Paul Rassam - Michel Denisot, pour le documentaire "La saga Rassam-Berri, le cinéma dans les veines" (France 2), sont les invités de 7h50. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-jeudi-25-mai-2023-2539645
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00:00 Léa Salamé, vos invités ce matin sont journalistes et réalisateurs pour l'un et l'un des plus
00:05 grands producteurs de cinéma pour l'autre.
00:07 Bonjour Michel Deniso.
00:08 Bonjour Léa Salamé.
00:09 Et bonjour Paul Rassam.
00:10 Bonjour.
00:11 Merci d'être là tous les deux pour un documentaire sélectionné à Cannes dans la catégorie
00:15 Cannes Classique et qui sera diffusé ce dimanche sur France 2, les Berry Rassam, la saga d'une
00:21 famille française incroyable qui a produit les plus grands films du cinéma mondial de
00:25 ces 50 dernières années.
00:26 Apocalypse Now, Vol au-dessus d'un nid de coucou, Ciao Pantin, The Artist, Amadeus,
00:31 Dune, La Grande Bouffe, c'est bien simple il me faudrait une heure entière pour les
00:34 citer tous et une calculette pour vous donner le nombre exact d'Oscar que ces Français
00:40 ont reçus à Hollywood et c'est colossal.
00:42 Dans cette famille il y a Jean-Pierre Rassam, le plus flamboyant, le plus magnétique de
00:46 tous, Maria Carole Bouquet, père de Dimitri Rassam, le producteur des Trois Mousquetaires
00:51 qui est actuellement au cinéma.
00:52 Il y a aussi le plus connu de tous, Claude Berry, surnommé le parrain du cinéma français,
00:57 père de Thomas Langman, producteur de The Artist.
00:59 Et puis il y a le patriarche, le plus secret de tous, c'est cet homme qui est assis à
01:03 côté de vous, Michel Deniso.
01:04 Dites-nous qui est Paul Rassam et pourquoi cet homme inconnu du grand public est un des
01:09 hommes les plus importants du cinéma mondial ?
01:11 Paul Rassam est chercheur de Hollywood et il est en fait acheteur de droits et coproducteur
01:17 de films qui font souvent peur aux majors et il a pris beaucoup de risques pour être
01:24 partie prenante de tous les films que vous avez cités.
01:27 On pourrait en citer effectivement plus d'une soixantaine qui cumulent plus de 100 millions
01:31 d'entrées.
01:32 Il a commencé, il est entré par la grande porte et par hasard avec Apocalypse Now alors
01:36 que Francisco Pola était un peu en détresse sur ce tournage et que plus personne ne voulait
01:42 investir sur ce film.
01:43 Paul est allé à Hollywood, il a vu 20 minutes, il n'avait jamais fait de cinéma jusqu'à
01:47 ce moment-là et il a investi sur Apocalypse Now.
01:50 Il a enchaîné avec cinq ou six films de Coppola, de Sofia Coppola ensuite et d'à
01:54 peu près tous les grands cinéastes hollywoodiens.
01:57 Milos Forman, Barbet Schroeder, on peut en citer encore…
02:02 David Lean, Chimino…
02:03 Chimino, Michael Chimino.
02:04 Paul Rassam, c'est votre toute première interview parce que vous avez toujours refusé
02:09 les interviews sauf évidemment dans le film de Michel.
02:12 Donc merci d'être là.
02:13 On vous appelle le parrain dans le milieu ou encore le français le plus puissant d'Hollywood
02:18 ou encore le Francis Blanche des tontons flingueurs, ça c'est Luc Besson, plus simplement
02:22 mon oncle pour Sofia Coppola.
02:24 Vous n'aimez pas la lumière, vous n'aimez pas parler.
02:26 Qu'est-ce que vous avez ressenti en voyant le film projeté à Cannes, le film de Michel
02:31 Deniso, en voyant l'histoire de cette famille, de votre famille et de Florent Maillet, des
02:35 immigrés libanais arrivés en France qui ont conquis Hollywood et le cinéma mondial.
02:40 Une famille avec ses douleurs aussi, avec ses divorces, avec ses morts brutales, avec
02:44 ses suicides.
02:45 Qu'est-ce que ça vous a fait de revoir ça, de revoir votre vie ?
02:48 Ça m'a bien entendu ému.
02:50 J'ai même eu, allez disons-le, les yeux un peu humides.
02:55 Je ne peux pas revoir certaines images, certaines évocations et rester indifférent.
03:04 Votre frère, votre soeur ?
03:07 Évidemment, mon frère, ma soeur, Claude, des gens que j'aimais beaucoup comme la famille
03:13 Peset qui avait fondé un MLF.
03:17 Tout ça, ça vous a ému.
