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Vendredi 30 juin 2023, BE SMART reçoit Alexia Reiss (Déléguée générale, SISTA)

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Transcription
00:00 On va terminer cette émission en compagnie d'Alexia Reis, bonjour.
00:08 Bonjour Aurélie.
00:09 Vous êtes déléguée générale de Sista.
00:11 Sista c'est un collectif de femmes entrepreneurs et investisseurs qui promeut la diversité
00:15 dans l'économie numérique entre autres en encourageant notamment plus d'investissement
00:20 dans les entreprises qui sont dirigées par les femmes.
00:22 Et alors Alexia, vous avez publié il y a quelques jours un baromètre européen avec
00:26 le BCG.
00:27 Bilan des courses, en 2022 les startups fondées par des femmes sur les principaux marchés
00:31 européens ne représentaient que 10% des startups créées, 7% des levées de fonds
00:38 réalisées et seulement 2% des fonds levés.
00:40 De quoi ça vient ? Et est-ce que ce n'est pas un peu dramatique que le constat, si je
00:46 comprends bien, soit un peu le même partout ?
00:47 Exactement.
00:48 Alors en fait chez Sista avec le BCG on publie un baromètre tous les ans, depuis déjà
00:54 4 ans et cette année, vraiment ce qu'on a voulu faire, voyant que les chiffres en
00:59 France avaient des difficultés à bouger, on s'est dit bon, on va aller regarder ce
01:04 qui se passe en Europe pour voir s'il y a un peu des best practices à aller tirer
01:09 des autres pays.
01:10 Et le constat, vous l'avez dit, il est sans appel, il n'y a vraiment personne, aucun
01:16 pays en Europe qui est meilleur que les autres.
01:20 Donc les chiffres que vous avez donnés sont au niveau européen, puisque l'étude portait
01:25 sur la France, l'Angleterre, la Suède, l'Espagne et l'Allemagne.
01:29 Ce sont les 5 pays que nous avons étudiés.
01:32 Et la réalité est la même partout, les équipes féminines sont très peu ou pas
01:39 financées.
01:40 Comment ça s'explique ? Parce que quand même j'ai l'impression que ça fait longtemps
01:44 qu'on le dit et votre travail depuis plus de 4 ans maintenant fait remonter ces choses-là
01:50 sur la scène publique, sur le débat public, ce qui n'était pas le cas avant.
01:53 Comment ça se fait qu'on n'y arrive pas ?
01:55 Il y a plusieurs facteurs.
01:59 Déjà l'année qu'on a étudiée, l'année 2022, a été un peu particulière puisqu'on
02:03 est en contexte de crise, du coup crise du financement.
02:06 Et là où on avait pu voir les années précédentes des petites améliorations en faveur des femmes
02:15 entrepreneurs, en fait tout de suite, dans une crise assez classique, les dernières
02:21 avancées sont les premières coupées dans ce type de situation.
02:25 Et donc là c'est vraiment ce qui s'est passé sur cette année-là et avec tous les
02:28 pays.
02:29 Donc il y a eu moins de femmes qui ont fondé des entreprises et lorsqu'elles l'ont fait,
02:34 elles n'ont pas été financées.
02:35 Voilà, donc ça c'était un petit peu le premier constat, enfin, explicatif.
02:41 C'est vraiment le contexte économique qui est compliqué actuellement lié à cette
02:46 crise du financement en Europe.
02:47 Et après en fait il y a plusieurs autres raisons qui expliquent ça.
02:52 La première, qu'on travaille énormément avec Sista, c'est les biais cognitifs des
02:59 investisseurs.
03:00 En France, on a étudié les personnes décideuses au sein des fonds d'investissement et ce
03:07 sont à 85% des hommes.
03:09 Et les biais cognitifs font qu'on va avoir tendance à se rapprocher de personnes qui
03:15 nous ressemblent et auxquelles on s'identifie.
03:18 Et donc les hommes décideurs vont avoir tendance à financer d'autres hommes.
03:23 Donc nous c'est le travail que nous faisons au quotidien avec les fonds d'investissement,
03:26 c'est vraiment de les former à ça, leur dire qu'une femme qui pitch, qui présente
03:36 son entreprise, ce n'est pas pareil qu'un homme, qu'il faut ouvrir son investissement
03:43 à plus de diversité, à plus de parité et il faut aussi compter le nombre d'investissements
03:52 qu'on fait en faveur de femmes.
03:55 Si je vous entends bien, ça voudrait dire que par exemple une équipe mixte, elle aurait
03:59 plus de chances de lever des fonds par exemple qu'une femme toute seule ?
04:03 Absolument.
04:04 Et ça, ça fait partie vraiment des choses que nous avons mesurées dans ce baromètre
04:08 là, puisque là les chiffres que vous avez donnés concernent les équipes fondatrices
04:12 féminines, mais les équipes mixtes tirent beaucoup plus leur épingle du jeu.
