• il y a 2 ans
« J'ai été kidnappée à la naissance » | Interview Sans Filtre de Mariela SR Coline Fanon

Mariela SR ou Coline Fanon a été adoptée au Guatemala par des parents belges. Quelques années plus tard, elle découvre qu'elle a été kidnappée à la naissance. Elle fait partie d'un trafic d'êtres humains. Aujourd'hui, elle a retrouvé sa famille biologie et témoigne dans son livre « Maman, je ne suis pas morte. » aux éditions Kennes. Elle a aussi fondé un collectif, Racines Perdues, aujourd'hui devenu une fondation pour lutter contre ce fléau mais aussi obtenir la reconnaissance de ces adoptions illégales.
Elle inspirera prochainement une fiction au cinéma.
Retour sur son histoire...

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Transcription
00:00 je lui dis "je suis Mariela" et elle me dit "c'est impossible, ma soeur Mariela elle est morte en 1986"
00:04 Je m'appelle Coline Fanon, j'ai été adoptée en Belgique et je suis née Mariela au Guatemala
00:15 J'ai entamé une recherche des origines à l'âge de 19 ans qui n'a pas abouti
00:18 J'ai repris mes recherches une fois que j'étais maman moi-même
00:22 Donc j'ai ouvert mon dossier d'adoption que mes parents adoptifs avaient conservé
00:26 Il était en espagnol donc il a fallu le traduire et puis je me suis fait accompagner par un journaliste d'investigation
00:32 qui m'a exposé un petit peu la vérité, la problématique sur le trafic d'êtres humains
00:39 Je me suis rendu compte que j'étais concernée parce que dans mon dossier figurait un nom
00:42 qui était répertorié dans différentes enquêtes comme étant une trafiquante d'êtres humains
00:47 Elle s'appelait Ofelia De Gammas au Guatemala
00:49 Cette femme au Guatemala était le point de contact de différentes associations d'adoption, des agences, des OAS
00:54 dans le monde entier, ici en l'occurrence moi c'était pour la Belgique
00:58 Elle gérait tout sur place, elle s'occupait des papiers, des mandats, des notaires, des avocats, etc.
01:06 Ensuite j'ai compris que dans mon dossier il y avait des incohérences de date jusqu'à ce que je découvre la vérité
01:13 Donc ce n'est pas évident de dire à ses parents qu'on est issus d'un trafic d'êtres humains
01:18 et j'ai attendu de pouvoir remonter le fil de mon histoire
01:21 et d'avoir toutes les réponses, en tout cas une partie de réponses en main avant de leur en parler
01:25 Ils se demandent ce qu'ils auraient pu faire de plus
01:27 parce qu'en ayant vraiment respecté toutes les règles, en ayant fait ce qu'il y avait à faire
01:31 et ce que le cadre légal permettait, c'est arrivé et ça arrive encore
01:37 On a remonté le fil des informations qui se trouvaient dans mon dossier
01:41 Petit à petit j'avais des informations qui étaient distinctes, les noms étaient différents,
01:46 elles étaient orthographées différemment, les âges variaient parfois en fonction des pages
01:51 alors qu'on parlait de la même personne
01:52 J'ai cherché sur internet et j'ai retrouvé ma mère
01:56 J'ai eu beaucoup de chance parce que ma mère venait de changer son nom de...
02:00 enfin elle avait remis son nom de jeune fille sur Facebook
02:01 Je lui ai écrit un message qu'elle n'avait pas vu
02:04 Ensuite au bout de 12 jours d'attente qui étaient interminables,
02:08 j'ai contacté ma grande sœur pour lui demander si elle était bien la fille de Lorena
02:16 Je lui ai dit que je suis Mariela et elle m'a dit que c'était impossible
02:18 Ma sœur Mariela est morte en 1986
02:22 Face aux interrogations de ma grande sœur,
02:24 je lui ai envoyé ce que j'avais, la carte d'identité de ma maman supposée
02:30 qui était la sienne
02:32 Elle me dit que c'est bien ma mère, ce ne sont pas les bonnes informations
02:37 Elle va contacter d'autres frères et sœurs, mais également ma mère
02:42 et ma maman va m'écrire un message en espagnol
02:45 Il faut quand même savoir que je ne parle plus l'espagnol en 2017
02:48 Elle va m'écrire un message qui dit "Ma chérie, mon bel amour,
02:53 je crois que je suis ta maman, ils m'ont dit que tu étais morte,
02:56 crois-moi mon cœur va s'arrêter"
02:58 Donc moi il faut le temps que je fasse copier-coller, traduction
03:01 et de comprendre qu'en fait c'est mon monde qui est en train de s'arrêter et s'effondrer
03:06 Elle m'a appelée en direct, puis j'ai vu ma mère pour la première fois à l'écran
03:11 qui a eu une sidération totale, énormément de pleurs, des cris
03:17 et c'est dur de voir quelqu'un qui souffre et d'être derrière un écran et de ne pouvoir rien faire
