• l’année dernière
Les conflits se multiplient sur la planète : guerres en Ukraine et ailleurs, au Proche-Orient, en Afrique et partout où le terrorisme et le nationalisme se nourrissent de la radicalisation religieuse des esprits et de l'intolérance politique. Mais il est des conflits qui ne disent pas leur nom et qui nourrissent l'égoïsme et la compétition effrénée des nations : les guerres écologiques autour de l'accès à l'eau, de la sécurité et de la souveraineté alimentaires et de l'approvisionnement énergétique. Dans ce domaine qu'on pourrait qualifier d'éco-stratégique, tout se tient en vérité. Car, comment dissocier le cycle de l'eau, de la production d'énergie et de l'industrie agro-alimentaire comme de la consommation des aliments dans la mesure où les interférences avec le climat, l'économie, la préservation de l'environnement, la stabilité des sociétés et la paix des nations sont étroitement imbriquées. Par ailleurs, face aux gaspillages consuméristes, aux risques de pénurie et aux catastrophes naturelles, la notion de sobriété s'est imposée au même titre qu'un accès équitable et partagé aux ressources et aux innovations de progrès.

Pour en parler Émile Malet reçoit :
- Magali Reghezza-Zitt, Maître de conférence en géographie, ENS
- Jean Jouzel, paléo-climatologue, GIEC
- Jean de Kervasdoué, Économiste de la santé, ancien Directeur des hôpitaux
- Emmanuelle Galichet, enseignante, chercheuse, CNAM
- Sandrine Rousseau, députée de Paris (NUPES)

Présenté par Emile MALET
L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.

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Transcription
00:00 Générique
00:01 ...
00:23 -Bienvenue dans "Ces idées qui gouvernent le monde".
00:26 Les batailles écologiques à venir.
00:29 Les conflits se multiplient sur la planète.
00:32 Guerre en Ukraine et ailleurs, au Proche-Orient, en Afrique
00:36 et partout où le terrorisme et le nationalisme
00:39 se nourrissent de la radicalisation religieuse
00:42 des esprits et de l'intolérance politique.
00:45 Mais il y a des conflits qui ne disent pas leur nom
00:49 et qui nourrissent l'égoïsme
00:51 et la compétition effrénée des nations.
00:53 Les guerres écologiques autour de l'accès à l'eau,
00:57 de la sécurité et de la souveraineté alimentaire
01:00 et de l'approvisionnement énergétique.
01:02 Dans ce domaine, qu'on pourrait qualifier d'éco-stratégique,
01:06 tout se tient à en vérité.
01:08 Comment dissocier le cycle de l'eau,
01:11 de la production d'énergie et de l'industrie agroalimentaire,
01:15 comme de la consommation des aliments,
01:17 dans la mesure où les interférences avec le climat,
01:21 l'économie, la préservation de l'environnement,
01:25 la stabilité des sociétés et la paix des nations
01:27 sont étroitement imbriquées ?
01:30 Par ailleurs, face au gaspillage consumériste,
01:33 au risque de pénuries et aux catastrophes naturelles,
01:37 la notion de sobriété s'est imposée,
01:40 au même titre qu'un accès équitable et partagé
01:43 aux ressources et aux innovations de progrès.
01:47 Nous allons en parler avec mes invités que je vous présente.
01:50 Jean Zuzel, vous êtes paléoclimatologue
01:54 du GIEC, vous avez même obtenu le prix Nobel
01:57 alors que vous étiez directeur scientifique
02:00 et vous êtes directeur de recherche au CEA.
02:03 Madame Sandrine Rousseau,
02:05 vous êtes députée de Paris, écologie et NUPES.
02:10 Magali Regezeazit,
02:12 vous êtes maître de conférence en géographie
02:16 à l'Ecole normale supérieure.
02:18 Emmanuelle Galichet, vous êtes enseignante,
02:21 chercheuse au CNAM et Jean de Carvazdoué,
02:25 économiste de la santé et ancien directeur des hôpitaux.
02:29 Vous venez de voir deux citations, l'une de Régis Debray,
02:47 "Chimère n'a plus Dieu pour les prolétaires,
02:50 "mais pour les ruminants",
02:52 et une citation du comédien Philippe Toreton,
02:55 "Les appels citoyens se heurtent
02:57 "à l'inertie mortifère de nos dirigeants."
03:01 On va commencer par là.
03:02 Est-ce qu'on serait passé de la primauté sociale
03:05 à l'injonction écologique ? Les avis sont partagés.
03:09 Mais quel est votre sentiment
03:11 sur la gouvernance écologique de la planète
03:13 et la passivité supposée de nos dirigeants ?
03:17 Qu'en pensez-vous, Jean Zuzel ?
03:19 -D'abord, je crois qu'en termes, disons, d'écologie,
03:23 de transition écologique,
03:24 il faut revenir aux aspects scientifiques.
03:27 C'est une réalité, une nécessité.
03:29 On ne peut pas imaginer un monde
03:31 dans lequel la neutralité carbone ne serait pas atteinte.
03:34 Je crains que ce soit trop tard
03:36 pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré,
03:39 mais ne pas atteindre neutralité carbone,
03:43 c'est accepter l'idée
03:44 que le climat se réchauffe indéfiniment.
03:47 Il faut bien comprendre, donc,
03:49 d'abord, ça s'appuie sur une réalité scientifique.
03:53 Alors, de notre côté, nous avons eu, effectivement,
03:56 du côté de la communauté scientifique,
03:58 beaucoup de difficultés à faire passer cette idée
04:01 de la nécessité d'une transition,
04:03 à la fois vers le grand public,
04:06 vers, disons, nos dirigeants,
04:08 bien que, disons,
04:11 la Convention climate des 92
04:14 fixe comme objectif de stabiliser
04:16 le réchauffement climatique,
04:18 ce n'est qu'à Paris qu'on parle d'une stabilisation
04:21 avec un objectif chiffré, l'accord de Paris.
