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Dans la deuxième heure de son émission consacrée à la culture, Philippe Vandel reçoit chaque jour un invité.
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Transcription
00:00 - Et vous écoutez Culture Média jusqu'à 11h avec votre invité Philippe Vandel.
00:04 - Bonjour Ausline Bachelot. - Bonjour Philippe.
00:06 - Vous êtes femme politique, depuis peu femme de médias, on vous entend comme éditoriale sur BFM TV,
00:10 vous êtes aussi sociétaire des Grosses Têtes mais c'est pas notre sujet.
00:12 Vous avez été quatre fois ministre sous trois présidents, Chirac, Sarkozy, Macron,
00:16 et c'est ce qui nous intéresse car vous avez surtout été ministre de la culture.
00:20 Pendant notamment une période charnière de l'histoire, le Covid, le confinement,
00:24 alors que la culture avait été déclarée par d'autres que vous non essentielle,
00:27 vous êtes resté 682 jours rue de Valois, c'est justement le titre de votre dernier ouvrage,
00:32 "682 jours", il y a un sous-titre, "Le bal des hypocrites s'est chez Plon,
00:36 comme un carnet de bord au jour le jour".
00:38 La première question tombe sur le sens, qui sont ces hypocrites ?
00:41 Parce que vous connaissez la politique, vous saviez que le double langage était monnaie courante.
00:45 - Des hypocrites il y en a partout, il y a aussi des gens très sympas et très gentils,
00:50 mais j'ai réglé aussi quelques comptes parce qu'il y a des choses qui m'ont énervé
00:53 et puis quand on est dans l'action on n'intervient pas, mais j'ai aussi voulu faire rentrer les lecteurs
00:59 dans le ventre du monstre, c'est-à-dire le ventre du fonctionnement de la politique,
01:04 voir comment ça se passe au quotidien.
01:06 - On est vraiment la petite souris.
01:07 Vous rédigez vos notes au jour le jour ou vous avez repris vos notes ?
01:10 - Non, je ne rédige pas les notes au jour le jour, il y a des personnes qui peuvent le faire,
01:15 moi je suis tellement dans l'action que je ne peux pas du tout le faire au jour le jour,
01:19 mais par contre j'avais des dossiers, des éléments, des agendas qui m'ont permis de tout recouvrir.
01:23 - Donald Trump, vous êtes reparti avec les dossiers classifiés ?
01:26 - Ah non, j'ai tout laissé, je laisse toujours tout...
01:30 Des dossiers classifiés, non, certainement pas, tout est aux archives nationales.
01:33 - J'ironise évidemment, mais vous êtes reparti avec votre agenda.
01:35 - Voilà, c'est ça.
01:36 - Est-ce que vous êtes censuré ? Si oui, quelles séquences ont été expurgées ?
01:40 - Est-ce que vous pensez que je vais vous le dire, espèce de petit salopard ?
01:43 - Non, je voulais savoir, je ne veux pas savoir lesquelles, mais de quel domaine ?
01:47 - Alors non, il y a des dossiers qui sont des secrets déjà, et ce n'est pas mon style de dévoiler...
01:53 - Je vais poser la question différemment.
01:54 Est-ce qu'il y a des méchancetés que vous avez écrites, et à la relecture, vous vous êtes dit "je ne peux pas laisser passer ça" ?
01:59 - Oui, il y en a deux ou trois.
02:01 Il y a d'ailleurs des choses que l'éditeur, parce que vous le savez mieux que personne, Philippe,
02:07 c'est la responsabilité de l'éditeur s'il y a un procès,
02:13 donc l'éditeur vous demande de retirer un certain nombre de choses que je fais.
02:17 - Si il y a un procès, j'explique pour qui ne connaît pas, si il y a un procès, les deux sont condamnés,
02:20 l'auteur et l'éditeur, parce que sinon c'était trop facile de mettre un homme de paille qui écrit un livre et qui désingue les gens.
02:26 Donc maintenant l'éditeur est solidaire comme les directeurs de l'application des journaux,
02:29 qui sont solidaires de ce qui est écrit.
