Football : Quels sont les vrais objectifs de l’Arabie Saoudite ?

  • l’année dernière
Depuis quelques semaines, l’Arabie saoudite a lancé les grandes manœuvres pour développer son championnat. A coup de millions d’euros, la Saudi Pro League attire les stars de la planète football. L’objectif du Royaume est clair, développer l'image du pays et accueillir à terme une Coupe du monde. L’édition 2034 semble la plus appropriée.
Transcript
00:00 Mais ce soir, on va parler d'Arabie Saoudite sous un angle différent, sous langue géopolitique,
00:02 avec Jean-Baptiste Guégan qui est là avec nous.
00:04 Bonsoir Jean-Baptiste, spécialiste en géopolitique du sport.
00:09 On parlera de ton futur bouquin dans quelques minutes tout à l'heure.
00:11 - Membre permanent du COMEX, notre podcast que nous faisons avec JB le lundi soir.
00:16 - Mais c'est pas le vrai COMEX, je précise.
00:18 - C'est le COMEX de 11e, alors voilà.
00:20 - Celui-là il a fait des trouts.
00:21 - Daniel il a entendu COMEX, il a failli tomber de sa chaise.
00:25 - Il dit quoi ?
00:26 - Il dit "toi, t'es là-dedans ?"
00:28 - C'était un hommage à ce COMEX.
00:30 - Alors, il est intéressant de décrypter ce que veut faire l'Arabie Saoudite dans le foot
00:34 et d'ailleurs dans le sport en général,
00:36 parce que c'est vraisemblablement quand même très différent de ce que fait le Qatar.
00:39 Là, on parle pas de "soft power" pour les Saoudiens, Jean-Baptiste, à priori.
00:43 - Il y en a, mais il n'y a pas que ça.
00:44 C'est-à-dire que le premier objectif, c'est de parler à la jeunesse saoudienne.
00:48 On a plus de 70% de la population saoudienne qui a moins de 35 ans.
00:52 Sauf que Mohamed Ben Salmane, qui n'est pas encore arrivé au pouvoir,
00:55 il est prince héritier, il prépare les 40 prochaines années.
00:58 Dans un régime autoritaire, il vaut mieux préparer l'avenir.
01:01 Et là, en l'occurrence, en deux ans...
01:02 - Il y a un truc qui s'appelle "Vision 2030".
01:04 - Alors, il y a le programme "Vision 2030"
01:06 et dans ce programme, il y a l'idée d'aller offrir, finalement,
01:09 du divertissement, des loisirs et de la culture à la jeunesse saoudienne.
01:12 - Ce qui était interdit pour éviter de faire la révolution comme au printemps arbre.
01:15 - Exactement. Parce que le modèle est là.
01:18 C'est-à-dire que l'idée, c'est d'éviter de se faire renverser.
01:19 - C'est une vraie ouverture, alors.
01:21 - Il y a une vraie ouverture avec aussi une chose très simple,
01:23 cette jeunesse, elle a déjà accès à l'extérieur.
01:26 Et là, ça demande de loisirs.
01:27 En se mettant, finalement, la jeunesse de son côté,
01:31 il s'assure d'abord un contrepoids par rapport à ceux qui voudraient qu'on garde le pays fermé.
01:36 Et ça peut lui permettre, derrière aussi, de gouverner plus facilement.
01:39 C'est déjà un positionnement politique.
01:40 - Juste là-dessus, il y a un parallèle qui est intéressant,
01:42 c'est avec le modèle chinois aussi, c'est de dire
01:44 "on vous donne du mode de vie, on vous donne des moyens,
01:47 à condition que vous ne vous occupez pas de politique".
01:49 - C'est ça. C'est-à-dire que la démocratie, c'est bien gentil, mais c'est pour les autres.
01:52 Là, ce qu'on vous propose, c'est des loisirs, du développement, de l'économie.
01:56 Maintenant, vous nous laissez faire pour le reste.
01:57 La politique, c'est nous. Le reste, on fera ce qu'il faut.
02:00 - On vise un despotisme éclairé ?
02:02 - C'est un peu ça.
02:03 - Oui, il y a de ça.
02:04 Avec, il ne faut pas l'oublier, la liberté de la presse, elle n'existe pas.
02:09 Les droits des femmes, des minorités, elles n'existent pas.
02:12 Mais là, tu as d'autres éléments qui rentrent en ligne de compte.