04:17 Elles lèvent en moyenne quatre fois plus que les équipes féminines et c'est un peu
04:24 pour nous le signal positif de cette étude, puisqu'il y a de plus en plus d'équipes
04:31 mixtes fondatrices et elles ont beaucoup plus tendance à être financées que les équipes
04:36 féminines.
04:37 Est-ce que quand même, comme vous avez screené plusieurs pays, il y a des choses qui marchent
04:42 un peu mieux et est-ce que vous avez des éléments d'explication ? Je pense qu'on parle souvent
04:45 des pays nordiques, est-ce que la Suède par exemple s'en sort mieux que nous ?
04:48 C'est vraiment ce qu'on espérait trouver et en fait la Suède en est un peu déchantée
04:55 parce qu'en effet la société est beaucoup plus favorable à l'entreprenariat au féminin
05:01 puisque une boîte sur trois en Suède est fondée ou co-fondée par une femme, contre
05:08 à peu près une sur cinq en France.
05:10 Du coup, on s'est dit génial, on a atteint la barre des 30% un peu plus sur… mais sauf
05:19 que c'est le pays qui finance le moins les femmes entrepreneurs.
05:23 C'est presque paradoxal en fait.
05:25 C'est complètement paradoxal et c'est vraiment… puisque nous avons mesuré plusieurs
05:31 critères donc sur les créations d'entreprises, ils sont au top, ils sont premiers et ils
05:35 sont derniers sur le financement.
05:37 C'est presque inexplicable en fait.
05:43 C'est explicable par tout ce qu'on s'est dit et après des choses peut-être aussi
05:49 propres au pays mais en effet l'entreprenariat au féminin, comme on l'entend qu'il doit
05:57 se faire financer, qu'il a besoin de soutien financier, en Suède ne fonctionne pas.
06:03 Vous parliez des rapports avec les fonds et effectivement le besoin aujourd'hui qu'on
06:09 les fonde d'ouvrir un peu à davantage de diversité.
06:12 Il y a beaucoup de choses qui sont quand même faites, en tout cas des déclarations d'intention
06:17 voire même des… je sais que France Invest a mis en place une boîte à outils pour justement
06:21 encourager.
06:22 Est-ce que finalement toutes ces chars, toutes ces boîtes à outils, ça sert à quelque
06:27 chose ou c'est difficile parce qu'en fait ça va prendre du temps de faire monter
06:31 ces femmes à des niveaux de décision tels qu'elles auront ensuite un impact sur les
06:36 investissements ?
06:37 Oui, ça va prendre du temps.
06:40 Après nous on se bat pour quand même le faire, que ça existe, pour essayer d'embarquer
06:46 avec nous un maximum de personnes de l'écosystème et aussi au niveau du gouvernement.
06:52 On essaye vraiment d'attirer l'attention sur ces sujets-là.
06:59 En fait, il y a des actions qui sont prises à plusieurs niveaux.
07:03 Vous avez parlé de France Invest, il y a aussi la French Tech qui a créé le pacte
07:09 parité puisqu'en fait c'est un ensemble, le pacte parité c'est un peu différent,
07:13 ça concerne la place des femmes au sein des comités de direction.
07:16 Là aussi c'est quelque chose qu'on constate, c'est qu'il y a peu de femmes dans les
07:21 comités de direction de la Tech.
07:23 Donc on encourage aussi par ce côté-là à plus de parité et de mixité parce qu'en
07:31 plus, au-delà que ce soit un enjeu sociétal, c'est aussi un enjeu économique.
07:36 On a fait une étude récente aussi avec le BCG sur la place des femmes au sein des comex
07:41 et les équipes directrices les plus paritaires surperforment à 6,5%.
07:48 Il n'y a pas de débat en fait.
07:51 Non, il n'y a pas de débat et c'est pour ça qu'en fait nous on insiste sur la nécessité
07:57 de plus de diversité au sein des équipes de direction et aussi dans les équipes fondatrices
08:02 parce que c'est ça qui permet d'ouvrir un scope plus large au final.
08:07 En attendant que les mentalités évoluent et que tout ça se fasse de façon un peu
08:12 naturelle, je vois fleurir de plus en plus de fonds d'investissement qui ont pour cible
08:17 justement de financer les femmes, je pense à l'EIA Capital, à Winn Equity ou d'autres,
08:21 je crois que Sista aussi a lancé un fonds.
08:23 C'est une étape indispensable en attendant que ce soit généralisé ?
08:28 C'est nécessaire, c'est sûr et surtout ça ouvre… en fait on a besoin de rôle
08:38 modèle à tous les niveaux.