02:31 - Et on ne peut même pas faire une décharge à l'éditeur, on pourrait dire "laissez cette affirmation,
02:36 je prends toute la responsabilité", ce n'est pas possible.
02:39 - Comment vous avez vécu cette période, période unique dans l'histoire, en tout cas de ce siècle,
02:45 le Covid, le confinement, en prenant la suite de Franck Riester dans un contexte très difficile,
02:49 bibliothèque fermée, salle de spectacle fermée, cinéma fermé ?
02:52 - Je l'ai vécu comme un soldat de commando, c'est-à-dire quelqu'un qui est dans une situation extraordinaire
02:59 et qui donne tout et qui se dit "de toute façon, je n'avais pas de plan de carrière".
03:04 Donc j'étais extrêmement libre vis-à-vis du Premier ministre et du Président de la République pour dire un certain nombre de choses.
03:11 - Il y a une lettre absolument extraordinaire, il faut lire le livre.
03:14 Roselyne Bachelot, je parle de vous à la troisième personne, n'a pas les fonds qu'elle souhaite et vous écrivez à Jean Castex, Premier ministre,
03:22 "mon cher Jean, résumez la lettre, dites ce que vous lui dites".
03:25 - Je lui dis "je ne serais pas un ministrayon qui attendrait que la culture meure et en lui jetant des cacahuètes
03:33 comme on jette cela à des singes à travers la grille d'un zoo".
03:37 - Et vous avez obtenu vos deux milliards.
03:40 - Incroyablement, je n'imaginais pas que ça se passe comme ça.
03:42 - Pendant le confinement, on en a reçu beaucoup ici, Culture Média ne s'est pas arrêté pendant le confinement,
03:48 on a fait l'émission tous les jours, tous les jours,
03:50 beaucoup d'artistes n'ont cessé de glapir, dire que le gouvernement les lâchait, n'en faisait pas assez, voire pas du tout.
03:56 Comment vous avez vécu ça ?
03:57 - Je l'ai vécu avec un mélange de compréhension,
04:02 parce que je sais très bien que la rupture du contact avec le public, pour beaucoup d'artistes, c'est une souffrance.
04:08 Et j'acceptais cette souffrance qui amenait un certain nombre d'excès, d'injures parfois,
04:15 et puis en même temps un sentiment de révolte et d'injustice,
04:19 parce que je me disais "c'est pas possible, on fait ce que ne fait aucun autre pays d'Europe,
04:25 je mobilise des crédits, vraiment je me défonce".
04:30 Et ce mélange, je ne l'ai jamais réglé,
04:34 la compréhension d'un côté et un sentiment d'injustice.
04:38 Mais finalement ma personne n'avait pas d'importance, ce qui comptait c'est de sauver la culture.
04:42 Pas une salle de cinéma n'a été mise en jeu, elles ont fermé pendant ce temps-là, mais elles n'ont pas été liquidées.
04:50 Aux Etats-Unis ce sont des milliers de salles de cinéma qui ont disparu.
04:54 - Et les musiciens, moi j'ai reçu ici des chanteurs, des chanteuses, qui disaient "ce qu'on touche comme aide",
04:58 je dis "mais ils ont combien d'aide au Japon, en Australie, aux Etats-Unis, en Angleterre ?"
05:03 Et une fois sur dix ils disaient "bah rien".
05:05 - C'est-à-dire, j'ai Marie-Nicole Lemieux qui est une très grande chanteuse lyrique,
05:10 qui a dit au micro de votre confrère France Musique "vous les français, vous vous rendez pas compte,
05:15 vous vivez dans un pays de cocagne et vous êtes tout le temps en train de vous plaindre".
05:19 - Et au passage, Roselyne Bachelot taille certains comédiens.
05:24 - Oui !
05:25 - Vous l'avez revue, Daniel O'Toei ?
05:26 - C'est Vincent Maraval qui a fait ce dialogue.
05:33 - Daniel O'Toei, après quatre échecs financiers massifs, continuait de toucher des cachets de 1,5 million d'euros
05:38 sur des films coproduits par l'audiovisuel public.
05:40 - C'est-à-dire, on a un système que je défends.
