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Julia Vignali reçoit Roselyne Bachelot ancienne ministre et auteur d'« Entretiens » qui vient de paraitre aux éditions Ouest France. L'ancienne ministre revient aussi sur « 682 jours, Le bal des hypocrites » un livre qui aborde son mandat au ministère de la culture sous la présidence d'Emmanuel Macron. 

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Transcription
00:00 - Roselyne Bachelot, merci d'avoir accepté l'invitation au Télématin. - Merci de m'inviter.
00:02 - Alors, plein de livres, celui qui a retenu notre attention, c'est "682 jours, le bal des hypocrites".
00:08 Alors, 682 jours, c'est le nombre de jours que vous avez passé au ministère de la Culture sous la présidence d'Emmanuel Macron.
00:13 On dirait, franchement, quand j'ai vu le titre, on dirait un chiffre qui évoque le nombre de jours qu'un prisonnier aurait passé en captivité.
00:20 Vous avez vraiment compté tous les jours, une fois que vous étiez au ministère ?
00:23 - Oui, j'ai compté les jours, mais c'était pas une captivité, c'était un service, bien entendu.
00:29 Mais c'est vrai que la durée de vie des ministres en poste à la Culture est assez brève, à part les deux exemples qu'on cite souvent d'André Malraux et de Jacques Lang.
00:39 Mais bon, c'était une phase dans ma vie, une sorte d'encoche, ce qu'il fallait se battre au moment du Covid.
00:46 - Et oui, vous êtes tombé au moment du Covid. En même temps, c'est un poste que vous aviez toujours voulu.
00:50 Je crois que quand Jean Castex vous a appelé, au départ, vous n'aviez pas forcément envie de devenir ministre.
00:56 Et puis quand on vous a dit la Culture, ça vous a fait changer d'avis ?
00:58 - C'est vrai que c'était un rêve. Je me suis d'ailleurs toujours demandé pourquoi on ne m'avait pas proposé ce poste,
01:03 alors qu'on m'a proposé des postes, évidemment, extrêmement importants et prestigieux.
01:07 Et quand je vois le nom de Jean Castex s'afficher sur mon téléphone un fameux vendredi soir de juillet 2020, je me dis,
01:16 "Allez, quand un ministre nouvellement en poste, vous voyez son nom s'afficher, ce n'est pas qu'il vous propose de prendre le thé."
01:22 - Vous savez très bien qu'il va vous proposer un poste important.
01:25 - J'ai posé de revenir au gouvernement et je me dis, "Roselyne, sois ferme, tu dis non."
01:31 Et je lui dis non. Et d'un ton douceureux, ce pervers me fait, "Si c'est pour être ministre de la Culture."
01:40 Je me suis dit, "Le voyou."
01:41 - Ah ouais, il vous a pris par les sentiments. - C'est ça, il m'a pris par les sentiments.
01:45 Et puis je me suis dit, comme un vieux soldat qui a rangé son fusil dans l'armoire,
01:49 mais qui regarde quand même s'il peut toujours fonctionner, eh bien, j'ai foncé.
01:52 - Et vous avez foncé. Alors une fois en poste, vous dites que vous aviez l'impression d'être écoutée sur le mode,
01:56 "C'est encore Bachelot avec ses cultureux, il n'y a qu'à attendre qu'elle ait fini son numéro et on passera aux choses sérieuses."
02:02 Vous vous êtes sentie méprisée, vous et le monde de la culture, pendant...
02:05 - Je ne dirais pas, non, méprisée, parce qu'on ne méprise pas Roselyne Bachelot.
02:10 - Ok. Mais est-ce qu'on méprise les femmes ? - On connaît ma capacité de réaction.
02:13 Non, mais j'ai eu l'impression que dans des choses compliquées, importantes, avec tous les guillemets du monde,
02:20 parce qu'il n'y a rien de plus important que la culture, on se dit "Bon, c'est bien, mais c'est quelque chose de latéral ou de secondaire."
02:28 Et j'ai d'ailleurs remarqué que les choses continuent.
02:31 On a eu une actualité extrêmement dense avec le débat sur la réforme des retraites,
02:36 avec aussi des sujets comme la guerre en Ukraine, les difficultés économiques, l'inflation, etc.
02:42 Et qu'on parle quasiment pas de culture.
02:45 Chaque fois que la situation se tend, on considère la culture comme un accessoire,
02:50 alors qu'elle est au cœur du projet politique et qu'elle est au cœur de ce qui unit les Français.
02:56 - Alors vous êtes allée chercher 2 milliards à l'époque pour la culture.
02:59 Des artistes comme Clara Luceni ou Benjamin Biollet, à l'époque, vous ont accusé d'inaction.
03:04 Est-ce que ça vous a blessée ?
03:06 - Ça m'a blessée, mais en même temps, j'ai toujours été dans une position ambivalente,
03:11 parce que je comprends qu'un artiste qui est privé de la scène,
03:15 c'est pas une question uniquement de revenus, parce que sur le plan des revenus, on a été présent.
03:21 Et je crois d'ailleurs que personne ne le conteste et que la France n'a fait aucun autre pays.
03:27 Mais l'homme ne vit pas que de pain, pour reprendre une phrase de l'Évangile.
03:32 Il vit aussi de ce que l'artiste vit du contact avec le public.
03:36 C'est pour ça que j'ai plutôt compris, oublié, pardonné, j'ai pas pardonné, mais je ne me suis pas fâché.
03:44 - Alors lors de la cérémonie des Césars de 2021, en pleine crise sanitaire,
03:47 vous réglez quand même vos comptes avec le monde du cinéma.
03:50 Dans le livre, vous parlez carrément d'une économie assistée,
03:53 d'un mépris affiché pour les films grand public et rentable.