03:20 Il faut dire que le film commence très fort par l'interview de Coppola que vous êtes
03:24 allé filmer face caméra et qui raconte l'incroyable histoire entre sa famille, la famille Coppola
03:30 et les Rassam.
03:32 Il raconte effectivement comment vous avez sauvé Apocalypse Now, qui devait être le
03:36 plus gros fiasco de l'histoire du cinéma.
03:38 Non, vous savez, on a dit beaucoup de bêtises sur Apocalypse Now 9.
03:42 Suivez pas tout.
03:44 Enfin bon, si vous n'étiez pas là, ça n'aurait pas été au bout.
03:47 Si vous n'étiez pas là, ça n'était pas allé au bout.
03:49 Il y avait quand même deux ans de tournage.
03:52 J'ai eu aussi de la chance d'être là.
03:54 Ça nous a, comme on dit en anglais, mis sur la carte.
03:58 C'est un homme exceptionnel qui a pris énormément de risques dans sa vie, des risques financiers,
04:08 mais aussi des risques artistiques.
04:12 Vous n'avez pas parlé d'un film que le public a beaucoup aimé qui s'appelait Danse avec
04:18 les loups.
04:19 Oui, aussi, que vous avez produit.
04:20 Vous avez raison.
04:21 Je l'ai oublié.
04:22 Les exploitants me disaient qu'ils nous cassent les pieds avec un film western ou ton film
04:30 d'Indien et de cow-boy.
04:31 Ce n'était ni l'un ni l'autre.
04:33 Et ça a été un immense succès.
04:35 Un mot sur Jean-Pierre Rassam, votre frère le plus charismatique, le plus brillant, le
04:38 plus fantasque, aussi seigneur du cinéma des années 70.
04:41 Un génie qui vivait dans l'excès, qui est mort à cause de ses excès également.
04:45 Il a été marié à Carole Bouquet, qui en parle avec une émotion incroyable dans le
04:50 film.
04:51 Elle est émantée par l'intelligence de cet homme qui la faisait rire, qui avait un
04:54 charme fou, même s'il n'était pas beau.
04:56 Tout le monde disait qu'est-ce que Carole Bouquet fait avec Jean-Pierre Rassam ?
04:58 En gros, elle parle d'une histoire d'amour éblouissante.
05:01 Pourquoi cet homme était à part ? Pourquoi on l'appelait Rassam le magnifique ?
05:05 Parce qu'il était d'une intelligence hors normes.
05:09 Ce que dit par exemple Coppola.
05:10 Il était capable de, pendant l'apocalypse Nao, Coppola lui montre trois heures de films.
05:14 Il dort pendant trois heures et il se réveille pour faire une analyse brillante.
05:18 Donc, il dit que c'était un génie.
05:19 C'est quelqu'un qui a pris beaucoup de risques aussi dans la production.
05:22 Il y a une autre époque de production.
05:23 Il a produit les Godard, il a produit Jean-Yann, il a produit Polanski.
05:26 Donc, il a voulu reprendre la Gaumont et c'est là où ça s'est effondré.
05:31 Carole Bouquet est tombée amoureuse de lui sous le charme.
05:34 Elle en parle dans ce documentaire de façon à la fois très intime et pudique.
05:37 C'est ce qu'on pourrait appeler tout simplement l'élégance.
05:39 C'est très, très touchant.
05:41 Et puis aujourd'hui, il y a Dimitri qui est, on ne va pas dire l'héritier, mais qui est
05:45 la succession, qui est le d'Artagnan de la production française.
05:48 Autre figure très forte dans ce film, Claude Béry, Claude Béry qui a été marié à
05:52 votre sœur Paul, Anne-Marie.
05:54 Il y a aussi la figure d'Anne-Marie qui est très importante dans le film.
05:58 Anne-Marie est très importante.
05:59 Je pense que c'est elle qui a donné le goût du cinéma à son frère et à sa sœur, c'est-à-dire
06:03 à Paul et à Jean-Pierre Rassam et à Claude Béry qui a beaucoup guidé la vie de Claude
06:08 Béry, qui était moins rapide, moins fulgurante que la vie de Jean-Pierre Rassam, qui a construit
06:14 petit à petit, pour arriver à ce que l'on sait, une œuvre très importante, qui a basculé
06:19 dans la production grâce à Thèse de Polanski et dans le cinéma grâce à Tchao Pantin,
06:23 la reconnaissance est venue à ce moment-là pour lui.
06:24 Et il y a cette fameuse phrase que tout le monde disait quand on recevait un César pendant
06:28 des années.
06:29 Merci Claude Béry, comme tout le monde.
06:30 Voilà, exactement.
06:31 C'est Coluche qui avait dit ça à l'origine pour Tchao Pantin, qu'il avait réalisé.
06:36 Et donc on découvre toutes ces figures aussi avec leur noirceur, leur part d'ombre.
