SMART IMPACT - L'invité de SMART IMPACT : Thomas Matagne (Ecov)

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Mercredi 7 juin 2023, SMART IMPACT reçoit Thomas Matagne (président et fondateur, Ecov)
Transcript
00:00 [Musique]
00:06 L'invité de ce Smart Impact c'est donc Thomas Matagne. Bonjour, bienvenue.
00:09 Bonjour.
00:10 Heureux de vous retrouver. Vous étiez venu nous présenter ECOV il y a peut-être un peu plus d'un an.
00:14 Entreprise créée fin 2014, 8 ans et demi plus tard.
00:18 Vous opérez combien de lignes de covoiturage ? C'est quoi ECOV ?
00:21 On a une trentaine de territoires sur lesquels il y a une soixantaine de lignes qui sont opérées en France.
00:26 Il faut rappeler le principe quand même, c'est une ligne d'autobus mais du covoiturage, c'est un peu ça ?
00:31 Exactement, c'est étendre le domaine des transports collectifs à des territoires qui ne sont pas suffisamment denses pour être bien équipés.
00:37 Et pour ça, on s'appuie sur les flux de sièges libres qui existent déjà, qui sont les sièges libres dans les voitures individuelles.
00:43 Un conducteur passe par la ligne de covoiturage naturellement et en passant par la ligne, il peut embarquer des passagers.
00:49 Il est libre de le faire s'il veut ou pas.
00:51 Et pour un passager, c'est aller prendre comme un bus mais avec une très haute fréquence,
00:56 puisque le temps d'attente moyen d'un passager sur nos lignes est inférieur à trois minutes.
00:59 Donc c'est la fréquence d'un métro dans des territoires périromains et ruraux.
01:02 Et pour lui, c'est se déplacer comme s'il prenait un transport collectif habituel.
01:06 Et donc on a vu une photo, c'est vraiment un abri bus.
01:09 On attend la voiture comme on attend un bus.
01:13 Mais comment on est informé de qui vient ?
01:18 Je n'allais pas dire on va choisir le conducteur, mais comment c'est une appli ?
01:22 C'est un mélange de physique et numérique.
01:25 On organise dans le territoire les endroits où les conducteurs peuvent trouver des passagers réciproquement.
01:30 On comprend comment vont les flux et à ces endroits-là, on met des arrêts en lien avec les arrêts de transport collectif.
01:37 Et concrètement, pour un passager, il va faire sa demande de covoiturage en temps réel,
01:43 sans aucune réservation, au moment où il va vers l'arrêt ou même quand il est à l'arrêt, par l'application smartphone.
01:48 C'est une immense majorité de l'usage.
01:50 Mais il y a aussi possibilité par SMS ou même par téléphone si les gens ne savent pas utiliser une appli.
01:55 Il fait sa demande de covoiturage sur la ligne en disant "je vais plus loin sur la ligne".
02:00 Et l'info est diffusée en temps réel, à la fois sur les smartphones des conducteurs qui sont équipés
02:05 et sur des panneaux lumineux qui sont au bord de voiries qui informent tout le flux de conducteurs.
02:09 Et donc statistiquement, le point clé là, dans le flux de conducteurs, on va avoir un conducteur disponible pour emmener le passager.
02:15 Est-ce qu'il y a un nombre de conducteurs limite pour que ça marche ?
02:20 Oui bien sûr. Évidemment, il faut comprendre les flux et avoir suffisamment de conducteurs qui participent pour que la ligne fonctionne.
02:28 Mais le seuil est en fait très bas, ce qui fait qu'on arrive à faire ça dans des territoires très ruraux,
02:34 si le taux de participation est élevé.
02:36 Et si on a une covoiture sur deux qui s'arrête, ce qui peut être le cas dans des territoires qui sont assez solidaires,
02:40 ça fonctionne très bien et ça marche avec des flux tout petits.
02:43 Alors vous avez commencé à l'évoquer, donc une soixantaine de lignes de covoiturage.
02:46 C'est ce qu'on appelle la France périphérique. De quoi on parle exactement ? Vous êtes où ?
02:52 On est ailleurs que dans les centres-villes.
02:54 Et donc c'est la France dite périphérique qui recouvre une très très grande diversité de situations.