05:44 Attendez, c'est pas une attaque contre le système, moi je crois qu'il faut que le système français perdure,
05:48 parce qu'il permet à des films qui pudiquement n'ont pas trouvé leur public,
05:52 ça veut dire "ce sont des bides", mais je traduis en termes polis,
05:56 d'exister, mais c'est la richesse de la France, il faut surtout continuer à aider.
06:01 Mais il faut réaliser que si nous avons la seule industrie cinématographique d'Europe,
06:08 c'est parce que nous avons ce système, et il ne faut pas tirer sur le pianiste.
06:12 - Roselyne Bachelot, avec nous, 682 jours, on a à peine évoqué ce qu'il y a dans ce livre,
06:17 ça tombe très bien puisqu'on est ensemble jusqu'à 11h, il y a Gautier Capuçon qui va arriver,
06:20 on va même parler de jeux vidéo parce que c'est aussi dans les attributions du ministère de la Culture.
06:24 A tout de suite.
06:25 - Culture Média sur Europe avec Roselyne Bachelot jusqu'à 11h, 682 jours,
06:30 c'est le titre de son nouveau livre paru chez Plon.
06:32 - Vous n'avez pas dit le sous-titre, le bal des hypocrites justement.
06:35 Roselyne Bachelot, quels souvenirs gardez-vous des César en tant que ministre de la Culture ?
06:40 - Ça vous paraîtra bizarre Philippe, mais un excellent souvenir.
06:43 Parce que ce qui me permet d'avoir de la résilience en politique,
06:47 c'est toujours de faire un pas de côté quand la situation devient trop difficile,
06:51 et de regarder ça comme une comédie.
06:53 Moi j'ai pensé aux Marx Brothers et à Une nuit à l'opéra.
06:57 Quand j'ai vu arriver les deux militants de la CGT avec leur papier qui perdent leur lunette sur la scène,
07:04 quand j'ai vu arriver les différents protagonistes qui paraissaient complètement décalés,
07:10 la salle qui pour épargner la contamination par le Covid,
07:14 on aurait dit qu'on était dans un cabaret porno,
07:18 les gens assis autour de petites tables avec des loupiottes,
07:22 et puis alors Corinne Masiero arrivant avec des tampons hygiéniques usagés sur les oreilles,
07:26 - En plus d'être toute nue.
07:28 - En plus d'être toute nue et montrant ses fesses au public.
07:32 J'ai trouvé ça vraiment drôle,
07:35 et j'ai passé une des meilleures soirées de ma vie.
07:38 Mais bon, avec un discours politique qui était tellement décalé,
07:44 mais c'est un grand classique d'être le ministre de la Culture à chaque cérémonie des Césars.
07:50 - Vous n'êtes pas tombé de votre chaise, c'est vrai que ça allait se passer comme ça.
07:52 Mais quand vous racontez que certains artistes ont félicité en privé,
07:55 avant de monter sur scène pour attaquer le gouvernement.
07:58 - Ah oui, c'est un grand classique, et je vois ça comme un chanceux.
08:02 - Je ne savais pas que c'était un grand classique,
08:03 moi je ne savais pas qu'en privé, ils faisaient des compliments.
08:06 Je l'ai découvert en vous lisant.
08:08 - C'est en quelque sorte, je pense que c'est presque un sentiment de culpabilité,
08:11 parce que moi ce qui m'a frappé, c'est que les artistes qui étaient,
08:15 c'est un peu normal, on invite sur les plateaux les plus capés, les plus célèbres,
08:20 ceux qui finalement ont le moins souffert de la crise sur le plan financier.
08:24 - Bon, alors on dirait qu'ils essaient de se dédouaner,
08:27 en ayant un discours qui est finalement un discours démagogique,
08:31 en prenant la souffrance des plus petits comme si eux-mêmes en souffraient.
08:34 - Donc le bal des hypocrites, c'est pas qu'en politique quoi.
08:36 - Oh là là, mais il y en a partout !
08:38 Il y en a dans les médias, il y en a en politique,
08:41 il y en a même dans les familles, qui ne connaît pas un vieil oncle hypocrite ?
