• il y a 2 ans
Changer le regard sur le handicap et transmettre un message fort en faveur de l’inclusion, c’est l’ambition de "Différent.e.s". Pour l’incarner, qui mieux que Salim Ejnaïni : cavalier de Jumping, sportif, conférencier, entrepreneur… et non-voyant ? Comment vit-on avec une "différence", comment apprend-on à s'accepter soi et à accepter le regard de l'autre ? Parcours cabossés, destins contrariés et incroyables leçons de vie : Salim Ejnaïni recueille les témoignages de nos invités extra-ordinaires. Des histoires fortes et inspirantes autour de la résilience et du vivre-ensemble…Sébastien Peytavie est le premier politicien en fauteuil roulant à siéger sur les bancs de l’Hémicycle. Pour Yahoo, l’élu de Dordogne a accepté de revenir sur sa situation, faisant part de ses nombreux combats pour faire évoluer le quotidien des personnes handicapées.Pour rappel, si vous avez des difficultés à vous déplacer à cause de votre handicap, vous pouvez bénéficier d’une aide aux déplacements. Cette aide peut prendre en charge des équipements adaptés à installer sur un véhicule individuel, l’aménagement de véhicule d’un tiers accompagnant, taxi, transport adapté. Elle peut également financer des indemnités kilométriques pour un aidant (sur la base du barème fiscal classique). Toutefois, l’aide ne peut pas être utilisée pour l’achat de moyens de déplacement personnels (véhicule, vélo, scooter).

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00 J'avais, tout enfant, à l'âge de 3 ans, une communication intraventriculaire,
00:04 ce qu'on appelait la maladie bleu,
00:06 et donc après une lourde opération du cœur, en post-opératoire,
00:09 un caillot s'est formé, le sang ne circulait plus sur le bas du corps,
00:13 et donc moi l'épinière...
00:15 [musique]
00:18 Bonjour à toutes, bonjour à tous, et bienvenue dans "Différents".
00:21 Aujourd'hui, j'ai le très grand plaisir de recevoir Sébastien Peitavi.
00:25 Bonjour Sébastien.
00:26 Bonjour.
00:27 Vous avez été présenté comme le premier député en fauteuil roulant,
00:31 donc de la Vème République.
00:33 J'ai été assez surpris, pour être honnête,
00:36 de me dire que cette première n'arrivait que maintenant, en 2023.
00:40 Quel est, peut-être pour commencer, votre ressenti là-dessus ?
00:43 Effectivement, c'était...
00:44 Enfin, je ne m'étais absolument pas posé la question lors de la campagne,
00:48 et quand j'étais candidat,
00:50 et arrivé dans la cour du Palais Bourbon,
00:53 la première journée d'inscription,
00:57 je crois qu'il y avait une vingtaine de journalistes qui étaient autour de moi,
01:00 et qui étaient là, "Vous êtes député,
01:02 mais est-ce qu'il y a déjà eu un député en fauteuil roulant ?"
01:05 Et donc, j'ai découvert à ce moment-là qu'effectivement, il n'y en avait pas eu.
01:11 Et alors, il y a eu, je ne sais plus si c'était,
01:14 c'était peut-être le 3ème République, enfin quelqu'un qui était en chaise-porteur.
01:17 Effectivement, c'était beaucoup plus simple avec la chaise-porteur.
01:19 Oui, c'est peu transposable aujourd'hui.
01:21 Ça serait sympa, folklore.
01:23 Mais quand les huissiers m'ont dit ça, j'ai dit "Ah bon, on peut faire ça encore ?"
01:27 Mais voilà.
01:28 Ils vous ont dit quoi ? Ils ont dit non ?
01:30 Ils ont souri, je pense qu'ils ne s'attendaient pas à cette question-là,
01:34 et je crois qu'ils ne se sont pas imaginés en train de te faire devoir.
01:37 On en sourit, mais c'est vrai qu'il y a eu des adaptations nécessairement à faire,
01:42 dont vous avez parlé un peu en long, large, en travers.
01:46 J'ai un peu souri, parce que vous parlez d'un plan incliné,
01:48 je crois qu'il débouche sur un mur,
01:50 mais ça s'arrêterait assez vite en cas de…
01:52 Oui, voilà.
01:53 Voilà qui a été adouci, il y a un virage maintenant qui est vite…
01:57 Mais en fait, il n'était absolument pas prévu pour les fauteuils roulants,
02:00 c'était prévu pour les chariots, pour le courrier notamment.
