• l’année dernière

Category

🗞
News
Transcription
00:00 *7h09, les matins de France Culture, Quentin Laffey*
00:06 Trois ans de prison dont un ferme a purgé sous bracelet électronique pour Nicolas Sarkozy.
00:12 Voici la décision rendue hier matin par la cour d'appel.
00:15 Les magistrats ont ainsi confirmé un verdict rendu en première instance il y a deux ans
00:19 lors du procès dit « Bismuth », également connu comme l'affaire « Désécoute ».
00:24 L'ancien président, qui est impliqué dans plusieurs procédures judiciaires, va se pouvoir
00:27 en cassation pour comprendre cette affaire et saisir pourquoi Nicolas Sarkozy n'ira
00:32 sans doute jamais en prison.
00:34 Je reçois ce matin Béatrice Guillemont.
00:36 Bonjour Madame.
00:37 Bonjour.
00:38 Vous êtes docteur en droit, chercheuse associée au Cercle de l'Université de Bordeaux et
00:41 à l'Observatoire de l'éthique publique.
00:43 Vous êtes également ancienne directrice générale de l'association Anticor.
00:47 Alors cette décision de justice concerne, on l'a dit, l'affaire « Bismuth ».
00:51 Nicolas Sarkozy avait déjà été condamné il y a deux ans par le Parquet Général pour
00:55 corruption et trafic d'influence.
00:57 Est-ce que vous pouvez nous rappeler en quelques mots les faits qui lui sont reprochés ?
01:01 Bien sûr.
01:02 Alors cette affaire, en fait, elle s'inscrit dans le cadre d'autres affaires, d'autres
01:06 enquêtes pénales, notamment dans le cadre de l'affaire des éventuels financements
01:12 libyens de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, l'affaire aussi
01:16 « Bettencourt ». On parle aussi de l'affaire « Bol-Bismuth » comme l'affaire dite
01:20 des écoutes ou l'affaire dite des « Fadets » qui a mis en cause le Parquet national
01:27 financier.
01:28 En l'occurrence, il s'agissait d'écoutes qui ont été lancées le 13 avril 2013 par
01:34 Serge Taurène au pôle financier du tribunal de grande instance de Paris pour des soupçons
01:41 de financement de la campagne de Nicolas Sarkozy de 2007, donc les financements libyens.
01:47 En écoutant, en procédant à nos écoutes, ils ont tiré les fils d'une autre bobine
01:53 qui était l'affaire « Bettencourt ». C'est ce que dit le tribunal puisque la décision
01:58 a été rendue hier, même si Nicolas Sarkozy va se pourvoir en cassation.
02:04 Il semble-t-il que Nicolas Sarkozy aurait tenté d'obtenir un avantage de la part
02:10 de Gilbert Elzibert qui était avocat général à la Chambre civile, mais à la Cour de cassation
02:18 en échange de faveur pour avoir des informations relativement à l'affaire « Bettencourt ».
02:22 Donc c'est la première fois qu'un président de la République est condamné à de la prison
02:28 ferme.
02:29 Est-ce que cette décision vous paraît surprenante, si je puis dire, au regard des faits reprochés ?
02:33 La décision a été attendue, elle avait été déjà rendue en première instance en ce
02:38 sens, elle a été confirmée en appel.
02:40 Quand on pense que le trafic d'influence et la corruption, ces deux délits-là, peuvent
02:46 être sceptiques d'entraîner une condamnation pénale à 10 ans d'emprisonnement et à
02:49 1 million d'euros d'amende en plus des 10 ans d'inéligibilité, on se dit que finalement
02:53 cette sanction-là, le grand tourneau de la peine, n'est pas si élevé que ça.
02:59 Alors bien sûr il y a des tracteurs, l'opposition dira que ce n'est pas assez élevé, les
03:05 soutiens à Nicolas Sarkozy d'ailleurs, qui se sont déjà manifestés, disent que
03:08 c'est un scandale.
03:09 Quand on voit le maxima, finalement, c'est une peine qui est assez mesurée et il y a
03:16 plein de raisons pour justifier cette mesure-là.
03:18 Lesquelles ?
03:19 Déjà, il y a semble-t-il quelque chose qui...
03:23 C'est des hypothèses, il faudrait demander directement aux magistrats, mais bon, ils
03:27 ont un devoir de réserve.
03:28 La difficulté de prononcer une peine d'emprisonnement ferme, parce que là en l'occurrence, un
03:34 emprisonnement ferme, ça permet l'aménagement de peine.
03:37 Ce n'est pas propre à Nicolas Sarkozy, c'est propre à toutes les condamnations pénales
03:42 de cette envergure-là.
03:43 Donc ça veut dire que Nicolas Sarkozy ne sera pas incarcéré, il va bénéficier d'un
03:47 bracelet électronique, comme d'autres personnalités, comme Patrick-Isabelle Balkany par exemple.
03:52 Peut-être que d'un point de vue symbolique, c'est compliqué pour l'autorité judiciaire,
03:57 qui n'est pas un pouvoir en France, d'incarcérer un ancien président de la République, quand
04:02 bien même il s'agisse de faits de manquement à la probité, et relativement des manquements
