L'interview en intégralité de Dorothée Pacaud, nouvelle maire de Saint-Brevin-les-Pins

  • l’année dernière
Depuis sa prise de fonctions le 9 juin, la nouvelle maire de Saint-Brevin-les-Pins a déjà déposé trois plaintes et compte en déposer une quatrième, à l’encontre de groupes d’extrême droite. Sa nomination en conseil municipal avait notamment été perturbée par une dizaines de militants d’extrême droite.

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Transcription
00:00 Bonsoir Madame Paco, bonsoir Madame Lamère.
00:03 Bonsoir.
00:04 De quel type de menaces faites-vous l'objet ?
00:10 Je fais l'objet de tracts dans ma boîte aux lettres, ça c'était le week-end dernier,
00:15 ou bien d'articles injurieux qui laissent des commentaires insultants sans aucune modération,
00:24 voilà principalement, et puis une lettre également injurieuse qui est arrivée à la mairie.
00:28 Vous avez porté plainte ?
00:31 Oui, j'ai porté plainte à chaque fois, puisque ça fait seulement dix jours que je suis élue,
00:36 et il y a déjà plusieurs intimidations, on va dire, plus que des menaces,
00:41 mais les menaces elles sont surtout dans les commentaires qui sont publiés sur ces articles,
00:45 mais des intimidations qui sont perpétuelles.
00:53 Oui, des commentaires à propos de quoi précisément Madame Lamère ?
01:00 Sur des amalgames qui sont faits avec le drame d'Annecy par exemple,
01:04 et sur le fait qu'accueillir des migrants dans la commune ce serait dangereux,
01:09 et que du coup j'en serais responsable,
01:12 et puis ensuite les commentaires sont des commentaires sexistes, dégradants,
01:16 enfin voilà, vraiment insultants.
01:18 Mais ça veut dire que vous n'avez pas abandonné le projet avec l'Etat d'installer ce centre de migrants ?
01:28 Non, non, pas du tout, puisque c'est un centre que l'on a déjà sur la commune depuis 2016,
01:32 donc il s'agit simplement de le déplacer en fait, l'accueil se passe très bien depuis 2016,
01:39 c'est une compétence de l'Etat, donc nous on a vendu un terrain,
01:43 puisque on savait que le centre devait déménager, le centre va donc déménager,
01:48 les travaux ont commencé, l'Etat compte bien poursuivre les travaux,
01:51 et nous soutenons effectivement ce projet.
01:54 Mais est-ce que vous êtes soutenue par le sous-préfet, le préfet, les gendarmes,
02:01 puisque c'était quand même l'un des reproches que faisait votre prédécesseur Yannick Maures,
02:05 il estimait être un peu seul face à ces menaces ?
02:10 Oui, moi dès mon élection j'ai été contactée par le préfet,
02:14 et voilà, de façon générale, même les gendarmes sont quand même extrêmement présents,
02:20 donc je sens quand même que la situation est très très différente de ce qu'a connu Yannick Maures.
02:24 Mais vous ne regrettez pas d'avoir pris sa place ?
02:26 Je me sens soutenue, en tout cas moi.
02:28 Vous ne regrettez pas d'avoir pris sa place dans ce contexte ?
02:30 Non, je ne le regrette pas, puisque, dans ce contexte, je trouve que c'est extrêmement dommage,
02:36 mais non, je ne le regrette pas, puisque j'ai une équipe derrière moi,
02:42 la population me témoigne beaucoup son soutien également,
02:46 je sens que l'État semble être beaucoup plus à l'écoute,
02:50 j'espère que ça va surtout tenir dans la durée,
02:54 et je sais que c'est une période, je pense que ça finira par s'apaiser.
02:58 Mais vous-même n'êtes pas prête à renoncer comme votre prédécesseur ?
03:02 Pas question pour vous de démissionner, vous tiendrez ?
03:05 Oui, oui, je tiendrai, alors après, j'ai mes limites qui sont les mêmes que les siennes,
03:12 quand on s'attaque à la personne d'un élu, à son domicile, à ses biens,
03:18 c'est une limite qui est intolérable, donc je comprends complètement sa décision de partir,
03:24 comme je comprends également ce conseil municipal qui vient de démissionner également,
03:29 il y a des choses qui sont juste inacceptables, je ne suis pas dans ce cas de figure pour l'instant.
03:33 Mais Doréthée Pacot, que faire aussi pour apaiser finalement les tensions sur place ?
03:39 Déjà je pense qu'il faut quand même relativiser un petit peu les choses,
03:45 les tensions elles sont le fait d'un petit groupe, vraiment,
03:48 et en plus qui fait venir des gens extérieurs à la commune, pour justement se rallier à sa cause.
03:56 La plupart des Brévinois ne sont pas du tout dans cet état d'esprit-là,
03:59 la commune n'est pas divisée comme on le dit, donc ça c'est la première chose.
