Ponctuation du 06 Juin 2023 sur la CRTV

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00:12 Bienvenue dans "Pontuation", le magazine littéraire de la CRTV.
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00:20 Rencontre ce jour avec une autrice qui a le Cameroun dans le cœur, qui est aussi étoilée du point de vue des sacres en matière de littérature,
00:32 puis Goncourt, elle fait partie des auteurs qui figurent sur le palmarès de Goncourt.
00:39 Le Cameroun, elle y a vécu toute petite, elle revient, elle a même écrit son amour pour le pays à longueur de publications.
00:51 Paul Constant est bien constante dans la production littéraire, et une constante se dégage, c'est qu'elle aime l'Afrique, le Cameroun, l'écriture.
01:05 Paul Constant, bienvenue dans cette émission.
01:08 Merci de m'accueillir.
01:09 Alors je veux tout de suite, ne m'empêche pas de voir et d'être ravi devant votre accoutrement,
01:16 qui dit totalement, et ça tape à l'œil, l'amour du Cameroun, vous avez du "mdop".
01:24 Pourquoi ?
01:25 Parce que c'est très joli, c'est très simple, c'est très naturel,
01:30 il est très naturel que je prenne ces objets, ces vêtements, modestement, je ne suis pas déguisée.
01:38 Vous aimez le Cameroun, votre histoire d'amour avec ce pays, ça remonte il y a bien longtemps.
01:45 Très longtemps. Mon père était médecin militaire dans les années 50,
01:51 et il a été affecté au Cameroun, d'abord à Douala,
01:56 ils ont dû rester trois mois, puis à Yaoundé, et enfin on l'a envoyé dans un lieu assez éloigné,
02:03 qui s'appelle Batouri, où il était médecin-chef de l'hôpital de Batouri.
02:08 Alors, vous parlez d'un amour, je parlerai d'une naissance.
02:15 Ma naissance, où toutes les sensations se font au Cameroun,
02:23 c'est-à-dire la naissance du jour, la tombée de la nuit, les odeurs, les fruits qu'on mange,
02:33 les mangues qu'on mange vertes avec du sel,
02:37 - Et pas du piment ! - Et pas du piment,
02:39 les petits citrons verts qu'on mange aussi avec du sel,
02:43 tout cette espèce d'univers qui n'est absolument pas un univers occidental,
02:47 mais qui pénètre en moi et qui raconte une enfance qui est hors de la voie commune.
02:58 Et puis, il se trouve que j'ai plongé ma plume dans l'encrier de cette enfance-là,
03:07 et que j'ai raconté les séjours au Cameroun, le séjour à Batouri,
03:13 les voyages entre Yahvé et Batouri,
03:17 et c'est devenu le décor de mes romans qui parlent évidemment d'autres choses aussi.
03:24 Et si bien que revenons, et je vais vous dire le chiffre qui est impressionnant,
03:30 revenons 70 ans au Cameroun après ma première venue,
03:36 c'est non seulement un voyage dans le réel que je fais,
03:42 mais c'est un voyage à travers mes livres,
03:45 comment j'ai recomposé ou décomposé les images camerounaises.
03:50 - Alors pourquoi vous faites ça ?
03:52 - C'est le héros de mon dernier livre qui retourne sur les pas de son enfance.
03:55 Moi, je retourne sur le trajet littéraire de mes livres.
04:01 Est-ce que je n'ai pas tout inventé ?
04:04 Et je me confronte en ce moment à une calculose qui est très littéraire,
04:09 c'est où est le réel et où est l'imaginaire ?
04:13 Est-ce que l'imaginaire n'engendre pas le réel ?
04:16 - Ou est-ce que la vie d'enfance,
04:19 qui est quand même, quand on parle de la prime enfance,
04:23 c'est parfois le domaine de toutes les émotions,
04:25 est-ce que ce n'est pas le moteur de l'écriture chez vous ?
04:27 - C'est évident. Je crois que je me suis arrêtée de grandir à 12 ans.
04:31 Donc c'est retrouver ces sensations,
04:36 mais retrouver ces inventées.
04:39 Vous savez, quand on prend un témoin d'un crime,
04:44 le témoin invente le crime.
04:47 On ne peut pas...