04:23 Donc, c'est tout cela, la démarche.
04:25 Bon, il y a eu, quand même, du côté des dirigeants,
04:29 et j'aime bien le dire, une prise en compte
04:32 des messages du GIEC, en ce sens, par exemple,
04:34 qu'on parle de neutralité carbone à l'horizon 2050,
04:37 et plus d'une centaine de pays l'ont inscrit
04:40 d'une façon ou d'une autre dans leurs objectifs.
04:43 Le problème, ce n'est que dans les textes.
04:46 Il faut se fousser entre ce qui est inscrit dans les textes,
04:49 y compris dans notre pays, et la réalité.
04:51 C'est ça, le vrai problème. -Encore une fois.
04:54 -Donc, oui, on a... Je crois qu'on a essayé,
04:56 en tant que communauté, de faire passer nos idées.
04:59 On y arrive, ça prend du temps.
05:01 Nous sommes désormais dans, je dirais,
05:03 le mot-clé du sixième rapport du GIEC,
05:05 c'est le mot "certitude".
05:07 Nous sommes certains que l'ensemble,
05:09 ou quasiment l'ensemble du réchauffement climatique
05:12 est lié aux activités humaines.
05:14 Nous allons vers un réchauffement qui risque d'être important
05:17 si nous ne l'en prenons pas garde.
05:19 On part vers 3 degrés.
05:21 C'est tout cela, notre discours, enfin, notre discours,
05:24 notre constat, je dirais.
05:25 Il y a une écoute, mais on est loin entre l'écoute
05:28 et la réalité.
05:30 -Alors, Sandrine Rousseau,
05:32 on vient d'entendre la position scientifique.
05:35 Est-ce que vous pensez que les dirigeants
05:37 n'en font pas assez ou en font trop ?
05:40 Et lesquels ?
05:41 -Déjà, actons qu'ils n'en font pas assez,
05:44 puisque là, on est sur une trajectoire de 3 degrés.
05:46 Les chances restantes de ça de 1,5,
05:50 ça faiblisse et fonde comme neige au soleil.
05:54 Ce qui me frappe énormément depuis que je suis à l'Assemblée,
05:58 j'ai l'habitude de dire que je n'ai jamais été
06:00 aussi éco-anxieuse que depuis l'Assemblée nationale.
06:03 Ce qui me frappe, c'est le déni complet,
06:06 qu'il y a de la représentation nationale
06:08 sur la question climatique.
06:10 C'est-à-dire qu'on gère la question climatique
06:13 éventuellement dans une loi sur l'énergie
06:17 ou dans une autre loi sur un autre sujet environnemental,
06:20 mais on ne gère pas la question climatique
06:23 comme préalable à tout débat sur le système social,
06:27 sur la résistance de notre système social,
06:30 sur l'évolution du pouvoir d'achat,
06:32 sur le logement, sur la sécurité sociale.
06:34 Et en fait, et quand je le pose
06:38 ou quand nous sommes quelques-uns à le poser,
06:40 on nous prend vraiment encore, aujourd'hui, en 2023,
06:43 pour des hurlus-berlus. Et ça, on a un sujet.
06:46 Et d'ailleurs, la locution du président de la République
06:49 m'a fascinée de ce point de vue. Il avait des mesures très précises
06:53 sur les questions économiques, sur la santé,
06:55 par contre, sur l'écologie, c'était...
06:57 -Vous voulez dire qu'il faut tout...
06:59 faire partir du climat ?
07:02 -Non, mais...
07:04 -Il y a du social, il y a de l'économie...
07:07 -Aujourd'hui, le danger est tel,
07:10 qu'on devrait s'interroger sur l'effet de chaque mesure
07:13 que nous prenons sur le réchauffement climatique
07:16 et la perte de biodiversité.
07:18 Toutes les décisions que nous prenons
07:20 devraient être à l'aune de ça.
07:22 Quand on étudie un texte sur les retraites,
07:24 il y a une étude d'impact qui est adossée à ce projet de loi.
07:28 On pourrait discuter de ce qu'était cette étude d'impact,
07:31 mais là, il y avait une étude d'impact.
07:33 Eh bien, à la ligne "impact sur l'environnement",
07:36 il était noté "néant".
07:38 Néant.
07:39 Alors que travailler deux ans de plus,
07:42 c'est produire 0,5 à un point de plus de PIB,
07:44 donc ça a un impact sur l'environnement.
07:47 Et qu'on ne lit pas les choses est aujourd'hui à la source,
07:50 à mon avis, d'un très gros problème qui s'appelle le déni
07:54 du caractère systémique de la crise face à laquelle nous sommes.
07:57 -Vous êtes tous d'accord sur ce déni ?
08:00 Jean Decker va se douer ?
08:01 -Non, pas vraiment, parce que je pense
08:04 que personne ne nie que la température.
08:06 Et ne nie, il n'y aura pas, je pense, ici, le rapport du GIEC.
08:12 Néanmoins, je crois qu'il est important,
08:14 avant de commencer ce débat, de rappeler une chose assez simple,
08:18 c'est que l'écologie dépend d'un écosystème.
08:21 On a un écosystème planétaire,
08:23 et donc les questions du climat sont planétaires.
08:26 Mais les autres questions de l'écologie
08:28 dépendent d'un écosystème,
08:30 et notamment la question de la biodiversité
08:33 dépend d'un écosystème spécifique,
08:35 et si on est dans un endroit spécifique,
08:37 sous un climat spécifique, on ne peut pas en parler.
08:40 Je pense que c'est à tort qu'on résume
08:42 ou qu'on réduit les problèmes de l'écologie
08:45 à la question du climat.
08:46 -Magali Regezazit,
08:48 vous vous occupez, au ministère de la Recherche,
08:51 de tous les sujets sciences humaines et sciences sociales.
