Ce que la Palestine apporte au monde

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Transcript
00:00 *Ti ti ti ti ti ti*
00:02 *Musique*
00:08 France Culture, Olivia Ghespert, bienvenue au Club.
00:12 *Musique*
00:17 "Qui suis-je ?" Bonjour à tous.
00:19 "Qui suis-je ?" c'est une question que les autres posent, disait Mahmoud Darwish.
00:23 Des images de Palestine loin des clichés.
00:25 Le Club accueille aujourd'hui Elias Sambar, écrivain, traducteur, ancien ambassadeur de la Palestine auprès de l'UNESCO,
00:30 président du Conseil d'administration du Musée national d'arts modernes et contemporains de la Palestine.
00:36 Et le photographe Raed Bawaya.
00:38 L'exposition "Ce que la Palestine apporte au monde", dont Elias Sambar est commissaire,
00:42 vient d'ouvrir ses portes à l'Institut du Monde Arabe à Paris.
00:45 Elle est à voir jusqu'à la fin novembre.
00:47 Elle nous emmène dans les valises de Jean Genet, mais aussi dans des paysages d'hier et des photographies de rue d'aujourd'hui.
00:53 On va tenter ensemble de répondre à cette question.
00:55 Qui suis-je ? Ou plutôt qui sommes-nous ?
00:57 Ensemble, jusqu'à midi et nuit.
00:59 Une émission programmée par Henri Leblanc, Corina Maré, Anouk Delfino, préparée par Sacha Matéi.
01:09 A la réalisation, Félicie Fauger avec Jean Guillain, mège à la technique.
01:13 Et bonjour Elias Sambar.
01:15 Bonjour.
01:16 Et bonjour à vous Raed Bawaya.
01:17 Bonjour.
01:18 Bonjour à tous les deux. Merci d'être là.
01:19 Si je vous demande comment ça va Elias Sambar, est-ce qu'il est possible que vous me répondiez en arabe par "du goudron" traduit littéralement.
01:27 Qu'est-ce que ça signifierait ?
01:29 L'expression étant très courante en arabe, quand les choses sont mauvaises, dures au niveau quotidien, la réponse est "zeft".
01:40 "Zeft" veut dire goudron, donc la noirceur.
01:43 Ça veut dire ça ne va pas.
01:44 Ça veut dire que ça ne va pas, ça veut dire qu'elle est noire.
01:47 Mais vous savez, il y a le même mot dans un mot magnifique de musique au Portugal, qui est le "saudade".
01:57 "Saudade" vient de l'arabe, de "sauda", qui veut dire la noirceur du cœur.
02:04 Et le "zeft" c'est aussi une forme de "saudade" par rapport à des gens qui vivent sous occupation, dans une injustice flagrante quotidienne.
02:14 Mais comme vous le disiez déjà, avec cette exposition, ça va très bien, parce que cette exposition montre à quel point nous sommes bel et bien vivants.
02:23 Et à quel point nous sommes toujours, je dis toujours parce que ça ne date pas d'hier, porteurs d'une obsession de la culture.
02:31 Nous sommes obsédés par la culture.
02:33 Ça se voit moins depuis longtemps, parce que le conflit est là, qui un peu recouvre d'autres aspects de la vie.
02:40 Mais cette donne de l'identité palestinienne n'a jamais cessé d'exister et de se manifester.
02:47 Donc cette exposition, c'est fondamentalement de dire que ce qu'on montre, c'est la culture.
02:53 Mais cette exposition, elle nous montre justement du goudron, c'est-à-dire la réalité, parfois dure, parfois sombre, mais aussi des plumes.
03:00 Parce qu'il y a une part de rêve aussi, à travers ce que les artistes présentent dans cette exposition.
03:04 Raed Bawaya, comment vous allez ?
03:06 Je vais très bien, merci. On essaie, on essaie. Ce n'est pas toujours, mais on essaie d'être bien.
03:12 On essaie parfois d'oublier, de faire oublier pour pouvoir continuer à faire les choses.
03:19 Cette exposition, qui ouvre au monde plus de 400 fenêtres sur la Palestine, montre que la Palestine est encore existante.