04:49 - Dans son souvenir.
04:51 - Dans le souvenir, dans le passage par la langue.
04:54 Et chez un écrivain, le passage par la langue éloigne beaucoup des sujets,
05:01 les enveloppe, les trahit, les transforme.
05:04 Et là, ce que je suis en train de vivre,
05:07 c'est peut-être moins une aventure géographique qu'une aventure littéraire.
05:14 C'est-à-dire, je me confronte à des choses qui surgissent de ma mémoire.
05:20 Par exemple, je regarde les hautes herbes dans les fossés,
05:25 et le mot "Sisongo" arrive directement.
05:28 Je n'ai pas prononcé "Sisongo" depuis 70 ans.
05:33 Mais le "Sisongo", je sais que ça coupe.
05:37 Je retrouve même un petit vocabulaire de l'époque.
05:43 Par exemple, "Voir la pluie tomber comme une pluie de saison des pluies",
05:49 il y a Graham Greene qui l'a raconté,
05:53 mais il faut l'avoir vécu pour savoir ce que c'est.
05:56 - Tout petit, toute nue, avec un petit caleçon.
06:00 - Oui, courir sous la pluie.
06:03 - Descendre, sentir l'odeur.
06:05 - Oui, l'odeur de la terre, la couleur de la terre.
06:10 C'est magnifique, les flaques que laisse la pluie,
06:15 ces miroirs bruns dans lesquels on plonge nos visages.
06:19 C'est magnifique.
06:20 - Est-ce qu'il y a un objet sur lequel vous concentriez votre attention ?
06:25 Un objet non marchant, bien sûr.
06:28 - Pas un objet, moi je concentrais mon attention sur les animaux.
06:34 En particulier, enfant, j'ai eu, je ne sais toujours pas le nom,
06:39 peut-être c'était un rat palmiste,
06:42 mais un rat palmiste avec une face très plate,
06:45 des gros yeux comme ça, tout petit,
06:48 et qui a été... j'ai adoré.
06:51 J'étais un enfant qui a eu un chimpanzé,
06:54 un bébé chimpanzé, que je portais comme un sac à dos,
06:59 parce que les bébés chimpanzés s'accrochent.
07:02 Donc je portais mon chimpanzé comme un sac à dos.
07:05 Donc vraiment pour moi, l'Afrique, c'est ce contact avec des animaux
07:14 qui ont disparu ou qui sont en voie de disparition,
07:18 et qui ont absolument peuplé mon enfance.
07:21 - État de nature.
07:22 - État de nature.
07:23 - Par quel ouvrage on peut ouvrir les portes de votre amour,
07:28 de votre promenade ?
07:30 - Par exemple, mon premier roman s'appelle "Ouvrez-lui un nom",
07:35 et c'est le nom fictif que j'ai donné à Bathory.
07:39 Et ce premier roman a eu beaucoup de succès,
07:45 mais pas simplement un succès marchand.
07:47 Romain Garry l'a salué en me disant que c'était un livre très important.
07:52 Et il m'a prédit, alors qu'il allait mourir six mois plus tard,
07:59 dans sa lettre il raconte sa mort, et il m'a prédit un prix bon cours.
08:05 - Et c'est arrivé.
08:06 - Et c'est arrivé. L'un et l'autre.
08:08 Et donc "Ouvrez-lui un nom" c'est le livre par lequel je commence ma carrière,
08:15 puis on peut parler de cette carrière,
08:17 dans une émission d'apostrophes qui était "Les romanciers regardent l'Afrique".
08:22 Alors il y avait André Brink, il y avait William Sassin,
08:26 et il y avait un très grand ami dont le nom m'échappe à l'heure actuelle,
08:31 et c'était vraiment le regard sur l'Afrique,
08:34 l'Afrique du Sud avec Brink.
08:40 - Vous voyez tenir ça ?
08:43 - Oui.
08:44 - Parce que c'est "Mes Afriques".
08:46 - Alors je ne sais pas quel rang ça occupe dans vos parutions, dans vos publications ?
08:54 - Mes parutions, c'est très bien de me le donner,
09:00 je vais retrouver la page qui compte le plus, c'est un peu cette page.
09:05 - Ok.
