• l’année dernière
Changer de vie, 70% des Français disent en rêver. Un chiffre en forte augmentation depuis la crise sanitaire. Mais gare au miroir aux alouettes ! Prendre un nouveau départ entraîne parfois des désillusions. « Les déviations » donne toutes les clés sur ce phénomène. Ce magazine mélange des témoignages et des expertises de médecins, philosophes ou chercheurs. Son cofondateur, Laurent Moisson, est l’invité médias de Célyne Baÿt-Darcourt

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Transcription
00:00 Bonjour Céline Bidarcourt, votre invité média est le cofondateur d'un nouveau magazine
00:04 baptisé « Les Déviations », c'est consacré aux changements de vie, idée qui tente plus
00:08 de la moitié des français.
00:09 Bonjour Laurent Moisson, merci d'être avec nous.
00:12 Les Déviations c'était au départ un média en ligne, vous publiez des vidéos sur les
00:16 réseaux sociaux dans lesquelles des gens racontaient leur expérience de changement
00:20 de vie.
00:21 Ça a commencé en 2018 donc avant la crise sanitaire, ça veut dire qu'on en parlait
00:25 très peu, voire quasiment jamais, mais déjà à cette époque les français étaient nombreux
00:29 à vouloir prendre un nouveau départ ?
00:30 Oui, on a été effectivement assez surpris par l'envolée des premières vidéos, puisqu'on
00:36 avait commencé sur Instagram avec un format qui était une petite photo et un texte pour
00:41 raconter la vie des gens qui changent de vie, simplement pour inspirer les autres.
00:45 Et puis dès qu'on est passé en mode vidéo, je crois que c'est la troisième qui a fait
00:48 7 200 000 vues, ça a été complètement délirant.
00:51 Qu'est-ce qu'elle avait de particulier cette vidéo ? Pourquoi elle a autant plu à votre
00:54 avis ?
00:55 Écoutez, au début je pensais avoir la recette miracle, il se trouve que je ne l'ai pas
00:59 complètement, mais ce qu'on a pu constater c'est que soit on arrive à émouvoir les
01:04 gens avec un langage vrai, soit on n'arrive pas à les toucher.
01:08 Et ce n'est pas tellement l'histoire, ce n'est pas tellement les arguments, la narration,
01:13 est-ce que cette personne va toucher les autres ou pas ?
01:16 Et là visiblement c'était le cas.
01:18 L'envie de quitter la ville pour la campagne existe, et donc avant la pandémie, ça l'a
01:23 juste accentué, on peut dire ça ?
01:24 Oui, je pense que la pandémie, ça a été un vaste moment de psychanalyse nationale
01:30 où on s'est retrouvé en face de nous-mêmes, à nous poser tout un tas de questions et
01:34 regarder si nos fantasmes on pouvait aller jusqu'au bout ou si simplement c'était
01:38 effectivement que des fantasmes.
01:39 Mais à quel moment vous vous êtes dit "il faut en faire un magazine papier" ?
01:42 Alors, je me suis dit ça quand on a commencé à se dire "très bien, prenons du recul
01:48 sur ces éléments-là", parce que l'émotion, comme je viens de vous le dire, c'est un
01:51 peu le moteur des vidéos, mais l'émotion c'est un phénomène qui peut être un petit
01:55 peu mauvais conseillé, on va dire.
01:59 Donc là on s'est dit "on va aller voir des psychologues, on va aller voir des médecins,
02:03 on va aller voir des scientifiques, des entrepreneurs, des chercheurs, des philosophes, et bien sûr
02:08 beaucoup de témoins, et on va en fait confronter la vision des gens qui l'ont fait avec ceux
02:13 qui travaillent dessus de façon, on va dire, académique et scientifique.
02:17 Mais l'idée c'est de convaincre vos lecteurs de changer de vie ?
02:19 Non, c'est plutôt d'expliquer ce phénomène avant qu'ils ne décident de le faire ou
02:23 de ne pas le faire.