03:38 Et elle montre beaucoup.
03:45 Elle montre qu'on continue à faire le chemin qui a choisi le chemin de la culture,
03:54 et à exprimer à travers la culture autre chose qu'on voit habituellement, qu'on voit habituellement dans le monde.
04:03 Et elle montre beaucoup de visages de la Palestine.
04:06 De visages diversifiés de la Palestine, de la culture, de la société palestinienne,
04:12 et de l'autre de la société palestinienne, et surtout l'être humain de la Palestine.
04:19 Pour cette exposition, vous avez rassemblé des images de Palestine.
04:22 Elles ont plus d'un siècle pour certaines, ou à peine plus d'un an pour d'autres.
04:26 Elles dialoguent entre elles. Dans une même langue, c'est la photographie.
04:30 Ce médium, il permet beaucoup.
04:32 Quand est-ce que vous, vous avez choisi, Rad Bawaya, de vous saisir d'un appareil photo,
04:37 et de faire de la photographie votre langue ?
04:42 C'était la photographie pour moi, ou plutôt l'appareil photo, la machine,
04:48 comme machine que je connais dans le marché de la vieille ville de Jérusalem,
04:56 quand j'étais en France, j'avais 10 ans, que ma mère m'a envoyé là-bas pour vendre des raisins,
05:03 pour pouvoir amener, en bout de besoin de la famille, notre famille nombreuse.
05:10 Là-bas, c'est mon rêve, pas de photographe, mais de connaître le médium,
05:19 de découvrir cet appareil, et l'année dans le marché de la vieille ville de Jérusalem,
05:25 parce que, comme vous le connaissez, la vieille ville de Jérusalem, c'est la ville touristique
05:30 la plus visitée par les touristes.
05:32 C'est cet appareil que j'ai rencontré, que j'ai vu, avec toutes les masses de touristes
05:40 qui sont venus visiter la ville sainte.
05:45 Et là-bas, ce désir, il a mis avec moi, de découvrir cet appareil photo, de le connaître,
05:52 et le désir qui était très difficile à réaliser, très difficile à toucher,
06:00 parce que je suis né dans une famille sans moyens.
06:07 Ce rêve, je l'ai porté jusqu'à l'âge de 30 ans, et j'ai commencé mes études photographiques
06:14 à l'école de photo à Jérusalem.
06:16 - Et maintenant, vous avez toujours ce boîtier sur vous ?
06:19 - Oui, maintenant, j'essaye à travers mon appareil photo, à travers la photographie.
06:30 - Vous essayez de quoi ? De témoigner ? De montrer ? De raconter ?
06:35 - Si, je voyage pour témoigner, de raconter, mais aussi, pour moi, la photographie,
06:43 c'est une recherche sociale à travers la photographie.
06:48 Mon appareil photo, c'est un objectif, c'est un moyen pour faire la recherche sociale
06:54 à travers la photographie, pour pouvoir montrer l'autre.
06:58 - Il y a effectivement deux regards présentés dans cette exposition.
07:02 Un regard plutôt orientaliste, Elias Sambar, avec une trentaine de clichés,
07:06 qui ont quelque part figé une certaine idée de la Palestine à l'époque,
07:10 cette idée d'une Terre sainte, immuable.
07:13 Et puis, alors ça, c'est vu là, ce qui est intéressant aussi,
07:16 c'est que c'était plutôt des photos en noir et blanc qui sont passées à la couleur
07:19 grâce à un procédé qu'est le photochrome.
07:21 Et puis, un regard contemporain avec des photographes qui racontent la vie quotidienne
07:24 en Palestine, aujourd'hui.
07:27 Vous faites dialoguer ces deux registres d'images,
07:30 mais vous êtes reparti là encore du choix de la photo. Pourquoi, Elias Sambar ?
07:33 - Je vais vous dire, il y a une chose fondamentale,
07:37 et j'ai un énorme plaisir à écouter Raed.
07:40 Raed était venu me voir il y a quelques années à l'UNESCO,
07:43 quand j'étais encore ambassadeur, et il commençait son travail.