02:59 Nous on l'appelle aussi la France qui conduit.
03:01 C'est la France qui est un peu obligée.
03:03 Qui n'a pas le choix quoi.
03:05 L'essentiel des gens, prendre la voiture c'est une obligation.
03:08 C'est pas forcément une volonté, un choix.
03:10 Et la prendre seule en particulier c'est rarement une volonté.
03:13 Mais par contre c'est des territoires qui sont pas suffisamment denses,
03:16 qu'on a construit pendant tout le XXème siècle, avec justement les sortes de la voiture,
03:21 pas suffisamment denses pour être équipés de bons transports collectifs,
03:24 puisqu'il n'y a pas assez de personnes à transporter.
03:26 Donc faire passer un bus toutes les 10 minutes, on n'arrive pas à le remplir.
03:29 Donc on n'en met pas, donc les gens sont dépendants de la voiture.
03:31 C'est à ça qu'on s'attaque.
03:33 - Est-ce que le conducteur gagne de l'argent ?
03:35 Ou est-ce que c'est bénévole ?
03:37 - Alors ça dépend des lignes.
03:38 Il y a des lignes qui sont sans partage de frais et ça marche très bien.
03:40 Et il y en a d'autres où il y a du partage de frais.
03:42 Il y a deux types de partage de frais.
03:44 Le fait pour un conducteur de proposer ses sièges libres, c'est déjà quelque chose.
03:47 C'est participer à un service public et avoir une petite indemnité de la collectivité pour ça.
03:52 Et une indemnité supplémentaire quand on embarque un passager.
03:55 C'est des petits montants, on est de l'ordre de 1 euro pour proposer ses sièges libres
03:59 et puis 2 euros par passager pour des trajets de 30 km.
04:02 Donc si on embarque un passager, ça fait 10 centimes par kilomètre par exemple.
04:06 C'est vraiment du partage de frais.
04:08 C'est intéressant pour le conducteur puisque ça permet d'absorber une partie des coûts
04:12 et c'est très efficace économiquement.
04:14 - Mais alors votre modèle économique, il ne repose pas là-dessus.
04:16 Il repose sur les collectivités locales, c'est bien ça ?
04:19 - Absolument, c'est ça.
04:20 Nous on ne reçoit pas d'argent sur la transaction entre les conducteurs et les passagers.
04:23 Nous on est payé par les collectivités locales
04:25 comme pour un transporteur RATP, Keolis, Transdev, SNCF
04:30 Ce sont des acteurs qui fournissent des services publics de mobilité
04:33 payés par les collectivités qui lèvent l'impôt pour faire ça.
04:36 Nous c'est la même chose mais appliqué à des territoires moins denses.
04:39 - Et c'est un modèle qui convainc puisque vous venez d'annoncer, c'était il y a un petit mois,
04:42 une levée de fonds de 11 750 000 euros.
04:45 Auprès de quels partenaires pour commencer ?
04:48 Et puis ensuite on va détailler un peu la stratégie.
04:50 - Alors on a la Banque des Territoires qui nous accompagne depuis 2018,
04:55 qui continue de nous accompagner, qui participe à ce tour de financement.
04:58 On a ensuite BNP Paribas sur ses fonds propres,
05:01 les fonds propres de la banque au titre de son investissement à impact.
05:05 On a ensuite Maïf Impact qui est le fonds à impact de la Maïf.
05:09 Et enfin on a Adem Investissement qui est le bras armé pour l'investissement
05:14 de l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie
05:16 et qui déploie les fonds de France 2030.
05:19 - Qu'est-ce que ça va vous permettre de faire ? C'est quoi la stratégie ?
05:21 - Alors on continue notre stratégie qui depuis le début est celle de faire
05:25 à la fois de l'innovation radicale sur plein d'aspects technologiques,
05:29 data, mais aussi social, usage, et la mise en œuvre sur le terrain.
05:35 Parce qu'il faut bien être sur le terrain pour arriver à faire en sorte
05:37 de changer les usages. Et donc on a un objectif de très forte accélération
05:41 du déploiement des lignes de covoiturage en France, puisqu'on se focalise
05:45 sur la France pour l'instant, et en même temps de continuer de l'innovation
05:49 et de faire grandir les deux ensemble.
