L'édito de Mathieu Bock-Côté : «L'assimilation dans la constitution : une bonne idée ?», dans Face à l'info.
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00:00 peut déjà envisager les raisons politiques qui poussent les LR à s'emparer de cette
00:04 question. Ils ont été explosés, ils se sont... enfin, oui, ils ont implosé. On choisira
00:10 l'image qu'on souhaitera sur la question des retraites. C'est désormais un parti qui,
00:14 s'il a une base d'élus un peu partout, il conserve une base militante, il n'a plus vraiment
00:19 de base électorale. Et c'est un parti, dans les sondages, qui est quelquefois groupusculaire.
00:24 Bien qu'il y a de pas mauvaises nouvelles qui soient annoncées pour les Européennes,
00:27 mais globalement, c'est un parti qui doit se reconstruire et qui est même écartelé
00:30 entre la tentation d'embrasser le macronisme ou la tentation de marquer une différence
00:35 réelle. Sur l'immigration, la différence réelle est marquée. C'est un désaccord,
00:39 non pas de degré, avec le macronisme qui est proposé ici, un référendum sur l'immigration,
00:44 une reprise en main complètement des institutions pour être capable de justement décider sur
00:49 l'immigration, ce qui est interdit en ce moment. Et j'y arrive, une volonté de renouer avec
00:55 l'assimilation, un principe qui a marqué véritablement l'histoire française, on
00:59 pourrait dire qu'un principe qui était aussi dans tous les pays occidentaux jusqu'à tout
01:03 récemment, on n'utilisait pas le mot assimilation, mais il allait de soi, mais un principe qui
01:08 depuis 40 ans a été bien mal servi, qui a été déconstruit. Donc, raison politique,
01:13 raison idéologique, les Républicains disent qu'on doit marquer notre différence, marquer
01:17 notre identité. Comment? En renouant avec l'assimilation. Pourquoi renouer avec elle?
01:22 Parce qu'effectivement, elle a été déconstruite, elle a été, on pourrait même dire qu'elle
01:27 a été détruite. Les conditions sociologiques, politiques, culturelles, anthropologiques
01:33 et politiques de l'assimilation se sont décomposées au cours des 40 dernières années. Le point
01:38 de départ de tout cela, on le sait, c'est la conversion de la gauche, autant aux premières
01:43 années du mitterrandisme, à ce qu'on a appelé l'antiracisme. L'antiracisme qui n'a jamais
01:48 été un véritable antiracisme. L'antiracisme, dès le début des années 80, est d'abord
01:52 un antinationisme, pour reprendre une formule de Pierre-André Taguieff, un antinationisme,
01:57 c'est-à-dire on prétend lutter contre le racisme, mais dans les faits, on lutte contre
02:01 la nation en assimilant au racisme toute définition substantielle de la nation. Et faites l'histoire
02:06 des 40 dernières années dans le discours public, à gauche comme à droite, soit dit
02:10 en passant, surtout à gauche, mais aussi à droite, c'est l'histoire d'une capitulation
02:14 conceptuelle, mais aussi une capitulation politique. On est passé de l'assimilation,
02:19 le principe en gros, l'étranger qui arrive en France devient français et être français
02:23 n'est pas qu'une carte d'identité, c'est le fameux « à Rome, on fait comme les Romains »,
02:27 finalement l'assimilation c'est ça, à l'intégration, qui était cette idée qu'on
02:31 pouvait conserver son identité culturelle, mais pour peu qu'on participe à la vie économique
02:36 et sociale, on était jugé bien intégré à la société française, au droit à la
02:41 différence. Le droit à la différence, ça fait partie de cet univers-là, où là, il
02:43 fallait désormais marquer publiquement la différence identitaire des immigrés, qui
02:47 était en droit de ne pas se fondre culturellement, qui était même invité à ne pas se fondre
02:51 culturellement dans le pays d'accueil. Et ces dernières années, on était vers la fameuse
02:56 inclusion, dont on avait parlé avec le rapport Tuo ici, l'inclusion c'est finalement, c'est
03:01 ce que j'appelle, c'est l'autre nom du multiculturalisme, c'est l'inversion du devoir d'intégration,
03:05 ce n'est plus à l'immigré à prendre le pli de la société d'accueil, c'est à la société
03:09 d'accueil de se transformer pour accueillir la diversité.