02:04 Donc voilà, ce n'était pas un usage d'accessibilité pour personne en fauteuil.
02:11 Donc là, avec un virage et donc une ponte plus douce,
02:15 ça permet de ne pas se prendre le mur.
02:18 J'avais l'image moi des dessins animés, des textes animés avec un trou dans le mur.
02:24 Vous siégez donc dans l'hémicycle,
02:28 non pas au sein des cadrans classiques, mais vous êtes,
02:33 vous allez nous dire d'ailleurs, vous-même, où est-ce que vous êtes placé ?
02:36 Au premier rang, à côté des ministres.
02:38 Le premier symbole est d'avoir accès dans l'hémicycle
02:44 et d'avoir un emplacement vraiment dans les bancs de l'hémicycle,
02:47 pour une personne en situation de handicap.
02:50 Parce que la loi de 2005 a été votée à cet endroit-là.
02:54 Et cette institution n'a pas pu s'appliquer finalement,
02:59 cette loi et cette réglementation.
03:02 Donc le symbole est important,
03:06 parce que c'est vrai que autour du handicap,
03:09 une des seules valorisations qu'il y a dans notre société,
03:13 c'est souvent à travers le sport.
03:14 Et c'est vrai que dans l'imaginaire de se dire,
03:16 quand on est en fauteuil, qu'est-ce qu'on peut faire ?
03:18 Il n'y a pas beaucoup d'exemples de situations qui sont mis en avant.
03:21 Et puis je crois que là, de se dire, on peut faire de la politique,
03:24 on peut être député, et avec le symbole qu'il y a derrière,
03:26 je crois que c'est un message qui est très fort.
03:29 Et de se dire qu'à l'Assemblée nationale, dans l'hémicycle,
03:33 il y a une place prévue, c'est une très bonne chose.
03:36 Le problème, c'est qu'il n'y en a qu'une.
03:38 Et ce serait génial que lors de la prochaine mandature,
03:40 on soit trois, quatre en fauteuil roulant,
03:42 et ça va nécessiter des travaux beaucoup plus importants.
03:45 Mais quand on voit le pourcentage de personnes en situation de handicap
03:50 dans la population, le fait d'avoir,
03:52 parce qu'on est trois en situation de handicap à l'Assemblée,
03:55 ce n'est pas représentatif finalement.
03:57 Bien sûr.
03:58 Quelle est la pathologie qui a causé votre handicap ?
04:01 J'avais, tout enfant, à l'âge de trois ans,
04:04 une communication intraventriculaire, ce qu'on appelait la maladie bleue.
04:08 Et donc après une lourde opération du cœur,
04:10 donc opération à cœur ouvert à l'âge de trois ans,
04:12 donc c'est quelque chose d'assez conséquent avec 18 heures d'opération.
04:15 Et donc en post-opératoire, un CAIO s'est formé,
04:19 donc le sang ne circule plus sur le bas du corps,
04:22 et donc moi, l'épinière, Hs le temps, qui réopère.
04:25 Avec, on va dire, quelques heures après déjà une très lourde opération,
04:29 donc il y avait, on va dire, le pronostic vital.
04:32 Péril.
04:33 Voilà, ils ne savaient pas trop ce qu'il y allait en être.
04:36 Donc voilà.
04:38 La rencontre avec le handicap s'est faite, on va dire, très jeune.
04:41 Oui.
04:42 Ce qui fait que les…
04:44 Je grandis avec.
04:46 Avec, mais pas malgré.
04:48 C'est-à-dire que les…
04:52 Bon, j'ai eu la chance d'avoir des parents qui sont arrivés à composer avec.
04:58 Après, en étant en milieu rural,
05:02 bon, il y a peut-être plein de choses.
05:04 Alors peut-être qu'il y a des choses qui sont plus simples,
05:07 parce qu'il n'y a pas toutes les difficultés en ville, par exemple,
05:11 du trottoir, de l'escalier, de toutes ces choses-là.
05:14 Mais en même temps, il y a beaucoup moins de services, d'aides.
05:17 Il n'y avait pas les MDPH.
05:19 Il n'y avait pas de SH, il n'y avait pas tous ces dispositifs, en fait, quand j'étais gamin.
05:23 Donc l'école primaire dans un tout petit village de 300 habitants,
05:26 bon, ce sont les parents d'élèves qui, voilà, ils ont acheté du béton,
05:32 ils ont construit une rampe, et puis il y a quelque chose qui s'est fait comme ça.