05:51 - Oui, mais alors quand on parle d'innovation, c'est quoi ?
05:54 Sur la data, sur la connaissance du trafic, des conducteurs, des passagers ?
05:59 - Oui, alors il y a ça. Comprendre les flux de voitures, ce n'est pas simple.
06:03 Déjà il y a un sujet autour de la data.
06:05 - Donc continuer de développer ça.
06:06 - Continuer de développer ça. On a un bureau d'études à part entière
06:09 qui a ses propres outils, qui sont assez uniques puisqu'on s'est concentrés là-dessus.
06:13 Mais donc il y a encore un champ d'exploration très important
06:15 avec des nouvelles sources de données notamment.
06:17 Mais il y a aussi plein d'autres sources d'innovation.
06:20 En fait, notre slogan c'est "La voiture est un transport collectif".
06:23 C'est vraiment repenser le système routier comme un système de transport collectif.
06:27 Or le système routier, donc les routes et les voitures, ne sont pas du tout pensées pour ça.
06:32 Donc concrètement, c'est arriver à faire en sorte qu'on s'intègre davantage dans le véhicule
06:38 pour que ça soit naturel en fait dans le véhicule de pouvoir partager ses sièges libres,
06:42 de pouvoir embarquer un passager.
06:44 - Quand vous dites "on s'intègre", que l'appli ECOV s'intègre plus naturellement dans le véhicule, c'est ça ?
06:49 - C'est ça. Et que le véhicule soit utile à ça.
06:50 C'est-à-dire aujourd'hui, par exemple, les véhicules ont plein de capteurs
06:53 mais ils ne mesurent pas le taux d'occupation d'un véhicule.
06:55 Alors que c'est une information qui serait très utile, par exemple,
06:59 pour pouvoir accéder à des voies réservées.
07:01 Ou par exemple, pour accéder aux zones à faible émission.
07:04 Il y a l'interaction entre le véhicule et son usage et l'environnement,
07:08 l'infrastructure et la régulation,
07:10 et quelque chose qui est quasiment inexistant aujourd'hui.
07:13 - Mais alors vous parlez de voies réservées.
07:14 Comment on développe des voies réservées dans des zones rurales
07:17 où on n'est pas forcément sur des deux fois deux voies ?
07:20 Enfin, je ne vois pas comment c'est possible ça.
07:22 - Alors en zone rurale, on ne mettra pas de voies réservées.
07:24 - Bon, ok, on est bien d'accord. On ne va pas créer de nouvelles voies, etc.
07:27 - Mais nous, on est partout, à l'exception des centres-villes.
07:30 Et à l'extérieur des centres-villes, on a aussi toutes les pénétrantes
07:33 de métropoles qui sont congestionnées.
07:34 Donc ça, typiquement, ce sont des territoires sur lesquels
07:36 il va y avoir des voies réservées.
07:38 Sur lesquels il y a des voies réservées en expérimentation en France
07:40 qui ne marchent pas encore très bien, mais ça va s'améliorer.
07:43 Mais surtout qu'on peut améliorer.
07:44 C'est-à-dire qu'on peut arriver à faire plus intelligente
07:47 que ce qu'elles ne sont aujourd'hui.
07:49 Et donc, sur la base de ce qui peut exister à l'étranger,
07:52 sur des bonnes infrastructures bien exploitées,
07:54 et sur l'innovation qu'on peut apporter,
07:56 on pense qu'il y a une réinvention du système routier complète
07:58 qui peut être faite.
07:59 - Et est-ce que sur les lignes déjà existantes,
08:01 il y a aussi du potentiel de développement ?
08:03 C'est-à-dire faire venir plus de voitures, plus d'utilisateurs, tout simplement ?
08:06 - On n'est sur aucun réseau, on est à maturité.
08:08 Le plus ancien qu'on a, qui est Laine, entre Bourgoin-Jalieu et Lyon,
08:13 qui a été ouvert en 2019 aux passagers,
08:15 on est toujours en forte croissance de semaine en semaine.
08:18 Donc on est toujours dans une phase de croissance au sein de chaque ligne
08:23 et des réseaux en tant que telle.