03:21 Mon petit frère qui à l'époque avait 23 ans est arrivé et il a ceinturé ma maman
03:26 Maman qui se balançait d'avant en arrière tellement
03:29 je pense que le choc émotionnel était tellement intense qu'elle ne savait pas faire autrement
03:34 Il l'a vraiment prise dans ses bras et c'est le premier qui a parlé de nous tous, c'est mon frère
03:39 qui m'a dit en espagnol "tranquila hermana" donc "sois calme ma soeur"
03:45 Donc je suis partie, je les ai retrouvées le 12 décembre 2017 et je suis partie le 30 janvier 2018
03:50 donc un mois et demi plus tard, j'ai atterri au Guatemala, je suis partie seule
03:54 C'était peut-être pas la meilleure idée que j'ai eue avec le recul
03:57 mais en tout cas à ce moment-là je sentais que je devais le faire seule
03:59 Mon histoire est que ma maman a accouché à l'hôpital, elle est rentrée chez elle avec son bébé
04:07 et puis j'avais beaucoup de fièvre donc elle m'a représentée au médecin
04:12 et là on a décidé de nous hospitaliser toutes les deux, donc elle pour une hémorragie interne post-accouchement
04:17 et moi pour de la fièvre et divers problèmes de santé, ça c'est ce qui a été prétexté
04:24 et puis on nous a séparés, j'étais en pédiatrie, elle a été en médecine générale
04:28 et puis suite à quoi on lui a dit que j'avais été transférée en néonatologie dans un autre hôpital
04:33 dans une autre ville, tout ça sans son accord
04:36 ensuite elle va venir me chercher dans cet autre hôpital
04:39 mais je n'y suis pas ou je n'y suis plus, je ne sais pas si j'y étais vraiment
04:43 deux personnes, deux femmes, elles me disent, c'est deux femmes de la capitale de la manière dont elles sont vêtues
04:48 ils lui disent qu'elles sont désolées mais que la petite fille qui était transférée, donc Mariela, est décédée
04:55 et comme ma maman n'était pas là pour accompagner la dépouille du bébé
04:59 il a été enterré dans une fosse commune sous X et elle a donc l'impossibilité matérielle de voir le corps
05:07 et donc on est en plein conflit armé, ma maman demande quand même pour me voir et pour m'enterrer dignement
05:14 on va lui refuser ce droit
05:16 donc avec d'autres personnes on a créé un collectif qui s'appelle Racines Perdues
05:20 qui est devenu ensuite une association et puis est devenu une fondation en 2021
05:25 c'est une fondation qui vise à aider les personnes en recherche de leurs origines, en tout cas à servir de pivot
05:30 vers les différents accompagnements possibles, que ce soit psychologique, de recherche ou autre
05:35 on lutte, en fait on milite pour la reconnaissance de ces adoptions illégales
05:39 on s'est associé avec d'autres associations françaises et belges
05:44 pour créer un collectif européen pour avoir une reconnaissance de ces adoptions illégales
05:48 je ne veux pas que dans 20 ans, dans 30 ans, une petite fille, peu importe le pays d'où elle vient
05:53 ou un petit garçon se retrouve dans notre situation et que nous, moi en tout cas, me regarder dans un miroir
05:59 et pouvoir dire "ok j'ai fait tout ce que j'ai pu, si c'est arrivé j'ai quand même m'informé"
06:04 l'adoption est une belle chose, elle doit être accessible pour tous
06:08 la chose qu'il faut pouvoir garantir en tant qu'État mais aussi en tant qu'institution
06:13 même en tant qu'agence d'adoption, c'est que cet enfant ne va pas se retrouver dans les mains d'un trafiquant
06:18 dans les mains d'un trafic d'êtres humains
06:20 et que dans 20 ou 30 ans, on a une responsabilité envers cet enfant en termes de droit des origines
06:25 en termes de droit à l'identité, en termes de droit humain
06:28 il y a un projet audiovisuel qui est en cours pour le moment
06:32 une adaptation fictionnée de mon livre, mais pas que
06:36 j'avais vraiment à cœur que cette thématique soit globale et prise en sa globalité
06:41 en la contextualisant de manière géopolitique
06:43 mais fictionner c'est quelque chose qui s'impose de 1) pour protéger les personnes, protéger les histoires
06:49 mais aussi pour porter cette cause
06:52 le 7e art c'est aussi une manière de pouvoir dénoncer des choses
06:55 vraiment très touchée et très honorée de cette proposition que j'ai reçue de Sylvain Golberg, producteur belge
07:03 et Vincent Mellet de Aime les histoires chez New-En France
07:06 parce que je pense que ça va être un très beau projet
07:09 [Musique]

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