09:06 - C'est tous mes romans publiés aux éditions Gallimard,
09:12 et alors mes romans africains là-dedans, il y a "Ourigano" le premier,
09:17 ensuite il y a "Balta", qui est l'histoire d'une enfance d'un petit garçon en Côte d'Ivoire,
09:24 ensuite "La fille du gouvernateur", qui est l'enfance d'une petite fille dans le bagne de Cayenne,
09:31 puis on va avoir "White Spirit", qui se passe dans une banane régiente,
09:42 ensuite on va trouver les romans des maladies, c'est-à-dire "C'est fort la France",
09:51 des chauves-souris, des singes et des hommes qui racontent, qui sont sur la rivière Ébola,
09:56 et le dernier qui est "La cécité de rivière", qui parle de l'oncocercose.
10:04 Alors je ne suis pas médecin, mon mari était médecin, mais j'ai pris la maladie comme une sorte de métaphore.
10:10 - Ok, on va revenir sur ça.
10:12 Là je tiens "C'est fort la France", ce qui m'intéresse ici, c'est peut-être pour mettre la couverture, c'est cette photo.
10:19 - C'est moi à 8 ans.
10:21 - A 8 ans, au Cameroun.
10:23 - Avec un perroquet très camerounais.
10:26 - Ça c'est avant 60 ?
10:29 - Ça c'est 54.
10:32 - 54, vous l'avez gardée ?
10:35 - La photo, oui je l'ai gardée, et après Gallimard a fait des merveilles pour la mettre en couverture,
10:43 parce qu'elle était très abîmée.
10:46 - Alors là vous avez dit "C'est fort la France", sur les maladies ?
10:51 - Oui, sur les maladies.
10:53 Il est déjà question dans ce livre d'un grand scandale médical qui a touché le Cameroun.
10:59 Ça a été l'épidémie de gangrène gazeuse de la région de Griby,
11:05 dont mon père a été témoin et dont mon père s'est occupé,
11:11 puisque c'est lui qui est allé soigner et amputer les malades contaminés par une vaccination qui était mal faite.
11:23 - L'autre, les chauves-souris, les singes et les hommes, là on n'est pas loin de la pandémie de 2001.
11:32 - On est plein, ça ressemble à une fable,
11:37 mais en fait c'est la contamination d'Ebola par une chauve-souris,
11:46 par un singe qui est mangé, Saint-Laurie,
11:50 et entre la chauve-souris et le singe qui est mangé, il y a tout un village qui est contaminé, au bord de la rivière Ebola.
11:58 - Alors est-ce que dans ce genre de publication, il y a quand même un arrière-plan, ou derrière cela,
12:05 on va dire quoi, la préoccupation que nous avons aujourd'hui,
12:09 d'éviter de traverser la barrière d'espèce qui est à l'origine par exemple des mutations ?
12:16 - Ah ben c'est un sujet qui me passionne.
12:19 Alors d'un côté j'ai un esprit, je suis assez spirituelle, en le sens d'avoir une spiritualité,
12:28 mais d'un autre je fustige un peu l'orgueil de l'homme.
12:34 Je pense qu'on est un animal comme un autre,
12:38 et je trouve cette espèce de lien avec les animaux,
12:43 le jour où on franchit la barrière de l'espèce, on nous expliquera que nous sommes un animal comme un autre.
12:52 - La cécité des rivières, vous nous disiez que c'était un prétexte,
12:55 mais en même temps il y a ces maladies qui existent, l'oncocercose,
13:00 vous avez vécu ça à distance, à travers des contres-endroits ?
13:04 - J'ai vécu, en l'air même, je crois qu'un étudiant qui a fait une thèse sur moi en Côte d'Ivoire,
13:10 a trouvé que je voyais l'Afrique d'un côté misérabiliste et à travers des maladies.
13:17 Alors de toute façon je crois que les maladies, et on le sait par les grandes écrivaines américaines,
13:24 les maladies sont toujours une métaphore de quelque chose,
13:29 selon l'endroit qu'elles touchent et selon la façon dont elles se présentent.
13:33 Mais la maladie comme métaphore.
13:36 - On dit maladie, mal-a-dit.
13:41 - Ah oui, ça serait la maladie des écrivains alors.