08:54 Est-ce que le climat impacte chacune de vos disciplines ?
08:59 -Il y a plusieurs choses dans ce qui a été dit,
09:01 et on mélange un peu tout.
09:03 Je crois qu'effectivement, ce que montre le rapport du GIEC,
09:06 c'est qu'à un moment, il y a des limites dures
09:09 au développement de tous les êtres humains sur la planète.
09:12 Ces limites dures ont été posées.
09:15 C'est le niveau de réchauffement.
09:17 On sait qu'au-delà de 2 degrés,
09:18 on entre dans des incertitudes telles que ça devient compliqué
09:22 et qu'on a de moins en moins de capacités d'adaptation,
09:25 notamment pour les plus défavorisés,
09:28 y compris en France, c'est pas juste des problèmes.
09:31 Une autre limite dure, c'est l'effondrement
09:33 de la biodiversité.
09:34 On sait qu'à 3 degrés, on est à 20 % du vivant qui s'effondre.
09:38 Derrière cette biodiversité, ce sont des risques boomerang
09:42 pour la santé humaine, l'agriculture,
09:44 car sans biodiversité, on ne peut pas cultiver, manger, etc.
09:47 C'est le cadrage.
09:48 Ensuite, derrière, il y a cette idée de se dire
09:51 "est-ce qu'on climatise tout ?"
09:53 Je pense qu'il y a un malentendu dans ce qu'a expliqué Mme Rousseau,
09:57 et ça peut être intéressant de discuter là-dessus,
10:00 mais de toute façon, ces limites planétaires,
10:03 le climat, la biodiversité, etc.,
10:05 doivent devenir des cadres méthodologiques.
10:08 C'est la nouvelle règle du jeu.
10:10 A chaque fois qu'on va sortir de ces limites,
10:12 en réalité, on va mettre en place des politiques
10:15 qui, d'une manière ou d'une autre, à moyen, court ou long terme,
10:19 vont se retourner contre nous.
10:21 Là, arrive la politique.
10:23 Ce que dit le rapport du GEC et du Haut conseil pour le climat,
10:26 qui évalue les trajectoires de la France,
10:29 c'est que non, on ne va pas assez vite.
10:32 Ce qui met les scientifiques aujourd'hui
10:35 dans une situation de colère et d'impuissance,
10:39 c'est que les solutions existent.
10:41 Elles sont évaluées à nouveau sur la base de la science.
10:45 Elles sont faisables, accessibles, finançables.
10:47 En revanche, ce qui manque derrière, c'est le politique.
10:51 Parce que c'est pas, une fois qu'on a dit,
10:53 le politique au sens d'un débat, d'un projet,
10:56 avec derrière des valeurs qui sont différentes.
10:59 Le chemin pour atteindre ces objectifs de décarbonation,
11:02 il va supposer des choix, des priorités.
11:05 Le problème qu'on va avoir dans cette histoire,
11:08 c'est que, justement, les scientifiques,
11:10 aujourd'hui, sont sommés
11:12 de se substituer, de par leur expertise,
11:16 à des décisions qui devraient être prises
11:18 de manière démocratique, y compris,
11:20 et là, je m'adresse aux médecins...
11:23 -Vous êtes en train de dire
11:24 que les politiques entravent la puissance d'agir
11:27 des scientifiques. -Non, les scientifiques
11:30 ne sont pas là pour se substituer aux politiques.
11:33 Le médecin ne dit pas si c'est lui...
11:36 -Oui, attendez. -Le malade doit se soigner.
11:38 -Sandrine Rousseau veut vous répondre.
11:41 -Oui, parce que là, pardon, mais...
11:43 Pour vous répondre sur le fond,
11:46 il y a les politiques écologiques.
11:48 Voilà, on a des débats sur la trajectoire énergétique, etc.
11:52 Mais aujourd'hui, on ne peut plus prendre une politique publique,
11:55 la décision d'une politique publique
11:57 sans en regarder les effets sur le climat et la biodiversité.
12:01 Aujourd'hui, ça n'est absolument pas fait.
12:03 On considère que ce sont des domaines
12:05 qui sont étanches les uns avec les autres,
12:08 alors qu'évidemment que non.
12:10 C'est en ça qu'on n'a pas une vision, à mon avis,
12:13 suffisante de la gravité de la crise qui arrive.
12:15 Si on en avait une clairvoyante sur l'ampleur de cette crise,
12:19 alors toute euro publique que l'on dépense
12:22 aurait une espèce d'étude d'impact sur les effets,
12:25 sur ses effets sur le climat, sur sa préservation ou pas,
12:28 sur la biodiversité et sur la quantité d'eau,
12:31 enfin, sur l'ensemble des...
12:33 -Pardonnez-moi, mais pour le téléspectateur,
12:35 c'est pas très clair.
12:37 Finalement, qui entrave d'en faire plus dans ce domaine ?
12:42 Jean Decker va se douer.
12:45 -Non, attends.
12:46 D'abord, nous ne sommes pas les seuls sur la planète,
12:49 je commence... -On peut parler de la France
12:51 et de la planète. -D'accord,
12:53 mais nous ne sommes pas les seuls sur la planète
12:56 et l'évolution du climat va dépendre de nombreux pays,
12:59 à commencer par l'Inde, les Etats-Unis
13:02 et d'autres pays, mais si on veut revenir à la France,
13:05 le problème, c'est que les écologistes politiques
13:09 ont agi contre l'écologie
13:11 et notamment contre le réchauffement climatique
13:15 en étant ennemis depuis l'origine du nucléaire,
13:20 en étant...
13:23 En empêchant que l'on fabrique des OGM,
13:26 si on s'intéresse au réchauffement climatique
13:28 et à la biodiversité, la meilleure manière
13:31 de sélectionner des plantes, c'est quand même de faire...
