• l’année dernière
Transcription
00:00 Il y a comme un air de déjà-vu.
00:01 Dans la pochette, le titre et les morceaux.
00:03 En novembre 2021, Orelsan sort "Civilisation", 15 chansons signant son grand retour.
00:08 Ça défonce ! Bam !
00:10 En octobre 2022, il en lâche une nouvelle fournée de 10,
00:13 qui viennent s'ajouter aux précédentes pour former "Civilisation perdue",
00:18 dont les retours étaient un peu moins dithyrambiques.
00:20 En un an donc, Orelsan a sorti 25 titres,
00:23 presque autant de déclinaisons physiques,
00:26 trusté l'espace médiatique, les grandes arénées françaises,
00:28 les festivals d'été et deux cérémonies de victoire de la musique.
00:32 Tout ça grâce à un tour de passe-passe, la réédition.
00:35 Une pratique qui reflète pour les artistes et les labels
00:38 une obsession d'être présent tout le temps sur le devant de la scène,
00:41 et que l'on va décortiquer dans le quatrième épisode de Cache Musique,
00:46 l'émission qui ouvre le portefeuille de l'industrie musicale.
00:49 La réédition d'albums a toujours existé.
00:53 Dans les années 80, elle était même accompagnée d'un véritable argument technique.
00:57 Le passage du vinyle au CD a poussé les gens à racheter
01:00 les disques de leurs artistes favoris sur un support plus fiable.
01:04 La réédition actuelle, c'est une énième manière pour l'industrie de s'adapter,
01:08 à l'époque, comme nous l'explique Odile Deplat,
01:11 la chef du service musique de Télérama.
01:13 L'industrie du disque s'est toujours adaptée à la technique en cours.
01:17 Les Beatles sortaient des 45 tours qui n'étaient pas sur les albums.
01:21 Paul Naref a beaucoup sorti de singles qu'on ne retrouve pas sur les albums.
01:25 En ce moment, c'est le streaming, des rééditions.
01:28 Il y a quelques années, le streaming avait redéveloppé les EP, les Extended Play.
01:33 C'était des mini-albums.
01:34 Pour exister tout le temps et être toujours dans l'actualité musicale,
01:37 la réédition d'un album, c'est un moyen qui a fait ses preuves depuis pas mal d'années.
01:43 Aujourd'hui, il y a autant de raisons de ressortir un disque que d'artistes qui le font,
01:52 et autant de noms différents comme pour justifier la démarche créative.
01:57 Un album Deluxe, une version XL, une édition ultime, un encore, un numéro 2, un épilogue,
02:02 voire une suite, ou tant d'autres noms.
02:04 Si on a pensé l'objet en réédition dès le début, en deux volumes,
02:09 ça peut donner un sens artistique.
02:10 Ça peut être pris comme un moment de liberté
02:13 où on décide de se livrer à des expériences, des collaborations.
02:18 Si Alan Gack, patron du label 5/7,
02:20 qui produit les disques de Philippe Catherine, Pierre Demare ou Dominique A,
02:23 défend cette pratique, c'est d'une part parce qu'il s'y adonne avec ses artistes,
02:27 mais aussi parce que la réédition n'est pas qu'un moyen commercial de vendre toujours plus.
02:31 C'est pas aussi machiavélique vis-à-vis du public.
02:34 Pour qu'il y ait une réédition en physique, il faut quand même qu'il y ait une dynamique commerciale.
02:37 Une autre raison pour laquelle c'est pas systématique,
02:40 c'est qu'on peut pas présager de la créativité de l'artiste.
02:44 C'est lui qui a le maître mot, qui est le final cut sur le fait qu'il y ait une réédition ou pas.
02:48 Je n'ai jamais vu un artiste se projeter, créer en se projetant dans l'édition d'un album et la réédition.
02:55 C'est pas très artistique comme démarche.
02:58 Après, des fois, il peut y avoir des chutes de studio.
03:00 Avec le temps, on se dit "ah, c'était quand même pas mal, on pourrait les mettre dans une réédition".
03:05 On peut aussi se dire "des fois, avec le temps, c'était vraiment pourri, on sait pourquoi elles étaient pas sur l'album".
03:08 Je pense que les maisons de disques ont intégré quand même le fait qu'il y ait une possible réédition.
03:18 Ce serait assez naïf de penser le contraire.
03:20 En fait, les rééditions d'albums, elles arrivent toujours un peu au même moment.
