Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !
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00:00 On dit souvent qu'en politique, il faut savoir faire
00:02 et faire savoir agir et communiquer.
00:05 C'est le leitmotiv de mon invité,
00:07 qui compte incarner la relève de la droite à l'Assemblée.
00:10 -Bonjour, Antoine Vermorel. -Bonjour.
00:27 -A 14 ans, quand la plupart des ados cherchent à faire pression
00:32 sur leurs parents pour pouvoir sortir le samedi soir,
00:35 vous avez fait pression sur votre père
00:37 pour pouvoir aller à un meeting de Nicolas Sarkozy
00:40 à Clermont-Ferrand, c'est ça ?
00:42 -Exactement. C'était le premier meeting de ma vie,
00:45 un meeting sur la ruralité.
00:47 On était en 2007, c'était la pleine folie sarkoziste,
00:51 on croyait en l'homme.
00:52 Mon père, qui n'était jamais allé à un meeting électoral,
00:55 m'a dit qu'il ne pouvait pas conduire,
00:57 qu'il devait m'emmener.
00:59 -Au même âge, vous avez fait votre stage de 3e
01:01 chez le député de votre circonscription.
01:04 -Exactement. Yves-Nicolas, j'ai fait un stage de 3e avec lui,
01:07 qui était député de ma circonscription de 1993 à 2017.
01:10 -Ca donne l'impression que vous avez toujours su
01:13 que vous feriez de la politique. -J'avais ça en moi,
01:16 je sais pas d'où ça vient, j'ai quelques idées,
01:19 mais dans ma famille, on n'a jamais fait de politique,
01:22 on n'a jamais été encarté ou élu.
01:24 Mon premier souvenir politique, ça reste 2002, j'avais 9 ans.
01:27 -Le 21 avril 2002,
01:29 Jean-Marie Le Pen au front de la présidentielle.
01:31 Le problème, si on peut dire,
01:33 c'est qu'on ne peut pas se présenter à une élection
01:36 avant d'avoir 18 ans.
01:37 Vous avez fondé, présidé plein d'associations.
01:40 Vous avez créé un réseau social d'entraide territoriale,
01:43 qui s'appelle l'Annuaire Rouennais.
01:46 Vous avez mis en place un réseau d'aide aux devoirs
01:48 pour des jeunes demandeurs d'asile à Dijon.
01:51 Et puis, vous avez assigné Bouygues Télécom
01:53 pour publicité mensongère sur son taux de couverture 4G
01:57 dans votre département,
01:58 pour améliorer la couverture du réseau de téléphonie mobile.
02:02 Qu'est-ce qui a alimenté
02:04 cette frénésie d'action aussi jeune chez vous ?
02:06 C'était quoi, votre moteur ?
02:08 -Je suis fils d'éleveur laitier, j'ai toujours habité à la campagne,
02:12 j'ai vu ces injustices territoriales qui arrivaient
02:15 et qui sont aujourd'hui flagrantes dans notre pays.
02:18 J'ai voulu m'engager, j'ai été délégué de classe,
02:21 des engagements très modestes, très humbles,
02:23 des professeurs m'ont tendu la main,
02:25 m'ont montré cette voie de l'engagement associatif
02:28 et qui ont fait que je me suis dit
02:29 qu'on pouvait changer les choses à notre échelle
02:32 par les associations.
02:34 C'est pour ça que je me suis engagé dans différentes,
02:37 et j'en ai créé quelques-unes,
02:38 qui sont d'actualité aujourd'hui.
02:40 -Votre principal fait d'arme,
02:42 dans le domaine associatif,
02:44 c'est la création d'un collectif "Touche pas à ma bourse,
02:47 je la mérite",
02:48 qui a été créé en 2014,
02:50 et ça vous a valu de faire votre première télévision.
02:53 -Antoine Vermorel a désormais un peu de mal à joindre les deux bouts.
03:00 -Je suis fils d'éleveur laitier, je viens d'un milieu modeste.
03:03 J'avais eu mon baccalauréat avec 18,3 de moyenne,
03:06 et j'avais une bourse de 1 800 euros par an,
03:09 environ 200 euros par mois pendant mon année universitaire.
03:12 -Depuis cet été, la mobilisation a grossi.
03:15 Courriers aux députés français,
03:17 pétitions sur Internet intitulées
03:20 "Touche pas à ma bourse, je la mérite".