13:34 Je me suis occupé beaucoup d'hôpitaux,
13:36 mais j'ai fait aussi l'agro et les eaux et forêts.
13:39 -On va rentrer dans le détail. -Non, mais attends.
13:42 C'est quand même important, à mon avis,
13:45 de rappeler que les écologistes politiques
13:48 ont agi contre l'écologie et qu'ils se sont...
13:51 -Je ne peux pas essayer de dire ça.
13:53 -Voilà. Je prends deux exemples.
13:55 -En aucune manière. -Les OGM, vous avez soutenu
13:57 les OGM ? -Les OGM ?
13:59 Certainement pas.
14:00 Et on est encore heureux qu'on ne les a pas soutenus.
14:03 Mais les OGM, c'est de la technologie sur le vivant.
14:06 C'est pas ça, la préservation de la biodiversité.
14:09 La préservation de la biodiversité, c'est de préserver
14:12 la qualité des écosystèmes pour qu'il y ait
14:15 un équilibre. -Les êtres humains
14:17 ont passé depuis 10 000 ans, depuis qu'il y a l'agriculture,
14:20 à sélectionner des plantes. -Mais pas à transformer
14:23 leur ADN. -Mais si.
14:24 -Laissez-moi avoir d'autres avis.
14:27 Emmanuelle Gallichy, est-ce que vous,
14:30 dans votre enseignement au CNAM,
14:33 vous prenez en considération ce primat du climat ?
14:37 -Evidemment. On le prend tous les jours,
14:39 dans toutes les formations en France.
14:41 C'est devenu quelque chose de central,
14:43 notamment chez les ingénieurs,
14:45 puisque aucune formation d'ingénieur
14:47 ne doit éviter la question du climat.
14:50 Mais cette question du climat, elle est trop vague,
14:53 en disant juste qu'il faut parler du climat.
14:56 Tout est corrélé, évidemment.
14:57 Je crois qu'on est tous d'accord là-dessus.
15:00 Aussi bien les usages de l'eau, aussi bien l'énergie.
15:03 L'énergie est partout, tout le monde en a besoin.
15:06 Elle permet aussi d'avoir des usages de l'eau corrects.
15:09 L'agriculture a besoin d'énergie et d'eau.
15:11 Il faut avoir une stratégie, une vision long terme.
15:14 C'est peut-être là-dessus, finalement,
15:16 qu'on est en train de discuter.
15:18 Les politiques doivent prendre en compte
15:21 les expertises scientifiques,
15:22 il n'y a aucun doute,
15:24 mais surtout, ensuite, ils doivent donner une stratégie,
15:28 une vision à long terme de comment on arrive à un but.
15:31 Aujourd'hui, tout est un peu noyé,
15:33 parce que les politiques ont un peu la tête dans les étoiles,
15:39 en se disant "je sais pas ce que je dois faire", etc.
15:42 La première chose, c'est d'asseoir autour d'une table
15:45 et de trouver une vision long terme avec une stratégie,
15:48 des étapes pour arriver à, finalement,
15:51 cette neutralité carbone en 2050.
15:53 Je crois que si vous faites l'interview
15:55 de n'importe quelle politique, il n'est pas sûr
15:58 que vous trouviez quelqu'un qui se dise
16:00 "il faut faire ça en 2020, ça en 2030".
16:02 La stratégie n'est pas mise en place.
16:04 -Jean Jouzel, je me mets à la place du téléspectateur
16:08 qui vient d'être dit qu'il ne comprend pas
16:10 d'où vient la lenteur à aller plus vite.
16:12 Vous avez côtoyé les grands de ce monde.
16:15 Est-ce que c'est eux qui freinent ?
16:18 Est-ce qu'il n'y a pas de corrélation
16:21 entre sciences politiques et industrie ?
16:23 Qu'est-ce qui fait qu'on n'arrive pas
16:25 à avoir de meilleurs chiffres dans ce domaine ?
16:28 -D'abord, on m'a invité à parler du climat,
16:31 donc je l'ai fait, tout à l'heure,
16:33 mais je ne crois pas qu'on puisse dissocier
16:36 le problème du changement climatique
16:38 de l'ensemble du mode de fonctionnement de la société.
16:41 On ne peut pas dissocier le climat,
16:43 Emmanuel l'a dit, de la biodiversité,
16:45 du cycle de l'eau, de la sécurité alimentaire.
16:48 On ne peut pas non plus le dissocier,
16:50 disons, de ses aspects sociétaux,
16:52 en termes de base et d'emploi,
16:54 de ses aspects économiques et même de ses aspects culturels.
16:58 C'est très clair.
16:59 Quand on parle de neutralité carbone,
17:01 je crois que...
17:02 Bon.
17:04 Forcément, ça irriguera le mode de fonctionnement,
17:06 le développement de nos sociétés au cours des prochaines décennies.
17:10 C'est bien tout cela.
17:12 Je me suis intéressé à la transition écologique,
17:15 en particulier au titre, disons,
17:17 d'un rapport sur l'enseignement de la transition
17:20 dans l'enseignement supérieur.
17:22 Eh bien, c'est clair que c'est cette vision globale
17:25 de notre société, de cette transition,
17:27 qu'il faut prendre.
17:28 Je suis invité à parler du climat.
17:30 Pourquoi ne va-t-on pas assez vite pour le climat ?
17:33 Il y a quand même...
17:35 Alors, d'un côté,
17:36 je suis en phase,
17:39 voilà, je suis en phase avec les objectifs de la France
17:42 tels qu'ils sont inscrits dans la loi.
17:44 Je m'y suis intéressé, donc, à un objectif,
17:47 un objectif, disons, division par six,
17:49 neutralité carbone en 2050, ça me va très bien.
17:52 Le problème, il n'est pas dans les objectifs affichés,
17:55 il est dans la façon dont on ne le respecte pas.