04:07 à la probité qui ont quand même consisté à influencer directement un des magistrats
04:14 de la plus haute juridiction française.
04:15 Qu'est-ce que vous pensez du fait, Béatrice Guillemont, que ce procès se soit fondé
04:20 sur des écoutes censées être confidentielles entre un avocat et son client ?
04:25 Alors là, sur cette question-là, le procès, enfin les deux procès, puisqu'il y a eu
04:30 l'appel, répondent bien sur le fond.
04:32 Déjà, la Cour de cassation avait validé le principe des écoutes en 2016.
04:35 Et par ailleurs, le principe du secret professionnel des avocats n'est pas un principe intangible
04:43 en droit français, de sorte qu'on peut effectivement y porter atteinte, et c'est ce qui s'est
04:47 passé.
04:48 Et d'ailleurs, il y a eu un travail qui a été fait entre les différents types d'écoutes.
04:53 Il y a des écoutes qui ont été récusées, je crois qu'il y en a 21 qui ont été retenues,
04:56 il y en a 19 qui ont été entendues.
04:57 Parce qu'il y en avait peut-être deux qui touchaient effectivement au secret professionnel.
05:01 Et là-dessus, semble-t-il que...
05:04 Alors là, les écoutes, personne n'a pu enregistrer, elles ont été diffusées dans
05:07 la salle, mais il y a eu des grandes précautions qui ont été prises par le tribunal pour
05:11 ne pas qu'il puisse y avoir de nouveaux enregistrements à partir de ça, de ces diffusions-là.
05:14 Mais semble-t-il que c'était vraiment propre à la volonté d'avoir des informations
05:19 relatives à l'affaire Pétancourt.
05:20 En plus de la peine de prison, Nicolas Sarkozy devrait être privé de ses droits civiques
05:25 également pendant trois ans.
05:27 Quel est le sens selon vous de cette privation ?
05:29 En matière d'infraction à la probabilité spécifique aux élus de la République, il
05:36 faut rappeler qu'ils sont 577 000, que la plupart des élus en France, même la quasi-totalité
05:41 des élus, ne seront jamais mis en cause pénalement.
05:43 Ça représente 300 mises en cause par an sur les 577 000.
05:46 Donc en fait, c'est extrêmement faible.
05:48 Le taux de condamnation est le même, à peu près 300 par an.
05:52 Donc ça veut dire que la majorité des élus en France ne sont jamais mis en cause pénalement.
05:56 En revanche, effectivement, il y en a quelques-uns qui le sont, et parfois pour des faits gravissimes.
05:59 Et l'une des sanctions les plus difficiles à vivre pour les élus, c'est la peine d'inligibilité
06:10 et la peine d'amende.
06:11 Pour l'affaire Balkany par exemple, on voit que la peine d'amende a pu être très élevée,
06:16 de sorte qu'ils ont perdu une bonne partie de leur patrimoine.
06:17 Ça a été la même chose, la même problématique pour François Fillon.
06:21 Et donc la peine d'inligibilité a pour vertu d'empêcher un élu qui, de fait, peut exercer
06:29 ses fonctions par le mandat, d'avoir un nouveau mandat.
06:31 Donc c'est extrêmement difficile.
06:33 Et là, la peine privative de droit civique, c'est aussi l'impossibilité de pouvoir
06:38 même exercer ses droits de citoyen lambda, puisqu'il ne peut même plus voter.
06:42 En revanche, là, c'est trois ans, la peine d'inligibilité c'est dix ans au maximum.
06:46 C'est souvent prononcé, au-delà de trois ans.
06:51 Donc ça aussi, ça fait réfléchir, je pense.
06:54 Sophie Clément, la présidente du tribunal, a estimé hier, je la cite, que les faits
06:58 sont d'autant plus graves qu'ils ont été commis par un ancien président de la République
07:02 garant de l'autorité judiciaire.
07:05 Alors est-ce que l'autorité judiciaire a jugé plus sévèrement Nicolas Sarkozy parce
07:09 qu'il était un ancien président de la République, selon vous ?
07:11 Ça entre en point contradiction avec ce que vous dépliez plutôt.
07:15 Mais est-ce qu'on peut aussi avoir cette lecture-ci ?
07:17 Bien sûr.
07:18 Quand on regarde, quand on sait que le maxima, c'est dix ans d'emprisonnement et un million
07:23 d'euros d'amende et une peine d'inligibilité de dix ans, en fait, on peut penser qu'il
07:27 y a une retenue de la part de la juridiction et notamment de ne pas vouloir impacter le
07:32 cours de la vie politique.
07:33 Je ne suis pas sûre qu'on puisse affirmer que la justice ait été plus sévère à
07:42 l'endroit de Nicolas Sarkozy.
07:43 Merci beaucoup, Béatrice Guimond.
07:45 Je rappelle que vous êtes docteure en droit, chercheuse associée au Cercle de l'Université
07:48 de Bordeaux et observateur de l'éthique publique.
07:51 Vous êtes également l'ancienne directrice générale de l'association Anticor France
07:55 Culture.

Recommandations