Martin Hirsch, ancien directeur général de l’APHP et écrivain

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Dans la deuxième heure de son émission consacrée à la culture, Philippe Vandel reçoit chaque jour un invité.
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Transcript
00:00 Vous écoutez Culture Média avec Philippe Vandel et votre invité Culture Philippe.
00:06 Bonjour Martin Hirsch. Bonjour Philippe Vandel.
00:08 Un CV comme on en croise très très peu. D'abord qui n'est pas culture, ce CV est Narc, président d'Emmaüs en 2002, créateur du RSA en 2009, le revenu de solidarité active qui avait remplacé le RMI.
00:19 Ancien commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, c'était sous Nicolas Sarkozy.
00:25 Puis pendant 10 ans sous Hollande et sous Macron, 9 ans pour être précis, directeur général de l'assistance publique hôpitaux de Paris, la PHP, jusqu'en 2022, ce qui englobe la période Covid.
00:33 Et votre actualité, c'est votre premier roman, d'où l'invitation dans la partie culture de Culture Média.
00:39 Les Solastalgiques s'est publié chez Stock. On va tout de suite évacuer ce problème de vocabulaire qui donne la toile de fond de ce roman.
00:46 Qui sont ces Solastalgiques ? D'où vient ce mot ? Que veut-il dire ?
00:51 - Le mot Solastalgique, ça veut dire l'énorme angoisse et quelquefois l'incapacité de vivre face à la destruction de son environnement par l'homme.
01:02 Et ça a été inventé il y a 20 ans par un philosophe australien qui a vu la destruction des vies humaines à proximité des mines de charbon en Australie.
01:12 Alors ça s'appelle parfois les co-anxiétés et c'est quelque chose, quand on en parle aux jeunes, moi ce qui m'est arrivé de leur parler de ce sujet-là, ça provoque des larmes.
01:20 - Vraiment des larmes ?
01:22 - Vraiment des larmes, des larmes, des cris, des angoisses.
01:25 - C'était à quel moment ? C'était pendant la période Covid où ils étaient tout tourne-boulé ?
01:27 - Non, c'était il y a 6 mois. C'était post-Covid. Alors effectivement le Covid en a rajouté.
01:33 Mais cette angoisse réelle qui peut conduire à se dire qu'on ne peut plus faire d'enfant,
01:39 qui peut conduire à des comportements d'évitement, avoir peur de bouger,
01:46 bien évidemment de ne plus prendre l'avion, mais même de se dire que tout geste peut avoir un impact sur la planète.
01:53 Et puis cette colère de voir que beaucoup s'en fichent complètement provoque vraiment une angoisse existentielle terrifiante.
02:02 - C'est les co-anxiétés quoi ?
02:04 - Oui, c'est encore pire. Les co-anxiétés, ça veut dire qu'on est anxieux. Là c'est pire que anxieux. C'est vraiment l'incapacité de vivre.
02:11 - Qu'est-ce qui vous inquiète le plus ? Qu'est-ce qui vous a donné envie de faire ce livre ?
02:14 C'est l'incapacité de vivre pour ces jeunes ou c'est les chiffres de la planète qui sont terrorisants ?
02:19 Vous en donnez beaucoup, beaucoup, parce que c'est un livre extrêmement documenté.
02:22 - Je ne sais pas si j'ai eu envie ou plutôt si j'ai eu besoin en fait.
02:25 Ce sujet je l'avais en tête depuis des années. Alors effectivement, parce que tout à l'heure on voyait dans les titres des actualités
02:34 le fait qu'on se préparait à 4 degrés et à plus de glaciers en France.
02:39 Moi j'adore la montagne. Je vois les glaciers fondre. Vous savez la mer de glace rouge, le mont Blanc qui va perdre quelques mètres et qui sera plus blanc du tout, etc.
02:48 C'est ça je trouve. On vit dans ses chaires quand on aime la nature, ses beaux paysages, etc.
02:53 Et je pense que les gens qui vivent au bord de la mer connaissent la même chose.
02:58 Les gens qui aimaient le bruit des oiseaux, la même chose. Les gens qui aimaient le bourdonnement des abeilles, la même chose, etc.
03:05 Sans penser ce qu'il y a là. Donc tout ça m'a donné ce besoin là.
03:08 Et quand j'ai vu effectivement cette angoisse des jeunes, je me suis dit il faut imaginer un scénario dans lequel les vieux, au lieu de s'en foutre,
03:17 se disent "on va s'allier avec les jeunes et on va vraiment bouger les choses".