02:16 Du point de vue environnemental, l'Arabie saoudite,
02:18 c'est l'un des pays qui fait partie des pays les plus pollueurs.
02:22 Tu prends Aramco, par exemple, la compagnie qui gère le pétrole.
02:26 C'est l'un des trois acteurs les plus polluants du monde.
02:29 Bon, ça, il faut aussi nettoyer l'image.
02:31 C'est là aussi où il y a un enjeu, justement, de "Save power".
02:33 C'est-à-dire que le sport va servir, et le football aussi,
02:36 à nettoyer l'adventure et à présenter une image attractive, favorable.
02:40 Et ça va avec un plan de développement, justement.
02:42 - Alors, il y a un truc intéressant sur le foot,
02:46 c'est que donc on a en Arabie saoudite des grands stades qui sont pleins.
02:49 - Oui, il y a une vraie culture, le foot.
02:51 - Voilà, et qu'on a là une jeunesse qui adore le foot.
02:55 Déjà, ce n'est pas le championnat du Qatar où, en gros, les stades sont vides,
02:59 où le championnat émirien a les stades vides.
03:01 - Ce n'est pas la même dimension, ce n'est pas la même population.
03:04 - Tu regardes la population du Qatar, c'est 3 millions de personnes,
03:07 mais c'est 300 000 ressortissants qui ont la nationalité.
03:09 L'Arabie saoudite, c'est 36 millions de personnes, donc c'est fois 100.
03:12 - Donc quand il faut venir Benzema ou Cristiano Ronaldo,
03:15 ce n'est pas forcément pour claquer ça à la tête du monde,
03:19 c'est pour les jeunes de chez eux.
03:20 - Ça fait plaisir aux gens.
03:21 - Voilà, parce qu'on vous offre les meilleurs.
03:24 - Oui, je kiffe le foot vraiment.
03:25 - Oui, tu prends à l'Itihad par exemple,
03:27 le taux de remplissage moyen, c'est plus de 90%,
03:32 on est à 40 000 personnes de moyenne dans le stade, sur la saison.
03:35 - Les femmes ont le droit d'aller au stade désormais ?
03:37 - Ça, en l'occurrence, ce n'est pas encore dans le spectre.
03:41 On n'est pas dans cette logique-là pour l'instant.
03:42 Là, on reste aussi sur une de ces limites-là.
03:45 C'est-à-dire que la mixité, ce n'est pas encore quelque chose qui est complètement...
03:49 - Les droits des femmes ont grandement évolué en Arabie Saoudite.
03:51 Alors on partait évidemment de très très loin,
03:53 mais en fait on partait de rien,
03:55 puisqu'il y a quand même quelques années
03:56 où une femme ne pouvait pas se balader dans la rue seule par exemple.
03:59 Aujourd'hui, elles peuvent conduire.
04:01 D'ailleurs, petite idée, si vous voulez vous expatrier,
04:04 il paraît qu'ouvrir une auto-école en Arabie Saoudite en ce moment
04:07 peut vous rendre riche,
04:08 parce qu'il y a quand même plusieurs millions de conductrices à former.
04:11 - Ah oui, il y a des clients potentiels, des clientes potentielles.
04:15 Il y a aussi un mouvement en Arabie Saoudite,
04:17 j'ai eu un témoignage d'une amie qui connaît très bien la question,
04:21 puisqu'elle a vécu là-bas tout à l'heure avant l'émission,
04:23 il y a de plus en plus de femmes en Arabie Saoudite
04:25 qui se baladent dans la rue sans voile.
04:27 C'est-à-dire qu'il y a une volonté de liberté...
04:31 Nous, on a certains endroits en France où on veut mettre le voile,
04:35 en Arabie Saoudite, les femmes veulent l'enlever.
04:37 Il y a un mouvement de fond important aussi.
04:41 C'est toujours pareil, il faut savoir d'où on part.
04:42 - Voilà, il faut le relativiser aussi.
04:43 C'est-à-dire que si tu prends par exemple les femmes,
04:46 et le fait de conduire,
04:48 les cinq activistes qui étaient à l'origine de ça,
04:49 elles sont encore en prison.
04:51 C'est-à-dire qu'il y a un mouvement d'ouverture,
04:54 il y a une volonté aussi de faire de l'Arabie Saoudite
04:56 un pays plus ouvert vers l'extérieur,
04:58 c'est la volonté de Mohammed Ben Salmane,
04:59 qui reste un despote.