13:45 - Oui, absolument.
13:48 - Et alors donc ces maladies, moi je les ai vécues en direct,
13:56 parce que le médecin qui est le directeur d'un hôpital, vivait dans l'hôpital.
14:01 Alors je suis sortie, je suis allée dans l'hôpital de Cayenne,
14:06 et laissez-moi vous dire que en 49 à Cayenne, les virus etc. s'afflambaient,
14:14 et la lèpre qui m'a toujours un peu, toujours très angoissée.
14:18 Mais quand je suis à Batoury, je suis encore dans l'enceinte d'un hôpital,
14:23 et puis quand plus tard je me marie avec un médecin,
14:27 quand je vais le voir, parce qu'il est occupé 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24,
14:32 je vais encore à l'hôpital le voir.
14:35 Et donc je suis toujours confrontée à une humanité souffrante,
14:39 à une humanité menacée, et à travers des maladies,
14:44 comme la rage, mon mari a été le spécialiste de la rage humaine à l'OMS,
14:50 et il a été aussi le spécialiste du choléra à l'OMS.
14:54 Voir arriver la pandémie de choléra en Côte d'Ivoire,
14:58 comme je l'ai vu dans les années 70, c'est quelque chose, c'est un événement.
15:03 Et donc voilà, pour l'Oncocercose, qui est typiquement une maladie du bord du fleuve,
15:14 et qui faisait que les gens qui étaient atteints, qui devenaient aveugles,
15:20 partaient du bord du fleuve, et puis quelques temps après ils oubliaient,
15:23 ils revenaient sur le bord du fleuve, parce que l'eau est nourricière,
15:26 l'eau apporte tout, et de nouveau s'embrayait les trucs d'Oncocercose,
15:32 qui avait une vaccination, un traitement, mais extrêmement douloureux,
15:38 avec des piqûres que les gens ne voulaient pas subir.
15:43 Donc il y a entre, si vous voulez, le côté de la magie,
15:47 le côté de la sorcellerie, etc., et le côté rationnel, si peu rationnel de la médecine.
15:58 Alors vous dites que vous êtes porté sur les choses spirituelles.
16:03 Un auteur de chez nous ici, qui est philosophe,
16:07 à la suite d'un autre, le père Edgar, décédé aujourd'hui,
16:11 parlait d'une multitude de rationalités à prendre en compte en matière de santé.
16:16 C'est-à-dire la science qui est objective, rationnelle,
16:22 à côté de la religion qui elle parle de guérison, mais d'une autre rationalité,
16:27 mais à côté également d'une médecine africaine,
16:32 qui a été totalement tue, vongémonie, qui a une rationalité.
16:39 Alors l'autrice que vous êtes, la camerounaise de cœur que vous êtes,
16:44 comment est-ce qu'elle appréhende tout ça ?
16:46 Alors, moi je pense que, contrairement à ce que vous venez de dire,
16:51 et ce qu'on a appris avec le Covid,
16:58 c'est que les médecins sont venus, ils ont dit n'importe quoi.
17:02 Ce qui montre bien que les connaissances d'une époque sont de l'époque,
17:11 et que la science, elle évolue avec l'époque.
17:16 J'ai été frappée en étudiant les instruments chirurgicaux
17:22 qu'il fallait pour les accouchements au 18ème siècle.
17:26 C'est des instruments de torture.
17:30 Pourquoi ? Parce qu'il fallait sortir l'enfant vivant pour le baptiser.
17:35 Donc ce n'était que pince, tenaille, etc. pour sortir d'autres forces l'enfant.
17:41 Parce qu'autrement on sait qu'on peut découper l'enfant in utero,
17:46 mais non, il fallait le sortir vivant,
17:48 quitte à laisser la mère condolante dans un état, etc.
17:53 Donc on voit après que cette idée médicale de ces médecins-là,
17:59 elle a complètement évolué, maintenant c'est terrible.
18:03 Et bien pour les maladies, pour les microbes, c'est la même chose.
18:09 Et le Covid nous a montré que tout le monde était un peu médecin,
18:14 et que tout le monde se mettait à soigner le Covid à sa façon.
18:17 Soit en l'éminant, soit en l'expliquant que le professeur Raoult avait raison sur tout le monde.