03:22 Ça c'est la deuxième partie du roman. Alors déjà j'ai pas tout à fait bien compris, j'ai lu votre livre évidemment,
03:25 j'ai pas tout à fait compris votre attitude face à ce qu'on appelle l'écologie punitive,
03:29 terme qui avait été popularisé par Ségolène Royal. Pour être précis, vous n'aimez pas l'écologie punitive ou vous n'aimez pas le terme ?
03:36 Il faut relire !
03:38 - C'est ça les questions ! Mais non, vous êtes pour punir les gens !
03:42 - Je considère que c'est pas la punition de sauver la planète.
03:46 - Ah !
03:47 - Vous voyez ce matin j'écoutais... - Voilà, c'est très intéressant !
03:50 - Ce matin j'écoutais... Vous avez vu qu'en ce moment on fait plein de trucs sur l'environnement,
03:55 il y a le plan du ministre pour se préparer à griller comme des saucisses,
04:00 il y a le plan de la première ministre pour éviter de griller comme des saucisses, etc.
04:04 Et je voyais, j'entendais, l'un des responsables du patronat,
04:09 le responsable des petites entreprises, François Asselineau je crois,
04:14 - Asselin ! - Asselin !
04:16 - Asselineau c'était un candidat à la présidentielle, Asselin !
04:18 - Et il disait "oui il faut faire plein de choses, ils ont raison, etc."
04:21 Mais si on ne sait pas quand est la fin du monde, on sait quand est la fin du mois.
04:26 Ça, ça veut dire en fait j'en ai pas grand chose à foutre, en français courant.
04:32 - Non mais tout le sujet est là ! - Tout le monde sait qu'il faut agir...
04:36 - Attendez, laissez-moi... Ah oui, je ne vous avais pas répondu à votre question !
04:39 Vous n'allez pas me punir ! - Si, j'avais compris ce que vous vouliez dire.
04:42 Mais allez-y, allez-y.
04:44 - On essaye de convaincre les gens que sauver la planète, ça veut dire les punir.
04:48 Et en réalité d'abord, et puis souvent on tourne ce discours vers les plus pauvres et les plus modestes,
04:53 en disant "attention, les gens qui agitent la peur de la destruction de la planète,
04:59 la montée des eaux, etc. Ceux qui veulent, c'est vous empêcher de vivre,
05:04 vous empêcher d'utiliser votre voiture, vous empêcher de..."
05:07 Ceux auxquels ils s'adressent en général sont ceux qui polluent le moins.
05:11 On l'a vu, je rappelle ce chiffre.
05:13 - Oui et non, je vais donner un seul exemple.
05:15 Il y a beaucoup de mairies qui se sont fait lire sur le fait qu'ils allaient faire à l'intérieur même de leur ville,
05:19 sur le périmètre urbain, des ZFE, zone à faible émission.
05:23 Et ils se sont rendu compte que les voitures qui émettent le plus, c'est le diesel,
05:27 les voitures anciennes, et que les gens qui ont le plus de diesel et de voitures anciennes
05:30 sont les gens qui ont les salaires les plus faibles.
05:33 Et donc ils ont dit "c'est punitif, et donc si on fait ça, ça va être contre-productif
05:36 et nous ne serons pas réélus". Et on voit que le problème est extrêmement complexe.
05:40 - Il est complexe, mais les mêmes gens, la personne qui a juste son diesel,
05:46 comparé à celui qui prend l'avion toutes les semaines...
05:49 - J'ai bien compris, mais Martin, il y a ce que je veux dire par là.
05:53 - Les 10% les plus riches, les ZFE...
05:57 - Oui, mais c'était pas dans le rôle de la mairie de Marseille.
05:59 La mairie de Marseille, par exemple, a dit "on va mettre en place ça".
06:01 Une fois qu'ils ont été élus, ils ne l'ont plus mis en place,
06:03 parce qu'ils se sont rendu compte que ça allait mettre la ville à feu à sang.
06:06 Vous parlez d'un consensus terrible. Il y a eu un consensus pour mettre les portiques
06:10 pour la taxe carbone, et ensuite il y a eu un consensus pour les enlever.
06:14 Ils étaient tous d'accord pour les mettre, tous d'accord pour les enlever,
06:17 et c'est pour ça que c'est très complexe de notre sujet,
06:19 et c'est pour ça que je vous pose ces questions-là.
06:21 Et c'est pour ça que je suis passé par le roman,
06:23 en disant "le roman est une manière d'aller au cœur de la réalité,
06:28 peut-être plus facilement que par les essais, les grands discours, etc."
06:32 Et dans le roman, mes personnages, ils sont eux-mêmes traversés par ça.
06:37 Ils sont eux-mêmes traversés. Ils adorent les barbecues, par exemple.