08:45 - Oh mais tellement, je ne vous demande pas ce que vous avez pensé de Justine Trier,
08:48 qui a eu la palme d'or et qui avait dénoncé sur la scène la marchandisation de la culture.
08:52 Non mais, alors, un premier point,
08:55 on a parfaitement le droit quand on reçoit pris de faire un discours politique,
08:58 d'ailleurs elle fait ce discours politique devant Jeanne Fonda,
09:01 qui elle-même au moment de la guerre du Vietnam,
09:04 a fait des discours politiques extrêmement puissants.
09:06 C'est pas parce qu'on a le droit de faire un discours politique,
09:09 qu'on a le droit de dire des sottises.
09:11 C'est différent !
09:13 - Alors, on ne parle pas que des Césars, on ne parle pas que des stars,
09:16 dans ce livre vous parlez également, il y a des portraits absolument savoureux
09:20 de vos collègues politiques, collègues ministres,
09:22 ou présidents que vous connaissez bien, avec qui vous n'avez pas travaillé en direct.
09:26 Par exemple, ce portrait de François Hollande, je vous lis.
09:29 "Ah ! François Hollande", écrit Roselyne Bachelot,
09:31 "Comment détester un socialiste qui trompe sa compagne officielle
09:34 en se rendant à scooter chez sa maîtresse à 100 mètres de sa résidence ?
09:38 Légalise le mariage pour tous,
09:39 assure que mener une guerre post-coloniale en Afrique est le plus beau jour de sa vie,
09:42 imagine une loi de travail dont même la droite n'aurait pas rêvé,
09:45 institue la déchéance de nationalité,
09:48 met son gouvernement à feu et à sang en expulsant une gamine kossovare,
09:50 Léonarda, qui va le couvrir de ridicule,
09:53 couvre dans son sein le jeune ministre qui va le détruire
09:56 et décide finalement de ne pas se représenter.
09:59 Pour ma part, écrit Roselyne Bachelot,
10:00 je n'ai que de bons souvenirs de François Hollande."
10:02 [Rires]
10:05 - Alors ça vous fait même rigoler ?
10:06 - Non, j'ai quand même un souvenir d'une grande émotion,
10:09 c'est ce jour de novembre, parce que François Hollande m'avait demandé
10:12 de faire partie du jury qui attribuait sa meilleure photo de...
10:16 - Avec l'escur et je sais plus qui vous avez souverain.
10:19 - Voilà, c'était très sympa,
10:22 et en ce jour de novembre, on remet le prix,
10:26 on trouve comme photo, on décerne le prix à une photo de François Hollande
10:31 dans le café du Croissant, là où Jean Jaurès a été assassiné.
10:34 - Juste avant la guerre de 1914, je dis ça pour qui ?
10:36 - Voilà, et c'est ce jour-là, quelques heures après,
10:40 qu'à le Bataclan et les tueries sur les terrasses du café,
10:46 et d'avoir ce jour-là récompensé la photo de François Hollande
10:51 dans le café du Croissant, là où Jean Jaurès a été assassiné,
10:54 vous savez, il y a quelquefois dans l'histoire,
10:57 des coïncidences absolument tragiques,
11:00 et c'est ça sans doute qui fait le sel de cette vie politique,
11:04 c'est qu'à la fois le comique côtoie toujours le tragique,
11:08 et d'ailleurs c'était le comique aussi, parce que quand on remet le prix,
11:11 celui qui reçoit le prix dit à François Hollande,
11:15 dit à l'Assemblée, "ce qui est bien dans ce prix,
11:19 c'est que dans le jury, il y avait Roselyne Bachelot,
11:21 et je descends de la tribune, et François me dit,
11:24 j'aurais dû te prendre comme conseiller en communication".
11:26 - Sûrement, on va parler des hypocrites,
11:29 on va parler de quelqu'un d'éminemment sincère,
11:31 dont vous appréciez le travail, Roselyne Bachelot,
11:33 c'est Gautier Capuçon, il nous fait l'amitié de venir ici,
11:36 il n'a pas de promo, il n'a rien à faire de plus
11:40 que jouer du violoncelle et nous parler culture-média continue