04:03 Donc ce groupe, il y a des gens qu'on a déjà reçus, mais aujourd'hui moi je reçois des gens
04:07 qui habitent ce quartier-là ou des parents d'élèves de ce quartier,
04:10 qui en ont assez d'entendre que c'est un collectif de riverains, de parents d'élèves,
04:17 parce qu'eux ils sont riverains et parents d'élèves,
04:19 et ne sont absolument pas d'accord avec les propos de ce petit collectif d'une quinzaine de personnes.
04:23 Alors ce petit collectif justement, qui est-il ?
04:26 Est-ce qu'il agit à visage découvert, de manière anonyme ? Dites-nous.
04:30 Alors à visage découvert quand ils organisent effectivement des manifestations,
04:36 quand ils viennent au conseil municipal, qu'ils distribuent des tracts, etc.
04:39 Par contre ils écrivent sur des sites d'extrême droite, sous des pseudonymes,
04:44 mais on voit bien la nature, la gendarmerie le sait bien, qui est derrière ces écrits,
04:48 puisqu'ils relatent des choses de la vie brévinoise,
04:51 donc on voit bien que ce sont des gens effectivement de ce collectif.
04:55 Alors Benjamin Duhamel, une question pour vous.
04:57 Madame la maire, parmi ceux qui s'opposaient au déplacement de ce centre d'accueil pour demandeurs d'asile,
05:01 il y avait des militants de Reconquête, le parti d'Éric Zemmour,
05:05 certains militants locaux aussi du Rassemblement National,
05:08 est-ce que vous voyez encore ces personnalités-là, ces militants-là,
05:11 continuer de s'opposer et d'agiter, si je puis dire,
05:15 l'opposition au déplacement de ce centre d'accueil pour demandeurs d'asile ?
05:21 Disons que ce qu'on a vu nous, la dernière manifestation qu'on a eue sur la Commune, c'était le 29 avril,
05:26 là il y avait certainement des militants des partis politiques que vous citez,
05:31 mais il y avait aussi des groupuscules vraiment d'extrême droite,
05:35 avec des symboles assez explicites,
05:39 donc voilà, on sait qu'ils continuent évidemment d'agiter,
05:42 et puis d'ailleurs le soir de mon élection, il y a un groupe de militants d'ultra-droite
05:46 qui venait de Tours et d'Angers,
05:48 voilà, ce n'était pas du tout des gens de la Commune.
05:51 Madame Paco, restez avec nous, Alexandra González,
05:54 simplement pour voir que les agressions, les menaces envers les élus sont croissantes selon les chiffres.
05:59 Oui, des chiffres que nous avons obtenus de sources policières,
06:02 en 2021, 431 faits d'atteintes aux élus ont été recensés,
06:06 en 2022, 662, ça fait une hausse de plus de 53%.
06:11 Et ces chiffres nous apprennent aussi que,
06:14 alors la majorité de ces atteintes sont quand même des menaces de mort,
06:18 les violences physiques sont tout de même relativement rares,
06:22 et les élus les plus visés ne sont pas les maires, finalement, mais les députés.
06:27 Ce sont eux qui sont les plus visés par ces atteintes aux élus,
06:30 les maires arrivent, en deuxième partie, ils représentent 25% des victimes.
06:36 Et ce qui est intéressant aussi, c'est que sur ces 660 atteintes recensées en 2022,
06:42 trois quarts ont donné lieu à une plainte, ça veut dire qu'il y a encore un quart des élus
06:46 qui sont victimes d'atteintes diverses, donc ça peut être, je vous le disais,
06:50 des menaces de mort, des menaces physiques, et qui pour autant ne portent pas plainte,
06:54 ça pose question sur pourquoi est-ce qu'ils ne souhaitent pas de poursuites judiciaires là-dessus.
06:59 Benjamin Duhamel, on regardera bien sûr de près ce qui va se passer à Saint-Brévent-les-Pins,
07:02 parce que quand même, il y avait cette accusation portée par le prédécesseur d'Euroté Paco,
07:08 l'État qui n'était pas suffisamment là pour le soutenir, alors que c'était un projet étatique,
07:12 ce centre de migrants, les gendarmes qui prenaient ça peut-être un peu à la légère,
07:16 le sous-préfet qui a été mis en accusation.
07:18 Oui, avec un sous-préfet qui, au fond, c'est du moins ce qu'avait dit le prédécesseur de Mme Paco,
07:24 qu'il s'agissait parfois de liberté d'expression, ou qui n'avait pas été suffisamment explicite
07:30 dans le soutien aux maires, également dans le soutien au projet,
07:34 puisque vous avez raison de rappeler que quand il s'agit d'un centre d'accueil pour demandeurs d'asile,
07:38 il s'agit des prérogatives de l'État, même si là, en l'aspect, c'était bien sûr soutenu par le maire,
07:42 Yannick Moraes, et par Euroté Paco.