17:58 Quand on regarde, on y reviendra peut-être,
18:01 on est à 20 % d'énergie renouvelable,
18:03 on va en remettre à 24 %.
18:04 Comment va-t-on aller vers 32 ?
18:06 Voilà, on y reviendra, mais...
18:08 Voilà, donc, je crois qu'il y a une stratégie nationale
18:12 bas carbone dans laquelle toutes les étapes sont bien inscrites.
18:15 -Il y a 18 mois, vous disiez la même chose,
18:18 ce qui montre qu'il y a une continuité dans votre pensée.
18:21 Mais ça veut dire quoi ?
18:23 Ca veut dire quoi ? Ca veut dire qu'on affiche
18:26 des objectifs et on triche sur leur réalisation ?
18:29 -Oui, je le crains, en tout cas,
18:32 je crois que c'est le diagnostic,
18:34 Magali pourrait nous le redire, du Haut conseil pour le climat,
18:38 on ne va pas assez vite, probablement,
18:40 et même notre président a dit qu'il fallait doubler
18:43 le rythme de diminution de nos émissions d'ici 2030.
18:46 Comment fait-on ? Donc, c'est reconnu,
18:48 ce n'est pas... C'est sur la place publique.
18:51 Oui, nous n'allons pas assez vite...
18:53 -Si vous permettez, je voudrais prendre les problèmes
18:56 les uns après les autres. Magali, Regeza, Zit,
18:59 je voudrais vous poser cette question
19:01 concernant l'eau, actualité violente,
19:04 avec la fameuse bassine de Sainte-Sauline.
19:07 Est-ce que l'agriculture française
19:10 a-t-elle besoin de ces réservoirs d'eau
19:13 et, d'une manière générale,
19:15 y a-t-il un risque de pénurie d'eau ?
19:18 -Alors, déjà, on confond tout. -Oui.
19:20 -Parce que la sécheresse, c'est pas forcément la pénurie.
19:23 La sécheresse dans le désert, y a pas de risque.
19:26 Le problème de la pénurie, c'est que vous avez un déséquilibre
19:29 entre l'eau renouvelable et l'eau passante.
19:32 Dans un climat qui change, et on l'observe
19:34 depuis la décennie 90-2018, en gros, à partir de 2002,
19:37 ce qu'on appelle l'eau renouvelable en France,
19:40 c'est-à-dire l'eau qui est à disposition,
19:43 elle a baissé globalement sur la France d'à peu près 15 %,
19:46 15 à 14 %. Donc, vous avez une offre...
19:48 -Vous parlez d'eau potable ? -Non, d'eau renouvelable.
19:51 L'eau qu'on peut utiliser sur un territoire,
19:54 pour faire très simple. L'offre baisse.
19:56 De l'autre côté, notre demande sociale,
19:59 elle est très haute et elle ne cesse d'augmenter.
20:01 Dans un climat qui change,
20:03 parce qu'on a des étés plus chauds et plus secs,
20:06 il va falloir, notamment à certains moments,
20:08 avoir besoin d'eau pour irriguer,
20:10 parce que vos végétaux, même des végétaux
20:12 qui n'ont pas besoin d'eau, il faut les irriguer.
20:15 On va peut-être avoir besoin d'eau pour refroidir la ville,
20:18 pour hydrater plus. Donc, on va avoir des besoins d'eau
20:21 qui peuvent augmenter dans le temps.
20:24 Vous avez une offre qui baisse. A partir de là,
20:26 il faut faire des réserves d'eau pour les moments vraiment critiques.
20:32 Mais deux, si on ne regarde que cette stabilisation de l'offre
20:36 alors que notre offre baisse structurellement,
20:39 ça ne marche pas. L'idée, c'est de trouver localement
20:42 les solutions qui vont permettre de répondre
20:45 à ces besoins d'eau pour éviter la pénurie,
20:48 en essayant d'un côté, un,
20:50 d'être le plus efficace possible dans notre consommation,
20:53 et deux, de faire ce qu'on appelle la fameuse sobriété,
20:57 c'est-à-dire d'éviter les usages qu'on juge non essentiels.
21:00 Pour ça, on a une boîte à outils énorme.
21:02 Je prends l'agriculture. On va pouvoir agir sur les variétés,
21:06 sur les espèces, sur la manière de produire, de cultiver,
21:11 mais on va devoir aussi agir sur nos consommations.
21:14 Ca veut dire agir sur les chaînes de valeur,
21:16 sur les chaînes productives.
21:18 Derrière, il va falloir se poser la question.
21:21 On a construit ces fameuses bassines
21:23 pour chercher l'eau dans les nappes.
21:25 C'est ce qui pose problème.
21:27 Celles qui sont construites, elles sont construites.
21:30 Est-ce que c'est une solution d'avenir de construire partout
21:33 ces infrastructures qui sont énergivores,
21:36 où l'eau peut s'évaporer ? Ca va dépendre.
21:38 Et en gros, à chaque fois qu'on fait ce type d'infrastructure,
21:42 on devrait se poser la question,
21:44 est-ce qu'on n'a pas une solution qui est plus efficace
21:47 et qui est meilleure ?
21:48 Sinon, c'est ce qu'on appelle la maladaptation.
21:51 Ce sont des solutions qui verrouillent nos émissions
21:54 et qui ne font pas le baffé de serre,
21:56 soit qui empêchent des transformations plus profondes,
21:59 qui nous mettront à l'abri dans un climat
22:02 qui va changer tant qu'on n'aura pas atteint
22:04 la neutralité carbone, de cette disponibilité en eau
22:07 qui va baffer quoi que l'on veuille de manière chronique.
22:11 -Jean Degas va se douter.
22:12 -Je suis d'accord avec ce que vous dites,
22:15 mais pas du tout avec le ton que vous donnez,
22:17 parce que vous inquiétez, à mon avis, inutilement.
22:20 Alors, attendez.