03:55 C'est vraiment ça pour vous le cinéma français ?
03:58 - Ah moi, je trouve le cinéma français formidable et le système qu'on a bâti,
04:03 qui n'est contesté ni par la gauche ni par la droite,
04:05 saluons-le, il n'y a pas beaucoup de sujets qui font consensus.
04:10 Et le fait que nous ayons pu, grâce à un système bien sûr, assisté, et alors, c'est très bien,
04:15 nous ayons pu garder la seule industrie cinématographique européenne.
04:19 Et c'est vrai qu'il y a des films qui ne trouvent pas leur public
04:22 et qui font quelques milliers d'entrées.
04:24 Mais après tout, c'est la possibilité de créer, il y a des pépites qui surgissent.
04:29 Moi, je défendrais, mais à leur bec et ongle, le système du cinéma français.
04:34 - Que ce soit des films populaires ou des films d'auteurs qui font moins d'entrées ?
04:37 - Alors, je trouve qu'il y a quand même dans le système un certain mépris pour les films populaires.
04:43 Et il y a des films populaires qui méritent notre admiration.
04:47 Parce que c'est eux aussi qui traînent le système, qui l'entraînent, qui le maintiennent.
04:51 Si pendant la crise, nous n'avons pas vu une seule salle de cinéma en péril dans notre pays,
04:58 elles ont repris et après un flottement à la sortie de la crise, on va au cinéma.
05:04 C'est aussi parce que le cinéma et les films d'auteurs sont tirés par ce qu'on appelle en bon français des blockbusters.
05:10 - On va parler un peu d'actualité à présent.
05:13 Demain, 4 des 5 principaux syndicats hospitaliers appellent à une journée d'action nationale
05:17 et réclament des hausses de salaire et de meilleures conditions de travail.
05:20 Franchement, on a l'impression que le système de santé est au bord de la rupture.
05:23 Ça vous évoque quoi, vous, en tant qu'ancienne ministre de la Santé,
05:27 de voir qu'en fait, c'est les mêmes problématiques et qu'apparemment, rien n'a été réglé ?
05:30 - Alors, évidemment, je ne suis plus ministre depuis 14 ans, donc je ne suis plus directement en manœuvre.
05:37 Je sais qu'il y a de profondes mutations dans le système de santé
05:44 et qu'il faut réfléchir de façon plus globale.
05:49 Et il faut, on a un système en silo, il faut réfléchir justement à le décloisonner.
05:54 Le malaise de l'hôpital, c'est aussi parce qu'il y a une médecine dite de ville,
05:59 une médecine de premier recours qui n'est pas suffisamment organisée.
06:03 Et puis aussi, de l'autre côté, un système de prise en charge des personnes âgées dans les EHPAD
06:09 qui n'est pas suffisamment médicalisé.
06:11 Tant qu'on regardera dans le silo, uniquement dans le silo hospitalier,
06:15 on n'y arrivera pas à résoudre le malaise de l'hôpital.
06:19 - Qu'est-ce que vous retenez de ces 682 jours libérés, délivrés ?
06:22 Vous n'y retournerez plus jamais ?
06:24 - Alors, maintenant qu'on m'a pris une fois, non, le piège ne sera pas...
06:29 - Qu'est-ce qu'on pourrait vous proposer ? Qu'est-ce qui vous tenterait ?
06:31 - Non, ce n'est pas la question de proposer quelque chose.
06:34 Je suis une vieille bête, aguerrie, une vieille dame,
06:38 mais je sais que si la situation était difficile et qu'on faisait appel à moi,
06:42 je ne me déruberais pas.
06:43 Mais ça voudrait dire que vraiment, ça ne va pas bien, donc il ne faut pas nous souhaiter.
06:46 - Oui, il ne faut pas vous... Mais on a envie de vous voir combattre en politique.
06:49 On a envie que vous...
06:50 - Mais vous savez, on...
06:52 - Il faut des vieilles carnes, comme vous disiez.
06:54 - Il faut des vieilles carnes, merci, j'aime bien cette expression, je la retiens.
06:57 Non, mais je fais de la politique.
07:00 Je suis à la tête de 14 associations humanitaires.
07:03 Je fais de la politique comme éditorialiste, j'écris des livres, j'aide des gens.
07:07 Il y a 50 façons de faire de la politique.
07:10 Desmostend disait quand on ne fait pas de politique, on ne s'occupe de rien du tout,
07:13 mais j'ai décidé de m'occuper de nos propres, de mes propres affaires.
07:17 Je fais de la politique.
07:18 - Merci beaucoup Roselyne Bachelot.
07:20 Je rappelle la sortie de votre livre,
07:21 "682 jours, le bal des hypocrites" par Huchet Plon.
07:24 Et le petit dernier, Thomas ?
07:25 - Le deuxième, Roselyne Bachelot, "Entretien, ma vie est un roman d'aventure",
07:27 aux éditions West End.
07:28 Je me suis régalé.
07:29 De Chirac, vous dites "en 40 ans, je n'ai jamais vu à terre un animal politique",
07:32 mais vous savez, j'ai traversé la République sans être ébloui par qui que ce soit.
07:36 J'aime les gens, mais je ne suis dupe de rien.
07:37 Je regarde une petite sur François Fillon,
07:39 plus qu'un ami, c'était mon frère.
07:41 Et à son propos, je cite souvent la phrase de Robert Desnos,
07:44 "Un jour, je te décevrai, et ce jour-là, j'aurai besoin de toi".
07:47 Il ne faut pas trop l'embêter, Roselyne Bachelot.
07:49 Merci beaucoup en tout cas d'être venue ce matin.

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