05:01 Le projet Néom par exemple d'ouverture, c'est ça aussi,
05:03 c'est pouvoir attirer les talents du monde entier.
05:05 - C'est une ville futuriste, c'est ça ?
05:07 - On est au Nord-Ouest, ça fait la taille de la Bretagne,
05:09 et l'idée c'est de faire une sorte de gigantesque Dubaï,
05:11 où tu pourrais faire tout ce que tu fais à Dubaï,
05:13 mais en Arabie Saoudite,
05:14 une sorte d'endroit où finalement t'aurais beaucoup plus de liberté.
05:18 Voilà.
05:19 Et ça, ça change vraiment la donne.
05:21 Il y a cette volonté d'ouverture...
05:22 - Précision, les femmes sont autorisées à aller au stade en Arabie Saoudite ?
05:25 - Mais dans la pratique,
05:26 c'est pas aussi...
05:28 Comment dire ?
05:30 - C'est plus facile pour des expatriés par exemple,
05:33 que pour des Saoudiennes ?
05:34 - Parce qu'il y a aussi l'usage.
05:35 C'est-à-dire que tu vas pas avoir, comme chez nous,
05:37 10 à 20% du stade qui va être composé de femmes.
05:40 C'est-à-dire qu'on commence à voir progressivement ça arriver,
05:43 mais c'est pas encore pleinement entré.
05:45 Et puis ça dépend aussi des endroits en Arabie Saoudite.
05:47 - Question de Jérôme Thomas,
05:48 une nouvelle ville de la Terre de la Bretagne,
05:50 est-ce que l'ambition est de se comparer au stade Rennais ?
05:53 - Personne ne peut se comparer au stade Rennais.
05:56 - Il y a des entreprises françaises qui ont tout intérêt,
05:59 qui ont beaucoup d'intérêt à faire notamment de l'immobilier.
06:01 - Alors, précisons aussi que, bon là on parle de foot,
06:05 mais il y a d'autres développements.
06:08 On sait qu'il y a le Paris-Dakar par exemple,
06:10 qui maintenant est en Arabie Saoudite,
06:13 qui pourrait s'appeler Paris-Riyad peut-être un jour, je sais pas, enfin bon.
06:16 Il y a eu aussi une grosse offensive dans le golf,
06:20 le sport, le golf.
06:21 - Ils ont pris en tel golf.
06:22 - Il y a eu un incident sur le Dakar qui avait été relativement étouffé,
06:25 une enquête a été menée.
06:27 - Relativement étouffé, un peu carrément étouffé même.
06:30 - C'est un atout qui a eu lieu, c'était quoi l'année dernière ?
06:34 - Ouais, c'est l'année dernière.
06:36 Une bombe placée sous les cieux et il y a le conducteur qui est là.
06:39 - Donc voilà, on n'est pas dans un contexte...
06:42 - Tout à fait, loin d'être apaisé,
06:45 mais il y a une offensive générale dans le sport en fait, Jean-Baptiste.
06:48 - Aujourd'hui c'est l'un des principaux acteurs en termes d'investissement.
06:51 Ils ont littéralement préempté le golf,
06:53 c'est-à-dire que l'initiative qui visait à couper le golf en deux a fonctionné.
06:57 Et aujourd'hui, à la tête de la plus grande ligue de golf mondiale,
07:00 on va avoir un Saoudien.
07:02 C'est l'initiative saoudienne qui a pris le dessus.
07:04 Ils sont présents dans le cyclisme,
07:06 ils sont très présents dans l'e-sport,
07:09 ils sont présents en F1,
07:11 on a un Grand Prix, ils ont postulé pour en avoir un deuxième,
07:14 ils sont présents en Formule E,
07:15 ils font du catch, ils font des combats de boxe,
07:17 souvenez-vous de Joshua Ruiz.
07:20 - La Supercoupe Espagnole ?
07:21 - La Supercoupe Espagnole, la Supercoupe d'Italie.
07:24 Bon, il n'y a que la Ligue des Talents qui n'est pas capable de s'expatrier là-bas,
07:26 c'est peut-être pas une mauvaise chose en même temps.
07:28 - Et jusqu'où ils veulent aller ?
07:29 Parce qu'on a l'impression qu'en gros, ils nous achètent des trucs.
07:32 "Venez jouer votre finale" et tout,
07:34 donc à terme, je ne sais pas,
07:35 moi, un Seferin peut dire "on va aller jouer la finale de la Ligue des Champions là-bas".