22:22 A ma connaissance, parce que j'ai écrit un livre sur l'eau aussi,
22:25 donc j'ai quelques vagues notions sur ce sujet,
22:28 j'ai construit des barrages, etc., donc, à ma connaissance,
22:31 quand il pleut, en France,
22:33 64 % de l'eau s'évapore tout de suite,
22:36 34 % s'infiltre,
22:37 et nous rejetterions 176 milliards de mètres cubes
22:43 s'il n'y avait aucune activité humaine en France.
22:46 De fait, nous en rejetons 171 milliards.
22:50 Donc, la différence... -On en rejette où ?
22:52 -Nous en rejetons, de fait, dans les fleuves, dans la mer.
22:55 En fait, la différence... -Les vapons.
22:58 -Notamment l'irrigation en France,
23:01 ce n'est que 3 milliards de mètres cubes,
23:04 et ce chiffre baisse, plutôt, il n'augmente pas.
23:06 Les centrales techniques et les nucléaires,
23:09 c'est un milliard, et le reste, c'est un milliard.
23:12 Donc, je pense que vous inquiétez de manière inutile
23:15 nos téléspectateurs en laissant croire
23:19 qu'on n'a aucune marge, en laissant croire
23:21 qu'il n'y a pas d'eau dans les naphréatiques
23:23 reliée à des réserves colossales.
23:25 -C'est faux. -Ecoutez, moi,
23:27 j'ai regardé les statistiques encore hier...
23:30 -Excusez-moi, mais ce que vous dites, c'est faux.
23:32 Je suis désolée de vous dire...
23:34 -Ce que vous dites est inquiétant. Il faut aussi...
23:37 Ecoutez, bon... -Vous parlez d'abord
23:39 d'un climat. Je sais pas quand vous avez fait vos études,
23:42 mais ce climat n'existe plus et ne va pas évoluer.
23:45 Deuxièmement, vous reprenez un argument climato-sceptique
23:49 que l'eau qui va dans les fleuves est perdue.
23:51 Vous prenez un problème d'échelle,
23:53 qui est un problème très compliqué,
23:55 c'est qu'en fonction du niveau national,
23:57 du type de territoire et de l'échelle...
23:59 -Ecoutez, vous avez le droit d'être en désaccord.
24:02 -Mesdames, si vous êtes en désaccord,
24:04 c'est à la fois les questions et les réponses.
24:07 Ca me paraît compliqué, mais néanmoins,
24:09 quand vous regardez les statistiques,
24:12 le problème, c'est... Il est assez simple à dire.
24:15 Quel est l'impact météo, c'est-à-dire ?
24:17 Et quel est l'impact climatique ?
24:19 Quand vous regardez les statistiques météorologiques,
24:23 en France, vous voyez que l'année la plus sèche
24:26 du XXe siècle, c'est 1920.
24:28 -Bien.
24:29 -Non, mais écoutez, c'est la vérité.
24:31 Ecoutez, c'est la vérité.
24:34 Voilà. Et il y a eu quasiment 14 mois sans pluie.
24:37 Donc, nous sommes encore,
24:39 quand on regarde la distribution, la moyenne et l'écart type,
24:42 on est encore dans les variations météorologiques.
24:45 Je lis le rapport du GIEC, je pense qu'effectivement,
24:48 il y a une évolution des extrêmes et qu'on est en train de changer
24:52 la moyenne et l'écart type, mais pour l'instant,
24:55 et en plus, un certain nombre de modèles
24:58 de prévision climatique prévoient
25:00 qu'on aurait plutôt un excédent d'eau
25:03 dans les zones tempérées.
25:05 -Cendrine Rousseau, et puis...
25:07 -Non, mais surtout, là, on est typiquement
25:09 dans ce à quoi on se confronte.
25:11 C'est-à-dire qu'on a des gens qui viennent nous expliquer
25:14 alors qu'ils ne sont pas chercheurs,
25:16 qu'ils ne sont pas politiques, voilà,
25:18 et qui viennent nous dire,
25:20 "On a 34 %, on a X % avec un ton très docte",
25:22 et qui nous disent, "Il n'y a rien à faire."
25:25 C'est ça, le climato-scepticisme, aujourd'hui.
25:28 C'est-à-dire qu'en fait, c'est un vrai sujet
25:30 de comment on le contre,
25:32 parce que derrière, il y a des intérêts économiques,
25:35 des rapports de domination,
25:36 mais là, ça me semble assez flagrant, par ailleurs.
25:39 Donc, comment on change notre structure sociale ?
25:42 Si on s'intéresse à l'eau,
25:44 certes, on peut discourir des bassines,
25:46 mais la question profonde, c'est à quoi sert cette eau
25:50 et pourquoi on en a besoin ?
25:52 Et donc, l'usage de ces bassines, en l'occurrence,
25:55 c'est l'agriculture.
25:56 Est-ce qu'on peut conserver le modèle agricole
25:59 tel qu'il est actuellement
26:00 dans un système météorologique et climatique...
26:03 -Il y a de moins en moins d'agriculteurs, pourtant.
26:06 -Oui, mais enfin, ils ont besoin de plus en plus d'eau.
26:09 Donc, la question, c'est comment on fait en sorte
26:12 de diminuer la quantité d'eau.
26:14 Pour cela, par exemple, la culture qui est la plus contestée,
26:17 c'est celle du maïs,
26:19 dont on sait que c'est une des cultures
26:21 qui nécessite beaucoup d'eau, mais c'est aussi l'élevage.
26:24 Il y a besoin de revoir...
26:26 C'est en cela que je vous disais
26:28 qu'il y avait une vision systémique à avoir.
26:30 Quand on a une...
26:31 Je prends ma casquette de politique.
