Raphaël Quenard : "Comme j'ai rien à perdre, j'ai le culot d'aller à la rencontre des choses"

  • l’année dernière
Raphaël Quenard, acteur, pour le film "Cash" de Jérémie Rozan (Netflix), est l'invité de 7h50. Il y interprète un personnage en pleine ascension sociale grâce à son bagout et au pouvoir des mots. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-lundi-10-juillet-2023-3862824
Transcript
00:00 7h48. Bonjour Raphaël Kenard.
00:02 Et bien bonjour.
00:03 Je suis très heureux de vous recevoir ce matin. Vous êtes le jeune acteur français
00:07 qui monte, 32 ans, vous avez crevé l'écran en avril dans le film « Chien de la casse »
00:12 de Jean-Baptiste Durand, vous avez tapé dans l'œil de nos plus grands réalisateurs.
00:16 Le Figaro dit que vous avez une intensité comparable à Jim Carrey ou Patrick Devers.
00:21 Rien que ça, j'ai lu les mêmes éloges, même comparaison dans Libération, dans le
00:26 journal Le Monde. Alors vous avez beaucoup de projets, vous tournez beaucoup en ce moment,
00:29 on va y venir. On va d'abord parler de votre dernier film « Cash » de Jérémy Rosan,
00:34 qu'on peut voir depuis la semaine dernière sur Netflix, classé numéro 1 des films vus
00:38 sur la plateforme ce week-end. Ça part plutôt fort, c'est une histoire de braquage, mais
00:42 on n'est pas sur la Côte d'Azur, on n'est pas à Paris. On est à Chartres, département
00:46 d'Eure-et-Loire, dans l'univers du parfum, au milieu des champs de blé. C'est ce qui
00:50 vous a séduit Raphaël, ce décalage entre les codes du film de gangster d'un côté
00:55 et puis de l'autre, l'univers d'une petite ville française tranquille ?
00:58 D'abord, ce que j'ai aimé dans le film de Jérémy Rosan, qui est un immense réalisateur,
01:04 c'est d'abord la trajectoire du personnage, qui était cinématographique et flamboyante.
01:10 C'est d'abord ça qui m'a attiré.
01:12 Origine modeste pour ce garçon, qui termine très bien.
01:17 C'est un gars qui a toujours rêvé d'en être, qui se fait initialement, au début,
01:24 c'est raconté au début du film, il se fait un peu avaler par l'ogre économique
01:30 qui sévit dans le bassin d'emploi.
01:33 Il est englouti et du coup, il va mettre à profit son bagout, son éloquence, son intelligence
01:39 sociale pour se faire une petite place et réussir.
01:43 Pourquoi il vous a parlé de cette trajectoire ?
01:44 Parce que je suis assez fasciné par les personnages et même les vraies personnes qui dans la
01:53 vie s'en sortent par le verbe.
01:55 Et moi, ça m'enthousiasme, mais à la fois, ça me terrifie de voir combien tout se déverrouille
02:04 quand on traite avec quelqu'un pour s'accorder sa confiance.
02:08 Il suffit d'une suite de mots et qu'au final, en juxtaposant les bons mots les uns à la
02:15 suite des autres, on n'est pas à l'abri de finir à la présidence de la République,
02:19 par exemple.
02:20 Donc le pouvoir des mots, ça vous attire et en même temps, ça vous fait peur ?
02:23 Oui, il y a une espèce de relation de fascination-terreur qui opère.
02:29 Votre personnage dans le film prononce une phrase qui je pense pourrait être de vous.
02:34 Vous dites à l'un des personnages, je ne vais pas dire lequel sinon j'en dirai trop
02:37 sur le film, mais peu importe, vous lui dites "tu as oublié ce que c'était que l'essentiel
02:41 de la vie en fait".
02:42 Et elle vous répond "c'est l'argent" et vous concluez "non, c'est le panache".
02:46 C'est quoi le panache pour vous ?
02:48 Alors là déjà, c'est issu d'une discussion effectivement à postérieur avec le réalisateur
02:54 et qu'il a accepté qu'on intègre cette chose-là et tout.
02:57 Et moi je trouve que le panache...
02:58 Donc vous discutez avec lui et il le met en question ?
03:01 On discute toute la journée déjà avec Jérém et ensuite il accepte qu'on rajoute cette
03:08 petite fin de séquence.
03:09 Et pour moi, le panache, c'est la chose la plus belle qui soit dans le sens où on paierait
03:17 tellement cher pour un gramme de rêve, un gramme d'étoile.
03:21 Et moi ce petit truc-là, le petit instant de suspension et de grâce qui nous maintient
03:28 comme ça, éberlué devant une situation, devant quelque chose, ça c'est vraiment la
03:33 chose pour laquelle je serais prêt à donner beaucoup d'argent.
03:37 Pas toute la fortune non plus qu'acquiert Daniel Sauver dans le film.
03:41 Daniel Sauver, c'est le principal personnage que vous incarnez dans ce film "Cash".
03:45 Qu'est-ce que vous avez déjà fait par panache dans votre vie ?
03:48 Par panache ?
03:49 Bah tout, chaque seconde.
03:51 Non, non, mais tout.
03:53 Je pense que...
03:54 Moi j'ai l'impression que comme j'ai rien à perdre, le culot d'aller à la rencontre
04:01 des choses, et en tout cas la volonté.
04:04 J'avais vu un jour un documentaire, je ne sais plus comment il s'appelle, c'était
04:07 sur un gars qui faisait le tour du monde.