07:38 - C'est quelque chose aujourd'hui qui n'est plus à exclure,
07:40 parce que le Qatar aurait très bien pu se porter candidat,
07:42 et qu'à un moment donné, la question se pose.
07:44 Si c'était aux États-Unis par exemple,
07:45 et ça a été dans les tuyaux un temps,
07:47 est-ce que ça poserait un problème ? Non.
07:49 Là, la question c'est l'ampleur du chèque.
07:51 - La finale de la Ligue des Champions, même aux États-Unis,
07:53 ça pose quand même un problème.
07:54 - Oui, évidemment, ça nous en poserait un...
07:55 - Alors, jusqu'où ils peuvent aller financièrement ?
07:57 Est-ce que tu as des chiffres sur le foot, par exemple, intéressants ?
08:00 - Là, sur le plan de recrutement, par exemple.
08:01 - Ah d'abord, excuse-moi, c'est le terminoténis,
08:03 on va conclure le match avec Julien Taxis, on y va !
08:06 - Et oui, à l'instant, la victoire de Kasper Rudd,
08:08 le duel scandinave, a tourné en faveur du mieux classé, du plus âgé,
08:12 et de celui qui a été beaucoup plus solide, Rudd le Norvégien,
08:16 victoire en 4-7 face à Holger Rune,
08:18 je vous donne le score, 6-1, 6-2, 3-6, 6-3,
08:21 comme l'an dernier, c'était déjà en quart de finale,
08:23 et il attend Kasper Rudd, désormais Alexander Zverev,
08:26 en demi-finale, ce sera certainement la première demi-finale,
08:29 vendredi, juste avant le monument qu'on attend tous à Roland-Garros,
08:32 entre Novak Djokovic et Carlos Salcaraz.
08:36 - Donc, merci, bonne soirée Julien.
08:38 - Bonne soirée les amis.
08:39 - Revenons à notre discussion.
08:41 Est-ce qu'il y a des éléments financiers que tu as, je ne sais pas,
08:43 à nous donner sur l'investissement dans le foot, par exemple,
08:46 ce qu'ils veulent faire ?
08:47 - Si on regarde, par exemple, le plan de recrutement des stars,
08:49 ils ont budgété jusqu'à 1 milliard de dollars pour les faire venir.
08:52 Si on regarde les infos de l'été...
08:53 - Ah oui, il a pris un dixième du budget, là.
08:55 - Non, deux dixièmes du budget.
08:56 - Mais s'il ne vient pas, il a libéré la moitié du budget.
08:59 - Mais ça veut dire qu'il y aura peut-être une offensive sur d'autres joueurs.
09:01 C'est-à-dire que Neymar, qu'on imagine en partance,
09:03 peut-être qu'à un moment donné, il fait partie de la liste des joueurs ciblés.
09:07 Là, on a une offre sur Zaha, par exemple.
09:09 Il y a d'autres joueurs comme ça qui sont intéressants
09:12 et qui vont être rapprochés.
09:14 Parce qu'une fois que Messi est parti à l'Inter Miami,
09:16 il faut lui trouver, finalement, un remplaçant,
09:18 qui ait une visibilité comparable.
09:20 Il faut s'attendre à ce genre d'offres-là.
09:22 - C'est aussi un pays où il y a un problème avec la pratique du sport ?
09:25 Il y a énormément d'obésités en Arabie Soudaine.
09:27 - C'est 60% des Saoudiens qui sont congénants.
09:29 - Ça fait aussi partie, je crois, de la stratégie
09:32 de mettre la population, enfin les jeunes en l'occurrence, au sport.
09:35 - L'idée, c'est justement d'utiliser le sport
09:37 comme un facteur qui incite à faire, justement,
09:42 du sport, du foot en l'occurrence.
09:43 On a vu une montée, par exemple, depuis que Ronaldo est là,
09:47 du nombre d'inscriptions dans les clubs.
09:50 Donc, il y a un effet, sauf qu'on sait que cet effet ne dure pas.
09:52 Donc, il faut alimenter avec des stars, il faut qu'il y ait des résultats.
09:55 Et l'idée, c'est que derrière... - Il va rester, Ronaldo ?
09:58 Les rumeurs faisaient l'état, déjà, d'un ennui, de sa part.
10:00 - Alors, ennui, c'est possible, avec le contrat qu'il a,
10:02 je pense qu'il prendra sur lui pendant encore un an, et après, on verra.
