Barbara Pravi, chanteuse et autrice

  • l’année dernière
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Dans la deuxième heure de son émission consacrée à la culture, Philippe Vandel reçoit chaque jour un invité.

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Transcript
00:00 - On va jusqu'à 11h, Philippe Vordel, vous recevez Barbara Pravi.
00:03 - Bonjour Barbara Pravi. - Salut !
00:05 - Vous êtes chanteuse, autrice, compositrice, dernier album "On n'enferme pas les oiseaux"
00:08 qui était sorti à l'automne 2021.
00:10 Vous aviez choisi Culture Média pour le présenter, on vous en remercie.
00:12 Et tout le monde connaît ce titre.
00:14 - Voilà, voilà, voilà, voilà qui je suis
00:18 Me voilà même si mise à nu c'est fini
00:22 C'est ma gueule, c'est mon cri, me voilà tant pis
00:26 - Me voilà tant pis ? Non, vous voilà tant mieux.
00:29 Chanson qui a représenté la France à l'Eurovision 2021,
00:33 vous avez fait deuxième derrière les Italiens.
00:35 Chanson très très personnelle.
00:37 Et vous disiez qu'en vous chantant le titre "Voilà",
00:40 vous êtes quasiment en trans, vous nous l'aviez raconté à ce micro.
00:43 Vous avez fait une tournée de plus de 120 dates,
00:45 vous étiez en trans à la fin de chaque concert, sans un fois de suite.
00:48 - Absolument.
00:49 - Et comment on se remet de ça après ? Comment on revient à une vie "normale" ?
00:52 - C'est une bonne question. - Merci.
00:55 Je me suis dit je vais commencer par ça, j'aimerais bien savoir l'effet que ça fait.
00:58 D'être en trans 120 fois en public.
01:00 - Après, moi j'arrête jamais de bosser, je fais toujours de nouvelles choses.
01:05 - Oui, mais vous ne vous faites pas applaudir avant d'aller vous coucher quand même.
01:08 - Non, non, non. Non, c'est plutôt... Ouais, c'est vrai.
01:11 Je n'ai pas de réponse pour cette question,
01:13 parce que c'est vrai que c'est spécial,
01:15 que là j'ai qu'une hâte, c'est de retourner sur scène.
01:18 - Voilà, ça crée un manque.
01:19 Il paraît que ça fait tellement d'endorphines, d'adrénaline, de dopamine,
01:23 qu'ensuite ça manque.
01:25 - En tout cas, oui, oui.
01:28 Ce n'est pas un manque comme quand on est amoureux, par exemple.
01:31 Je n'ai pas des papillons dans le cœur,
01:33 et je ne souffre pas quand je vais me coucher.
01:35 En revanche, c'est vrai que je me dis,
01:37 j'ai touché à quelque chose qui était très très fort,
01:39 et je veux faire encore mieux la fois prochaine, ça c'est sûr.
01:42 - En attendant, vous publiez ce long poème,
01:44 ça s'appelle "Lève-toi",
01:46 c'est publié par le Juilliard, c'est 10 euros seulement,
01:48 je le dis parce que ce n'est vraiment pas cher.
01:50 Il y a beaucoup d'images, je vais les montrer,
01:52 ces images sur Europe 1.fr,
01:54 vous nous voyez parce qu'on est filmé, c'est de la radio filmée,
01:56 comme tout le monde le fait, ils ont bien raison.
01:58 C'est quoi l'idée de ce poème, c'est quoi l'idée de cet objet ?
02:01 - C'est sorti le 8 mars dernier,
02:03 pour la Journée internationale du droit des femmes,
02:05 et c'est la sixième année que je publie quelque chose.
02:07 D'habitude, je faisais soit des réécritures de chansons,
02:09 soit des chansons originales.
02:11 Et en fait, cette année,
02:13 j'ai eu l'idée de ce texte,
02:15 qui à la base était juste un poème,
02:17 je ne savais pas trop quoi en faire,
02:18 mais moi je n'aime pas que les choses restent chez moi,
02:20 en général quand je fais quelque chose, j'ai besoin que ça existe,
02:22 sinon ça je peux passer à autre chose.