05:36 Et après, pour les collèges-lycées, je ne suis pas allé dans les collèges-lycées les plus proches,
05:42 parce qu'ils n'étaient pas adaptés, mais dans d'autres établissements
05:45 qui n'étaient pas forcément plus adaptés.
05:47 Mais avec la volonté des enseignants et puis des proviseurs, en fait, de pouvoir accueillir.
05:55 C'est-à-dire qu'il y a des endroits où il n'y avait pas d'ascenseur,
05:58 mais il y avait la volonté de bloquer les classes.
06:01 Au lieu que ce soit un prof, une classe, c'était moi qui étais dans une classe,
06:05 et puis les profs qui changeaient de classe.
06:07 Il y a des choses, en fait, qui ne sont pas très compliquées.
06:09 On n'est pas obligé d'investir forcément dans un ascenseur qui coûte je ne sais combien.
06:13 Et avec toute la question de la maintenance derrière,
06:15 il y a des choses, en fait, qui peuvent se réfléchir et se faire.
06:17 Donc ça a pu se faire, j'allais dire, avec une certaine facilité,
06:22 même s'il n'y en a pas forcément, mais qui a pu…
06:25 Ce qui fait que moi, à chaque fois que je suis parti dans un endroit,
06:28 jamais je me suis posé la question de si c'était accessible ou pas.
06:31 J'y vais.
06:33 Et après, s'il y a juste une marche,
06:36 alors bon, en étant un peu sportif, il y a un truc, je peux arriver à le monter ou le descendre.
06:41 Après, s'il y a quelqu'un à côté, de pouvoir demander une aide pour pouvoir le faire et tout ça.
06:46 Et donc les choses ont pu se faire.
06:47 Après, moi, c'est le cas parce que mon fauteuil est très étroit, très léger.
06:53 Et il est évident que si on a un fauteuil électrique qui pèse 90 kilos,
06:57 on n'est pas du tout dans la même configuration.
07:01 Mais c'est vrai que ça a permis quelque chose comme ça,
07:03 qui fait qu'il n'y a pas eu de frein pour moi.
07:07 Et quand je suis parti en voyage ou des choses comme ça,
07:10 jamais je n'ai réfléchi avant de ce qui pouvait en être.
07:13 Alors, on compose au fur et à mesure.
07:16 Il y a la question peut-être de ce qui pourrait être des frustrations,
07:21 mais qui, pour moi, n'ont jamais été vécues comme ça.
07:25 Quand j'arrive dans un endroit, je me rappelle d'un voyage en Turquie, à Istanbul,
07:30 où j'étais parti en voiture, j'avais traversé toute l'Europe de l'Est pour arriver là-bas.
07:34 Et donc, quand on se retrouve devant les remparts et avec les marches,
07:37 et puis il n'y a pas de… voilà.
07:38 Bon, mais je n'ai pas pu monter sur les marches et puis de voir Istanbul dans haut des remparts.
07:44 Mais il y a des touristes français qui descendaient des remparts
07:49 et qui ont mangé ensemble, qui m'ont montré les photos qu'ils avaient prises, on a échangé.
07:53 En fait, il y a quelque chose qui se passe un petit peu différemment.
07:55 Alors oui, je n'ai pas vu, mais il y a une rencontre humaine qui a pu se faire comme ça.
07:59 Et qui ne se serait pas faite autrement.
08:00 Et qui ne se serait pas faite autrement.
08:01 Donc, je crois qu'il y a quelque chose là-dedans.
08:03 Alors oui, il ne peut pas y avoir ça.
08:04 Oui, il peut y avoir la frustration de ça.
08:05 Mais il y a quelque chose d'autre qui peut se faire et qui a été riche.
08:09 Et puis finalement, l'image qu'il y a des remparts ne serait peut-être pas restée,
08:13 mais la rencontre qu'il y a eu à ce moment-là, elle reste.
08:16 Donc, je crois qu'il y a des choses comme ça qui se sont faites.
08:20 Alors, je ne sais pas si c'est une bonne chose ou pas.
08:23 Mais en tout cas, moi, c'est comme ça que dans mon rapport à ce qui ne peut pas se faire,
08:27 il y a toujours la manière de composer avec ça.
08:30 Et qui fait que l'on peut y trouver son compte.
08:32 Parce que l'objectif est là.
08:34 Vous avez été élu en juin 2022.
08:37 Qu'est-ce qui s'est passé juste après ?
08:39 Je me suis blessé pendant la campagne.
08:41 Et donc, j'ai eu une infection avec mon staphycologue adoré,
08:48 comme il s'est fait rebaptiser puisqu'il a décidé de ne pas me lâcher depuis de nombreuses années.
