SMART JOB - Tips du lundi 15 mai 2023

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Lundi 15 mai 2023, SMART JOB reçoit Étienne Pujol (Avocat en droit social)
Transcript
00:00 [Musique]
00:04 Smart et Réglo, le droit, rien que le droit, avec Étienne Pujol.
00:07 Ravi de vous retrouver Étienne, avocat en droit social au cabinet Berry Law.
00:12 Le point est un point très complet parce que c'est très encadré sur les ruptures conventionnelles.
00:18 D'abord, pourquoi avoir souhaité faire un point ? Parce que les avocats suivent de très près l'évolution du droit.
00:22 Et il y a une actualité sur ce sujet ?
00:24 Oui, oui, oui, qui est passée un peu inaperçue parce qu'elle rentre en vigueur en septembre prochain.
00:28 Mais dans le cadre de la loi sur les retraites, dont on a beaucoup parlé sur beaucoup d'aspects,
00:32 il y a un aspect qui est un peu passé sous les radars qui est le fait que le paiement par l'employeur d'une taxe spécifique sur la rupture conventionnelle,
00:42 ce forfait-là passe de 20 à 30 %, donc un renchérissement pour les employeurs du coût de la rupture conventionnelle.
00:48 Donc je pensais que c'était important aussi de rappeler les règles de base sur la rupture conventionnelle.
00:52 Mais à compter du 1er septembre, ce coût va être renchéri.
00:55 500 000 ruptures conventionnelles, c'est quelque chose de très important.
00:59 C'est une manière de contourner le droit qui existe au parlement, on est bien d'accord ?
01:03 Oui, parce qu'on en a parlé sur ce plateau au moment de la présomption de démission sur les abandons de poste.
01:10 Avec un article de l'Assemblée nationale.
01:12 Exactement, spécifique là-dessus, où on disait que c'est quand même scandaleux que les salariés qui prennent l'initiative de partir touchent quand même Pôle emploi.
01:19 Or la rupture conventionnelle, qui était quand même à l'initiative du patronat en 2008, mise en place par le gouvernement Fillon,
01:25 et c'est constaté par la Dares, l'institut de statistiques officielle du gouvernement,
01:31 correspond dans les trois quarts des cas à des initiatives des salariés.
01:34 C'est-à-dire c'est un contournement de la démission pour permettre aux collaborateurs qui passent de toucher Pôle emploi aussi.
01:39 Et ça, curieusement, pas grand monde en a parlé au moment de cette présomption de démission.
01:42 Statistiquement, c'est intéressant parce que vous avez tout à fait raison, il y a 500 000 ruptures conventionnelles à peu près par an,
01:48 ce qui est équivalent au nombre de démissions annuelles.
01:50 Donc si vous rajoutez 500 000 plus trois quarts de ruptures conventionnelles à l'initiative des salariés,
01:54 ça fait près quand même de 800 000 départs à l'initiative des collaborateurs chaque année.
01:59 Donc quand on parle de grande démission, effectivement, il y a un sujet là-dessus.
02:02 Et on l'entend souvent entre collaborateurs, t'as qu'à négocier ta rupture conventionnelle.
02:05 Les avocats l'entendent beaucoup.
02:07 Quand même, un mot juste sur l'actualité, mais on va revenir sur la procédure parce qu'elle n'est pas si simple.
02:13 Ça veut dire que l'idée, c'est que l'employeur réduise le nombre de ruptures conventionnelles en surenchérissant le coût pour l'entreprise.
02:22 Exactement. Et partant aussi du principe qu'il y avait quand même pas mal de ruptures conventionnelles
02:27 qui intervenaient avant que les collaborateurs n'ouvrent leur droit à pension de retraite.
02:31 En fait, la raison sous-jacente, et c'est pour ça que c'est dans la réforme des retraites,
02:35 c'est que corrélativement, on a allégé le coût des ruptures conventionnelles pour les salariés qui ont déjà leur droit à retraite.
02:42 Où l'ensemble de l'indemnisation dite de rupture conventionnelle est assujettie à charges sociales,
02:47 alors que pour les autres des salariés, il y a une franchise quelque part à hauteur de deux plafonds annuels de sécurité sociale.
02:52 Donc à peu près 85 000 euros. Et donc on a aligné le régime fiscal et social des salariés partant en rupture conventionnelle
02:58 alors qu'ils ont déjà leur droit à la retraite des autres. Et en contrepartie, on enchérit pour tout le monde le coût de la rupture conventionnelle.
03:05 Donc ça concerne notamment les seniors, puisque ça touche à ceux qui avaient plus de 55 ans ou 56 ans et qui signaient, qui dîlaient une rupture conventionnelle.
03:13 La procédure, parce que c'est pas si simple pour ceux qui sont passés dans les ruptures conventionnelles, c'est quoi ?
03:20 Il y a des délais, il y a des documents ?