07:46 Et j'avais été, mais littéralement, époustouflé
07:49 par la beauté des clichés qu'il avait apporté, qu'il me montrait.
07:54 Nous n'aurions pas eu l'occasion,
07:57 et c'est une chose très importante à dire aujourd'hui,
08:00 nous n'aurions pas eu l'occasion d'aborder ces territoires,
08:03 l'image, la photographie, la poésie avec la voix de Derwish,
08:07 les arts graphiques, la peinture, et ainsi de suite.
08:12 Nous n'aurions pas eu l'occasion de le faire
08:15 s'il n'y avait pas eu une forme d'hospitalité assez exceptionnelle
08:18 à l'Institut du Monde Arabe.
08:20 Souvent, on me dit, pourquoi tu ne l'as pas fait avant ?
08:23 Parce qu'il fallait bien qu'il y ait quelque part un accueil.
08:26 Et donc, ce projet de musée est fils, enfant de cet accueil,
08:30 et c'est une chose qui nous touche beaucoup, énormément.
08:34 Et il faut dire, il faut le reconnaître,
08:37 nous avons une grande gratitude pour l'accueil que nous a réservé Jacques Lang.
08:41 - On va en parler si vous voulez bien.
08:44 Parce que c'est intéressant, c'est la question aussi du musée qui se pose à travers ça.
08:48 - Je vais y arriver, parce que ça n'est pas commun.
08:50 Parce que souvent, la question qu'on me pose, ce n'est pas seulement l'image,
08:53 c'est qu'est-ce que vous avez à montrer ?
08:55 Ce que j'ai à montrer, je l'ai depuis longtemps,
08:57 mais pour la première fois, j'ai l'occasion de le montrer.
09:00 C'est ça qui est important à mes yeux.
09:02 Au niveau de l'image, bien entendu qu'il y a un travail au 19e siècle
09:08 de figer une terre, de l'enfermer dans des textes,
09:12 ou dans des théologies, ou dans des croyances.
09:15 Et c'est ainsi que commence la préparation du fameux slogan
09:20 "de la terre sans peuple pour un peuple sans terre".
09:22 Donc tous ces clichés, et ils sont très dangereux parce qu'ils sont très beaux.
09:26 Ces photos du 19e sont extrêmement charmeuses, pas charmantes, vraiment charmeuses.
09:32 Et elles ont beaucoup contribué à asseoir cette réalité.
09:36 Parce qu'il y a des personnages dans ces images,
09:39 mais vous les voyez comme des vestiges, des restes de quelque chose, et un vide.
09:44 Et j'ai voulu les mettre en confrontation un peu avec toute la vitalité,
09:49 pas simplement la vie quotidienne aujourd'hui,
09:51 toute la vitalité créatrice d'un mouvement aujourd'hui de photographes
09:55 dans lequel participent beaucoup de femmes palestiniennes,
09:59 et c'est une chose très belle aussi,
10:01 qui est un regard créatif, nouveau, et surtout qui n'est pas uniquement,
10:08 vous devez poser la question à Ara,
10:10 qui n'est pas uniquement une illustration du conflit,
10:14 qui est leur vie quotidienne.
10:16 - Complètement, et on va en illustrer ce point-là
10:20 avec quelques-unes des photos et des photographes présents dans cette exposition.
10:22 Mais juste, Elia Sambar, quand vous dites "ces images sont charmeuses",
10:25 moi j'entends peut-être aussi "dangereuses" derrière ça.
10:28 En quoi ces clichés du XIXe ?
10:31 - Parce qu'elles sont très belles.
10:33 - Et donc ?
10:34 - Parce que c'est une très belle terre,
10:36 et qu'elle a toujours été une terre cible,
10:38 pas simplement pour des raisons religieuses,
10:40 mais elles ont été assujetties à une thèse.
10:45 Il faut que vous sachiez, à l'époque où se font ces photographies,
10:49 le grand mouvement qui est sous la pulsion de l'église d'Angleterre,
10:55 plus que les autres, donc les Anglicans,
10:58 décide lui-même de s'appeler une croisade pacifique.
11:02 Ça n'est plus la guerre, mais c'est quand même une croisade.