08:39 On a besoin de rôle modèle de femmes fondatrices pour se dire que oui, les femmes réussissent
08:44 et il y a aussi besoin de rôle modèle au niveau des fonds d'investissement.
08:47 Oui, on peut créer un fonds d'investissement qui va financer des projets créés ou co-créés
08:52 par des femmes et ça va bien se passer.
08:54 Et ça va être un fonds qui va fonctionner, qui va faire du chiffre, qui va choisir bien
09:02 ses projets et voilà.
09:04 C'est nous dans cette lignée-là qu'on insiste vraiment et qu'on invite les fonds
09:12 d'investissement à compter tous les projets entrants de femmes, à vraiment mesurer la
09:19 place des femmes au sein de leur portefeuille d'investissement.
09:22 C'est nécessaire, c'est comme ça qu'ils vont se rendre compte du type d'investissement
09:26 qu'ils font vers quel type de fondateur ou fondatrice.
09:29 Et aujourd'hui, ces fonds-là peuvent se retrouver, parce que ça fait quand même
09:34 un long temps que je fais ce métier, que je suis cette évolution-là et il y a encore
09:39 cinq ans, j'entendais beaucoup "oui mais de toute façon, les femmes, elles vont faire
09:43 une boîte dans la cuisine, dans le yoga, dans je ne sais pas quoi".
09:47 Non, aujourd'hui, il y a quand même une richesse suffisante.
09:51 Absolument.
09:52 Le vivier est de plus en plus gros.
09:54 Nous, on étudie vraiment les entreprises, les start-up qui répondent aux critères
10:01 d'investissement des fonds d'investissement.
10:04 Donc des boîtes scalables avec une forte traction, des objectifs de rentabilité et
10:12 d'expansion.
10:13 Et ce vivier-là, quand on a lancé Sista, c'était 15% des entreprises étaient créées
10:19 ou co-créées par des femmes.
10:20 Aujourd'hui, on est à 20%.
10:22 L'année dernière, on était à 24%.
10:24 Ça fait partie des petits reculs qui a eu lieu à la crise.
10:29 Mais en tout cas, le vivier est là.
10:31 Quand il n'y avait que 15%, on pouvait dire qu'il n'y avait pas assez de femmes et
10:36 donc pas assez de projets à financer.
10:38 Maintenant, il y en a beaucoup plus.
10:40 Ce n'est plus un sujet.
10:41 Surtout, tout le spectre des start-up est couvert.
10:46 S'il y a deux ou trois choses que vous aimeriez avoir, si on avait une baguette magique comme
10:52 ça pour faire changer les choses, ce serait quoi ? Qu'est-ce qui manque en termes d'outils
10:55 ? Parce que j'ai l'impression que la communication est faite, que plus personne ne peut dire
10:58 « je ne sais pas qu'il faut financer les femmes, qu'il y a des projets intéressants
11:02 portés par des femmes ».
11:03 Qu'est-ce qui manque aujourd'hui ?
11:04 Il manque plus de femmes partenaires au sein des fonds d'investissement.
11:10 Si les hommes ne prennent pas la décision d'investir dans les femmes, les femmes le
11:14 feront peut-être.
11:15 En tout cas, pour avoir un autre regard sur les projets portés par des femmes.
11:22 C'est vraiment le premier point.
11:24 Il faut plus de femmes dans les fonds d'investissement.
11:27 Qu'est-ce qu'il faudrait d'autre ? Il faut de toute façon continuer la sensibilisation.
11:34 Et il faut aussi que les fonds qui se sont engagés à le faire, comptent les femmes
11:43 et prennent le sujet de la parité comme un vrai sujet à traiter.
11:48 Avec des objectifs, en se disant « cette année, on va financer tant de projets portés
11:53 ou comportés par des femmes ».
11:54 Les quotas n'existent pas.
11:57 Sans s'en mettre pour son propre fond, on n'y arrive pas.
12:01 On a toujours une bonne excuse pour ne pas faire les choses.
12:04 Si c'est, comme pour n'importe quelle entreprise, un projet qui est identifié,
12:09 qui est mesuré, mesurable, avec des objectifs, une communication adaptée, etc., ça va donner
12:15 aussi envie aux femmes de présenter leur dossier à certains fonds qui vont avoir une
12:23 appétence particulière pour les projets portés par des femmes.
12:27 Merci beaucoup Alexia Ray.
12:28 Je rappelle que vous êtes la déléguée générale de CSTAR.
12:31 Merci d'avoir été avec nous.
12:32 C'est la fin de cette émission.
12:34 Évidemment, on se retrouve vendredi prochain.
12:36 D'ici là, vous pouvez nous retrouver en replay sur le site de Bsmart, mais aussi
12:41 en podcast sur toutes vos plateformes préférées.
12:44 Passez vraiment un excellent week-end sur Bsmart.
12:46 [Musique]

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