04:08 Et il disait "on a le devoir d'infliger à notre corps des sauts dans l'inconnu parce
04:15 qu'il n'y a que ça qui va nous permettre d'en apprendre davantage sur nous et d'évoluer
04:19 dans la vie".
04:20 Et lui faisait le tour du monde tout seul en bateau et tout ça.
04:22 Il se retrouvait dans des difficultés inimaginables comme vous pouvez l'imaginer justement.
04:27 Et il disait que c'était un devoir le saut dans l'inconnu pour mettre son corps à l'épreuve,
04:33 son esprit, voir comment notre instinct de survie, l'orgueil, toutes ces choses vont
04:37 venir essayer de nous sauver.
04:39 Le culot pour vous ça a été de frapper et de refrapper aux portes, voire même de les
04:45 enfoncer pour faire ce métier, d'envoyer des mails, de relancer, de s'incruster aux
04:49 soirées, aux avant-premières enquelles vous n'étiez pas invité pour rencontrer les
04:52 réalisateurs.
04:53 Exactement.
04:54 Et la vérité, moi je m'étais dissévé bien léger à l'époque, je m'étais dissévé
05:02 dans la page, même maintenant, je ne dis pas qu'on a fait beaucoup de films, et j'allais
05:07 voir les réalisateurs et je me mettais des listes de sorties obligatoires, j'allais
05:11 voir les avant-premières en présence de l'équipe, et même les réalisateurs américains,
05:15 des Sean Baker, ou même Joachim Trier, ou des réalisateurs un peu internationaux, je
05:20 donnais le CV en disant "If you need a French actor, I let you know that I'm here".
05:26 Et je voulais me forcer à faire ça parce que sinon j'avais une boule au ventre en
05:30 rentrant chez moi de ne pas avoir, au moins ne serait-ce que fait la démarche.
05:34 Mais qu'est-ce qui vous poussait à ce moment-là ?
05:36 Je ne saurais pas te dire, franchement, je pense que si tu imagines toutes ces bâches,
05:46 toutes ces désillusions, toutes ces frustrations, le bien fondé va constituer à abandonner
06:00 devant tout ça, devant toutes ces difficultés.
06:01 Et si tu ne te poses pas la question, c'est qu'il doit y avoir une force quelque part,
06:06 quelque chose, une espèce de moteur irrationnel qui doit… je ne sais pas, une énergie céleste.
06:10 Il y a votre présence devant la caméra qui frappe le spectateur, il y a aussi cet accent,
06:17 ce phrasé très particulier que les auditeurs d'Inter ont sans doute noté depuis quelques
06:21 minutes qu'on discute ensemble, Raphaël Kenard, un accent bizarre, dit un personnage
06:26 dans le film "Chien de la Casse" en parlant de vous.
06:28 Il vous vient d'où cet accent ?
06:29 Cet accent ? Alors moi, déjà je suis originaire de Grenoble, mais on m'a souvent… et d'ailleurs
06:36 le réalisateur de "Chien de la Casse", il a voulu… à la base, il ne voulait pas
06:39 me donner le rôle et il m'incitait à prendre des leçons chez un orthophoniste pour gommer.
06:44 Et c'est la raison pour laquelle il a rajouté dans le film la provenance de cet accent.
06:49 Mais bon, on ne va pas dire dans tous les films non plus qu'on vient de tel endroit,
06:53 parce que sinon ça risque d'être limitatif.
06:55 Mais en tout cas, non, je ne sais pas, moi on m'a dit suisse, on m'a dit belge,
06:59 on m'a dit de l'Est, parfois on me dit "mais non, tu n'es pas français".
07:03 Et moi, une fois on m'a dit "c'est vrai", on m'a dit "non, t'es enrhumé tout
07:07 le temps".
07:08 Et je pense que c'est vrai, ça doit être un truc de cloison nasale.
07:10 Mais après il y a des petites teintes quand même d'accent du Dauphiné, on ne va pas
07:13 se mentir.
07:14 On en reconnaît effectivement.
07:15 Aujourd'hui c'est une force pour vous ?
07:17 Je ne sais pas, si vous en parlez, si ça vous fait tiquer dessus, c'est que possiblement
07:26 c'est quelque chose qui permet d'interpeller.
07:28 Donc peut-être est-ce une force.
07:30 Aujourd'hui oui, peut-être moins demain, parce que vous tournez beaucoup.
07:33 Vous prenez un peu de vacances ou pas ?
07:34 À partir du 31 juillet, c'est les vacances.
07:37 Encore quelques jours de tournage donc, Cash de Jérémy Rosan avec vous à l'affiche,
07:43 Raphaël Kenard, c'est disponible sur Netflix.
07:45 Chien de la Casse de Jean-Baptiste Durand, c'est toujours en salle.
07:48 Et on vous verra dans Yannick de Quentin Dupieux, qui sort au mois d'août.
07:54 Merci beaucoup d'avoir été avec nous ce matin sur France Inter.
07:58 Et j'aimerais dire aux auditeurs, rappelez, vous l'avez dit en préambule, mais rappelez
08:02 que le film est numéro 1 sur Netflix, et donc que ceux qui ne se tiendront pas informés
08:07 risquent fort d'être traités par leur contemporain de gougnafiers.
08:11 Très bien, les auditeurs d'Inter sont avertis.
08:16 Merci à vous, excellente journée.

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