11:05 Et c'est vrai que ça a repris,
11:07 bien sûr avec souvent des très mauvaises surprises,
11:10 par exemple quand vous voyez dans les textes des voyageurs,
11:13 leur dépit quand ils constatent que les chrétiens palestiniens
11:18 ressemblent aux musulmans palestiniens,
11:20 que les musulmans palestiniens ressemblent aux juifs palestiniens,
11:22 et que tout ce monde ne ressemble pas à l'image idyllique
11:25 qu'on essaye de montrer dans les photos.
11:28 Bien sûr, il y a eu de la peinture aussi orientaliste.
11:31 Donc il fallait à tout prix montrer cet écart
11:35 entre un pays fictif et un pays réel.
11:39 Un pays fictif et un paradis perdu peut-être aussi.
11:42 Moi j'ai très peur des paradis perdus.
11:44 Ils ont fait le lit toutes les dictatures.
11:47 Vous savez, toutes les dictatures parlent d'un âge d'or.
11:51 C'est-à-dire à l'époque où tous les peuples étaient parfaits,
11:53 où il n'y avait pas d'étrangers parmi nous pour nous souiller,
11:56 où nous étions purs.
11:58 Il y a la pureté dans l'idée de ces situations d'origine.
12:02 Moi ça me fait très très peur.
12:04 En tout cas, c'est un élément qui a été utilisé par tous les despotiques,
12:08 tous les despotismes.
12:10 Non, il n'y a pas de pureté. Ça n'existe pas.
12:12 Il y a de choses très belles.
12:14 Tous les peuples sont complexes.
12:16 Dans tous les peuples, vous avez à boire et à manger,
12:18 si je peux m'exprimer ainsi.
12:20 Cette idée idyllique des paradis perdus est très dangereuse.
12:24 Ce n'est pas un paradis perdu, mais c'est un pays qui était très beau,
12:27 qui est toujours très beau, malgré tout ce que fait l'occupant.
12:30 Je parle de murs, des destructions.
12:32 La nature est en train d'être très très ravagée.
12:35 Souvent, avec des interlocuteurs israéliens,
12:38 je leur dis, moi je me pose une question.
12:40 Ce pays dans lequel vous êtes en train de faire ce que vous faites,
12:43 est-ce que vous l'aimez vraiment ?
12:45 Vous êtes sûr que vous l'aimez pour lui faire subir
12:48 ces destructions dans ses collines, dans ses vallées, dans ses paysages,
12:52 dans son image.
12:54 J'espère qu'elle ne sera pas immuable.
12:57 Encore une fois, je ne suis pas à la recherche
12:59 de retrouver l'image antérieure de la Palestine
13:02 avant l'occupation, avant la destruction.
13:05 Vous comprenez ?
13:07 Ce qui m'intéresse beaucoup,
13:09 et toutes les salles de cette exposition,
13:11 j'espère, seront le reflet de cela,
13:13 c'est le goût de la vie.
13:15 Il y a des oliviers qui sont peut-être plus vieux que vous aujourd'hui,
13:18 en Palestine, et eux aussi, c'est important qu'ils aient un avenir.
13:22 On comprend bien cette idée-là.
13:24 Il y a parmi, ou dans cette exposition,
13:27 des voix, des voix importantes aussi,
13:29 de la culture palestinienne contemporaine.
13:32 Certains vivent encore là-bas, d'autres sont en exil.
13:35 On peut citer Anis Ourope, qui a grandi à Rafa,
13:38 puis à Naplouse, puis Jenin, puis Ramallah,
13:40 avant de venir s'installer à Paris,
13:42 et qui a fait justement de cette question du goudron,
13:44 qui a ouvert notre discussion, une série,
13:46 puisque le goudron, c'est aussi pour lui,
13:48 une matière particulière avec laquelle il travaille,
13:50 il peint, et à travers laquelle il questionne l'identité,
13:54 parce que c'est un peu le fil conducteur aussi
13:56 de toutes vos photographies.
13:58 Red Bawaya, il y a au début de ce cycle de l'exposition,
14:03 des photographies de vous, avec cette série,
14:06 à caractère autobiographique, que vous avez imaginée.