06:39 Ils ont une ferme en Normandie, et quand même ils trouvent ça très bon.
06:44 Ils s'en veulent un petit peu.
06:45 Et par ailleurs, donc, ils sont un petit peu activistes,
06:49 et donc pour essayer de contrer ce paradoxe,
06:53 et pas se dire "du coup, face à ce paradoxe, on va rien faire",
06:56 parce qu'effectivement, ils vont interviewer des gens qui expliquent
06:58 qu'ils se sont fait battre aux élections à cause de cela,
07:00 et ils disent "on va agir un peu plus radicalement, probablement".
07:03 - On va voir comment ils agissent, de quelle manière radicale,
07:05 à la limite de l'illégalité, et peut-être est-ce pour ça que vous avez fait un roman,
07:10 et non pas une thèse.
07:12 Martin Hirsch avec nous, ça s'appelle "Les solastalgiques",
07:14 Culture Média continue sur Europe 1.
07:16 - "Les solastalgiques", c'est un mot que j'ai découvert grâce à vous,
07:21 c'est un mot savant de cet Australien.
07:24 Parfois vous dites qu'il est sociologue, parfois qu'il est philosophe,
07:26 en tout cas, ça résume ses jeunes...
07:28 - C'est un philosophe qui a fait de la sociologie, quoi !
07:30 C'est un philosophe qui est parti des idées, et qui s'est intéressé aux gens.
07:33 - On parle d'éco-anxiété, il y a une équipe de scientifiques et de décideurs
07:37 qui décident d'agir, c'est pas un pléonasme,
07:40 il y a tellement de décideurs qui décident pas, et qui font rien.
07:43 Ils sont plutôt jeunes, ils ont deux ou trois fois l'âge de Greta Thunberg,
07:45 et ils sont en revanche tout aussi radicaux,
07:48 ils prônent des actions illégales.
07:50 Ils font du piratage, notamment.
07:52 - Oui, ils se disent, en fait, il y a plein de plans,
07:55 et les plans sont jamais respectés.
07:56 Donc on fait les accords de Paris, on dit que ça va réduire,
07:58 et ensuite on s'aperçoit qu'on les applique pas,
08:00 et ça réduit pas, etc.
08:02 Et donc ils se disent, on va aller débrancher le système.
08:05 Alors, comme c'est des gens qui réfléchissent un peu,
08:08 ils utilisent leurs neurones, et ils vont regarder où sont les sources d'émissions.
08:12 Dans les aéroports, dans les paquebots,
08:15 dans les grandes cartes de crédit.
08:17 - Le chiffre des paquebots, vous l'avez en tête ou pas ?
08:19 - Moi, c'est que l'ensemble des paquebots,
08:21 ça génère autant de gaz à émissions de serre que 100 millions de voitures.
08:24 - Mieux ! Non, c'est pire, c'est pas l'ensemble.
08:27 C'est 94 paquebots, 94, c'est même pas une centaine.
08:30 94 paquebots émettent 10 fois plus d'oxyde de carbone que 200.
08:34 En Marseille, tout ça est affreux !
08:36 Il y a peut-être des gens qui nous écoutent depuis leurs paquebots, mais...
08:38 - Et c'est le paradoxe qu'on quitte sa tour dans laquelle on habite,
08:41 pour aller dans une tour sur la mer,
08:43 avec des gens, je sais pas si on a envie de les voir.
08:46 Alors, dans mon roman, ils trouvent un truc assez rigolo pour pirater les paquebots.
08:50 Ils s'introduisent dans le système d'information et dans le système de réservation,
08:53 et ils envoient des messages à tous les clients,
08:56 en disant "Venez sur ma croisière formidable,
08:59 vous allez voir, je vous assure que vous arriverez
09:02 à attraper des germes à travers le système de climatisation,
09:05 une bonne chiasse grâce à la bouffe qu'on fait sur date,
09:09 et peut-être qu'il y aura un terroriste sur le bateau et on n'arrivera pas à le sortir, etc."
09:12 - Et oui, parce que selon la loi de Grosjean,
09:14 - Il faut tomber l'économie des paquebots en une journée comme ça.
09:17 - La raison pour laquelle Martin Erich vous a écrit un roman,
09:21 c'est parce que si c'était un essai,
09:23 parce qu'il y a beaucoup de passages qui pourraient être tirés d'un essai,
09:25 vous auriez dû vous justifier sur la défense de l'illégalité.
09:31 Or là, ça vous permet de dire "Ce sont mes personnages et c'est pas moi".
09:34 C'est pour ça que vous avez pris ce biais d'écrire un roman.
