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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie

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Transcription
00:00 Emmanuel Ducrox du journal L'Opinion.
00:02 - J'avais pas envisagé les élèves, le saccage des serres de nantes comme une tentative de libération des salades,
00:06 je vois les choses totalement différemment maintenant.
00:08 - Oui, bah écoutez, avec un peu d'imagination.
00:10 On parle du Nutri-Score ce matin, Emmanuel, ça revient dans l'actualité,
00:13 deux élus se sont emparés du sujet cette semaine pour dire leur agacement.
00:17 Alors d'abord la présidente socialiste de la région Occitanie, Carole Delga,
00:20 et puis la députée Rassemblement National du Lot-et-Garonne, Hélène Laporte.
00:23 - Oui, toutes deux sont préoccupées par le classement que le Nutri-Score réserve à des produits de leur terroir.
00:28 La première se désespère que le Roquefort soit noté E, c'est-à-dire la plus mauvaise note.
00:33 La seconde que les pruneaux d'Agin, autrefois notés A, soient désormais notés C,
00:37 après une révision des grilles de calcul du label.
00:40 Alors les deux élus défendent l'exclusion des produits AOP, appellation d'origine protégée,
00:45 IGP, indication géographique protégée, on révise, de la notation Nutri-Score.
00:50 Même si elle n'est pas obligatoire, selon elle, elle n'est pas adaptée à des produits ancestraux,
00:54 à des recettes de terroir immuables.
00:56 Je vous signale que le débat n'est pas seulement français,
00:59 on l'a aussi en Italie où on partage avec nous une certaine idée de la table,
01:03 et là-bas ce sont le parmesan et l'huile d'olive qui sont mal notées et qui agitent les débats.
01:08 - L'huile d'olive, parce que c'est sûrement jugée trop gras, j'imagine.
01:11 - C'est que du gras, donc forcément c'est très mal noté.
01:13 - Bah oui, mais c'est du bon gras.
01:14 Comment se fait-il que ces produits du terroir, a priori de qualité, soient aussi mal notés justement, Emmanuelle ?
01:19 - Alors j'allais dire, rien de personnel.
01:21 Le Nutri-Score ne donne qu'une indication, ce sont les qualités nutritionnelles.
01:25 C'est une balance entre des nutriments et des aliments à privilégier,
01:28 par exemple les fibres, les protéines, les fruits, les légumes, les légumineuses,
01:31 et ce, à limiter la quantité d'énergie, les acides gras saturés, le sucre, le sel.
01:36 Ça et rien que ça, il n'y a pas de notation sur le processus de fabrication,
01:41 les transformations éventuelles, les additifs, la qualité des ingrédients,
01:44 pas de notion d'équilibre alimentaire avec le reste de la ration alimentaire non plus.
01:48 Et puis en plus, le Nutri-Score fonctionne sur des portions standards qui sont assez folles,
01:52 100 grammes ou 100 millilitres, pas du tout adaptés à un produit comme le Roquefort,
01:57 on s'en enfile rarement 100 grammes d'un coup, moi ça m'arrive mais c'est voilà.
02:01 Et puis 100 millilitres d'huile d'olive, quand même, il faut être assez pervers pour boire ça au petit-déjeuner.
02:05 - Un verre au petit-déjeuner, j'allais vous dire.
02:07 Les défenseurs du Nutri-Score assurent qu'il n'est pas pénalisant pour les produits du terroir.
02:11 - Et oui, parce qu'ils martèlent qu'on fait dire au Nutri-Score ce qu'il ne dit pas.
02:14 Ce n'est qu'un marqueur qui permet des comparaisons au sein d'une gamme de produits.
02:20 Ça n'enlève rien au fait qu'il est préférable de choisir des produits AOP ou IGP quand on fait ses courses.
02:26 Ils offrent des garanties plutôt que des produits ultra transformés.
02:29 Mais il y a vraiment un gros déficit de pédagogie parce que c'est exactement ce que les consommateurs comprennent.
02:35 "Ah tu y vas, euh t'y vas pas".
02:37 Comment leur en vouloir une lettre "euh" sur fond rouge, ça fait vraiment super super cancre.
02:42 - Alors le paradoxe de cette affaire de Nutri-Score, c'est que contrairement à ce que l'on pourrait penser,
02:47 les grands noms de l'agrémentaire, de l'agréo-alimentaire, ils sont plutôt favorables, ils ne s'opposent pas du tout au Nutri-Score.
02:52 - D'ailleurs ils l'ont tous adopté parce que justement ça ne dit rien des processus de fabrication.
02:57 Les détracteurs du classement expliquent que le Nutri-Score rate sa cible, il prétend combattre la malbouffe,
03:02 mais en ce sens-là c'est vraiment un faux ami.
03:04 En fait il donne une prime à la transformation.
03:07 Les grands noms de l'agréo-alimentaire se sont lancés dans une course à la note A ou B pour produits pourtant très transformés.
03:13 Les fabricants de plats tout près par exemple ont la possibilité d'améliorer leur note en enlevant un peu de sel,
03:18 en remplaçant un ingrédient par un autre.
03:20 Pas forcément meilleur sur le papier, mais moins mal noté nutritionnellement.
03:24 Et pour les consommateurs, ça ressemble à un feu vert ! Bingo ! Marketing !
03:28 A l'inverse, la marge de manœuvre est nulle pour le Roquefort AOP ou pour le Pruneau IGP.
03:32 On ne peut rien changer à la recette et tant mieux, ça s'appelle la typicité.
03:36 Le Roquefort est condamné à la lettre E alors qu'il n'incarne pas la malbouffe.
03:40 Alors tout ça, ça n'est pas juste.
03:42 Le Nutri-Score trouve effectivement ses limites face aux traditions gastronomiques et à leur idée de la qualité,
03:48 qui est dans l'économie d'artifice.
03:50 - Signature Europe 1, Emmanuel Ducroix. Merci beaucoup Emmanuel.