03:21 Oui, il y a des délais, il y a des choses trapes. Donc il faut faire attention quand on est en entreprise,
03:24 puisque c'est généralement l'entreprise qui tient la plume, même si c'est souvent l'initiative du salarié, c'est l'entreprise qui tient la plume.
03:29 Alors le gouvernement a fait beaucoup d'efforts de simplification.
03:31 Maintenant, il y a une plateforme dédiée, on peut remplir le formulaire en ligne, on doit le soumettre en ligne à l'administration.
03:37 Donc il y a quand même des outils facilitateurs. Il n'en demeure pas moins que schématiquement, on négocie la rupture conventionnelle,
03:45 donc le montant et la date de fin de contrat avec le collaborateur.
03:49 Donc de gré à gré, on est d'accord.
03:50 On négocie de gré à gré.
03:51 Un salarié qui a 20 ans d'ancienneté fait une rupture conventionnelle, on va d'abord lui calculer ses droits légaux, on est d'accord.
03:57 Exactement. En fait, l'indemnité ne peut pas être inférieure à son indemnité de licenciement.
04:01 Donc on va calculer l'indemnité de licenciement et on va dire, voilà, l'indemnité à laquelle tu peux prétendre, c'est celle-là, on signe ou on ne signe pas.
04:07 Après, on peut négocier plus, il n'y a pas de plafond, on peut signer le double, triple, quintuple, n'importe quoi, mais le minimum, c'est celui-là.
04:14 Et en ce qui concerne les délais, il y a des délais incompressibles.
04:17 C'est-à-dire entre le moment où on parvient à un accord et on signe le formulaire administratif, le CERFA,
04:22 il y a d'abord une première période de 15 jours calendaire qui permet à chacune des deux parties, et souvent le collaborateur, de se retirer du formulaire.
04:31 Le temps de la réflexion.
04:32 Voilà, exactement. Finalement, on a mis le couteau sous la gorge pour signer. Je ne suis plus d'accord pour signer.
04:36 Ce qui arrive parfois, il faut le dire.
04:37 Ça arrive parfois et ça passe dans l'entreprise, dans le sale drap, parce qu'après, si c'est elle qui est à l'initiative de la rupture,
04:43 on se retrouve avec un collaborateur qu'il faut quand même faire partir et il faut trouver une bonne raison pour le faire partir,
04:47 alors qu'on était d'accord pour le faire à la mine.
04:49 Et là, ça fait monter les enchères.
04:50 Monter les enchères, exactement. Et une fois que ce délai de 15 jours est achevé, la partie la plus diligente, dit le texte, mais souvent c'est l'employeur,
04:56 soumet le formulaire à l'administration sur la plateforme dédiée. Et là, ça ouvre un second délai, qui est un délai de 15 jours ouvrables,
05:02 donc pas 15 jours calendaire, donc on exclut les dimanches et les jours fériés.
05:05 Et au mois de mai, ça peut rentrer en ligne de compte pour le calcul, d'où un autre chose drape, et avant que le contrat puisse être rompu.
05:12 Est-ce qu'on peut signer une rupture avec un salarié malade ? Tous ces cas de figure un peu particuliers.
05:19 Oui, on s'est beaucoup posé la question, il y a eu pas mal de contentsieux là-dessus, sur les femmes enceintes, les femmes qui viennent d'accoucher,
05:25 les salariés malades, en accident professionnel, etc. La réponse est oui. La seule question que se pose la juridiction, c'est est-ce que le consentement a été libre ou pas ?
05:32 C'est-à-dire qu'est-ce que l'employeur a abusé d'une relation de fragilité ou de faiblesse pour imposer le consentement du collaborateur ?
05:39 Mais techniquement, rien ne l'interdit.
05:41 Le régime fiscal est social, parce que la réalité, vous êtes avocat, et il arrive que vous accompagnez des entreprises, mais aussi des salariés,
05:47 qui vont vous dire "attendez, je veux bien que vous négociez pour moi", parce que souvent les avocats négocient de gré à gré, "bon c'est combien en mètres ?"
05:54 Oui, exactement, c'est toute la problématique. L'entreprise se demande comment ça va coûter en brut, chargé, donc avec les charges sociales,
06:00 et le collaborateur veut savoir quel chèque il va recevoir à la fin. Donc effectivement, c'est un régime un peu compliqué, mais grosso modo, ce qu'il faut savoir,
06:07 c'est qu'en dessous de ce qu'on appelle le plafond annuel de sécurité sociale, multiplié par deux, donc en ce moment c'est 86 000 euros,
06:14 en dessous de ce montant-là, il n'y a pas de charges sociales, il n'y a qu'une fraction qui est soumise à CSG et CRDS,
06:20 donc pour le salarié, ce n'est pas un prélèvement significatif. En revanche, l'employeur va donc supporter, jusqu'à présent, le forfait social,
06:29 et a compté le 1er septembre, ce qu'on appelle une contribution patronale de 30%. Donc le coût est supplémentaire.