03:13 Si vous voulez jeter un oeil sur un livre qui a une trentaine d'années, qui a été
03:16 tout récemment réédité, cela dit, chez l'artilleur de Paul Ionnet, début des années
03:20 90, Paul Ionnet, Y-O-N-N-E-T, il voyage au cœur du mal-à-être français, tout ce que
03:25 je vous dis, il le comprend, au début des années 90, il comprend tout, tout, tout,
03:29 avec une finesse d'analyse, une qualité de style dans le livre, il voit tout et parce
03:33 qu'il voit tout, qu'est-ce qui arrive? Il vient, il est diabolisé, il va se faire traiter
03:37 d'extrême droite, de fasciste, de raciste et ainsi de suite, mais retrouver ce livre
03:41 aujourd'hui disponible, Voyage au cœur du mal-à-être français, il raconte en temps
03:44 réel la destruction de l'identité française.
03:47 Alors, c'est très bien, on peut se renouer avec la simulation, se renouer avec un modèle,
03:51 se renouer avec un principe, se renouer avec un principe, à Rome, on fait comme les Romains
03:54 et c'est très bien. Le problème, c'est que les principes constitutionnels ou les
03:59 politiques publiques ne peuvent pas grand-chose quand il n'existe plus qu'à l'état de
04:04 principe, lorsqu'ils ne s'ancrent pas dans une sociologie et une démographie.
04:07 Or, qu'est-ce qu'on a vu depuis 40 ans en France? C'est un changement de population
04:12 tel que ça transforme la culture et l'identité du pays. On en parlait avec Charlotte hier
04:17 dans les écoles, la population musulmane existe, la composition culturelle et démographique
04:23 du peuple français ou de la société française, à tout le moins, s'est transformée profondément
04:27 depuis 40 ans et là, ensuite, quand vous n'avez plus le même peuple, vous n'avez
04:32 plus la même identité. Donc, vous pouvez bien brandir vos principes haut et fort très
04:36 fièrement, ces principes-là deviennent impuissants. Le plus bel exemple de ça, c'est la laïcité.
04:41 La laïcité s'est inscrite dans une culture et tout ça. Mais si vous avez une population
04:45 globalement musulmane et vous vous dites « Non, non, mais il y a la laïcité, la laïcité
04:48 c'est plus fort que tout », bien, votre laïcité, elle se calcifie, elle s'assèche
04:52 et elle finit par tomber parce que c'est un principe qui n'est plus incarné dans
04:56 la réalité. Et les sociétés qui se réfugient en se braquant à tout prix sur des principes
05:01 quand la réalité leur échappe, on peut y voir le dernier spasme d'une société
05:05 en train de mourir. Cela dit, tant que la simulation dans la Constitution, c'est une
05:10 bonne idée, oui, mais c'est un peu tardif et on a l'impression, je le dis, que c'est
05:13 le dernier spasme d'un parti politique qui est d'un courant de pensée qui a tout abandonné
05:18 depuis 40 ans et qui soudainement se réveille lorsqu'il est trop tard.
05:21 - Mais donc, tout cela ne servirait à rien, ce serait vain, ça ne servirait à rien du
05:25 tout?
05:26 - Alors, je n'irai pas jusque-là. Alors, vain, non, très tardif, oui, mais à court
05:29 terme, c'est pas la... à court terme, ça ne règle rien. Mais on ne règle absolument
05:34 aucun problème de fonds à court terme. La question de fonds, en matière d'immigration
05:38 aujourd'hui, elle est toute simple, au-delà même du fait d'en finir avec les flux de
05:42 l'immigration massive. On a aujourd'hui en France, mais on a dans tous les pays occidentaux,
05:46 je le répète, il faut toujours garder à l'esprit que c'est partout pareil, à des
05:49 différents degrés, on a une population qui a été naturalisée, mais qui n'a pas été
05:55 acculturée. Donc, des gens qui ont les papiers d'identité, qui ont la carte d'identité,
05:58 qui ont tout ce qu'il faut, mais qui n'ont pas adhéré culturellement à ce qu'on a
06:02 appelé traditionnellement le peuple français. Donc, devant cela, on se dit que faire? Comment
06:06 réussir? Et ça ne sera pas en deux ans, ça ne sera pas en trois ans, comment sur une,
06:11 deux, trois générations être capable d'acculturer ces populations? On dira que ce n'est pas
06:16 possible à court terme, c'est vrai, mais à moyen et long terme, des choses qui semblent
06:19 inimaginables immédiatement peuvent s'accomplir. Alors, qu'est-ce que ça implique si on se
06:24 dit que sur deux, trois générations, il faut changer les choses? Ça implique tout
06:27 simplement de changer le cadre politique, le cadre institutionnel, le cadre mental dans
06:32 lequel se pose la question de la composition de la population française. Et là, on rencontre
06:36 un concept qui traverse l'histoire de la philosophie politique avec lequel je vous
06:41 casse les oreilles tout le temps, c'est la question du régime. Le régime, pas au sens
06:45 de la Quatrième République ou de la Cinquième République, mais l'organisation générale
06:48 d'une société. Je donne un exemple, un régime, ça influence les mentalités, ça
06:53 influence la culture, ça fabrique même, je dirais, un type d'humanité différent.