08:55 Le myelicotochomial qui s'attrape pendant les soins à l'hôpital.
08:58 Oui, que j'ai attrapé quand j'étais adolescent après une grosse opération.
09:01 Donc, ce qui a conduit, on va dire, entre un mois et demi de campagne
09:07 avec un moment très particulier, avec une victoire qui était loin d'être acquise.
09:14 Le fait d'avoir une liste d'union de la gauche et des écologistes avec la NUPES
09:19 a facilité les choses et a donné un élan et une force importante.
09:25 Et donc, de se retrouver de ce temps-là, de la victoire et le fouri qui pouvait y avoir là-dedans,
09:31 à une semaine après, 40 et quelques de température, aux urgences pendant 48 heures.
09:36 Là, on a affaire à l'état de l'hôpital et du système hospitalier en France aujourd'hui,
09:41 avec le manque de médecins, d'infirmiers.
09:46 Et de se retrouver après, pendant sept mois, alité.
09:49 Il y a une frustration importante dans la responsabilité que l'on peut avoir une fois qu'on est élu.
09:56 Et puis après, il y a la question personnelle de comment on passe d'être en mouvement
10:02 et avec une certaine indépendance, à tout d'un coup, on est bloqué.
10:06 Puis avec la question de l'incertitude, on ne sait jamais quel impact ça va avoir,
10:12 combien de temps ça va durer.
10:15 Après, j'ai dû avoir une opération, donc on m'a enlevé la tête du fémur.
10:18 Donc après, il y avait toute l'interrogation de comment ça va se passer
10:22 une fois que je vais pouvoir revenir sur le fauteuil,
10:24 quel déséquilibre ça va emmener sur la cicatrisation, sur est-ce que ça va tenir par la suite.
10:28 Il y a tous ces éléments-là.
10:29 Je parlais de la question de la vulnérabilité ou de la fragilité que l'on peut avoir.
10:32 Et c'est vrai que ça nous rappelle à ça.
10:35 Et donc, à partir de fin janvier, j'ai pu et revenir sur mon fauteuil, et venir à Paris.
10:41 C'était une bonne chose, avec quelque chose qui était assez…
10:45 Parce que quand on a passé sept mois coincés dans un lit, sans mouvement,
10:48 alors physiquement, au niveau de l'endurance, il faut arriver à reprendre.
10:52 Quand on se retrouve à croiser pas plus de cinq personnes dans une journée,
10:57 avec plus de 600 personnes dans l'hémicycle, le bruit, la concentration…
11:03 Alors, ça faisait un choc assez important.
11:06 Et puis, il fallait que je reprenne progressivement le fauteuil.
11:08 Donc, toutes les trois heures, il fallait que j'aille m'allonger.
11:11 Donc, il fallait arriver à composer à quel moment j'avais pas d'amendement à défendre.
11:16 Donc là, je pouvais partir dans mon bureau, sur le canapé, pour m'allonger, pour revenir après.
11:20 Donc voilà, il y avait une petite gymnastique à faire de ce côté-là, mais voilà, on compose.
11:25 On parle, habituellement, d'à peu près 12 millions de personnes en France en situation de handicap,
11:30 sans compter, bien évidemment, les aidants. Là, on arrive à à peu près à doubler de chiffres.
11:34 Le handicap a une vraie place en France.
11:36 Qu'est-ce qui manque aujourd'hui pour que la représentativité se fasse au sein de l'hémicycle ?
11:42 C'est une question, je pense, une bataille culturelle.
11:46 Elle n'est pas tellement sur la question de l'hémicycle.
11:51 Il y a la question de l'inclusion, la question de l'accessibilité, la question de la mobilité.
11:56 Enfin là, on peut dérouler d'un premier temps de l'école et de l'accès à l'école.
12:02 Quand on voit le nombre d'enfants qui n'ont que 10 heures d'AESH,
12:06 qui n'ont que 10 heures de temps de scolarité par semaine,
12:10 bon, c'est quelque chose qui n'est absolument pas à la hauteur.
12:13 Des efforts ont été faits, mais il y a tellement de personnes qui restent en dehors ou avec des aides insuffisantes.
12:20 On ne peut pas être satisfait de cette situation.
12:23 Et quand il y a déjà du retard à cet endroit-là, forcément, l'entrée dans la vie active,
12:29 dans sa vie de citoyen, par la suite, en fait, est très compliquée.
12:33 C'est ce que j'évoquais tout à l'heure, à travers le sport.