08:25 Puisqu'évidemment, c'est des systèmes de réseau,
08:27 donc il faut un petit développement supplémentaire,
08:29 développer un potentiel complémentaire.
08:31 Et il y a l'interaction des lignes de covoiturage
08:33 avec les autres modes de transport,
08:35 et notamment les premiers et derniers kilomètres,
08:37 la trottinette, le vélo, le transport à la demande,
08:40 plein de modes différents qui vont pouvoir compléter
08:42 les lignes de covoiturage et qui sont aujourd'hui,
08:44 dans ces territoires, assez peu développés.
08:46 - Et donc c'est là-dessus aussi que vous travaillez en innovation ?
08:48 - Tout à fait. C'est-à-dire que nous, ce qu'on veut,
08:50 c'est que les gens puissent facilement changer leur usage de la voiture.
08:53 Donc il faut que ce soit simple.
08:54 Et donc s'il y a un problème de premiers et derniers kilomètres,
08:56 il faut aussi qu'on le règle et qu'on travaille avec des acteurs qui font ça,
08:59 qu'on travaille avec les collectivités pour construire ce système multimodal
09:02 qu'on connaît très bien dans le centre-ville,
09:04 mais qui n'existe pas dans ces territoires.
09:06 - Est-ce que les utilisateurs sont fidèles ?
09:08 Est-ce qu'il s'ouvre ici à fidéliser les conducteurs et les passagers ?
09:11 - Oui. On a un taux de rétention, un taux de fidélisation
09:14 qui est extrêmement bon sur le très long terme.
09:17 On perd pas mal de gens au début, mais une fois passés les 6 mois,
09:20 on est à 100%, voire à plus de 100%.
09:22 C'est-à-dire que les gens reviennent sur le temps long, sur 24 mois ou plus.
09:27 Donc on a une transformation profonde.
09:29 Et d'autres éléments de preuve, c'est qu'aujourd'hui,
09:32 on a mesuré que sur le service line entre Bourgogne et Lyon,
09:37 on a 21% de démotorisation de nos passagers.
09:40 C'est-à-dire que les passagers ont revendu l'une des voitures du ménage
09:44 parce que pour l'un des usages de mobilité,
09:46 ils n'ont plus besoin de leur voiture.
09:48 Et ça, c'est un peu le graal ultime dans la politique de mobilité.
09:51 C'est-à-dire que quand les gens ne sont plus complètement dépendants
09:53 de la voiture et qu'ils peuvent faire autrement, ils peuvent la revendre.
09:55 - Un mot de recrutement. On va terminer là-dessus,
09:58 puisque vous venez de lever cette somme près de 12 millions d'euros.
10:01 Vous allez gonfler en nombre de salariés.
10:04 Quel type de profil vous recherchez ?
10:06 - On va croître sur l'ensemble de la chaîne de valeur.
10:09 Ça va être très large en termes de recrutement.
10:11 On vise une multiplication par deux de notre équipe d'ici 2 à 3 ans.
10:16 Et donc, on va croître sur des postes autour de la R&D,
10:21 technologique et data notamment, mais aussi opérationnel,
10:24 ingénierie, opérationnel marketing, relations clients et relations utilisateurs.
10:30 On va continuer notre stratégie de gestion de la chaîne de valeur dans son enjeu.
10:35 - Et dernier mot, budget de com, de pub.
10:38 Ça se passe avec les territoires quand vous signez un contrat ?
10:41 C'est le territoire qui va faire connaître le nouveau service ?
10:44 - Oui, complètement. Nous, on travaille en marque blanche.
10:46 C'est la propriété de la collectivité, la marque.
10:49 C'est un actif public. C'est logique que ce soit la marque de la collectivité.
10:52 Mais par contre, on va le mettre en œuvre pour le compte de la collectivité.
10:55 Donc, chaque projet va disposer d'un budget qui va nous permettre de faire connaître une marque.
10:59 Comme sur Grenoble, par exemple, M Covetling Plus,
11:01 qui est la marque locale associée à la marque M, qui est la marque de mobilité de Grenoble.
11:06 - Merci beaucoup Thomas Matagne. À bientôt sur Bismarck.
11:09 On passe à notre débat, les défis, le secteur de l'alimentation face aux défis RSE.

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