06:35 Les fameux 30% pour être concret, c'est 30% sur la somme globale versée aux salariés ?
06:39 Oui.
06:40 Donc s'il lui verse 100 000 euros...
06:42 Non, c'est jusqu'à 85 000.
06:44 Donc sur la base de 85 000, il va verser en plus 30% sur la base de 85, ce qui fait 3 x 6, 18, 3 x 8, 24, 24 000 euros en plus.
06:51 Exactement. C'est pour ça que je vous dis le grand chérissement...
06:54 Mais qui n'est pas versé aux salariés, qui est versé en cotisation patronale.
06:56 Qui n'est pas versé aux salariés, qui est versé en cotisation patronale, exactement.
06:58 Alors il faut mettre ça en parallèle avec le coût des charges patronales sur du salaire qui est entre 40 et 45%, donc c'est quand même moins,
07:05 mais c'est quand même pour une indemnité de départ significatif, surtout qu'une indemnité de licenciement, elle, pour le coup,
07:10 elle ne supporte pas de forfait social, des contributions. Donc c'est un grand chérissement du coût.
07:13 L'impôt ou pas l'impôt ? Ça, on vous la pose tout le temps.
07:15 On la pose tout le temps. Pas d'impôt sur le revenu tant que l'indemnité est inférieure à 250 000 euros.
07:20 L'indemnité nette, globale, reçue par le salarié.
07:23 Mais quand on y compte les congés payés, l'ensemble des droits...
07:25 Alors ça, ça vient en plus, et ça pour le coup, c'est du salaire.
07:28 Donc ça, pour le coup, ça rentre, c'est en solde tout compte.
07:31 Donc ça, ça rentre dans l'assiette imposable du collaborateur.
07:34 L'indemnité elle-même, tant qu'elle est inférieure à 6 plafonds annuels de sécurité sociale, elle est exonérée d'impôt.
07:40 Qu'on soit clair avant de nous quitter, on parlait bien de l'indemnité.
07:43 On ne parle pas des droits légaux pour les congés payés accumulés pour l'année,
07:46 qui vont être multipliés à quelques droits supplémentaires et qui vont faire déjà une première enveloppe.
07:50 Et qui viendra s'additionner à cette somme.
07:52 À cette indemnité, exactement.
07:53 On parle aussi de préavis.
07:55 Souvent, les collaborateurs disent "mais alors, quoi de mon préavis ?"
07:57 Il faut savoir que dans la nomenclature conventionnelle, il n'y a pas de préavis.
08:00 Le délai de 5 semaines minimum, ça peut être plus.
08:02 On peut négocier une fin de contrat à 2, 3, 4 mois après la rupture.
08:06 Mais ce ne sera pas du préavis.
08:08 Un dernier mot, on signe des documents parfois qui permettent de verrouiller le salarié sur les secrets professionnels, sur...
08:14 Oui, très bonne question.
08:15 Effectivement, on peut rajouter, souvent les entreprises nous disent
08:18 "mais est-ce que je peux signer une transaction derrière pour être bien sûr qu'il ne viendra pas au prud'homme derrière ?"
08:22 Alors il faut savoir qu'on ne peut pas transiger sur la cause de la rupture
08:25 puisque ce point-là est soldé par la rupture conventionnelle, puisque c'est un accord amiable.
08:29 En revanche, on peut conclure une transaction sur d'autres éléments de la relation de travail,
08:33 typiquement des heures supplémentaires, du harcèlement moral, etc.
08:36 Mais sur le principe de la rupture, non, il est interdit de faire une transaction
08:39 qui vienne doubler quelque part la rupture conventionnelle.
08:41 Pour ne pas avoir le salarié au prud'homme, 6 mois plus tard, revendiquant cette fois-ci les droits des ventes de juridiction.
08:47 Merci, merci, c'était un vrai plaisir parce que c'est un sujet vraiment très très important, Etienne.
08:52 Et oui, 500 000 ruptures, c'est quand même une somme.
08:54 C'est pas rien. Est-ce que ce surenchérissement de la cotisation patronale va freiner ?
09:00 J'en suis pas sûr. Vous viendrez nous le dire peut-être dans...
09:03 On fera un bilan l'année prochaine.
09:04 Merci, merci Etienne Pujol, avocat en droit social, cabinet Bérilot.
09:07 C'est un vrai plaisir de vous accueillir. On fait une courte pause.
09:09 On s'intéresse à l'homophobie, c'est la journée internationale de l'homophobie dans quelques jours.
09:13 On va en parler avec nos invités.
09:15 Comment les choses se passent en entreprise ? Comment cela est vécu, le coming-out ?
09:19 Qu'est-ce qui est difficile ? Est-ce qu'on est bloqué dans sa carrière lorsqu'on dévoile ses orientations sexuelles ?
09:23 On en parle avec mes invités juste après la pause.
09:26 C'est le débat du Cercle RH.