14:09 Je vais essayer, Red Bawaya,
14:11 de ne pas écorcher le nom de cette série,
14:13 puisque c'est en fait le numéro de votre carte d'identité,
14:17 ID 92559611.
14:22 Voilà pour les chiffres qui la composent.
14:25 Cette série, à vous de photo,
14:27 retrace en réalité la condition des travailleurs palestiniens,
14:30 qui sont sans permis en Israël,
14:32 et qui régulièrement doivent traverser cette frontière,
14:35 au péril aussi, au péril parfois de leur vie,
14:38 ils doivent la traverser pour y gagner leur vie.
14:41 Qu'est-ce que vous avez voulu raconter avec cette série ?
14:44 Comment est-elle née, surtout ?
14:46 - Oui, en fait, merci.
14:49 En fait, cette série, elle a née dans un cellule de prison à Jérusalem.
14:55 C'était une journée ordinaire,
15:00 où je me suis réveillé à 5h le matin,
15:02 comme je le faisais pendant 3 ans,
15:05 pendant la durée de mes études à l'école de photo à Jérusalem.
15:10 Je commençais mes études à l'école de Jérusalem,
15:12 au début de l'année 2000,
15:14 quelques mois après la deuxième Antifâde a commencé,
15:18 et le passage,
15:22 et après le gouvernement israélien,
15:25 il a appliqué une loi d'interdire aux citoyens palestiniens
15:31 d'entrer en Israël, dans les territoires israéliens,
15:34 notamment à Jérusalem-Est.
15:36 C'était mon cas.
15:37 C'était une journée ordinaire, où je me suis réveillé à 5h le matin,
15:40 traversant 3 montagnes, pendant 2h, 2h30,
15:43 pour pouvoir arriver.
15:47 Parce que, heureusement,
15:51 je ne sais pas heureusement ou malheureusement,
15:54 mon village natal est situé sur la ligne verte
15:58 qui s'abarre à la territoire palestinien,
16:01 les territoires palestiniens, les territoires israéliens.
16:04 Et de l'autre côté, de l'autre des territoires israéliens,
16:08 il y a un autre village mitoyen, palestinien,
16:14 qui s'appelle Abu Ghosh.
16:15 Et traversant, arriver à Abu Ghosh,
16:18 au village Abu Ghosh,
16:20 où je pouvais prendre le bus jusqu'à Jérusalem,
16:23 pour assister à mes cours de photo,
16:27 à l'école de photo à 8h.
16:29 Et quelques centaines de mètres avant d'arriver à mon école,
16:34 j'étais arrêté par un bois de contrôle de la police de frontières israélien,
16:41 spécial israélien.
16:43 C'était un checkpoint surprise, voilà.
16:46 Ils m'ont arrêté, ils m'ont demandé mes papiers,
16:49 et là, ils ont découvert que je suis palestinien,
16:51 originaire citoyen du territoire palestinien.
16:54 Et voilà, ils m'ont amené en prison.
16:59 Pendant deux semaines,
17:02 où je passais deux semaines en prison,
17:04 pour une seule cause, une simple cause,
17:08 que j'étais étudiant à l'école de photo.
17:11 J'ai fait mes études à l'école de photo.
17:14 Et le projet des travailleurs palestiniens,
17:20 les groupes palestiniens qui travaillent et vivent en Israël
17:24 pendant leur mission de travail,
17:28 le Blue Bar du Houth,
17:30 des travailleurs qui travaillent dans le bâtiment,
17:34 la construction, c'est-à-dire traversent,
17:38 à cette époque, c'était avant la construction du mur,
17:43 c'était la frontière, en fait,
17:45 la frontière entre le territoire palestinien et le territoire israélien.
17:48 C'était quelque chose d'abstrait,
17:50 c'était quelque chose d'artificiel,
17:52 c'était la ligne verte, mais il n'y a pas de ligne verte,
17:54 c'est un territoire.