02:24 J'étais en contact avec Lisa Liotto,
02:26 qui est une éditrice incroyable chez Julliard,
02:29 qui me demandait si je pouvais écrire un roman.
02:32 Je n'avais pas du tout d'idée de roman,
02:34 en revanche je suis arrivée avec ce texte,
02:35 et je lui ai dit "écoute, j'ai ça,
02:37 est-ce que tu es ok pour partir avec moi,
02:39 publier ce texte, c'est un petit peu spécial,
02:41 ça sortirait le 8 mars ?"
02:42 Elle m'a dit "bien sûr, en revanche,
02:44 puisque on fait un objet bizarre,
02:46 allons-y, j'aimerais que tu l'illustres,
02:48 j'aimerais vraiment en faire quelque chose de très beau."
02:51 - Et vous en avez aussi fait une chanson !
02:53 La chanson a préexisté au texte,
02:54 ou le texte a préexisté à la chanson ?
02:56 - Le texte a préexisté à la chanson,
02:58 et la chanson est arrivée juste après,
03:00 et ça fait un espèce de truc un peu hybride
03:02 entre chanson, littérature, poésie, dessin.
03:05 - Ça s'appelle "Lève-toi", on entend quelques notes.
03:08 Lève-toi, foule,
03:10 montre que dans ton sang,
03:12 ce qui coule sont des fleuves de temps,
03:16 de batailles, de libertés arrachées,
03:19 pour que brillent nos visages ensemble,
03:23 nos pupilles, nos rêves, nos idées,
03:26 nos idylles,
03:28 les larmes sur nos joues sont du sel,
03:32 marchons sous le même soleil,
03:34 la même nuit, la même lune.
03:37 Lève-toi, fils,
03:39 si ici nous ne sommes que poussières,
03:43 toi et moi, on est enfants d'une seule terre,
03:46 fais honneur à tes mères, à tes filles,
03:50 fais honneur à tes sœurs, à leur vie.
03:53 - Alors c'est très œcuménique,
03:55 vous adressez à tout le monde,
03:57 aux croyants, aux non-croyants,
03:58 aux gens de toutes les religions,
04:00 mais vous vous adressez évidemment,
04:01 et on l'a compris,
04:02 avec l'idée de le publier le 8 mars, aux femmes,
04:05 la place des femmes est à conquérir partout selon vous.
04:07 - Ah bah oui !
04:08 - Y compris dans nos pays, y compris en Occident.
04:10 - Ah bah bien sûr, bien sûr, évidemment !
04:12 Alors on a évidemment plus de chances que les femmes
04:14 qui viennent de se battre pendant des mois
04:16 pour leur liberté en Iran par exemple,
04:18 ou en Ukraine, enfin bon, partout dans le monde,
04:20 nous on a quand même cette chance-là.
04:21 Il n'empêche que ça me fait penser à chaque fois que,
04:23 du coup, je me dis mais,
04:24 en fait la moindre parole de femme
04:26 dans les pays où elles ont le droit de parler,
04:29 est de toute façon politique,
04:31 puisqu'en fait, quelque part,
04:32 elle porte la voix pour toutes les femmes
04:34 qui n'ont pas la place et le droit de parler,
04:37 de dire, de chanter, de danser.
04:40 - Il faut leur accorder cette place ?
04:42 - Bah évidemment, mais ça...
04:43 - Ah, top, top, top !
04:44 Évidemment, confidence de vous,
04:46 faites au Projet de Lyon, c'est l'an dernier,
04:47 vous dites c'est un fait,
04:48 en studio, y a que des mecs, en tournée aussi.
04:50 C'est vous la patronne, c'est vous la vedette,
04:52 pourquoi y a que des mecs ?
04:53 - Ah bah moi y a pas que des mecs sur ma tournée.
04:54 - Ah bon ?
04:55 - Ah bah non !
04:56 - Alors c'est pas écrit comme ça dans le journal.
04:57 - Ah non !
04:58 - Sur votre tournée, y a pas que des mecs.
04:59 - Ah bah bien sûr que non !
05:00 - Et en studio, y a des femmes, avec vous.