10:06 Mais ce qui est intéressant avec ça, c'est que leur politique est vraiment pensée.
10:08 C'est-à-dire que c'est la même politique que le Qatar, avec d'autres objectifs.
10:12 Tout est pensé, c'est-à-dire qu'il y a une dimension de politique intérieure,
10:15 une dimension qui concerne l'extérieur, c'est-à-dire la vitrine.
10:18 Et puis, derrière, il y a une vraie logique sanitaire,
10:22 qui consiste à leur faire faire du sport,
10:24 pour éviter d'avoir à payer les dépenses de santé derrière.
10:26 - On voit combien le...
10:29 Plus que le football, alors on parle souvent du football comme un outil politique,
10:32 qui a toujours été, dans l'histoire,
10:34 ça a toujours été une manière d'exprimer les rapports de force politiques,
10:37 on voit aussi que le...
10:39 Mais bon, c'est valable aussi pour les démocraties,
10:41 mais que le footballeur, pour le coup, lui,
10:43 est vraiment plutôt l'allié de ce genre d'initiatives,
10:46 plus que le football lui-même, qui se pouvait pratiquer de manière universelle.
10:49 Le footballeur lui-même, lui, est vraiment la cible de ce genre d'initiatives
10:53 et de régimes aussi, parce qu'il faut quand même appeler un chat un chat.
10:56 C'est quand même une monarchie autoritaire,
11:00 c'est quand même...
11:01 Il y a une grande opération de nettoyage de vitrines aussi.
11:05 - Et puis aujourd'hui, ce sont des fonctionnaires d'État.
11:08 C'est-à-dire que, entre guillemets,
11:10 la formule n'est pas de moi, elle est de Abdel Abou-Lema,
11:12 mais on est sur des mercenaires qui vont travailler littéralement,
11:15 contractuellement, pour Mohamed Ben Salmane,
11:17 via l'autorité qui les a recrutés.
11:19 - Tu veux parler des gens de foot là ?
11:20 - Ouais.
11:20 C'est-à-dire que quand on voit...
11:21 - Il paraît que le gouvernement a racheté les clubs
11:23 parce qu'avant ils appartenaient à des gens et c'était totalement corrompu.
11:26 - Alors c'est peut-être de la corruption, mais en tout cas...
11:28 - C'est une autre brise de nettoyage, en tout cas, qui a été voulue par l'État.
11:32 - L'idée, c'est de privatiser pour professionnaliser.
11:34 C'est-à-dire que là, on a le Public Investment Fund,
11:36 le fonds d'investissement saoudien,
11:38 qui a racheté quatre clubs.
11:39 C'est les quatre clubs historiques.
11:41 On a Aramco qui va en acheter d'autres.
11:43 - Aramco qui est le bras armé, enfin le bras pétrolier de l'État.
11:47 - Le bras armé, pétrolier et financier de l'État saoudien.
11:49 Et leur objectif, il est simple, c'est de cadrer
11:52 pour permettre le développement de l'activité foot
11:54 et éviter ce genre de difficultés.
11:56 - C'est la vieille tradition autoritaire.
11:57 De toute façon, les régimes autoritaires, ça va toujours beaucoup plus vite,
11:59 beaucoup plus pratique, forcément.
12:00 Comme il n'y a pas le problème de...
12:01 - Ah bah oui, il y a moins de débats, oui.
12:02 - Il y a moins de débats, il n'y a pas besoin de désaccords,
12:04 donc forcément, ça va plus vite.
12:05 - Des débats chez nous, parfois, il y en a trop.
12:07 - Culturellement, ils sont pareils que les Qataris.
12:11 Qu'est-ce que je veux dire par là ?
12:13 Dans leur façon de gérer le PSG, les Qataris,
12:17 est-ce que c'est...
12:18 Tu vas me dire non, forcément, puisqu'on le voit, on le constate,
12:19 c'est pas la même chose que ce qu'ils font les Saoudiens avec Newcastle.
12:23 Et dans la différence culturelle, ce que je voulais dire,
12:25 c'est cette espèce de courtisianisme,
12:29 de gens autour du décideur et de rumeurs,
12:33 par exemple pour le PSG en ce moment.
