"Pour moi, la compétitivité, la rivalité, la jalousie féminine n'éxistent pas."
Elle est à l’affiche de deux films cette année au Festival de Cannes : L’Amour et les forêts de Valérie Donzelli et Rien à perdre de Delphine Deloget. Virginie Efira et Augustin Trapenard, entre sourire et confession. #Cannes2023
Elle est à l’affiche de deux films cette année au Festival de Cannes : L’Amour et les forêts de Valérie Donzelli et Rien à perdre de Delphine Deloget. Virginie Efira et Augustin Trapenard, entre sourire et confession. #Cannes2023
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00:00 Salut, c'est Augustin, je suis avec Virginie Etira qui fait événement à Cannes
00:03 puisqu'elle a deux films, "L'amour et les forêts" et "Rien à perdre".
00:06 Salut Virginie.
00:07 Salut Augustin.
00:08 Nananina, nanana, très beau.
00:11 Enfin, on s'est pas chanté par moi.
00:13 Je suis pas sûre que je serais la meilleure personne pour réunir 25 millions de dollars.
00:16 Ah bon ?
00:16 Ouais.
00:17 Ah je le sens bien moi.
00:18 C'est la veste qui fait ça.
00:20 J'ai jamais vu le désir masculin comme une offense.
00:22 Il m'a toujours semblé que dans mon identité, le féminisme ingéré que j'avais,
00:27 il y avait aussi l'idée que le territoire de la sensualité et de la sexualité
00:30 n'appartenait pas qu'aux hommes, mais m'appartenait aussi.
00:32 Et que du coup, le non et le oui m'appartenaient complètement.
00:36 Et que l'idée d'un désir, à partir du moment où soi-même,
00:39 on avait réussi à sortir du carcan de ce qu'on vous demandait,
00:44 c'est-à-dire la fonction féminine qui passerait par la maternité
00:47 ou par l'objet de désir et qu'on peut être autre chose que ça,
00:50 et que du coup le désir n'est plus une atteinte à ce que vous êtes.
00:53 Dans le film "L'amour et les forêts" de Valérie Donzelli,
00:55 vous jouez le rôle de cette femme qui tombe amoureuse d'un homme
00:58 qui va s'avérer être d'une possessivité maladive.
01:01 Cette question de l'emprise, en quoi est-ce qu'elle vous est familière ?
01:03 Vous, personnellement ou même politiquement ?
01:06 Dans mon parcours personnel, sans faire une grande psychanalyse là,
01:09 parce que j'espère qu'il y a des gens qui nous regardent,
01:12 du coup, voilà, je ne suis pas qu'avec vous.
01:13 Je me suis interrogée sur peut-être moi aussi.
01:15 Qu'est-ce qui fait que quand on nous dit qu'on est médiocre, on tend l'oreille ?
01:19 J'ai aimé que le film de Valérie regarde à l'endroit, finalement,
01:23 de la victime et du déni, parce que c'est un rapport avec le déni,
01:26 c'est-à-dire que peut-être qu'on est victime
01:27 et qu'on ne s'aperçoit pas qu'on est victime.
01:29 Ça vous est arrivé au moment ?
01:30 Oui.
01:32 Oui.
01:33 Oui.
01:33 Oui, oui.
01:34 À travers ce rôle, justement, et ce rapport de domination
01:37 poussé à l'extrême,
01:38 qu'est-ce que vous avez le sentiment de raconter
01:40 de la violence, de la domination masculine en général dans la société ?
01:44 La chose qui est représentée dans le film de Valérie,
01:47 c'est-à-dire l'emprise, la violence conjugale,
01:49 fait partie d'un grand continuum des violences faites aux femmes
01:54 et qui, finalement, ont été perçues et vues comme telles depuis peu de temps.
01:59 Enfin, je veux dire, il y a encore, je ne sais pas, peut-être dix ans,
02:02 on parlait de crime passionnel,
02:04 on voyait ça comme quelque chose qui appartenait au rapport de passion et amoureux,
02:08 un héritage du code napoléonien où on se disait,
02:10 « Oh, ben l'homme, quand même, s'il y a vraiment une situation d'adultère,
02:13 par exemple, on pourrait comprendre qu'il fasse ci, ça. »
02:15 Et c'est assez récent qu'on ait mis des termes comme féminicide et tout ça en place.
02:20 Tomber sous l'emprise d'un personnage, c'est possible, ça ?
02:23 Moi, j'ai l'impression que le personnage, c'est aussi des états
02:26 et parfois, ce sont des états physiques.
02:28 Un état physique, on ne s'en libère pas en deux secondes trente.
02:31 Mais en revanche, moi, je n'avais pas, de manière assez pragmatique,
02:35 et peut-être parce que pour le moment, j'ai suffisamment d'équilibre psychologique,
02:38 mais pour combien de temps encore, d'imposer à un enfant, par exemple,
02:42 la mienne, pour le coup, maman qui rentre en Bénédéta, quoi.
02:46 Je me dis, bon, il y a peut-être autre chose à dire.
02:48 Sœur Bénédéta qui avait fait scandale au Festival Academy il y a deux ans,
02:51 le film de Paul Gerovanne.
02:52 Oui, je me dis, bon, peut-être pas utile que quand je rentre chez moi,
02:54 je sois en crise de possession.
02:55 Quel instrument est-ce que c'est d'ailleurs le corps pour vous en tant que comédienne ?
02:58 Ah oui, c'est important.
02:59 C'est parfois le corps qui influe sur la pensée,
03:01 pas la pensée qui influe sur le corps.
03:02 Par exemple ?
03:03 Par exemple, on va faire un truc un peu basique,
03:05 c'est-à-dire l'idée d'une scène comme ça, puisqu'on tourne pas de manière chronologique,
03:09 où il faudrait arriver dans un état, probablement avec des larmes, de tristesse forte.