03:22 Enfin, sur le plan européen,
03:24 Antoine et ses amis souhaitent créer une bourse européenne
03:28 et doper ainsi la mobilité.
03:30 -Cette bataille contre la ministre de l'Education de l'époque,
03:34 vous l'avez gagnée.
03:35 Vous avez obtenu l'annulation de la circulaire
03:37 en allant devant le Conseil d'Etat.
03:39 Cette victoire a changé beaucoup de choses dans votre vie ?
03:43 -C'était un moment fondateur de mon engagement politique,
03:46 le moment où je passe de l'associatif au politique.
03:49 C'est aussi le moment où je me rends compte
03:51 que l'engagement peut avoir de vrais résultats.
03:54 Si, avec mes collègues étudiants,
03:56 on n'avait pas attaqué cette décision,
03:58 la bourse au mérite n'existerait pas.
04:00 Elle a été rétablie grâce à cette décision.
04:02 Ca m'a permis d'assumer pleinement qui j'étais, d'où je venais,
04:06 pourquoi j'étais engagé en politique,
04:08 et ce que certains avaient pu me faire voir,
04:10 notamment dans mes études supérieures à Sciences Po,
04:14 le fait que je vienne d'un milieu
04:15 où très peu font des études supérieures,
04:18 c'était le moment de dire que je suis fils d'Albert Laitier
04:21 et j'en suis très fier.
04:22 Je reste très fier de mes racines agricoles,
04:25 et malgré ce mépris social qu'on peut avoir parfois,
04:28 d'en faire une force plutôt qu'un handicap.
04:30 -Vous avez jamais envisagé de reprendre la ferme de votre père ?
04:34 -Non.
04:35 Pour autant, j'ai aidé.
04:37 J'ai toujours ce souvenir-là de quelques...
04:41 A la maison, c'était les devoirs d'abord,
04:43 et une fois que les devoirs étaient finis avec maman,
04:46 mon père m'en venait à l'extérieur, et j'allais l'aider à la ferme.
04:50 C'est un métier difficile, la traite, c'est le matin et le soir.
04:53 Les repas de famille, le dimanche midi,
04:56 on devait rentrer plus tôt, parce que mon père avait la traite.
04:59 Et puis aussi cette crise de 2009, la crise laitière,
05:02 où malgré tout le travail que vous fournissez,
05:05 vous n'avez pas de revenu suffisant pour faire vivre votre famille.
05:09 Je suis très content que mon père ait retrouvé quelqu'un
05:12 qui lui a donné une récompense.
05:14 -Ce milieu social dans lequel vous avez grandi,
05:17 ça nourrit votre engagement politique, aujourd'hui ?
05:20 -Oui, parce que j'ai vécu aussi
05:24 cette forme de déconnexion de certains élus,
05:26 ou le reproche que mes parents peuvent faire à des élus,
05:30 et je fais attention de ne pas leur ressembler, évidemment,
05:33 mais c'est toujours un risque d'être dans les instances parisiennes
05:37 et d'oublier d'où l'on vient.
05:39 La dernière promesse de campagne,
05:41 c'était de dire "Quoi qu'il arrive dimanche prochain,
05:44 "on se souviendra d'où l'on vient."
05:46 C'est une belle promesse qu'on peut faire à tous les électeurs
05:49 qui nous font confiance.
05:51 -Pour revenir à ce combat contre la suppression de la Bourse au mérite,
05:55 ça vous a permis de rencontrer plusieurs responsables politiques
05:59 de la droite parlementaire, Eric Ciotti, Laurent Wauquiez,
06:02 Michel Barnier, dont vous êtes resté assez proche politiquement.
06:06 Ca vous a aidé à vous lancer en politique ?
06:09 -Oui, j'ai eu la chance de rencontrer Michel Barnier,
06:12 un ami que j'ai accueilli chez moi pendant le congrès des Républicains,
06:16 qui, encore aujourd'hui, on déjeune, on se voit régulièrement.
06:19 Pour moi, son expérience est source d'un enrichissement
06:23 très important. Ca a été l'occasion de rencontrer les élus,
06:26 la droite, que je suivais depuis beaucoup plus longtemps,
06:29 mais un moment où on se dit "Pourquoi pas moi ?"
06:32 -Et en 2017, vous devenez collaborateur parlementaire
06:36 avec deux députés LR, Robin Reda et Damien Abad,
06:40 qui est devenu, quelques temps plus tard,
06:42 le président du groupe Les Républicains à l'Assemblée.