26:33 Quand on a une loi sur l'alimentation,
26:36 on doit aussi interroger les décisions
26:38 que nous prenons sur l'alimentation
26:40 en regard de la consommation d'eau que cela nécessite
26:43 et en regard de l'évolution du système climatique
26:46 et de biodiversité.
26:48 Et là, on n'y est pas.
26:50 Par exemple, on a eu un débat sur la quantité de viande
26:53 dans les cantines, où il était manifeste
26:55 qu'il n'y avait pas de volonté de modifier
26:58 cette consommation de viande.
26:59 Et pourtant, ça fait partie des gestes
27:02 qui ont un impact sur la quantité d'eau
27:04 dont nous avons besoin en agriculture et en élevage.
27:07 -Ca dépend de la manière dont les vaches...
27:10 -On a compris votre position.
27:11 -Mais madame, écoutez...
27:13 -Ecoutez, le débat, on peut pas laisser
27:15 un débat trop technique.
27:17 Vous voulez vous emmêler, Jean Jouzel ?
27:19 Est-ce qu'il y a pas assez d'eau ?
27:21 Ou est-ce que... -Non, mais...
27:23 Même dans les régions où les précipitations
27:26 resteraient constantes, ce qui se passe
27:28 sur le réchauffement climatique augmente l'évaporation.
27:31 Donc, il y a un déficit, et je suis en phase avec Magali,
27:35 il y a un déficit de, disons, de 15 % par rapport à l'eau disponible.
27:40 Ensuite, du point de vue de l'hydrologue,
27:42 je sais pas, mais la meilleure façon de garder l'eau,
27:45 si on la considère comme un bien commun,
27:47 c'est de la laisser rentrer dans les sols.
27:50 Après, on peut voir le point de vue de l'agriculture,
27:53 c'est autre chose, mais il faut bien se placer.
27:56 Est-ce qu'on conserve l'eau pour une utilisation optimale
27:59 pour l'ensemble des usages ou bien est-ce qu'on privilégie
28:02 les usages ? C'est un choix société.
28:04 Mais il faut bien comprendre que du point de vue du cycle de l'eau,
28:08 la meilleure façon de la conserver,
28:10 c'est de la laisser rentrer dans les sols.
28:12 -Alors, on parle d'une solution miracle
28:15 avec le recyclage des eaux usées.
28:17 Alors, on cite certains pays.
28:19 Est-ce que c'est vraiment... -En France, c'est 1 %,
28:22 donc j'ai intervenu, à peu près de l'ordre de 1 %,
28:24 c'est pas beaucoup, donc oui, c'est bien de le faire.
28:27 On est très en retard par rapport à d'autres pays,
28:30 y compris l'Espagne, mais c'est pas ça qui va nous sauver
28:33 par rapport aux 15 % qui ont été cités par Magali Regatza.
28:37 -Bon.
28:38 Ecoutez, on mettra pas tout le monde d'accord
28:42 sur la question de l'eau.
28:43 On va essayer d'avancer, etc.
28:45 Des milliards, néanmoins, des milliards d'individus
28:49 n'ont pas accès ni à l'eau potable,
28:51 ni à une alimentation saine,
28:53 ne disposent pas de l'électricité,
28:56 ils manquent de sources d'énergie,
28:58 et on s'en perçoit que, pour certaines populations,
29:02 il y a un cumul de ces difficultés.
29:05 Qu'est-ce qu'on peut dire de ça, Emmanuelle Kaliché ?
29:08 -C'est évident que, si on regarde la situation planétaire,
29:11 elle est dramatique, et elle n'est pas dramatique chez nous.
29:15 Elle est dramatique dans les pays sous-développés,
29:17 où il n'y a pas d'accès à l'électricité.
29:20 Un être humain sur neuf
29:23 n'a pas d'électricité encore aujourd'hui.
29:26 Donc, en fait, on a aussi, nous, en tant que nation industrialisée
29:29 et de haute technologie, des responsabilités
29:32 envers ces gens-là. -S'ils n'ont pas l'électricité,
29:35 c'est pas la faute du réchauffement climatique.
29:38 -C'est la faute d'un pays industrialisé
29:40 qui n'a peut-être pensé qu'à leur exploitation
29:45 et qui, aujourd'hui, doivent...
29:47 Nos émissions de gaz à effet de serre diminuent
29:50 dans les pays industrialisés,
29:51 mais les pays en développement augmentent, c'est normal.
29:55 Ils essayent aussi de sortir de la pauvreté.
29:57 L'électricité est aussi un bien commun,
30:00 et doit être un bien commun mondial,
30:02 autant que l'eau.
30:03 Ils sont absolument corrélés.
30:05 On parlait justement des eaux usées.
30:07 Pour devenir une eau potable,
30:10 c'est absolument énergivore.
30:13 Le dessalement de l'eau de mer, aussi,
30:15 est une technique qui est utilisée en Israël,
30:18 qui est utilisée dans beaucoup de pays,
30:20 en Espagne, et qui est absolument énergivore.
30:23 Vous voyez qu'à chaque fois...
30:25 C'est bien ça, où il y a une vision stratégique à avoir.
30:28 Je suis d'accord avec Mme Rousseau
30:30 sur le fait qu'à chaque fois qu'on prend une décision,
30:33 il faut regarder ce que ça va impacter autour de nous.
30:37 L'énergie, l'eau, l'agriculture, tout est corrélé, finalement.
30:40 Donc, il y a un intérêt, aujourd'hui,
30:43 à ce que les pays industrialisés donnent l'exemple, déjà,
30:46 avec des énergies décarbonées,
30:48 donc mettent la priorité sur les énergies décarbonées,
30:52 et puissent donner des solutions technologiques
30:54 aux pays qui n'en ont pas les moyens, en fait.
30:57 -Qu'est-ce que vous dites, Mme Rousseau,
31:00 de ce dialogue Nord-Sud,
31:02 avec la pénitence d'un côté et le gaspillage de l'autre ?