03:14 Avec l'expérience, on voit que c'est quelque chose qui a plus un rapport avec le souffle,
03:20 avec le corps, avec quelque chose qui se met en place et qui vient plutôt qu'une pensée.
03:24 En disant, tiens, j'en pense aux heures sombres de l'histoire ou aux heures sombres de ma vie.
03:27 Non, c'est le corps qui vient aussi.
03:29 Et sur l'idée de pouvoir sortir d'un état au pas, dans le film de Valérie,
03:32 il y avait beaucoup de scènes de violence qui étaient comme un grand manège de l'horreur,
03:37 comme les petits trains fantômes, enfin, les scènes étaient assez longues et très dures.
03:43 Et quand ça coupait, je ne sortais pas tout de suite du truc
03:49 parce que le corps a reçu une information, une information de violence.
03:52 Même si moi, je sais qu'on est dans une représentation, le corps a une autre mémoire.
03:57 Ça veut dire que le corps dit toujours quelque chose, en fait ?
03:59 Toujours.
04:00 Oui, bien sûr.
04:00 Vous savez, il y a une émotion que je vous ai vue jouer dans ce film,
04:03 que je ne vous avais jamais vue jouer avant.
04:05 C'est la peur.
04:07 Ah oui, c'est vrai.
04:08 Il y a des émotions qui sont dures à jouer.
04:10 Oui, peut-être que la peur en fait partie, justement.
04:12 Heureusement qu'un acteur peut jouer autre chose que ce qu'il connaît.
04:16 Sinon, ça serait très limitant.
04:18 Mais pour dire des choses très concrètes, par exemple, l'annonce d'une nouvelle terrifiante.
04:24 Qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que c'est ?
04:27 Moi, j'ai fait un film aussi où il y avait des violences très dures,
04:31 où j'apprenais, c'était tiré d'un livre, du très beau livre d'Hango, "Un amour impossible".
04:37 Et il y avait une scène comme ça où on m'annonçait que ma fille a été violée par son père.
04:44 Qu'est-ce que c'est qu'apprendre une chose comme ça ?
04:46 Ou d'en revoir Paris, qu'est-ce que c'est quand on n'a pas vécu de drame,
04:52 une situation post-attentat et tout ça ?
04:54 Là, il y a quelque chose qui va forcément vers une représentation.
04:56 Ça serait fou de croire qu'on peut être juste quelque part.
05:01 Le fait de pouvoir jouer quelqu'un d'autre, qui est l'essence de votre métier, si je vous entends bien,
05:05 va de plus en plus servir en question.
05:06 On a tendance à demander aux comédiens de jouer exactement ce qu'ils sont,
05:09 sous peine d'ailleurs de les attaquer.
05:12 Si un acteur en France se met tout d'un coup à prendre un accent dans une composition,
05:17 on va être mal à l'aise, comme si ça ne faisait pas partie de notre schéma culturel.
05:21 Après, moi, j'ai une affection pour des gens qui reproduisent des choses.
05:24 Lido Ventura, ce n'était pas non plus comme s'il faisait des choses...
05:28 Et pourtant, on l'aime beaucoup.
05:30 Donc moi, je n'arrive pas à voir la valeur de l'acteur sur sa possibilité de métamorphose infinie.
05:34 Valérie Donzelli, Delphine Deleuger, deux réalisatrices dont vous portez les films cette année à Cannes.
05:39 Sur les 17 films que vous avez tournés ces huit dernières années,
05:42 plus de la moitié ont été réalisés ou scénarisés par des femmes.
05:44 Qu'est-ce que ça change, Virginie, d'être regardée par une femme, d'être mise en scène par une femme ?
05:50 Pour moi, j'avoue qu'il y a un rapport du coup,
05:52 puisque c'est des personnages qui sont regardés par tous les biais,
05:54 mais dont on regarderait aussi la libido, d'être peut-être plus à l'aise sur l'intime,
05:58 sur le physique, sur le corps, sur la nudité, sur l'introspection de ces trucs-là.
06:02 Avec une femme, pour le moment, pour moi, parce que j'aime être regardée par une femme.
06:07 Le film de Valérie Donzelli, c'est un film en réalité sur le lien entre femmes.
06:10 Vous y croyez-vous, à ce lien entre femmes, ce lien de sœurs ?
06:14 Oui, bien sûr.
06:15 Pourtant, ce n'est pas un mot, je ne sais pas pourquoi, que je n'utilise pas beaucoup.
06:18 Mais moi, je sais pourquoi.
06:19 Pourquoi ?
06:20 À cause de Benedetta, sœur Benedetta.
06:22 À cause de sœur Benedetta, parce que je lui disais que tout de suite,
06:24 je vois la chrétienté qui arrive et tout ça.
06:26 Je n'aime pas l'idée de grande solidarité,
06:28 comme s'il y avait un grand monstre qui nous regardait,
06:29 qui était prêt à nous dévorer, qu'on était là solidaires.
06:32 Mais en tout cas, la compétitivité féminine ou la rivalité ou même la jalousie
06:37 n'existe pas du tout.
06:42 Il n'y a pas.
06:43 Mais même, je veux dire, une autre femme qui aimerait le même homme que moi,
06:45 je me trouve du coup plus de points en commun.
06:49 Et du coup, dans les films, ce n'est vraiment pas un truc que j'aime expérimenter.
06:52 Ça m'est arrivé de tourner un truc où il y avait une rivalité avec une autre femme
06:55 et ce n'est pas du tout quelque chose dans lequel je me sens à l'aise.
06:58 Merci, ma sœur.
06:59 De rien, mon frère, mon père.
07:01 Ah ah ah ah !
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