• l’année dernière
Avec Anne Rosencher, journaliste, écrivain et directrice déléguée de la rédaction de l’Express.

Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/en-toute-subjectivite

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Transcription
00:00 de toute subjectivité ce matin avec la directrice déléguée de la rédaction de l'Express.
00:04 Bonjour Anne Rosancher.
00:05 Bonjour Nicolas Demorand, bonjour à tous.
00:07 Ce matin, Anne, vous vouliez revenir de façon personnelle sur les frontières invisibles
00:11 de la société.
00:12 Oui, je suis retournée il y a deux mois sur les lieux de mon enfance, à Belmont, près
00:16 du Riage, en Isère.
00:18 C'était à l'occasion d'un enterrement.
00:20 J'y ai revu les paysages qui sont pour moi comme une langue maternelle, des gens qui
00:24 ont veillé mes jeunes années, des gens à qui je ne ressemble pas mais pour qui j'ai
00:28 une fidélité de hasard.
00:30 « La nostalgie est l'essentiel de la pensée d'un homme », écrivait Camus.
00:34 Une partie de la mienne prend sa source dans la vallée du Riage.
00:37 Je vous dis cela, ce n'est pas pour vous raconter ma vie.
00:40 C'est parce qu'une conversation continue de me trotter dans la tête.
00:44 Un des hommes que je revoyais là et qui me faisait un accueil familial m'a taquiné
00:49 au détour d'une conversation sur les retraites.
00:51 Il m'a dit « Oui, pour moi c'est bientôt l'acquis, enfin si ton copain Macron me
00:55 laisse en profiter ».
00:56 À quoi j'ai fait valoir que ça n'était pas parce que j'étais journaliste et parisienne
01:01 que je n'étais pas critique du macronisme et qui plus est depuis le début.
01:04 Il m'a répondu par un sourire qui voulait dire « Mouais » et nous sommes passés à
01:08 autre chose.
01:09 Alors pourquoi ça vous trotte dans la tête Anne ?
01:12 Oh, j'en ai pas été blessée ou offensée, mes protestations m'ont paru dérisoires
01:18 même.
01:19 Il était clair pour lui, comme désormais pour beaucoup de Français, que les winners
01:22 des métropoles seront en dernier ressort du côté des winners des métropoles et que
01:27 les corps intermédiaires dont les journalistes font partie n'intermédient plus grand-chose.
01:32 Il n'y avait pas d'acrimonie ou d'agressivité dans sa phrase.
01:36 Juste un constat, léger et implacable, comme une vitre d'aquarium.
01:40 Un constat de séparation.
01:42 L'idée que la sociologie, l'expérience du quotidien, dessine désormais des intérêts
01:47 divergents qui vaut place d'un côté ou de l'autre d'une vitre.
01:50 Je ne lui reproche pas ce diagnostic, la sociologie des votes ne cesse de le confirmer
01:55 à l'échelle nationale.
01:56 Mais au risque de paraître un peu, voire beaucoup lyrique, je crois que nous pouvons
02:02 le surmonter et même qu'il est impératif que nous le surmontions.
02:06 Et comment ?
02:07 Ah, vaste question !
02:08 Allez-y !
02:09 Comment peut-on refaire nation commune ? Comment arrêter de s'éloigner, de se catégoriser
02:15 en populiste ou en élite déconnectée, chacun finissant par voter contre l'autre dans
02:20 un déchirement de plus en plus délétère ?
02:23 Je n'ai pas la solution.
02:24 Là, il faudrait parler politique, culture, industrie, aménagement du territoire.
02:29 Il faudrait interroger la mission des députés, des journalistes, des syndicalistes, des
02:33 magistrats, mais aussi, tout simplement, celle des citoyens.
02:37 C'est un rôle aussi que celui de citoyen.
02:40 D'être attentif aux raisons de l'autre.
02:43 D'aller chercher dans son expérience, dans sa nostalgie peut-être, les ressorts de la
02:47 fraternité.
02:48 À l'heure des caricatures et des vitres d'aquarium, rappelons-nous que c'est un
02:52 beau mot que la fraternité.
02:54 Rappelons-nous aussi qu'il est dans notre devise.
02:57 Anne Rosencher, merci.

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