17:56 - Par exemple, cette photographie qui est présente dans l'exposition
17:59 "Les photocopiers en noir et blanc"
18:01 pour pouvoir vous la présenter,
18:03 qui date de 2003,
18:04 ces hommes qui sont comme presque cagoulés
18:07 ou avec des sacs plastiques sur la tête,
18:09 qui sont en train de marcher,
18:11 traverser un paysage plutôt aride,
18:14 qu'est-ce qu'elle raconte ?
18:15 - En fait, cette photo, c'est le témoin du passage
18:19 des étudiants d'une école
18:22 à côté de la colonie israélienne
18:25 dans la région de Gouach et de Sion,
18:28 à côté de Bethlehem.
18:30 Le moment où j'ai pris cette photo,
18:33 c'était un jour dans le matin,
18:35 il pleuvait,
18:37 c'était ce sac plastique,
18:41 un sac bauble, en fait,
18:43 pour le protéger de la pluie,
18:46 de la météorite,
18:47 pour pouvoir traverser,
18:49 comme je vous l'ai dit,
18:51 cette frontière artificielle invisible
18:55 entre les deux côtés.
18:57 - Une exposition consacrée à la Palestine,
19:00 ce que la Palestine apporte au monde,
19:02 avec nos deux invités aujourd'hui,
19:03 le photographe Raed Bawaya
19:05 et Elia Sambar,
19:06 écrivain commissaire de cette exposition
19:08 à voir à l'Institut du Monde Arabe à Paris.
19:11 (musique)
19:14 (applaudissements)
19:17 ♪ ♪ ♪
19:22 ♪ ♪ ♪
19:25 ♪ Yeah, yeah ♪
19:27 ♪ Wallah, it ain't girls like you out here in the West ♪
19:30 ♪ I know I've been away, but I'm coming back home ♪
19:32 ♪ No need to stress, baby ♪
19:34 ♪ All I know, all I know, all I know ♪
19:36 ♪ Is to be Palestinian is to always rep ♪
19:38 ♪ From Misaponi online at the customs ♪
19:41 ♪ Told her she can meet me up in London ♪
19:43 ♪ She let me 'cause I came from Gaza with love ♪
19:46 ♪ But I feel like it's worse if I go away, baby ♪
19:48 ♪ From Gaza with love ♪
19:50 ♪ If I had to go away, I'd never go back ♪
19:52 ♪ From Gaza with love, baby ♪
19:54 ♪ Palestine, la Seine-Sainte ♪
19:56 ♪ Au Bint Blad, y a Espagne ♪
19:58 ♪ Fadal koumeh koumeh sh-sam ♪
20:00 ♪ Continuez à parler, on vous entend pas ♪
20:02 ♪ Pas, pas, pas, pas, pas ♪
20:04 ♪ Continuez à parler, on vous entend pas ♪
20:06 ♪ Pas, pas, pas, pas, pas ♪
20:08 ♪ Continuez à parler, on vous entend pas ♪
20:10 ♪ Pas, pas, pas, pas, pas ♪
20:12 ♪ Continuez à parler, on vous entend pas ♪
20:14 ♪ Pas, pas, pas, pas, pas ♪
20:16 ♪ Continuez à parler, on vous entend pas ♪
20:18 ♪ Somebody talk about the Hadith ♪
20:20 ♪ Let's change that to Abdelhanid ♪
20:22 ♪ Now I'm mean to come off too strong ♪
20:24 ♪ Mais c'est l'asse le fallahi, I'm planting the seeds ♪
20:26 ♪ Yeah, I know I can get you what you need ♪
20:28 ♪ But I hate it when the texts go green ♪
20:30 ♪ Do you miss me or did you leave, baby? ♪
20:33 ♪ Came from Gaza with love ♪
20:35 ♪ But I feel like it's false, baby ♪
20:37 ♪ Came from Gaza with love ♪
20:39 ♪ If you had it your way, you'd never go, baby ♪
20:41 ♪ Came from Gaza with love ♪
20:43 ♪ Baby, le Palestine a s'insincer ♪
20:45 ♪ Au binte bladi a j'banni ♪
20:47 ♪ Fadalkoum ehkoum j'samir ♪
20:49 ♪ Continuez à parler, on vous entend pas ♪
20:51 - À nous rappeler de l'Amal Walati...