12:35 Comme à chaque intersaison où il faut savoir qui est le nouvel entraîneur,
12:39 qui sont les nouveaux joueurs qui vont arriver,
12:41 les informations arrivent de Doha, c'est à qui dit
12:44 "Ah, moi j'ai eu une info qui vient de Doha,
12:45 ah, moi j'ai eu une info de l'entourage de Nasser,
12:47 ah, moi j'ai eu une info du directeur sportif".
12:49 On ne sait jamais où est réellement exercé le pouvoir.
12:53 Est-ce que culturellement, ils sont pareils les Saoudiens ?
12:54 - Ils sont d'abord beaucoup plus nombreux,
12:56 le pouvoir est mieux défini,
12:58 et t'as pas les cercles d'influence que t'as par exemple au Qatar.
13:00 Au Qatar, quand t'as un décideur,
13:01 t'as 6 à 10 personnes autour qui le conseillent.
13:03 - Ah, et qui parlent beaucoup, et qui fuitent.
13:06 - Qui fuitent, et qui donc se mettent aussi en avant.
13:08 Ce qui fait que tu sais jamais où est prise la décision.
13:09 Par exemple, pour Newcastle, t'as pas ces difficultés-là.
13:12 T'attends pas qu'une décision tombe de riade,
13:14 et que MBS se positionne.
13:16 Ils laissent des gens qui, professionnellement, sont chargés de ça.
13:20 - Et qui dépensent pas à tort et à travers d'ailleurs.
13:22 - Comme à City d'ailleurs.
13:24 - C'est exactement ça, le modèle c'est plus ça.
13:26 - Donc les Qataris ont vraiment une culture propre,
13:29 de ces cercles d'influence qui noyaudent, pourris,
13:32 je sais même pas comment dire, prise de décision.
13:34 - Ils sont beaucoup moins nombreux aussi,
13:36 et puis ils sont dans des situations où ils sont finalement
13:39 plus jeunes dans leur manière de gérer ça.
13:41 Le foot, ils l'ont pas utilisé de la même manière,
13:43 et on le voit, il y a une vraie culture foot en Arabie Saoudite,
13:46 depuis très longtemps, ça a longtemps été une place forte.
13:47 - Alors il y a un truc intéressant aussi,
13:49 que tu vas peut-être confirmer Jean-Baptiste,
13:50 c'est qu'en Arabie Saoudite,
13:53 on a des dirigeants dans le foot, dans le sport,
13:56 qui sont des jeunes, formés souvent à l'étranger.
13:59 C'est-à-dire que ça, les leads saoudiennes,
14:00 enfin les gens à l'ésieur en Arabie Saoudite,
14:01 vont souvent se former à l'étranger, reviennent dans leur pays,
14:04 et donc voilà, on a des gens qui connaissent très bien le business, le foot...
14:08 C'est-à-dire que c'est des quarantenaires là,
14:09 qui sont au pouvoir et qui prennent les décisions.
14:11 - Exactement.
14:12 - Sauf MBS, MBS a pas lui étudié...
14:13 - Alors lui, c'est le seul justement, à pas avoir été formé à MBS,
14:16 c'est le prince héritier,
14:17 il a pas été formé à l'étranger,
14:18 lui, c'est un pur produit de Riyad.
14:20 Par contre les autres, effectivement,
14:21 ils ont connu l'élite des universités anglo-saxonnes.
14:25 Et donc quand ils reviennent, ils ont quelque chose, ils apportent.
14:27 Et puis quand ils ont besoin de compétences,
14:29 un, ils savent les trouver,
14:30 donc c'est pas le chauffeur, le gars sympathique,
14:33 ou le gars qu'on a croisé,
14:34 genre d'année que tu peux avoir dans le chez-nous...
14:35 - Ouais, le dernier qui a parlé, qui a raison...
14:37 - Voilà.
14:37 - Ça, ça peut marcher, le chauffeur qui a une promotion.
14:40 - Ça peut arriver.
14:42 Et en l'occurrence là, on va chercher de la compétence,
14:43 et donc on va aller chercher des entreprises étrangères
14:45 qui vont arriver et qui vont permettre de construire ça.
14:48 Là par exemple, ce qu'on voit, c'est que le projet saoudien
14:51 a flotté entre 2017 et 2019,
14:53 et à partir de 2019, ça s'est structuré.
14:55 Là aujourd'hui, pour l'instant,
14:56 à part Messie qu'ils ont pas réussi à avoir pour des raisons évidentes...
14:59 - Ouais, mais ils l'ont comme ambassadeur touriste.