18:23 Et on parle à ce moment-là des médecines locales,
18:29 et bien heureusement qu'elles existent ces médecines locales,
18:31 parce que tout le monde n'a pas accès aux beaux laboratoires serviers,
18:35 ni à des médicaments qui volent des fortunes.
18:39 Et qu'est-ce que soigne le médicament ?
18:42 Il faut aussi se poser la question,
18:44 est-ce que si on n'y croit pas très fort, le médicament vous soigne ?
18:48 Ce sont les propriétés données aux médicaments qui soignent avant la molécule.
18:56 Donc tout ça, plus on avance dans le monde contemporain,
19:02 plus on se met à douter de la rationalité,
19:06 de la pseudo-rationalité d'une science face aux spiritualités au sens large,
19:14 c'est-à-dire face aux croyances.
19:16 - En parlant de la littérature, proprement dite au Goncourt, c'est quoi le Goncourt ?
19:22 - Le Goncourt, c'est un prix littéraire qui a été inventé par les frères Goncourt au début du XIXe siècle,
19:31 qui voulaient se détacher de l'Académie française,
19:35 qui méprisaient le roman.
19:38 Les grands genres au début du XIXe siècle, c'est le théâtre, c'est la poésie,
19:43 mais le roman, l'Académie française ne le reconnaissait pas.
19:46 Donc les frères Goncourt, non seulement veulent faire reconnaître le roman,
19:50 mais faire reconnaître un roman qui est un roman social, qui parle de la société.
19:55 Et donc, ils font un testament dans lequel ils disent que leur héritage ira à dix membres autour de la table.
20:02 Dix membres pourquoi ? Parce qu'ils avaient dix copains,
20:05 et qu'ils voulaient que ces copains puissent continuer à vivre en ayant chaque année le salaire d'un sous-préfet.
20:12 Et que ces dix copains allaient choisir un écrivain qui parlerait des problèmes de société,
20:18 qui aurait aussi pendant un an le salaire d'un sous-préfet.
20:22 Et c'est la magie.
20:25 Comment le Goncourt est resté pendant cent ans alors que les prix littéraires,
20:30 les autres prix littéraires se sont usés, ont disparu, ont jamais pris ?
20:36 En France, il y a 25 000 prix littéraires.
20:39 On ne parle que du Goncourt, ou presque du Goncourt, on parle de trois prix.
20:44 Mais un prix qui fait qu'un livre se vend à un million d'exemplaires en France.
20:52 Un livre qui est traduit en 40 pays.
20:58 Le Goncourt officiel a beaucoup de Goncourt, et en particulier a créé avec la FNAC,
21:06 ce qu'on appelle le Goncourt des lycéens.
21:08 C'est-à-dire plusieurs lycées en France, du sud, du nord, de l'ouest et de l'est,
21:13 travaillent sur la liste que le Goncourt publie le 4 septembre.
21:21 Ils travaillent avec leurs professeurs, avec des rencontres avec les écrivains de la liste,
21:27 et puis ils se réunissent, enfin les représentants se réunissent,
21:31 et à ce moment-là ils votent pour un livre.
21:34 Et c'est Amadou Amal qui a eu le Goncourt des lycéens.
21:43 Il y a une chose, c'est que le Goncourt des lycéens se vend moins bien que le vrai Goncourt.
21:49 - En d'une guillemette.
21:50 - Et le Goncourt des lycéens de Jailly a été exceptionnel.
21:55 500 000 exemplaires.
21:58 - Vendus.
21:59 - Vendus. Et des traductions dans le monde entier.
22:04 Pourquoi ? Parce que le Goncourt cautionne des choix Goncourt étrangers.
22:12 Nous sommes à 40 choix Goncourt étrangers qui sont conduits par les instituts de France à l'étranger,
22:19 qui se mettent en rapport avec les universités,
22:21 et sur le modèle du Goncourt des lycéens, les étudiants se réunissent,
22:27 travaillent sur une liste et disent pour chaque pays quel est le Goncourt.
22:32 Et la récompense c'est la traduction dans le pays.
22:35 Et Jailly, puisqu'on a ce magnifique exemple qui a mouronné sous les yeux,
22:40 a reçu je ne sais pas combien de Goncourt.