12:36 Quand on se retrouve avec un corps qui peut être abîmé, diminué ou je ne sais quoi, finalement,
12:43 il y a toujours quelque chose du côté de la performance, en fait, qui vient comme si ça venait compensé.
12:48 Et ce qui m'avait marqué, c'était la pub pour les Jeux olympiques de Londres.
12:53 J'allais en parler, justement.
12:54 Avec la question des surhommes.
12:57 Et là, il y a quelque chose de terrible.
13:00 On ne peut pas arriver à composer avec cette particularité,
13:03 mais il faudrait qu'il y ait quelque chose qui soit du côté du sur,
13:06 là où il y aurait quelque chose, si on compare, on va dire, qui pourrait être du côté du moins.
13:11 Et donc, il y a quelque chose là-dedans qui pose question.
13:14 Et je crois que c'est surtout un débat, une bataille culturelle de qu'est-ce que l'on fait
13:20 dans une société qui a mis comme mythe la question de la performance.
13:26 Et je pense que la bataille est amenée aussi de ce côté-là.
13:31 Et de se dire, oui, on peut se retrouver avec une situation de vulnérabilité ou de fragilité.
13:38 Et ce n'est pas pour autant que l'on est faible.
13:39 Alors, on peut avoir besoin d'autres personnes,
13:42 mais ce n'est pas parce qu'on a besoin d'autres personnes qu'on est dépendant
13:45 et qu'on est diminué par rapport à ces personnes-là.
13:47 Mais ça peut emmener tout un autre rapport de travail, de soutien, d'aide, de solidarité.
13:53 Je crois que là, il y a un autre chemin qui se dessine.
13:56 Oui, tout à fait. Il y a beaucoup de choses, notamment sur l'accueil des chienguis,
14:02 l'accès au transport pour les personnes en fauteuil roulant, etc.
14:05 On parle quasiment de ce qui va de soi en termes de charité sur toutes ces questions-là,
14:10 que ça ne devrait pas être refusé, qu'on ne devrait pas avoir ces problèmes-là.
14:13 À quel moment est-ce que, d'après vous, il faut commencer à considérer que ça a fait son temps
14:18 et que maintenant tout le monde est au courant et que c'est le moment d'agir ?
14:23 La question de là-dedans, elle est très simple. C'est une question politique.
14:26 C'est une question de choix politique.
14:28 Et qui dit choix politique dit les moyens financiers qu'il faut mettre derrière.
14:31 Et sur la question de la mobilité, par exemple, si on veut rendre les transports en commun
14:35 et le métro parisien accessibles, il faut tant de milliards.
14:38 Et après, si on met ça entre le nombre de milliards et le ratio de personnes en situation de handicap
14:44 qui vont l'utiliser, on voit que là-dedans, de suite, il y a quelque chose de…
14:48 Alors après, est-ce que c'est concevable de se dire, parce que ça coûte cher, on ne le fait pas ?
14:52 Donc on voit que là, il y a quelque chose qui met un petit bug dans la matrice, on va dire.
14:56 Mais on voit tous les reports qu'il y a pu y avoir, parce que la loi de 2005 était très claire.
15:03 Il y avait 10 ans. Et puis toutes les dérogations arrivent, et notamment sur la question de la mobilité,
15:08 là où il y a énormément d'argent à mettre.
15:11 On voit qu'il y a une question.
15:13 Maintenant, je crois qu'entre l'ambition première qui était assez haute,
15:18 toutes les dérogations parce que les choses étaient compliquées,
15:22 en fait, il n'y a pas un entre-deux qui a pu se penser.
15:25 Et je crois qu'on a un souci aussi au niveau de l'imagination, de l'imaginaire.
15:30 Je trouve que sur la question du handicap, moi, je suis toujours frappé au niveau des architectes.
15:37 Alors ils se retrouvent avec des réglementations,
15:39 de « il faut des portes à tel endroit, il faut qu'il y ait l'interrupteur qui soit à tel moteur »,
15:43 il y a tout ce truc-là.
15:44 En fait, quand on regarde une chambre d'hôtel PMR, c'est moche.
15:49 Bien sûr.
15:50 C'est pratique.
15:51 Bien sûr.
15:52 Mais c'est souvent très médicalisé.
15:54 Et partout où on va, il y a quand même quelque chose qui est pratique, utile, mais médicale.
15:59 Et on ne peut pas se permettre d'avoir quelque chose du beau de ce côté-là.
16:03 Quand il y a une rampe pour un fauteuil roulant,
16:06 c'est assez difficile d'imaginer quelque chose qui pourrait être original, esthétique.
