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00:00 L'invité du 6/9, France Bleu Isère, c'est un repenti du djihadisme.
00:03 Oui, originaire de Vénissieux, il est passé par l'Afghanistan chez Al Qaïda
00:07 avant d'être détenu à Guantanamo.
00:09 Depuis, il raconte son expérience pour éviter que d'autres fassent la même erreur.
00:14 Il est en conférence à la Tour du Pain aujourd'hui.
00:17 Bonjour Mourad Benchellali.
00:19 Bonjour.
00:20 Merci d'être avec nous ce matin.
00:22 D'abord, revenons sur votre parcours.
00:24 Je l'ai fait très brièvement, mais expliquez-nous comment vous vous êtes retrouvé
00:28 en Afghanistan, dans les camps d'Al Qaïda.
00:31 C'est très simple.
00:33 C'est mon grand frère qui avait été lui-même en Afghanistan quelques années auparavant.
00:42 À son retour de ce voyage, il s'était radicalisé dans la mesure où il avait embrassé
00:47 l'islam radical des talibans et il considérait que la première de ses missions
00:52 était de convaincre son petit frère de prendre le même chemin.
00:54 C'était de cette manière-là ?
00:56 Il faut rappeler que c'était avant les attentats du 11 septembre 2001.
01:00 C'est ça.
01:01 C'est un moment où, moi personnellement, je ne connaissais pas grand-chose de l'Afghanistan.
01:06 J'étais très jeune, je n'étais pas encore majeur.
01:10 Je ne connaissais pas ni Al Qaïda, ni Oussama Ben Laden.
01:13 On n'en parlait pas à l'époque.
01:15 On n'en parlait pas.
01:16 Et puis lui avait présenté aussi les choses d'une certaine manière où, à l'entendre,
01:20 l'Afghanistan était limite une destination de vacances.
01:23 Je suis un peu d'ironie, mais je veux dire que je me suis laissé embarquer assez facilement
01:29 avec beaucoup de naïveté et d'inconscience.
01:31 Alors c'est vrai qu'on m'a présenté comme un repenti du djihadisme,
01:34 mais moi je vous avouerai que quand je pars à cet âge-là pour l'Afghanistan,
01:39 je ne pars pas par idéalisme religieux ou politique.
01:42 Je pars pour faire plaisir à un grand frère que j'aime et que j'admire.
01:45 Je pars parce que j'ai envie de sortir de mon quartier et de voyager.
01:48 Et je pars parce que je suis à des années-lumières de m'imaginer
01:52 ce que je vais retrouver en arrivant sur place.
01:54 - Et justement, vous arrivez sur place et il se passe quoi ?
01:58 Vous vous retrouvez comme dans un piège, pris au piège ?
02:01 - En fait, je découvre que ce n'est pas les vacances en Afghanistan
02:05 puisqu'il y a des combattants étrangers qui m'imposent un entraînement militaire.
02:09 Ils m'expliquent que c'est obligatoire, y compris pour des raisons religieuses.
02:13 Et c'est de cette manière-là que je me retrouve dans un camp d'entraînement
02:16 qui devient au départ un camp d'entraînement militaire,
02:18 mais qui va basculer en fait à un camp d'entraînement terroriste
02:20 puisqu'il y a un entraînement au maniement des explosifs, des armes.
02:24 Et puis, il y aura aussi la visite du fameux Oussama Ben Laden.
02:28 Même si à l'époque, je ne sais pas encore qui c'est.
02:30 Juste pour resituer la date, on est entre juillet et août 2001.
02:34 - D'accord. On entendra bientôt parler effectivement d'Oussama Ben Laden.
02:38 Ensuite, vous prenez conscience de tout cela, vous essayez de fuir et vous êtes arrêté.
02:43 - C'est ça. C'est que je réussis de fuir.
02:45 Alors c'est difficile parce que moi, quand je sors de ce camp d'entraînement,
02:49 on est après les attaques du 11 septembre.
02:50 Donc, il y a l'intervention américaine, la frontière au Pakistan est fermée.
02:54 Donc, ça prend quand même plusieurs mois.
02:56 Mais je réussis à rejoindre le Pakistan et puis je suis capturé par des villageois.
03:00 Alors, je ne sais pas encore, mais ils se sont vu proposer des primes financières
03:05 par l'armée américaine pour notre capture.