15:00 - Mais ils l'ont avec saouditarisme,
15:02 donc il va faire venir visiter l'Arabie saoudite.
15:06 Ils ont finalement, pour l'instant, réussi.
15:08 C'est là où c'est inquiétant, c'est-à-dire que
15:10 on sait ce qui se passe là-bas,
15:11 on sait la nature de ce régime,
15:13 on sait finalement que
15:15 c'est encore plus inquiétant que ce qu'on avait pu avoir au Qatar,
15:18 et pourtant, ça fonctionne.
15:20 - Et il faut pas oublier que "soft power" en français,
15:22 c'est l'influence culturelle.
15:24 - Ça veut dire "influence culturelle",
15:25 donc ça veut dire que quand tu es à l'Arabie saoudite,
15:28 tu exerces aussi une attractivité
15:33 auprès...
15:34 l'Arabie saoudite, c'est la terre sainte de l'Islam.
15:37 - C'est le pays des 200 millions.
15:38 - Il y a aussi cette dimension-là qu'il faut prendre en compte.
15:41 - Dans ton micro, Thibault.
15:42 - Oui, pardon, cette dimension-là qu'il faut prendre en compte.
15:44 Et donc, cette influence culturelle,
15:46 elle s'exerce à travers le football aussi,
15:48 ce qu'on dit sur le développement de la population locale,
15:50 mais effectivement, d'aller chercher des grands joueurs étrangers,
15:53 et les faire venir, c'est aussi une manière...
15:55 tu as employé le terme chez nos confrères,
15:57 d'influenceurs, en fait,
15:58 ce sont des influenceurs ++ les footballeurs.
16:01 C'est encore une bonne raison, c'est ça l'idée.
16:02 - Ils viennent parler finalement en bien de l'Arabie saoudite,
16:05 parce que quand vous allez recruter Benzema,
16:06 vous prenez un joueur qui a encore deux bonnes années de carrière à donner.
16:09 - Qui va faire des photos qui va bien,
16:11 qui va faire des vidéos qui va bien...
16:12 - Mais c'est un top 10 dans le monde en termes de followers.
16:16 Mais si c'était pareil, Ronaldo, c'est la même chose,
16:18 c'est le premier.
16:19 C'est-à-dire que vous allez acheter quelqu'un
16:20 qui a une capacité de frappe de plus de...
16:23 de plusieurs centaines de millions de personnes.
16:25 - C'est pour ça que quand tu choisis d'aller signer là-bas,
16:27 il faut aussi prendre en compte cet aspect-là.
16:29 T'es aussi un élément...
16:30 On peut pas juste dire "oui, moi je fais que du sport, je fais pas de la politique".
16:33 Là, le sport et politique sont mélangés.
16:35 - C'est aussi pour ça que...
16:37 - Il faut que les joueurs aussi assument cet aspect-là.
16:38 - Et c'est aussi pour ça que les salaires sont aussi élevés.
16:40 C'est-à-dire que si on va à l'horizontal...
16:42 - Mais je crois que les joueurs, ils y pensent à ça.
16:43 - J'espère qu'ils sont conseillés,
16:45 parce qu'à un moment donné, y'a une vraie responsabilité aussi.
16:47 - Ils pensent pas qu'ils vont faire de la politique.
16:48 - Peut-être, ce qu'ils disent, c'est parce qu'ils pensent à l'oseille.
16:50 - Bah oui.
16:50 - Sauf que quand tu vas te retrouver là-bas
16:52 et que tes pieds et poings liés avec un régime qui te paye lui-même,
16:56 forcément t'es parti pour le monde.
16:57 - Y'a peine de moins, c'est une réalité en Arabie Saoudite.
16:59 C'est quelque chose qu'il faut avoir en tête.
17:02 C'est-à-dire que quand on y va, on sait aussi pourquoi on y va.
17:04 Et ça, c'est aussi à ça que va servir le football.
17:07 Ça va faire disparaître ces idées-là.
17:10 - C'est passionnant Jean-Baptiste, merci beaucoup pour tout ça.
17:13 Et bien sûr, maintenant on va s'intéresser d'un peu plus près.
17:16 Je suis l'él que le championnat saoudien est diffusé par RMC Sport.
17:19 Les matchs de Cristiano Ronaldo notamment.
17:20 - Ah oui c'est vrai, j'avais oublié.
17:22 - Donc, Laurence Salvador va nous régaler des matchs de Benzema,
17:25 j'imagine, dans quelques semaines.
