dans lesquelles le patient est réinséré dans son parcours de médecine de ville,
02:48 des consultations qui sont valorisées, des consultations qui ne sont pas forcément chronophages
02:53 et tout le monde fait l'effort et joue le jeu pour ces soins non programmés.
02:57 La problématique après est autour de la prise en charge médecin-traitant
03:01 sur des consultations et des patients polypathologiques lourds
03:04 et c'est tout le débat de la convention nationale qui a été rejeté et du règlement arbitral mis en place
03:08 depuis quelques jours avec des consultations non valorisées et non reconnues à leur juste valeur.
03:14 Donc d'après vous, avec ces maisons médicales de jour, on ne fait que traiter l'urgence,
03:19 ce n'est pas une solution qui est pérenne ?
03:21 Non, vous traitez l'immédiateté. Je vous le redis, il y en a un besoin très certainement.
03:25 Je ne pourrais pas moi dans mon cabinet et ma maison de santé de Drift2J absorber l'intégralité des demandes.
03:30 Donc ça répond à une demande immédiate, ce qui je vous le redis encore une fois,
03:33 qui peut être une bonne chose pour certains, mais qui malheureusement va aggraver ce désintérêt
03:38 pour la médecine de ville, cette prise en charge de patients sur la recherche d'un médecin-traitant
03:42 et c'est là où il y a le vrai besoin actuellement en médecine de ville,
03:46 en complément de ces soins non programmés.
03:48 Tant que vous n'aurez pas un vrai travail de fond sur cette réflexion-là,
03:51 sur la formation, sur la valorisation des consultations
03:54 et sur l'intérêt du métier de médecin généraliste actuellement,
03:58 malheureusement vous verrez naître tous ces centres de soins non programmés,
04:01 divers et variés, mais qui ne feront que malheureusement aggraver cette situation
04:05 de manque de médecins-traitants.
04:07 - Et alors est-ce que donner peut-être des nouvelles compétences aux professions paramédicales,
04:11 aux kinés, aux infirmières, il y a une nouvelle loi qui prévoit ça, la Loiriste récemment,
04:16 j'imagine que vous n'êtes pas tellement compte, ça va aussi enlever des prérogatives
04:19 aux médecins généralistes, Yannick Fraiset ?
04:21 - La Loiriste, la problématique c'est qu'elle est tombée un peu du chapeau
04:25 et qu'initialement avant qu'elle soit modifiée, elle mettait en avant
04:31 les professions paramédicales sans aucune coordination, information
04:35 et protocolisation avec les médecins.
04:37 C'était ça la grosse problématique que nous avons mise en avant.
04:41 Si effectivement l'organisation territoriale entre les différents partenaires
04:46 paramédicaux, infirmiers, médecins, kinés, sages-femmes et autres se met en place
04:51 et que chacun a un système d'information commun pour avoir un retour
04:54 pour une bonne prise en charge de patients, cette coordination il faut la développer.
04:58 Si elle est isolée et que le kiné a un accès direct sans en faire un retour
05:02 à qui que ce soit, la sage-femme pareil, l'infirmier pareil, ça ne pourra jamais marcher
05:07 et le patient là c'est une vraie perte de chance puisque certains pourront voir le médecin
05:11 pour des problèmes alors que pour les mêmes problèmes d'autres ne pourront consulter
05:14 "sans cette préjoratif" que l'infirmière, que la sage-femme, que le kiné
05:19 et ça peut poser des différences de prise en charge.
05:21 Donc il faut réorganiser tout le système de santé dans la Loire, c'est ce que vous nous dites
05:25 en tout cas Yannick Fraiset, merci beaucoup d'avoir été avec nous ce matin.
05:28 Je rappelle que vous êtes médecin généraliste à Rives-de-Gillet
05:31 et le président dans la Loire de la Confédération des syndicats médicaux français.
05:34 Bonne journée à vous !
05:35 Merci !

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