20:53 - Peut-être que je ne cherchais pas de façon explicite à exprimer l'espoir...
20:56 - L'Amal est la nitouge d'une amalie chariotique.
20:58 - Mais l'espoir est né de l'affaire poétique elle-même.
21:02 - Parce que probablement que la plus grande menace aujourd'hui qui pèse sur les Palestiniens, c'est le désespoir, la perte de l'espoir.
21:12 - Parce que tuer, tuer l'espoir, c'est pousser les Palestiniens à des situations de désespoir aiguë.
21:21 - Et quand une société est acculée au désespoir, le résultat est autodestructeur et destructeur également de l'autre partie.
21:30 - Et il y a un peu de chance que le château soit plus fort que le poète.
21:32 - Il semble que la poésie soit infiniment plus forte que le poète lui-même.
21:37 - Le château est celui qui lui donne l'espoir, pas le poète.
21:40 - Et c'est la poésie qui donne l'espoir au poète, ce n'est pas le poète qui exprime son espoir dans le poème.
21:45 - Parce que le château est une langue de recherche sur la vie.
21:48 - Parce que la poésie a sa propre logique de quête de la vie.
21:52 - Oui, on pourrait dire que Mahmoud Darwish, pareil de la culture, il y a au sein de la culture une propre quête, une quête d'espoir aussi.
22:00 C'est cette exposition et c'est sa force, c'est qu'elle aussi entre la réalité et le rêve, entre hier et demain aussi, Elias Sambar.
22:08 Avec à la fois, vous l'évoquiez, des représentations quand même assez décalées par rapport à cet imaginaire qu'on peut avoir des territoires palestiniens aujourd'hui.
22:17 Celui des destructions, celui aussi d'une forme d'enfermement.
22:22 Vous montrez à travers les photos notamment de Mahen Hamad une jeunesse, une jeunesse en vie, vivante, sur des skateboards par exemple.
22:31 Lui, il est né en 1992, sa famille est partie vivre aux Etats-Unis quand il avait deux ans.
22:36 Et on voit à travers ces photos des corps, des corps et encore des corps en vie et en mouvement.
22:41 Et puis il y a cette salle consacrée au poète Mahmoud Darwish, la salle du poète, la bien nommée, avec des aquarelles, des calligraphies,
22:49 qui porte sa poésie, une poésie qui pourrait presque rejoindre celle de Saint-Levant dont on vient d'entendre un extrait.
22:57 "From Gaza with Love", c'est une chanson ode à l'endroit où il a vécu les sept premières années de sa vie.
23:05 Une enfance à Gaza, c'est un enfant de la diaspora palestinienne, comme beaucoup des photographes que vous avez rassemblés dans cette exposition.
23:11 Il vit aujourd'hui à Paris et il vient de sortir son premier EP après avoir fait connaissance avec son public sur les réseaux sociaux.
23:20 Je reviens juste à Mahmoud Darwish, à cette lecture de "Éloge de l'ombre haute", poème épique, documentaire,
23:26 que vous présentez dans l'exposition, dans sa voix, et qui va rencontrer, une salle à côté, celle d'une autre figure de la littérature,
23:37 qu'on n'imaginait pas forcément là, c'est Jean Genet. Expliquez-nous pourquoi Elia Sambard.
23:42 L'espace consacré à Jean Genet, qui apporte le titre "Les valises de Jean Genet", vous savez, Jean Genet n'a jamais eu de lieu fixe.
23:53 Il a vécu toute sa vie en déplacement, en déplacement volontaire. Nous avons été forcés au déplacement.
24:00 Il n'était pas volontaire, lui était en déplacement volontaire. Et Jean Genet, quinze jours avant sa mort, a remis à Roland Dumas deux valises
24:09 qui contenaient un peu des bouts de papier, des choses écriffonnées sur des journaux, des débuts de projets de scénarios, des papiers.
24:18 Et ces deux valises, qui sont un vrai trésor, déjà pour connaître l'œuvre et surtout l'immense écrivain.
24:25 Donc Genet est là à titre d'écrivain et à titre d'ami de la Palestine. Il n'est pas l'un ou l'autre, il est dans les deux.