03:09 Et c'est de cette manière-là que je me retrouve embarqué
03:11 et déporté dans la fameuse prison de Guantanamo.
03:14 - J'imagine des moments très durs ensuite dans cette prison
03:17 qui a été épinglée à de nombreuses reprises.
03:20 - En fait, c'est principalement de l'isolement.
03:24 On était totalement coupé du monde.
03:25 Et puis surtout, il y avait des interrogatoires.
03:29 C'est-à-dire que les services de renseignement américains considéraient
03:31 qu'il fallait nous faire souffrir psychologiquement et physiquement
03:35 pour obtenir des informations.
03:37 Et donc, eux utilisaient ce qu'ils ont appelé des techniques d'interrogatoire renforcée.
03:42 Bon, voilà, c'est les méthodes qui sont connues aujourd'hui,
03:45 qui ont été déclassifiées d'ailleurs par le Sénat américain
03:49 récemment, il y a quelques années.
03:51 Il y a quelques années, voilà, et c'est bon,
03:53 je donnerais juste quelques exemples pour être très bref,
03:55 mais c'est par exemple la privation de sommeil,
03:57 ou alors le fait des humiliations sexuelles,
04:00 ou le fait d'être menotté dans des positions douloureuses
04:02 sous la climatisation toute la nuit.
04:04 Enfin voilà, c'est ce genre d'exemple.
04:05 - Et depuis alors, vous racontez votre parcours.
04:08 Vous êtes ensuite, je résume rapidement,
04:11 vous êtes revenu en France, emprisonné en France.
04:13 Et puis ensuite, vous êtes sorti, et depuis,
04:15 vous racontez votre parcours pour éviter que d'autres fassent la même erreur.
04:19 Ça, c'est très important aujourd'hui pour vous,
04:22 c'est votre combat désormais ?
04:25 - Oui, oui, en fait, ça a été mon combat dès ma sortie de prison,
04:28 puisqu'en arrivant dans les prisons françaises,
04:31 j'avais constaté que des jeunes étaient attirés, en fait,
04:35 par le même parcours que le mien, mais évidemment pour des mauvaises raisons.
04:38 Et j'ai considéré que j'avais le devoir de leur raconter la réalité du terrain, en fait.
04:42 Et c'est ce que j'ai commencé à faire dès 2006.
04:44 J'ai écrit un premier livre qui s'appelle "Le voyage vers l'enfer".
04:46 Et puis depuis ce temps-là, je témoigne dans les écoles,
04:48 et comme je vais le faire cet après-midi à la Tour du Pin.
04:52 Et voilà, j'ai fait ça pendant toutes ces années.
04:55 Et puis je pense que ça reste une nécessité.
04:57 - Parce que le terreau est le même, selon vous,
04:59 que celui dans lequel vous étiez tombé à l'époque ?
05:02 Il y a eu, depuis l'Irak, la Syrie, etc.
05:05 Vous sentez le même terreau ?
05:08 - Oui, voilà. Alors, parce que le terreau est le même,
05:10 parce que les raisons qui rendent vulnérables les jeunes
05:13 à l'adhésion à la propagande restent les mêmes,
05:18 parce qu'il y a aussi une espèce de démobilisation généralisée
05:21 autour du travail de prévention de la radicalisation,
05:25 pour des raisons que moi je ne comprends pas personnellement.
05:28 Et puis aussi parce que des personnes qui peuvent aussi en parler de l'intérieur,
05:34 alors de la bonne manière évidemment,
05:36 ne sont pas non plus nombreuses.
05:40 Donc moi je considère que j'ai cette chance aujourd'hui
05:45 de pouvoir témoigner de ces choses-là avec beaucoup de recul
05:49 et surtout avec une histoire qui est derrière moi.
05:53 Et c'est pour ça que je continuerai à le faire.
05:55 - Et vous allez le faire effectivement à la Tour du Pin,
05:57 cet après-midi, 7 à 14h,
05:58 je le précise, au siège de la communauté de communes des Val-du-Dauphiné.
06:01 Merci beaucoup, Mourad Ben Chehlali, d'avoir été avec nous ce matin.
06:05 Je vous souhaite une belle journée et une bonne conférence à la Tour du Pin.

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