05:01 - Ah bah moi, par exemple, je suis pas du tout pour
05:04 faire l'inverse de ce qu'on nous a montré,
05:06 c'est-à-dire, en studio, en effet, c'est un milieu d'hommes,
05:08 bah moi, j'ai pas du tout envie de passer mon temps en studio
05:11 avec que des femmes, ça me saoulerait,
05:13 je trouverais ça...
05:14 En fait, je trouve ça bête de faire une chose
05:16 et de choisir l'opposé, quoi.
05:17 En revanche, ce que je trouve juste,
05:19 c'est l'association entre les hommes et les femmes,
05:21 je la trouve magnifique,
05:22 je trouve que ça apporte des choses très différentes,
05:23 on a des façons de penser qui sont très différentes,
05:25 on peut faire de la musique aussi,
05:26 donc moi, je suis pour la parité.
05:27 Et donc, sur ma tournée, y a autant de femmes que d'hommes,
05:30 je suis beaucoup plus à l'aise,
05:32 par exemple, sur scène,
05:33 quand ma violoncelliste est pas là, Maya,
05:35 et qu'elle est remplacée par un garçon,
05:37 que j'adore au demeurant,
05:38 je me sens mal à l'aise,
05:39 pourtant, ce sont que des gens que j'aime profondément,
05:41 qui sont mes amis,
05:42 d'être la chanteuse au milieu,
05:44 avec ces trois boys derrière,
05:45 moi, ça m'angoisse, en fait, ça me saoule.
05:47 - Là, vous êtes avec Anissa, vous êtes avec moi,
05:49 vous êtes avec Culture Média,
05:50 vous êtes avec les auditeurs et auditrices d'Europe 1,
05:52 restez avec nous, Barbara Pravi, à tout de suite.
05:54 - Culture Média sur Europe 1,
05:56 jusqu'à 11h, avec Philippe Vandel et Barbara Pravi.
05:58 - Barbara Pravi, qui a publié "Lève-toi, séché, Julliard",
06:02 c'est un drôle d'objet,
06:04 c'est un long, long poème lyrique, presque élégiac,
06:07 même s'il ne respectait pas les canons grecs,
06:09 et heureusement,
06:10 y a des illustrations qui sont signées par vous,
06:12 pourquoi y a des illustrations ?
06:13 Parce qu'il fallait faire des pages,
06:15 ou parce que vous avez ce goût-là, également ?
06:16 - Non, parce que c'est quand même vachement plus joli,
06:18 avec des dessins et des couleurs, quand même.
06:20 - Alors, y a des femmes nues,
06:21 y a la scène du balcon...
06:22 - On dirait mon père !
06:23 - Ben oui, c'est l'âge, c'est générationnel.
06:26 Vous voulez que je vous résume comment ?
06:28 - Mon grand-père, il m'a appelé, il m'a dit,
06:30 "Barbara, quand même, les dessins sont très jolis,
06:32 mais bon, il y a beaucoup de femmes nues."
06:34 - C'est quel accent que vous faites ?
06:35 - C'est serbe, mais un peu raté.
06:37 - Y a la scène du balcon, c'est là où je voulais en venir,
06:41 du balcon avec Roméo et Juliette,
06:43 vous voyez, quand Roméo est en bas et que Juliette est en haut,
06:45 il essaie de la séduire,
06:46 sauf qu'elle est inversée,
06:48 le garçon est en haut,
06:49 c'est une femme qui tente de le séduire,
06:51 et la femme, elle est voilée.
06:53 - Ah ouais, mais vous êtes parti très loin dans le...
06:55 - Ouais, non, je suis pas parti très loin, je suis pas juite.
06:58 Que signifie cette image ?
07:02 - J'avais pas du tout, j'y ai pas du tout pensé...
07:05 - Ah ben moi j'y pense !
07:06 Parce que quand on milite pour les femmes iraniennes
07:07 et qu'ils militent pour enlever le voile,
07:08 et qu'on dessine une femme voilée,
07:10 ça peut pas vous avoir échappé.