17:29 - On aura été précurseurs sur l'achat de ses droits.
17:30 - Euh... voilà.
17:31 - À quoi bon acheter la Ligue 1 ?
17:33 (rires)
17:34 - Un milliard d'euros.
17:35 - Un milliard d'euros.
17:36 - En passant la brune.
17:37 - Jean-Baptiste, un mot dessus.
17:39 - D'ailleurs, c'est un sujet qui me fait penser.
17:40 Thibaud, il y a un truc qu'on n'a pas souligné hier
17:42 quand on parlait du milliard espéré par Vincent Labrine,
17:46 qui n'arrivera pas.
17:47 C'est, en plus, il veut l'augmentation,
17:49 alors que partout en Europe ça baisse,
17:51 mais il veut l'augmentation l'année où il y aura moins de matchs.
17:54 Il y aura moins de matchs, puisqu'on va passer à 18 clubs.
17:56 C'est un truc qu'on n'avait pas précisé.
17:57 - Oui, mais de toute façon c'est formidable.
17:58 - Tu n'as plus Messi.
17:59 - Hein ?
17:59 - Tu n'as plus Messi, tu n'auras peut-être plus Neymar.
18:01 - Messi, il servait à vendre les droits...
18:03 Il aurait pu servir à vendre les droits à l'étranger.
18:05 - Mais c'est le triomphe de la pensée magique.
18:08 Il y a un problème dans la réalité,
18:10 on chante juste, on met un slogan dessus,
18:12 et puis ça résout le problème.
18:13 C'est la pensée magique.
18:15 - Jean-Baptiste Ouïe, tu sors un bouquin dans quelques jours ?
18:17 - Oui, "Qatar dominé par le sport", ça sort chez Bréal.
18:20 On l'a co-écrit avec deux potes,
18:23 Mourad Bouhani et Alexandre Benézet.
18:25 Et c'est le premier livre qui revient sur la Coupe du monde 2022
18:30 et sur toute la statut du Qatar depuis 20 ans.
18:32 C'est simple, c'est accessible, c'est clair, achetez-le.
18:35 - Très bien, excellent.
18:36 Ah si, il y a un truc que j'ai oublié quand même.
18:38 Il faut juste, sur le plan sportif,
18:40 il y a une précision qu'il faut faire,
18:42 c'est que les clubs saoudiens, à l'échelle de l'Asie,
18:45 ils ont gagné par exemple la dernière ligue des champions asiatiques,
18:47 entraînée par Jardim, le club de Al-Hilal.
18:50 - Oui, sur Adas.
18:51 - Donc ça veut dire quand même que,
18:52 il n'y a pas que des équipes en bois.
18:55 - Non, c'est un championnat.
18:58 - On verra quand ils seront confrontés à des grands clubs.
19:00 - Si tu prends par exemple sur toute l'histoire
19:01 des championnats du monde des clubs,
19:03 ils sont présents quatre fois sur les 15 dernières années.
19:07 Lors de la précédente édition du championnat du monde des clubs,
19:10 ils sont en finale, ils perdent contre L'Oréal.
19:11 La prochaine édition, elle est organisée en Arabie Saoudite
19:15 et ils ne seront probablement pas ridicules.
19:17 Aujourd'hui, c'est capable de challenger,
19:19 au moins nos liguins, ça, il n'y a pas de problème.
19:21 Et après...
19:23 - C'est meilleur que l'intermiamigo.
19:24 - Après, on va voir que le football n'est pas qu'une affaire
19:27 d'acheter des grands joueurs,
19:27 on le voit tous les jours au Paris Saint-Germain.
19:29 Il y a quand même aussi une affaire de structure
19:31 et en l'occurrence, il se structure aussi.
19:33 Mais ça prend du temps aussi.
19:34 Le jour où l'Arabie Saoudite sera capable de sortir
19:37 un grand joueur comme Neymar, Messi,
19:39 là, on pourra commencer à s'inquiéter.
19:41 Pour l'instant, on ne voit pas émerger ça.
19:42 Ça peut arriver, mais pour l'instant,
19:44 on n'a pas encore eu un grand joueur.
19:45 - C'est vrai qu'il a été la première idole à Riyad
19:47 du nouveau football, Bafé Gomis.
19:49 - Ouais, avec Jovinko.
19:51 Ça a commencé là, en 2017, quand il vient les chercher.
19:54 ♪ ♪ ♪

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