09:36 - Vous pensez dire est-ce que je suis un peu hypocrite ou lâche ?
09:39 - Non, non, non, c'est pas de la lâcheté.
09:42 - Dans un roman, on va plus loin.
09:46 - Je vais dire la chose différemment.
09:48 Est-ce que vous défendriez le piratage de tous les aéroports,
09:50 des dix plus gros aéroports comme vous le faites dans ce livre ?
09:52 - Philippe Vandel, on est dans Culture Média.
09:54 Imaginez que face à vous, vous avez Victor Hugo.
09:56 - Ouais. - Deux secondes.
09:58 - Je suis très flatté qu'il vienne dans Culture Média, Victor Hugo.
10:01 - Vous avez Victor Hugo là, et vous vous dites "Mais est-ce que vous volez des chandeliers ?"
10:05 - Je vais pas lui dire ça. Il a écrit "Les Misérables", ça commence par un vol de chandelier.
10:08 - Ah, ben je sais ce que je veux dire.
10:09 - C'était pas un voleur de chandelier, Victor Hugo.
10:11 Non, ce que je veux dire par là, c'est qu'effectivement,
10:13 moi je suis pas un pirate, mais j'ai appris plein de trucs.
10:18 J'ai passé mon temps à essayer de regarder ce que faisaient les hackers repentis.
10:22 Donc j'ai appelé des hackers repentis pour qu'ils m'expliquent comment on faisait.
10:26 J'ai appelé des profs de cybersécurité pour me raconter comment...
10:29 Mais effectivement, ce que je me dis, dans un roman,
10:32 on peut pousser les choses à l'extrême, et le but n'est pas de prôner,
10:38 "Mettez-vous tous à pirater tous les systèmes."
10:41 C'est de dire, si on ne fait rien, il faudra pas se plaindre ensuite
10:46 que soit les gens piratent, soit qu'on se dise "Ah merde, c'est trop tard,
10:49 si on avait su, on aurait fait quelque chose."
10:51 - Ou alors l'autre option.
10:52 - Donc on pousse le truc, le raisonnement, le plus loin possible.
10:54 - J'ai bien compris. L'alternative, c'est qu'il y a peut-être des moyens légaux,
10:56 mais pour l'instant, ils ont strictement rien donné.
10:58 Vous donnez des chiffres absolument terrifiants,
11:01 vous donnez les émissions de gaz à effet de serre des pays du G20,
11:04 ce qui m'a étonné, vous ne séparez pas la France du reste de l'Europe.
11:07 Pour quelle raison ?
11:09 - Parce que je pense que l'Europe a intérêt à agir ensemble.
11:12 Quand on regarde la France, on est d'un côté à ses bon élèves
11:17 parce qu'on n'utilise pas beaucoup de charbon,
11:19 de l'autre à ses mauvais élèves parce qu'on consomme beaucoup de produits
11:23 qui viennent de quatre bouts du monde.
11:25 - On est très bons élèves. J'ai regardé hier les chiffres du CO2...
11:27 - Oui, mais ça compte pour la moitié seulement.
11:29 - Je sais, mais c'est un rapport de 1 à 10 si on compare avec l'Allemagne,
11:32 où là, l'enfer étant pas avec de bonnes intentions,
11:34 c'était les verts qui ne voulaient plus du nucléaire
11:36 et qui fait qu'ils emploient du charbon.
11:38 Et on voit par là que tout est complexe.
11:39 - Sauf qu'en France, quand vous prenez les émissions qu'on fait sur le territoire,
11:43 mais quand on regarde tout ce qu'on importe comme produit
11:46 qui vient des pays qui, eux, utilisent du charbon,
11:48 et on utilise des produits allemands,
11:50 donc globalement, France-Allemagne, ça c'est quoi ?
11:53 Il n'y a pas d'excellents élèves, ni chez les uns, ni chez les autres.
11:56 Et donc, un, je pense que l'Europe peut agir ensemble,
12:01 deux, effectivement, je trouve que la France,
12:04 elle a toujours envie d'avoir l'étendard devant,
12:07 montrant aux autres ce qu'elle est capable de faire,
12:09 et là, c'est une belle occasion, c'est un beau projet,
12:12 et mes personnages sont patriotes.
12:14 - On va parler de musique, on va parler de littérature,
12:17 on va parler de Martin Hirsch, on va parler des solastalgies,
12:19 Culture Média continue, il faut aussi que je dise un mot,
12:21 des oiseaux, j'ai eu Alain Bougrain-Dubourg,
12:24 J'ai les chiffres exacts, on en parlait hier avec Yann Arthus-Bertrand, Culture Média continue sur Europe 1.