06:40 C'est ça qui est aussi intéressant.
06:42 C'est que ce n'était pas que joli.
06:44 Il y a beaucoup de drame dans cette famille.
06:46 Il y a des périodes aussi de réussite et d'échec et tout est assez violent.
06:50 Ce ne sont pas des vies ordinaires.
06:52 Ce sont des vies romanesques, ce sont des vies parfois violentes avec des drames, des
06:59 réussites, des échecs et une passion.
07:02 Je crois que c'est une famille où tout le monde voit les choses en grand et en très
07:05 grand.
07:06 Quand Paul m'a appelé pour me dire qu'il était d'accord pour faire ce documentaire,
07:09 je suis sorti d'un rendez-vous avec lui.
07:10 Je me suis dit mais cette famille voit tout en grand.
07:12 Voilà tout le temps.
07:13 Vous êtes d'accord avec cette phrase de Michel Denisoir, avec ce qualificatif.
07:17 C'est une famille qui voit tout en grand.
07:19 Vous savez, si vous ne brillez pas en grand, vous êtes foutu dans la vie.
07:22 Vous pensez ?
07:23 Oui.
07:24 D'ailleurs, vous avez dit ça à la fin de la projection, Paul Rassam.
07:27 Vous étiez très ému.
07:29 Vous avez été applaudi et j'ai vu que vous aviez dit un message, un conseil aux jeunes.
07:34 Ne lâchez pas, n'ayez pas peur.
07:36 On prend des coups, on les rend, mais on ne se rend pas.
07:39 On ne se rend jamais.
07:40 C'est un peu votre mantra de vie.
07:43 Mon père me disait si tu tombes, relève-toi.
07:45 Vous êtes beaucoup tombé ?
07:48 Oui.
07:49 Et vous êtes beaucoup relevé ?
07:51 Vous savez, il y avait des jours où ce n'était pas tellement facile.
07:57 Surtout que je faisais les choses assez seul.
08:01 Je n'ai jamais pris d'avocat pour discuter d'un contrat.
08:03 C'est vraiment une autre époque.
08:05 Ce n'étaient pas des petits contrats.
08:06 Ce sont des immenses contrats.
08:07 On parle de millions et de milliers.
08:09 Ce qui vous a touché dans cette histoire, c'est que c'était une autre époque.
08:14 C'était des personnages.
08:15 C'est une autre époque qui continue aujourd'hui avec Thomas et Dimitri.
08:20 Les sentiments de base sont les mêmes.
08:22 C'est-à-dire ?
08:23 L'innovation, la peur, l'obsession.
08:29 Et la passion du cinéma aussi.
08:32 Ça existait dans beaucoup de choses de l'humanité.
08:37 Puis l'incertitude.
08:38 Vous savez quelle est la première phrase du « Fil de l'épée » du général de
08:43 Gaulle ?
08:44 C'est quoi ?
08:45 Ça a été écrit et dit en 1931.
08:48 L'incertitude marque notre époque.
08:50 Et qu'est-ce qu'il dit du « Des silences » le général de Gaulle dans ce livre ?
08:54 Le général de Gaulle a dit « Intelligence des sceaux et modestie des forts ».
08:59 La modestie des forts.
09:01 C'est pour ça que vous vous êtes tué pendant 85 ans, Paul Rassam ?
09:04 Non, je vais vous dire.
09:05 D'abord, il y a ma nature.
09:06 Mais ensuite, quand vous avez partagé une partie, aussi petite soit-elle, de l'intimité
09:13 de certaines personnes, vous ne parlez pas.
09:16 Si j'avais parlé, je me serais fait du tort.
09:18 Et je n'aime pas beaucoup…
09:23 Vous faire du tort ?
09:26 J'ai un cousin qui a fait une thèse de doctorat qui était le silence.
09:30 Comme introduction à la métaphysique.
09:33 Le silence.
09:34 Le mot qui est le contraire de notre époque aujourd'hui.
09:39 Et de notre métier également.
09:41 Même quand tu parles, tu ne parles pas beaucoup.
09:45 Ça tombe bien avec vous Michel Deniso.
09:50 Cette histoire romanesque, ce film aux accents balsaciens, cette histoire française d'immigrés,
09:57 de Libanais, de Juifs qui ont fait le cinéma mondial.
09:59 C'est ce que vous racontez dans ce film.
10:00 Le cinéma dans les veines.
10:01 Blébéri Rassam.
10:02 C'est à voir dimanche sur France 2 à 22h30.
10:05 Merci à tous les deux.
10:06 Merci Paul Rassam d'avoir rompu votre vœu de silence.
10:09 Merci.
10:10 J'ai connu cette maison en 1963 comme stagiaire.
10:13 En fait, il a envie de parler.
10:15 On va la réinviter.
10:17 En fait, il a envie de parler.