16:11 En fait, c'est très rare.
16:13 Et on réussit le jour où l'architecte, quand une maison va être construite,
16:17 il y aura quelque chose de beau en plus d'être pratique.
16:20 Et je pense que là, ce sera gagné.
16:21 Parce que ce sera intégré, et dans les personnes qui ne sont pas en situation de handicap,
16:25 parce qu'aujourd'hui, ce qu'ils vont être sensibilisés parce qu'ils ont un proche qui est concerné,
16:32 parce qu'ils l'ont vécu, là, de suite, ça emmène cette question-là.
16:36 Il y a 20 ans, on se retrouvait avec beaucoup de personnes,
16:38 parce qu'il y avait très peu de personnes en situation de handicap finalement,
16:40 qui étaient en extérieur, qui pouvaient se promener.
16:43 Donc il y a beaucoup de personnes.
16:44 Enfin, moi, je vois dans le regard, le regard a énormément changé.
16:47 Oui.
16:48 Le nombre de personnes qui, parce qu'il n'avait jamais vu de personnes en situation de handicap,
16:52 bon, écartillait les yeux les gamins qui étaient « Oh, t'as vu ? Qu'est-ce qu'il a ?
16:55 Lui, il est en fauteuil, et pourquoi il a ça ? Ah tiens, il a les jambes plus petites, pourquoi il est comme ça ? »
16:59 Enfin, il y avait beaucoup de questions comme ça.
17:01 Aujourd'hui, c'est quasiment plus le cas.
17:04 Donc on voit qu'il y a quelque chose dans le fait de pouvoir repérer, accueillir le handicap.
17:10 Il y a quelque chose qui est beaucoup moins dérangeant.
17:13 Mais l'étape d'après, en fait, comment osez-vous ?
17:17 Il y a des choses, quand on se balade par exemple avec un fauteuil,
17:20 tous les trottoirs qui ne sont pas accessibles, le manque de bateaux,
17:22 il y a énormément de choses là-dedans qui ne sont pas mises en place.
17:25 Et quand il y a des gens, quand ils se retrouvent avec une poussette,
17:27 « Ah ben, je sais ce que c'est, parce que j'ai pu voir les poubelles sur les trottoirs,
17:31 il n'y a pas de place, il faut redescendre sur la route, il n'y a pas un bateau, il n'y a pas ça, il n'y a pas ça. »
17:35 Et donc, il y a beaucoup de personnes qui se retrouvent là-dedans
17:37 ou parce qu'ils se sont cassé une jambe, qu'ils se retrouvent avec des bébés ou quoi que ce soit,
17:41 qui là, ils se disent « Ah, là, j'ai pris la mesure 2. »
17:43 C'est-à-dire que moi, sur la question de la mobilité par exemple,
17:45 on a les Jeux Olympiques et Paralympiques à Paris.
17:49 On a une ville qui n'est pas accessible au niveau de la mobilité, ni au niveau de l'hébergement.
17:55 Au-delà de l'événement exceptionnel, il y a quel héritage on va laisser à Paris après les Jeux Olympiques ?
18:03 Et je crois que c'est quand même l'occasion, quand on va accueillir je ne sais combien d'athlètes handisport
18:10 et dans le public, de personnes en situation de handicap, c'est l'occasion de pouvoir passer un cap véritable.
18:17 Moi, je suis très déçu que l'État ait mis tant d'argent au niveau de la mobilité
18:24 pour pouvoir rendre les flottes privées de taxis accessibles,
18:29 mais n'ait pas pu mettre cet argent-là dans un transport public.
18:32 On va se retrouver avec plein de taxis G7 qui vont être adaptés,
18:36 mais le coût d'un transport en taxi n'est pas celui d'un ticket de métro.
18:41 Même s'il y a des aides par la suite, il est évident que soit les chauffeurs de taxi vont être remboursés
18:50 pas mal de temps après et donc s'ils se retrouvent avec une personne en situation de handicap qui les appelle ou invalide,
18:55 ils vont décliner.
18:57 Donc ils auront un véhicule adapté, mais est-ce qu'ils vont jouer le jeu à chaque fois ? Pas forcément.
19:02 Est-ce qu'ils auront tous eu la formation pour pouvoir accueillir une personne en situation de handicap ?
19:07 Et bien ce n'est pas dit.
19:09 On se retrouve avec plein de questions.