02:24 Moi ça me va très bien qu'après la lecture d'un magazine ou de certaines interviews
02:30 d'experts qu'on peut diffuser, qu'on ait des gens qui disent "ben finalement
02:33 moi je vais rester dans mon job parce que ça peut être compliqué".
02:37 D'ailleurs on a de plus en plus d'exemples et de témoignages sur ce qu'on appelle
02:41 le trois ans après, c'est-à-dire que quand on a une vidéo qui marche bien ou un témoignage
02:46 qui marche bien, on va voir cette personne deux, trois ans après et on lui dit "alors
02:50 est-ce que ta vie rêvée s'est avérée ou alors tu accomplis ou pas ?"
02:55 Et donc il y a souvent des surprises.
02:57 Alors des surprises et même on peut le dire carrément des désillusions.
03:00 Il faut être très préparé au changement de vie ?
03:02 Oui, il faut être très préparé.
03:04 Encore une fois l'émotion est souvent là pour dire "j'en peux plus, je pars
03:08 de ma vie" avec un certain nombre de... avec du dépit.
03:11 Et ça, ça fait que vous voyez votre prêt tout sec et puis celui du voisin tout verdoyant.
03:18 Bon ben voilà.
03:19 Donc ça, l'herbe est toujours plus verte à côté.
03:22 C'est pas moi qui l'ai inventé mais c'est la réalité.
03:24 Après, vous rentrez dans ce processus de transformation, de changement et vous rendez
03:28 compte que c'est un chemin qui est long et un chemin pour aller vers une destination
03:32 qui est rêvée.
03:33 Et une fois que vous êtes à cette destination, vous voyez si c'est celle qui vous va ou
03:38 si c'est finalement qu'un point de passage.
03:40 L'important c'est que vous vous êtes mis dans le changement.
03:42 Mais on a une idée de la proportion de personnes qui ont changé de vie et qui finalement le
03:46 regrettent ?
03:47 Alors, moi j'ai pas de statistiques là-dessus.
03:49 Je peux vous dire que c'est suffisamment fréquent pour qu'on le voit à l'échelle.
03:53 Vous voyez, on a fait à peu près 1000 interviews.
03:55 On a quand même...
03:56 Enfin, c'est pas une personne sur les 1000 qui nous ont dit "j'ai un problème".
04:00 Donc ça, on le voit.
04:01 Après, vous avez ce merveilleux phénomène qui s'appelle le déni où raconter l'histoire
04:06 qui fait que même les gens qui finalement l'ont regretté, deux ans après, vous disent
04:10 que non, c'était bien, c'était un passage obligé, etc.
04:12 Mais ils en sont revenus.
04:13 Et vous-même, Laurent Moisson, vous avez changé de vie ?
04:16 Alors moi, beaucoup.
04:17 Beaucoup.
04:18 Puisque j'ai commencé par faire des études d'histoire.
04:19 J'ai fait de la recherche.
04:20 Je voulais être journaliste au début.
04:21 Et puis finalement, je suis devenu...
04:22 Quel drôle d'idée.
04:23 Quel drôle d'idée, exactement.
04:24 Et puis finalement, je suis devenu entrepreneur plutôt dans le digital.
04:28 J'ai également fait du financement, accompagné beaucoup d'entrepreneurs pour qu'eux-mêmes
04:33 puissent réaliser leur changement de vie.
04:34 Et me voilà un peu dans un média.
04:37 Donc, retour à la case départ, j'allais dire.
04:39 Oui.
04:40 Il y a un profil type de celui ou celle qui change de vie ?
04:42 C'est très, très large.
04:45 Au début, on s'intéressait beaucoup à des profils, on va dire parisiens, CSP+, et tout,
04:51 parce que le changement de vie était spectaculaire.
04:53 Pourquoi ? Parce que le message, c'était de dire, ils ont des jobs de rêve et pourtant,
04:58 ça ne va pas.
04:59 Et donc, il y a un sujet autour de l'entreprise, du travail.
05:02 Il y a des valeurs qui ne sont pas complètement assumées.