06:45 Vous avez pris du galon, vous êtes devenu collaborateur de groupe.
06:49 Toutes ces années vous ont permis, j'imagine,
06:52 d'apprendre sur le fonctionnement du Parlement,
06:54 sur les techniques parlementaires, mais au-delà,
06:57 quelle leçon vous en avez tirée sur le mandat de député ?
07:00 -Cette nécessité qui est à la fois, pour les députés de l'opposition,
07:05 de faire des propositions, de faire vivre le débat public,
07:08 et aussi cette importance d'être enraciné localement.
07:11 Damien et Robin sont deux députés
07:13 qui ont fait d'autres choix politiques que moi,
07:16 mais ils restent très enracinés dans leur circonscription,
07:19 très proches aussi de leurs habitants,
07:22 et j'ai appris ça de leur part aussi,
07:24 en plus de mon engagement personnel.
07:27 -Vous avez dû patienter avant de vous lancer en politique,
07:30 mais tout est allé très vite.
07:32 Vous êtes élu adjoint au maire de votre commune Renaison en 2020,
07:35 puis vice-président de l'agglomération de Rohann,
07:38 conseiller départemental également.
07:40 Ca donne l'impression qu'il y a un côté homme pressé chez vous ?
07:44 -C'est ce que mes opposants disent.
07:46 Ce que les habitants reconnaissent, c'est mon dynamisme,
07:49 mon énergie, la volonté de faire bouger les choses.
07:52 -C'est pressé d'agir, mais on sent qu'il y a une impatience.
07:55 -Oui, j'ai envie de faire, j'ai envie de faire bouger les lignes,
07:59 j'ai aussi envie qu'une nouvelle génération arrive,
08:02 et je me félicite au département.
08:04 Il y a des élus de l'opposition qui sont jeunes comme moi,
08:07 et je sens qu'ils ont cette volonté de faire bouger les lignes,
08:10 peut-être différemment que moi,
08:12 mais il y a une volonté de la nouvelle génération d'y aller,
08:15 vu le taux d'abstention et le désintérêt de la jeunesse
08:18 vis-à-vis de la politique.
08:20 -Pendant la campagne des législatives,
08:22 vous avez mis un point d'honneur à vous rendre
08:24 dans chacune des 91 communes de votre circonscription,
08:27 et vous avez pas manqué de le faire savoir
08:30 dans les panneaux à chaque fois.
08:32 On sent que la communication en politique,
08:34 c'est pas toujours très bien vu, mais vous l'assumez.
08:37 -Je l'assume et je considère que c'est un gage de transparence.
08:41 C'est souvent ce qu'on me dit aussi.
08:43 Au moins, vous, on sait ce que vous faites.
08:45 Après, on n'est pas toujours d'accord avec moi,
08:48 mais je me cache pas de ce que je fais et de ce que je porte.
08:51 Je pense que c'est important.
08:53 Vous savez, Victor Hugo disait que la communication,
08:56 c'est le fond qui remonte à la surface.
08:58 L'enjeu, c'est pas uniquement de communiquer pour communiquer,
09:02 c'est juste de faire et ensuite de faire savoir.
09:04 C'est ça que je me fixe dans mes mandats.
09:06 -On a pas mal parlé de vous au début de votre mandat
09:09 parce que vous avez décidé de tenir vos permanences
09:12 dans un camping-car pour aller à la rencontre
09:15 de vos concitoyens,
09:17 mais là aussi, ça peut faire un peu gadget, peut-être,
09:20 un peu communication à bon prix ?
09:23 -C'est pas gadget.
09:24 J'ai pas de permanence parlementaire physique.
09:27 J'ai un bureau qui fait 3 m par 3 m.
09:28 Certains de mes collègues ont des bureaux plus grands,
09:32 et c'est un autre choix.
09:33 Ma circonscription du nord au sud, d'est en ouest,
09:36 elle fait 1h30.
09:37 Je sais que dans mon mandat,
09:39 il y a des personnes que je ne pourrais pas rencontrer.
09:42 Je suis pas le seul.
09:43 D'autres députés et bords l'ont fait.
09:45 Je rencontre des chefs d'entreprise
09:47 qui me disent que j'ai vu leur permanence mobile,
09:50 je pensais pas venir vous voir, j'ai rien à vous demander,
09:54 et j'en profite, je m'arrête.
09:55 -Ca permet de créer des rencontres.