19:11 On met beaucoup d'argent public là-dedans, mais sans la garantie par la suite
19:16 que ce soit véritablement un gain pour toutes les personnes en situation de handicap
19:20 qui vont venir à Paris et qui pourront l'utiliser.
19:22 Là-dessus, il y a un souci.
19:24 On se retrouve avec tous les vélos en location, les vélibs, les trottinettes,
19:31 il y a beaucoup de choses qui existent.
19:33 Mais si on est en situation de handicap, il n'y a pas une offre similaire.
19:38 Il y a des systèmes qui s'accrochent sur les fauteuils roulants,
19:41 de systèmes électriques qui peuvent s'accrocher d'une cinquième roue
19:47 que l'on peut ajouter au fauteuil,
19:50 ou des systèmes où on peut pédaler également, des sortes de handbikes qu'on rajoute sur son fauteuil.
19:54 Je pense pour les malvoyants au tandem.
19:57 Sauf que quand vous êtes en situation de handicap,
20:00 si vous partez à un endroit, de trimballer votre matériel,
20:03 à moins d'avoir un véhicule très grand.
20:07 Si vous prenez le train, comment vous pouvez rentrer dans le train avec tout votre matériel ?
20:10 Ça implique beaucoup de choses.
20:13 Je crois que là-dedans, si toutes les collectivités locales avaient à disposition du matériel,
20:19 on le réserve, on laisse un chèque de caution.
20:22 Là, il y a quelque chose à réfléchir.
20:25 Je crois que pour les Jeux Olympiques, il pourrait y avoir à Paris la possibilité d'investir dans ce matériel-là,
20:31 et qu'il pourrait pour le coup rester après les Jeux Olympiques,
20:35 et qu'il gagnerait un tandem pas possible.
20:37 Vous voyez, ça ne coûte pas si cher que ça.
20:39 Et pour le coup, ça coûte moins cher que de transformer le métro, par exemple, à Paris.
20:45 Alors, ça ne veut pas dire qu'il faut faire ça à la place d'eux,
20:47 mais en complément, et pour beaucoup de personnes, ça peut être une solution.
20:50 Alors, effectivement, la question financière est importante.
20:54 Et elle est facile à comprendre.
20:56 Maintenant, il y a le cas de figure aussi, où la solution ne coûte rien, entre guillemets, ou presque rien.
21:02 Je parlais des refus de chiens guides, chiens d'assistance dans les magasins.
21:05 Quand on a des refus par manque d'information, ou sciemment, parfois c'est à dessein,
21:11 et qu'on n'arrive pas à obtenir soit de médiation, soit d'intervention des forces de l'ordre,
21:16 il s'agirait même de collecter une amende,
21:18 on voit que ça n'est pas non plus suffisamment appliqué.
21:21 J'ai tendance à me demander pourquoi.
21:22 J'ai eu beaucoup d'échos, notamment sur les chauffeurs de taxi,
21:25 qui refusent, mais il faut qu'ils justifient.
21:30 Et donc, il y en a beaucoup qui ont une ordonnance, où ils sont allergiques aux poils de chien.
21:34 Et il paraît que chez les chauffeurs de taxi, il y a quasiment 90% de personnes allergiques,
21:39 ce qui est énorme, en fait.
21:41 Je pense que toutes les personnes allergiques ont dû se former en chauffeur.
21:46 Au-delà de cette plaisanterie, il y a la question, assurément,
21:52 d'où il va y avoir des poils, il faut nettoyer derrière, il y a toute cette question-là.
21:56 Il y a l'impensée d'avoir une couverture, de le mettre,
21:59 et puis il y a quelque chose qui, encore une fois,
22:01 mais j'en reviens à cette question de l'imaginaire et de comment on vient à emmener ça.
22:04 Puis après, il y a des choses qui sont la règle,
22:06 et que, effectivement, des personnes malvoyantes ont droit à,
22:12 et qui, pour le coup, les personnes n'ont pas le droit d'interdire.
22:16 Je crois que là-dessus, effectivement, d'avoir une application stricte,
22:19 et puis certainement des amendes, et que ça puisse être fait,
22:22 c'est un moyen, en fait, de pouvoir emmener ça.
22:24 Il y a des choses qui ne peuvent pas se faire, parce qu'il y a des endroits,
22:27 je pense par exemple au restaurant de petite taille,
22:31 quand il faut faire un toilette accessible qui va prendre la moitié du restaurant,
22:35 il y a quelque chose qui n'est pas possible là-dedans.