05:06 Il y a peut-être quelque chose à creuser là-dessus.
05:07 Ensuite, on s'est rendu compte qu'en donnant la parole à tout un tas de gens qui ont des
05:12 métiers plus classiques, plus standards, vous avez des gens qui changent de vie plusieurs
05:17 fois.
05:18 Et puis, le changement de vie, ce n'est pas que par le boulot.
05:19 C'est aussi changer de vie personnelle.
05:22 C'est aussi déménager, quitter les grandes villes, etc.
05:25 Mais c'est un luxe quand même de changer de vie.
05:27 C'est possible quand on fait partie des classes défavorisées ?
05:29 Oui, alors effectivement, il y a beaucoup de gens qui pensent ça.
05:32 Mais finalement, c'est toujours plus simple pour le voisin.
05:35 C'est-à-dire que les gens qui sont moins favorisés disent "vous, vous pouvez vous
05:40 le permettre parce que vous avez les moyens, vous pouvez payer une formation, vous avez
05:44 des économies, etc.
05:45 Moi, je ne peux pas".
05:46 Et vous avez ceux qui ont les moyens, qui ont un train de vie, qui vous disent "moi,
05:48 je ne peux pas me le permettre parce que si je me plante, je perds tout et je vais être
05:51 déclassé socialement".
05:52 Donc en fait, ce n'est pas une question de statut social, c'est une question de ce que
05:57 vous avez dans la tête et ce que vous avez envie de vivre dans votre vie.
06:02 Quel genre de métiers on la cote pour une reconversion ?
06:05 Ce sont plutôt des activités intellectuelles, manuelles ?
06:08 Alors, on fait justement notre magazine numéro 2 sur les métiers manuels, sur des métiers
06:15 de production, de fabrication, on fait des choses réelles avec ses mains.
06:19 Pourquoi ? Parce que ça a été des métiers pendant très longtemps déclassés, considérés
06:24 comme réservés à des gens qui, finalement, ne pouvaient pas faire un certain nombre de
06:28 métiers prestigieux dits intellectuels, comme s'il ne fallait pas être intelligent pour
06:33 être quelqu'un qui travaille de ses mains.
06:35 On a opposé ça pendant très longtemps.
06:37 Et puis, maintenant qu'on n'a plus d'industrie, qu'on n'a plus beaucoup de gens qui travaillent
06:43 de leurs mains, qu'il y a de moins en moins d'agriculteurs, il y a des gens qui, dans
06:47 les cycles de réunions infernaux, se disent "moi, ça fait dix heures que je fais un truc,
06:51 je ne comprends pas ce que c'est, même si je suis bien payé, même si j'ai une belle
06:54 voiture, même si machin, j'ai besoin de me sentir utile".
06:57 Et de donner du sens à son travail.
06:59 On l'a beaucoup entendu au moment de la réforme des retraites.
07:02 On a envie de sens.
07:04 Le sens, c'est 30% des salariés, en tout cas des gens qui travaillent en France, qui
07:10 ne comprennent pas le sens de ce qu'ils font.
07:12 Et c'est 60% chez les millénials.
07:14 C'est-à-dire qu'ils veulent mettre du sens dans leur vie, ils veulent aligner, ce que
07:17 j'appelle souvent "aligner son intérêt", ce qui vous fait vivre matériellement, avec
07:22 vos valeurs.
07:23 Si vous n'alignez pas les deux, je ne donne pas cher de vos valeurs, parce qu'au bout
07:25 d'un moment, vous allez revenir à quelque chose qui est orthogonal avec vos valeurs.
07:29 Et donc, on a la chance de vivre une période où on peut faire les deux et aligner les
07:34 deux, ce qui n'était pas le cas avant.
07:35 - Et vous donnez des clés dans ce magazine, ce trimestriel, Les Déviations.
07:39 Merci d'être revenu, Laurent Moisson.
07:40 Merci beaucoup.
07:41 - Merci beaucoup.
07:42 - Vous êtes cofondateur, directeur des Déviations, dont le deuxième numéro est en kiosque.

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