09:58 -Et d'affirmer cet enjeu de la proximité.
10:00 -Vous êtes pressé d'agir, d'avoir des résultats.
10:03 A l'Assemblée, en 10 mois, vous avez déposé 12 propositions de loi.
10:07 C'est plus que ce que la plupart des députés présentent en 5 ans.
10:10 Combien ont été mises à l'ordre du jour de l'Assemblée ?
10:13 -Il faut se battre pour qu'elles le soient
10:16 ou qu'elles soient intégrées dans les textes législatifs.
10:19 -Elles ont pas été examinées.
10:21 Ca sert à quoi ? C'est la question.
10:23 -La 1re chose, c'est que c'est un acte politique fort.
10:26 J'en ai fait une sur la suppression des allocations
10:29 aux parents maltraitants,
10:30 qui m'a valu un rendez-vous avec la secrétaire d'Etat
10:33 qui m'a dit qu'on étudie cette proposition
10:36 pour l'intégrer dans le projet de loi de finance
10:39 à l'automne.
10:40 -C'est de la communication ou au service de l'action ?
10:43 -Et j'en ai déposé une récemment sur la National Set à Mabli,
10:46 qui est un sujet local qui m'intéresse,
10:49 qui est un moyen de pression vis-à-vis du gouvernement.
10:52 C'est pour moi la proposition de loi,
10:54 et on le voit dans les niches.
10:56 Elle est d'abord un outil politique au service d'une cause.
10:59 C'est pour ça que j'utilise cet outil,
11:01 comme tous les autres à ma disposition.
11:04 -Un dernier point qui m'a intéressé,
11:06 c'est que vous voulez pas laisser le monopole de l'écologie
11:09 à la gauche.
11:10 Vous êtes en charge de l'écologie dans le contre-gouvernement
11:14 mis en place par Eric Ciotti chez Les Républicains.
11:17 Vous avez le sentiment que c'est un enjeu
11:19 que la droite a trop longtemps négligé ?
11:22 -On arrête pas de dire...
11:23 Nous sommes un parti de gouvernement.
11:25 Gouverner, c'est prévoir.
11:27 Si on ne prévoit pas la crise climatique,
11:29 en 2027 ou en 2032, on sera encore un parti de gouvernement.
11:32 Pour moi, l'important, c'est que la droite
11:35 puisse porter une voix différente de celle de la gauche,
11:38 notamment sur la question de l'écologie,
11:41 pour défendre cette industrie décarbonée,
11:43 le "made in France", notre mode de vie qui change,
11:46 de s'adapter au changement climatique
11:48 et à la question des sécheresses, du manque d'eau,
11:51 de l'acidification des océans.
11:53 On l'a porté par le passé.
11:55 Georges Pompidou crée le 1er ministère de l'Environnement,
11:58 Jacques Chirac avec la Charte de l'Environnement,
12:01 Nicolas Sarkozy avec le Grenelle de l'Environnement.
12:04 C'est à nous de mettre ces forces historiques
12:07 pour incarner quelque chose en 2027.
12:09 -On va passer à notre quiz.
12:10 Le principe est simple.
12:12 Je vais commencer une phrase et vous allez devoir la compléter.
12:16 Les réseaux sociaux et moi.
12:17 -Favorable pour le contact avec les habitants,
12:20 pour Twitter, un peu plus sceptique.
12:23 -Quand les gens me parlent de mon âge...
12:25 -Euh... -Ca vous énerve ?
12:27 -Ca m'énerve, ça m'agace, autant que ça m'agacera
12:30 quand j'aurai 70 ou 80 ans.
12:32 C'est pas parce que j'ai 30 ans que je dois m'occuper de la jeunesse.
12:35 Vous devez vous occuper de la diversité ou de l'égalité des sexes.
12:39 Quand vous êtes jeune, vous devez porter l'intégralité des sujets
12:43 et pas uniquement ceux liés à votre âge.
12:45 -Si j'arrête la politique, je me lance dans...
12:48 -La création d'une ONG.
12:50 -C'est ce que j'ai pensé, c'était dans mes plans.
12:52 C'est mon engagement associatif d'avant.
12:55 -Qui reviendra. -Le jour où j'arrêterai.
12:57 -Merci, Antoine Vermorel, d'être venu dans "La Politique et moi".
13:01 -Merci à vous.
13:03 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
13:06 "La Politique et moi", Alexandre Chassol.
13:09 ...