22:43 Un Goncourt de l'Orient, qui est un Goncourt qui réunit plus de 10 pays et plus de 28 universités,
22:50 et qui est surtout un Goncourt comme de l'Orient, qui est donné dans une zone musulmane,
22:57 qui a fait beaucoup de bien à son livre, qui lui a donné une caution.
23:01 - Absolument, une caution chez les islamistes, parmi les plus radicaux.
23:06 - Parmi les plus radicaux, parce que, enfin on ne va pas dire les pays les plus radicaux,
23:11 mais enfin ils sont dans la liste.
23:13 Et puis elle a eu quelque chose de formidable,
23:16 elle a eu le Goncourt anglais, c'est-à-dire livre traduit par une très très bonne maison d'édition en Angleterre,
23:24 ce qui fait qu'elle est lancée internationalement.
23:29 Et c'est magnifique, l'alliance de...
23:35 C'est magnifique parce qu'elle va à ce moment-là,
23:39 imaginer qu'on peut créer un Goncourt étranger qui serait le Goncourt du Cameroun.
23:45 - Absolument.
23:46 Alors on va bientôt terminer cet entretien.
23:49 C'est quoi vos signes de ponctuation préférés ?
23:52 C'est quoi votre signe de ponctuation ?
23:54 - Non, c'est le point final, quand on peut écrire fin.
23:58 - Ah, fin.
24:00 Mais c'est les phrases de base.
24:02 - Non, la phrase de base, elle est quand même complexe chez moi,
24:07 je ne fais pas des phrases si courtes que ça.
24:10 "Seul en haut de la passerelle, un léger vertige l'arrêta."
24:16 Là on a deux virgules.
24:18 Et pourtant, vous ne semblez pas nous dire que la virgule est...
24:22 - Nécessaire ?
24:23 - Oui.
24:24 - Il y a quand même là...
24:26 Il faut marquer les pas de ce vieil homme qui va descendre la coupée de l'avion.
24:31 - Quelqu'un disait que une virgule, ça peut élever comme ça peut tuer.
24:36 - Oui, exactement.
24:37 - Il suffit simplement qu'on la place mal et puis c'est fini.
24:41 - Je suis d'accord.
24:43 - Alors, un conseil, comment faire pour écrire de manière touchante ?
24:48 - Je pense que si on veut écrire, il faut avoir quelque chose à dire.
24:53 Mais quelque chose à dire qui n'a pas été entendu.
24:58 Donc, il faut passer par l'écrit pour en laisser la trace.
25:06 L'écrire est à la fois très grave, très sérieux,
25:11 mais il n'y a pas de livre sans un désir profond d'être entendu.
25:18 - Alors, vous partez du Cameroun dans quelques jours.
25:23 Vous avez eu le temps de parcourir les ouvrages, la littérature camerounaise.
25:28 Quel est le ressenti que vous avez ?
25:31 Quel est le défaut ?
25:33 - Je suis venue avec 8 kg de livres français.
25:36 Je vais repartir avec 8 kg de livres camerounais.
25:40 Alors, quand je reviendrai au Cameroun,
25:43 certainement pour aller à Batouri,
25:45 je vous dirai mon sentiment sur la littérature camerounaise.
25:48 - Merci beaucoup.
25:49 - Merci beaucoup.
25:50 - Merci beaucoup de nous avoir prêté votre précieux temps,
25:53 un peu de ce temps-là.
25:54 Et surtout, vous nous parlez de Batouri,
25:57 votre ville natale.
25:59 On a pu rapidement jeter un coup d'œil sur les ouvrages.
26:03 C'est fort la France, les chauves-souris, les singes et les hommes,
26:06 les Afriques et la cécité des rivières.
26:10 Voilà. Merci.
26:11 - Merci infiniment de votre accueil.
26:13 - Merci notre sœur camerounaise.
26:14 - Alors, alors, alors.
26:16 - Voilà.
26:17 Continuez à lire beaucoup de livres,
26:20 à écouter aussi les émissions,
26:22 à regarder les émissions de littérature.
26:24 C'était Pontuation sur la CRTV.
26:26 À mardi prochain.
26:27 [Musique]