22:38 Il y a certainement des choses, on va dire, à assouplir un petit peu,
22:41 là où ça ne peut pas se faire, et qu'il puisse y avoir des personnes
22:44 qui vont valider des dérogations, mais pas une dérogation de "on ne fait rien",
22:47 mais on trouve quelque chose d'intermédiaire,
22:49 qui permet peut-être à une plus grande partie de la population
22:52 de pouvoir y avoir accès.
22:53 Il y a la question de la formation, qui est un sujet essentiel,
22:56 et aujourd'hui on a un manque considérable de ce côté-là,
22:59 quand on voit que les médecins ne sont pas formés sur le handicap,
23:02 en très peu de choses.
23:04 Comment on peut imaginer vouloir aller sur une société de l'inclusion
23:09 si le médecin généraliste n'a pas une formation
23:13 et ne peut pas accueillir avec toutes les spécificités qu'il y a là-dedans ?
23:16 Ce n'est pas sérieux, en fait, et quand on voit pour l'éducation nationale,
23:19 les enseignants n'ont pas de formation, sont souvent dépourvus,
23:23 donc il faut qu'il y ait une AESH.
23:25 AESH qui n'a pas de formation, ou juste deux, trois jours de formation.
23:28 Il y a quelque chose là-dedans qui…
23:30 Alors on met des moyens humains, pas suffisamment,
23:33 avec pour les AESH un statut qui est très précaire,
23:37 il n'y a pas de formation, le salaire pose question,
23:40 puisque ce n'est pas un temps plein.
23:42 On met des moyens humains pas suffisants,
23:44 mais on n'y met pas un statut sur cette profession,
23:48 on n'y met pas la formation nécessaire, on n'y met pas le salaire nécessaire.
23:51 Donc à partir de là, il y a quand même quelque chose,
23:53 on a l'impression qu'on ne prend pas ça au sérieux.
23:55 Il y a quelque chose qui n'est pas reconnaissant pour ces personnes-là,
23:58 qui n'est pas reconnaissant pour la personne et l'enfant en situation de handicap,
24:02 qui n'est pas reconnaissant pour l'institution scolaire.
24:05 Il y a des choses qui sont mises, mais sans que ce soit totalement valorisé,
24:08 et qui permettent un véritable statut, de se dire "c'est chouette".
24:11 Et puis, ça serait bien qu'il puisse y avoir des gamins,
24:13 quand ils voient une AESH dans la classe,
24:16 s'occuper d'un enfant, d'un camarade, de se dire
24:18 "moi j'ai envie de faire ça plus tard".
24:20 Moi je suis toujours scotché, quand on va dans une salle de spectacle,
24:24 il y a les places dans le public pour les personnes handicapées,
24:29 mais l'accès à la scène, ne l'est pas.
24:33 Donc on ne peut pas imaginer qu'il puisse y avoir un intervenant,
24:36 un acteur, un danseur, qui est en fauteuil roulant.
24:38 Ce n'est pas pensé.
24:40 Donc là, on voit qu'il y a quelque chose.
24:42 Vous pouvez, pour vous distraire un petit peu,
24:45 vous, personne en situation de handicap,
24:47 vous pouvez aller au théâtre, mais vous ne pouvez pas aller sur scène.
24:50 Et il y a quelque chose là-dedans, en fait, encore une fois,
24:53 on peut y aller, et je suis content de pouvoir y assister,
24:56 mais je ne peux pas être un acteur.
24:58 Et je crois que là-dedans, il y a un point de bascule,
25:00 j'en reviens à cette histoire de l'imaginaire,
25:02 mais je crois que c'est là-dessus qu'il y a quelque chose qui est important.
25:05 Et pour le coup, pour revenir à la question de l'hémicycle,
25:07 l'Assemblée, toutes les personnes en situation de handicap
25:10 qui venaient visiter l'Assemblée,
25:12 tout était adapté pour, mais pas l'hémicycle,
25:15 pour une personne qui peut être députée.
25:19 Donc c'est là qu'il y a quelque chose qui, effectivement,
25:22 de ce point de bascule, et puis d'ouvrir le champ des possibles,
25:25 parce que je crois que c'est de ce côté-là.
25:27 Et puis une fois que ça a commencé,
25:29 ça peut permettre à plein d'autres de le faire.
25:32 Encore merci pour votre témoignage aujourd'hui,
25:35 et on vous souhaite de remporter mille fois
25:38 cette bataille culturelle de tant de manières aujourd'hui.
25:41 Merci beaucoup.
25:42 Merci à vous.
25:43 [BIP]
25:45 Merci.
25:46 [SILENCE]

Recommandations