07:45 Il faut voir la situation à laquelle on fait face, c'est-à-dire ce que rappelait Alexandra,
07:49 une situation générale d'atteinte et de menace à l'égard des élus.
07:53 Saint-Brévent est devenu une sorte de paroxysme et de symbole de tout cela,
07:57 avec derrière des partis politiques qui ont joué un rôle plus qu'ambigu,
08:01 notamment le parti d'Éric Zemmour, Reconquête, même si sur la fin, il s'est désolidarisé
08:05 parce qu'il y avait un certain nombre de groupuscules qu'il jugeait infréquentables.
08:08 Mais la réalité, c'est que, à l'origine, Reconquête était un fer de lance de la mobilisation,
08:13 que même après l'incendie du maire, il continuait à mettre dans des boîtes aux lettres,
08:18 des tracts pour s'opposer à l'installation.
08:20 - Alors ça, ce n'est pas interdit, on a le droit de... - Absolument !
08:22 - On a le droit d'être opposé à l'installation d'un centre de migrants,
08:25 on a le droit de tracter, on a le droit de manifester.
08:27 - Après, il y a effectivement l'incendie Crémionnet. - Par ailleurs, il n'y a aucun lien n'a été fait,
08:32 du point de vue de la justice, entre l'incendie et les manifestations.
08:35 - On ne sait toujours pas qui a incendié les voitures.
08:38 - Simplement, ce qu'on peut dire, c'est que dans un contexte où on peut considérer
08:42 qu'il y a parfois des comportements qui jettent de l'huile sur le feu
08:45 ou qui contribuent à l'apaisement, on ne peut pas franchement dire
08:47 que les prises d'opposition du parti Reconquête aient contribué à générer de l'apaisement.
08:51 Et puis, il y a les mesures qui ont été annoncées par le gouvernement,
08:54 notamment par la ministre chargée des Collectivités locales, Dominique Faure.
08:57 Et de ce point de vue-là, c'est vrai qu'un certain nombre d'élus disent
09:00 « Oui, il y a du mieux, on crée une cellule, on crée des référents dans les préfectures,
09:04 dans les gendarmeries. » Mais on a besoin, et c'est ce qu'explique
09:07 notamment David Nisnar, le patron de l'Association des maires de France,
09:10 d'une prise de conscience beaucoup plus large que ce soit concernant les violences
09:13 à l'égard des élus, mais plus généralement à l'égard de la difficulté d'être maire.
09:16 Aujourd'hui, c'est-à-dire qu'on ne gagne pas beaucoup d'argent,
09:18 on est pris entre les contraintes de l'État et des administrés
09:24 qui de plus en plus ont tendance, et c'est ce qu'on va voir avec aussi
09:26 ce qui s'est passé à Loris, à aller directement voir les élus,
09:29 quitte à parfois les molester.
09:31 Non, alors peut-être pas, mais en tout cas, c'est ce qui s'est passé.
09:33 On n'arrive pas à joindre Loris.
09:34 Bon, mais voilà, mais en tout cas, c'est avec cette démission du Conseil municipal.
09:37 Donc, il y a plus généralement une prise de conscience nécessaire
09:41 à l'égard de la difficulté aujourd'hui d'être un élu local à portée d'engueulade,
09:46 selon l'expression.
09:47 - Un dernier mot avec Mme Dorothée Pacot, la maire de Saint-Brevin.
09:49 David Lysnard, le président de l'Association des maires de France,
09:52 sera demain matin l'invité d'Apolline de Malherbe, justement, sur BFM TV.
09:55 Vous vous sentez suffisamment soutenu par l'Association des maires de France,
09:59 aujourd'hui, ou pas ?
10:00 - Je n'ai pas encore eu de contact vraiment avec eux,
10:06 mais j'espère, oui, qu'ils me soutiendront.
10:09 Ce que j'ai entendu tout à l'heure sur les agressions aux élus,
10:13 effectivement, je trouve ça, même quand c'est juste verbal,
10:16 c'est déjà intolérable, en fait.
10:18 Donc, voilà, se dire qu'il y a encore un élu sur quatre, finalement,
10:22 qui ne porte pas plainte, voilà.
10:24 Moi, je les invite à le faire, parce qu'il y a un moment donné,
10:26 il y a beaucoup d'escalade comme ça dans la société,
10:29 et je pense qu'il faut y mettre un stop.
10:32 - On verra ce que dit David Lysnard, demain matin,
10:35 invité d'Apolline de Malherbe sur BFM TV et RMC, à 8h30.
10:38 Merci, Mme le maire de Saint-Brevin, Mme Dorothée Pacot.

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