24:33 Et donc ces deux valises avaient été remises par Roland Dumas à l'IMEC, qui est à Akan, donc l'Institut de mémoire d'édition contemporaine.
24:42 L'expo avait été faite, mais elle est tombée pile poil avec la Covid, la pandémie. Elle a duré quelques jours et plus personne n'a vu ce travail.
24:53 Donc quand nous avons commencé à organiser un peu cette exposition à l'Institut du monde arabe, j'avais pris contact avec Albert Dichy.
25:03 Et donc l'exposition de Caen est également venue rejoindre l'exposition palestinienne.
25:10 Mais nous avons ajouté, puisqu'ils étaient là, tout ce que nous avions fait comme travail à la revue d'études palestiniennes,
25:16 puisque c'est à la revue d'études palestiniennes que Genet avait donné son texte "Kathra Rachatila" au lendemain du massacre.
25:23 Donc vous avez un peu tous les papiers de Genet avec beaucoup d'images et beaucoup de documents,
25:30 mais également tout ce que la revue palestinienne a fait autour de Genet.
25:34 Et là, il y a une phrase que j'avais reçue sur un bout de papier, des colliers, un carnet à ressorts de la main de Jean de Genet,
25:41 dans lequel il dit "on me dit que j'aide les palestiniens, qu'elles s'ôtisent, ils m'ont aidé à vivre".
25:48 Et c'est l'essentiel de ce lien.
25:52 Et ce qui est très beau, c'est que le poème de Darwish est en écho avec le texte de Genet.
25:57 Ils sont écrits au même moment et les deux sont provoqués, suscités par le massacre.
26:02 Donc c'est une tragédie qui produit un grand texte dans la littérature, un grand poème.
26:06 Écrit en 83, quatre heures à Shatila, tout comme "Éloge de l'ombre haute" par Marmoud Darwish,
26:11 publié d'ailleurs à titre posthume par Actes Sud dans un recueil intitulé "Nous choisirons Sophocles et autres poèmes".
26:16 Il nous reste une minute, il y a 100 bars, juste le temps de dire quand même que cette exposition abrite deux musées virtuels.
26:23 Réellement un projet encore, ou un musée encore virtuel, pensé par le collectif AWAF,
26:28 qui voudrait voir implanté à Gaza ce musée.
26:31 Pour l'instant, il est dans le Cloud, c'est un espace qui abolit les frontières.
26:35 C'est une belle utopie, ce musée nuage qui revisite le patrimoine palestinien.
26:39 Et puis cette exposition, elle abrite aussi votre projet de musée,
26:43 celui du futur musée national d'art moderne et contemporain de la Palestine,
26:47 qui est hébergé à Paris pour l'instant à l'Institut du Monde Arabe,
26:50 et qui verra, vous l'espérez peut-être bientôt le jour, à Jérusalem-Est.
26:54 Et tout ça, vous le disiez, cette idée d'accueil sans appropriation,
26:59 cette idée d'hospitalité, pose la question de l'appartenance des biens.
27:04 Et c'est passionnant, pour l'instant, ils sont accueillis là-bas, Elias Sambar,
27:08 et cette exposition, un dernier mot ?
27:10 Cette exposition, si on veut la résumer en un mot,
27:13 quand on me dit "qu'est-ce que vous apportez au monde",
27:16 nous avons enfin l'occasion de donner notre visage,
27:19 c'est-à-dire nos traits, nos traits personnels, notre figure.
27:23 Et c'est cela qui nous était interdit pendant très longtemps.
27:28 Merci beaucoup à vous Elias Sambar, merci mille fois Raed Bawaya.
27:32 Du nord au sud à ne pas manquer aussi la très belle exposition de l'une des pionnières de l'art algérien,
27:36 parce qu'il y a aussi ce dialogue entre les territoires palestiniens et l'Algérie qui se joue dans votre exposition.
27:41 Baya, une héroïne algérienne de l'art moderne, cette expo,
27:44 elle a migré de l'Institut du Monde Arabe à la Vieille Charité à Marseille jusqu'au 24 septembre.

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