06:57 Une société socialiste, une société libérale, une société traditionnaliste ne donne pas
07:02 le même type d'être humain. Ça ne pousse pas au développement des mêmes qualités,
07:07 des mêmes vertus, des mêmes défauts, et ainsi de suite. Alors, qu'est-ce qui est
07:10 intéressant là-dedans? On pourrait dire que le régime diversitaire, dont je vous
07:13 parle souvent, qui pousse, lui, à la survalorisation de la différence, qui nie l'existence de
07:18 normes communes, qui voit du racisme systémique derrière toute forme d'institution, d'identité,
07:23 de normes, de culture. Ce régime qui s'est implanté peu à peu depuis 40 ans, ce régime
07:29 a poussé les gens à se désassimiler, à se dénationaliser, à s'arracher, à se
07:34 désaffilier du corps national. L'idée, c'est que si on se dit que dans 40 ans, si
07:39 on souhaite que les gens soient redevenus culturellement français, il faut un régime
07:43 qui fasse de l'assimilation son principe cardinal. Donc, c'est très bien. Sur un
07:47 horizon, à mon terme, le régime est capable de refaire des Français un peuple sur un
07:52 horizon qui n'est pas, évidemment, celui d'une seule vie. Mais là, on tombe sur le
07:55 problème suivant. Assimiler, mais assimiler à quoi? Il y a 40 ans, il y a 50 ans, être
07:59 français, ça allait de soi. On n'avait pas à le définir, on n'avait pas à le
08:02 penser, on n'avait pas à le théoriser, ça allait de soi. 40, 50 ans plus tard, c'est
08:07 un peu plus compliqué. On assimile à quoi exactement aujourd'hui? À quelle identité
08:10 culturelle, parce que c'est de ça dont on parle, veut-on, souhaite-on, peut-on assimiler?
08:15 Là, je vais évoquer quelques problèmes. La langue. Dans une langue, et là, je vais
08:20 faire plaisir à Marc, mais dans un environnement où la langue a été séparée de la littérature
08:25 et massacrée par l'écriture inclusive et tout ça, s'assimiler à la langue, c'est
08:29 un peu plus compliqué qu'auparavant avec l'anglais partout. La culture. La culture
08:32 française aujourd'hui, est-ce que c'est la culture traditionnelle telle qu'on l'a
08:36 compris avec ses grandes figures ou c'est la culture version rapisée américaine?
08:40 L'histoire. Est-ce que s'approprier l'histoire de France, c'est s'approprier l'histoire
08:45 culpabilisée, l'histoire Patrick Boucheron, l'histoire qui consiste à dire qu'il y
08:49 a une histoire d'un peuple sans substance? Il faut le savoir. Le cadre de référence,
08:53 c'est la nation ou l'Europe. Et comment assimiler par ailleurs des territoires où
08:56 la population est à ce point transformée qu'on voit mal, qu'on voit mal, comment
09:00 on pourrait, par je ne sais quel décret, dire « vous embarquez culturellement dans
09:04 la nation ». Je note une chose, cela dit, la proposition des Républicains a un point
09:08 de vertu, c'est qu'elle suscite des réactions très vives de deux types chez leurs adversaires.
09:12 Évidemment, il y a l'accusation classique d'extrême droite, extrême droite, extrême
09:15 droite, je la laisse de côté, elle n'est pas intelligente, mais elle est là. La critique
09:18 la plus intéressante est celle d'Olivier Dussopt, figure importante de la Macronie,
09:23 qui s'oppose à la grande réforme des Républicains, au-delà de l'assimilation, le référendum,
09:27 les institutions, tout ça. Qu'est-ce qu'il dit? C'est le contraire de la construction
09:32 européenne et ça nécessite évidemment une révision constitutionnelle, chose assez
09:36 impossible à mes yeux, surtout dans ce sens-là, et qui par ailleurs singulariserait et stigmatiserait
09:41 la position de la France au sein de l'Union européenne. Autrement dit, si la France fait
09:45 le choix de l'assimilation et se donne les moyens constitutionnels de le faire, elle
09:49 entrerait en rupture avec l'Europe. C'est peut-être vrai, mais ça nous en dit beaucoup
09:52 sur l'Europe.
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