03:23 Elles arrivent à la période de Noël, parce qu'on sait que les gens achètent des disques et offrent des disques.
03:28 Donc voilà, on attend peut-être la version avec les titres en plus.
03:32 Mais une réédition, ça peut permettre aux artistes de peaufiner certains morceaux qui n'étaient pas terminés.
03:37 On l'a vu avec Aurel San qui l'explique dans son documentaire.
03:39 Certains morceaux, il n'en est pas content et donc il faut attendre.
03:43 Le morceau avec Angèle n'est pas terminé, attendre, en tout cas Angèle ne valide pas cette version.
03:48 Il ne peut pas être sur l'album. La réédition permettra de le mettre.
03:51 Écrire un album, ça prend du temps.
03:56 Et c'est à l'opposé de la frénésie des réseaux sociaux et des plateformes de streaming.
04:00 Le patron de Spotify, Daniel Ek, avait d'ailleurs été clair.
04:03 Son service de streaming met en valeur les artistes qui produisent le plus régulièrement et le plus souvent possible.
04:09 Les rééditions, c'est donc facile, efficace, dans la logique du marché.
04:13 Avec l'avènement du digital, la consommation est beaucoup plus rapide.
04:17 On a un abonnement en streaming, il y a une nouveauté, on va écouter l'album,
04:20 on va l'écouter 3-4 fois, on va se faire un avis, on va peut-être passer à autre chose.
04:23 Et une fois qu'on a sorti notre album, l'album n'est plus nouveau dans l'univers du digital.
04:27 Donc effectivement, il faut réalimenter avec des nouveaux titres
04:33 qui peuvent donner lieu à une nouvelle édition physique et une nouvelle édition digitale.
04:38 Ce n'est pas la même démarche que d'acheter un disque en magasin, de l'avoir chez soi,
04:42 de le mettre 2-3 fois et peut-être de le remettre parce qu'on a acheté l'objet, qu'on a sorti à 25 euros.
04:48 Après, effectivement, à la fin, pour le fan qui achète deux fois le même objet,
04:53 oui, il passe deux fois la caisse et c'est ça qui est un peu touchy.
04:58 Surtout qu'en relançant les ventes et les écoutes en streaming,
05:01 une réédition reprend les choses là où elle s'était arrêtée avec l'album.
05:04 Un disque certifié or peut aussi très facilement passer platine
05:08 et pourquoi pas diamant grâce à une ressortie.
05:11 C'est d'ailleurs ce qu'enchaîne Aurel San au fil de ses albums et rééditions, physiques ou non.
05:15 Mais à quel prix ?
05:16 Je ne pense pas que les rééditions empiètent sur la qualité du premier album.
05:20 Comme je disais, je pense qu'un artiste ne va pas sacrifier son album pour ça.
05:23 En revanche, la qualité des rééditions est discutable.
05:27 Il y en a de très intéressantes.
05:29 Il y a carrément des artistes qui décident, comme Dominika, de faire un deuxième mini-album.
05:34 Il y a des gens qui sortent des EPs.
05:36 Et puis, il y a certaines rééditions qui sont plus ou moins intéressantes.
05:40 Aurel San, devant la faible qualité de certains morceaux de sa réédition,
05:44 en a même pris le parti d'en rire.
05:47 Mais les fans ont peut-être été un petit peu...
05:51 ont eu le sentiment d'avoir été peut-être un peu filoutés.
05:53 De toute façon, médiatiquement, c'est intéressant.
05:55 Et après, commercialement, ils vont vendre plus ou moins de disques
05:58 et donc arriver à certaines certifications.
06:00 Mais le streaming en fait partie, donc de toute façon, ça ne peut être que gagnant.
06:04 La réédition, ce n'est donc pas qu'un disque rayé proposé au mélomane.
06:08 À la fois dictée par les impératifs de l'industrie,
06:10 comme la visibilité permanente ou la course au stream,
06:13 elle peut aussi être une manière pour les artistes de continuer à exprimer leur créativité.
06:17 Mais au milieu, il y a tout de même, encore et toujours,
06:21 le portefeuille des fans, qui est décidément très extensible.
06:25 Ce portefeuille, on va justement continuer à l'ouvrir dans le prochain épisode de Cache Musique.
06:30 Alors abonnez-vous à la chaîne YouTube de Télérama, histoire de ne rien louper.
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