Karine Safa: «Ce qui m’alerte, c’est que ce sont les dystopies qui prolifèrent aujourd’hui»

  • l’année dernière
Lors de l’émission Les Visiteurs du Soir présentée par Frédéric Taddéï le 18/06/2023, la philosophe Karine Safa était invitée sur le plateau. Elle a évoqué les croyances et les sociétés : «Ce qui m’alerte, c’est que ce sont les dystopies qui prolifèrent aujourd’hui […] Des sociétés qui sont en bonne santé proposent des utopies».

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Transcription
00:00 -Ce qui est sûr, aujourd'hui, c'est que nous traversons
00:02 une période de crise.
00:03 Comme le disait Anna Arendt,
00:05 la crise ouvre une brèche dans le temps
00:07 et toutes les cartes sont rebattues.
00:10 La véritable question, c'est d'apporter une nouvelle réponse.
00:13 Une crise n'est une crise que quand nous reconduisons,
00:16 finalement, des choses qui n'ont pas marché par le passé.
00:19 L'essentiel, c'est d'apporter des réponses.
00:21 Cette réponse peut passer par une forme de conservation,
00:24 ou par quelque chose d'absolument nouveau et de disruptif,
00:28 peu importe, à la limite.
00:30 Mais l'essentiel, c'est d'apporter une réponse,
00:32 c'est de pouvoir continuer à aller de l'avant.
00:35 Et j'insiste sur le fait, nous qui manquons aujourd'hui
00:37 de grands récits fédérateurs collectifs,
00:39 il y a un affaissement du religieux aujourd'hui.
00:41 Il n'y a plus de philosophie de l'histoire.
00:43 La plupart des grandes idéologies n'ont pas rempli leurs promesses,
00:47 que ce soit le libéralisme, la mondialisation, l'européisme.
00:51 Donc on a besoin de ce récit positif que nous propose le progrès.
00:55 Moi, ce qui m'alerte, c'est que ce sont les dystopies
00:57 aujourd'hui qui prolifèrent.
00:58 Les dystopies qui vont mettre essentiellement en scène
01:01 la barbarie technicienne ou la catastrophe écologique.
01:04 Et moi, je pense que des sociétés qui sont en bonne santé
01:07 sont des sociétés qui proposent au contraire des utopies,
01:09 c'est-à-dire des récits positifs, mais qui rendent notre monde viable
01:12 et qui nous permettent de continuer à nous projeter à l'avenir.
01:16 Et c'est ça qui nous manque le plus aujourd'hui.
01:18 Ce qui caractérise l'homme contemporain,
01:21 en amont, c'est une crise de la croyance.
01:23 On ne croit plus en rien aujourd'hui, en pas grand-chose,
01:26 et surtout pas en l'homme.
01:27 Et qu'elle semble lointaine, cette époque,
01:29 au pic de l'amirandol, l'humaniste Florentin du XVe siècle disait
01:32 "Mais quelle merveille que l'homme !
01:34 Quelle merveille que l'homme !
01:35 Il parle de la lumière, de son intelligence,
01:37 l'acuité, de ses sens."
01:40 Enfin, moi, excusez-moi, mais dans un salon aujourd'hui,
01:42 j'oserais pas trop dire "Mais quelle merveille que l'homme !"
01:45 Il y a un chemin qui a été parcouru quand même.
01:47 Et cette crise de la croyance, il faut la surmonter.
01:50 (Générique)
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