07:12 - Non, non, non, y a des femmes,
07:13 en fait, y a des femmes de tout,
07:15 y a des femmes de couleurs,
07:16 y a des femmes voilées,
07:17 y a des femmes blanches,
07:19 y a à peu près tout,
07:20 et j'ai pas du tout, c'était pas du tout...
07:23 Ben c'est intéressant, en tout cas,
07:24 j'aime bien cette lecture,
07:25 je la trouve assez jolie.
07:26 - Surtout que là, c'est un voile intégral !
07:28 - C'est vrai.
07:29 Je trouve ça beau, en fait, je sais pas,
07:30 j'ai pas vraiment d'explications à donner.
07:33 J'ai regardé beaucoup,
07:35 y a un livre que j'aime beaucoup,
07:36 enfin qui est pas vraiment un livre,
07:37 mais qui est un grand recueil de poésie,
07:38 qui s'appelle "Le cantique des oiseaux",
07:40 et il existe en édition illustrée,
07:43 et donc il est illustré par toute la peinture persane,
07:46 et en fait, c'est très vieux, bien sûr,
07:49 il n'empêche que les hommes, les femmes,
07:51 on sait pas trop qui sont les hommes,
07:52 qui sont les femmes,
07:53 et moi c'était plutôt dans cette orientation-là que j'allais.
07:56 - Peut-être que c'est un homme voilé ?
07:58 - En tout cas, pour moi,
07:59 la personne qui est en haut, c'est aussi une femme,
08:01 enfin tu vois, y avait pas vraiment de...
08:03 Voilà, j'y ai pas pensé.
08:04 Alors oui, j'ai mis un voile, ça c'est sûr,
08:06 mais j'ai pas pensé à qui était homme,
08:08 qui était femme,
08:09 est-ce que Roméo, Juliette,
08:10 je sais pas, voilà.
08:11 - Vous êtes féministe,
08:12 vous défendez les femmes iraniennes,
08:13 à Téhéran, les femmes se battent pour retirer leur voile,
08:16 et à Paris, y a beaucoup de féministes qui, à l'inverse,
08:18 pensent que c'est le droit de chaque femme
08:19 de s'habiller comme elle veut.
08:20 On se souvient de la citation de Sandrine Rousseau
08:22 qui avait dit "Y a plein de motivations pour porter un voile,
08:24 y en a des femmes qui portent des voiles
08:26 qui sont juste en embellissement en fait,
08:28 j'aimerais bien avoir votre avis."
08:29 Parce qu'en même temps, il faut dire,
08:31 votre grand-père, il est iranien,
08:33 vous avez de votre famille qui est persane.
08:35 - Oui, bah moi je suis pour, de toute façon,
08:37 qu'on fasse ce qu'on veut comme on a envie,
08:39 moi je trouve ça beau, en fait,
08:41 je trouve ça beau, en Iran par exemple,
08:43 moi j'y suis jamais allée, mais je sais qu'on est obligés,
08:45 même quand on vient de France,
08:48 de mettre un petit voile sur les cheveux,
08:50 dans le cinéma, y a plein d'images de cinéma
08:52 où on voit des actrices avec des voiles sur les cheveux,
08:55 alors bien sûr, le voile, tel qu'il est,
08:57 celui dont on parle, il est religieux,
09:00 maintenant il devient politique carrément,
09:02 moi je pense qu'on fait ce qu'on veut,
09:04 moi je trouve ça, y a plein de fois
09:06 où je trouve ça assez joli,
09:07 y a quelque chose que je comprends
09:09 dans l'idée du regard de l'autre,
09:10 c'est-à-dire que je comprends
09:12 qu'on n'ait pas envie d'être regardé
09:14 comme de la viande, ça je le comprends complètement,
09:16 parce qu'en fait, moi ça m'arrive de le ressentir dans la rue aussi,
09:18 ça me fait pas mettre de voile
09:20 parce que c'est pas ma religion,
09:21 il n'empêche que je crois vraiment
09:23 qu'on peut faire ce qu'on veut,
09:25 et que c'est ça la liberté aussi.
09:27 - Barbara Pravi, avec nous,
09:29 on va parler de jeux vidéo,
09:30 on va parler de tatatin,
09:32 on va parler de Barbara Pravi,