31:05 Est-ce que c'est aussi facile ?
31:07 -Il est indispensable, et je pense que ça va être le grand sujet
31:11 des années à venir. Est-ce que l'on continue
31:14 à s'accaparer des ressources et des technologies
31:17 et à en faire profit, et du coup, à laisser une partie du monde
31:20 à la part de la transformation écologique,
31:23 absolument indispensable, aussi, dans ces pays-là,
31:26 ou est-ce que l'on est dans un partage,
31:28 dans une coopération et dans une reconnaissance
31:31 de notre responsabilité, qu'elle soit historique
31:34 ou à l'heure où nous parlons ?
31:36 Et en fait, aujourd'hui, c'est un peu, à mon sens,
31:39 l'impensée des discussions...
31:41 D'ailleurs, les pays moins riches
31:43 essayent de les mettre sur la table des négociations
31:46 dans toutes les COP, avec des fonds de compensation,
31:49 mais à la fin, les pays riches rechignent
31:52 à reconnaître leur responsabilité,
31:54 et historique, et dans le moment...
31:56 -Oui, mais je vais vous dire,
31:58 c'est pas des pays riches comme la France qui polluent.
32:01 C'est le premier pollueur est la Chine,
32:03 le deuxième, les Etats-Unis, le troisième, l'Inde...
32:06 -C'est pas vrai historiquement.
32:08 -C'est pas vrai historiquement.
32:10 -On est pratiquement en France
32:12 autant qu'un Chinois en moyenne de démission de gaz à effet de serre.
32:16 -On n'est pas aussi nombreux.
32:18 -Oui, mais ça nous exonère pas d'une responsabilité.
32:21 -Non. -On est d'accord.
32:23 -Passons à un sujet, peut-être, qui fâche,
32:25 mais peut-être que vous serez d'accord là-dessus.
32:28 Alors, il y en a...
32:30 En matière d'énergie décarbonée,
32:32 si on prend le mix énergétique français,
32:36 il est fait de nucléaire et d'énergie renouvelable.
32:39 Bon, on n'est pas comme les Allemands...
32:42 Attendez, attendez, attendez, attendez.
32:44 Essentiellement, il y a du reste aussi,
32:47 mais en tout cas, on n'a pas autant de charbon et de lignite
32:50 que les Allemands.
32:51 Est-ce que vous êtes d'accord
32:53 pour considérer que pour la France,
32:57 il n'y a pas d'autre solution
32:59 qu'avoir un mix énergétique
33:04 avec du nucléaire, des énergies renouvelables,
33:07 de l'hydraulique également et un peu du reste ?
33:10 -Evidemment non, mais ce sera sans surprise.
33:14 -Mais dans la situation actuelle,
33:16 vous voudriez quoi, madame Rousseau ?
33:18 -Il y a toujours ce nom dit
33:20 dans tous les débats énergétiques,
33:23 qui est la question de la sobriété,
33:25 comment on diminue massivement nos besoins énergétiques.
33:28 En l'occurrence, le nucléaire,
33:30 qui est présenté comme une espèce de technologie presque magique
33:34 qui résoudrait nos problèmes,
33:35 un peu comme les bassines, un peu comme les OGM,
33:38 pour moi, c'est vraiment de l'ordre de la pensée magique.
33:42 Parce qu'on construirait quelques centrales,
33:45 on se sortirait de cette question énergétique.
33:47 Evidemment pas.
33:49 Par ailleurs, les centrales nucléaires
33:51 ont absolument besoin d'eau.
33:53 On voit bien que les sécheresses font
33:55 qu'on va manquer d'eau.
33:57 Est-ce qu'il y a besoin d'utiliser de l'eau
34:01 pour refroidir des centrales ?
34:03 -Celles au bord de la mer.
34:05 -Celles au bord de la mer sont en zone submersible.
34:07 Le cas de Gravelines, qui est une des principales d'Europe...
34:11 Si, c'est construit sur un pôle d'air,
34:13 c'est à côté de Dunkerque.
34:15 -Ecoutez, Emmanuel...
34:16 -Je suis désolée, la région Dunkerque est un pôle d'air.
34:19 -Sur ce point-là, Emmanuel Galliché...
34:22 -En fait, l'adaptation des centrales nucléaires
34:25 et de l'industrie nucléaire est en marche.
34:28 Notamment à Gravelines, il y a une digue.
34:30 Les gens, d'ailleurs, là où ils habitent,
34:34 disent que si, par hasard, il y a un problème d'inondation,
34:37 tout le monde va se réfugier dans la centrale.
34:40 C'est le seul endroit qui ne sera pas inondé.
34:42 -C'est-à-dire qu'on va faire l'off-shore.
34:45 -On aura d'autres problèmes.
34:46 -Si il y a une inondation dans le Nord...
34:49 -Profitez-en, Emmanuel, pour dire ce que vous pensez.
34:52 Est-ce qu'il y a un autre choix ?
34:54 -Il faut faire une très grande différence
34:57 entre un mix énergétique et un mix électrique.
35:00 Aujourd'hui, effectivement... -On est bien d'accord.
35:02 Il y a plus de nucléaire dans l'électricité
35:05 que dans l'énergie.
35:07 Il y a 70 % et 25 %.
35:09 -C'est la partie de l'autre.
35:11 -Le combat absolument fondamental,
35:13 aujourd'hui, des pays industrialisés
35:16 et même des autres,
35:17 c'est de sortir des fossiles.
35:20 Quoi qu'on fasse,
35:22 c'est les énergies fossiles qui nous embêtent,
35:25 qui sont la base de tous nos problèmes.
35:28 Donc, quel que soit,
35:29 chaque pays a le droit de faire le mix qu'il veut.
35:32 Nous, il se trouve qu'on a un mix électrique
35:35 largement nucléaire de fait de notre histoire.
35:38 Et donc, du coup, nous avons une...
35:40 Je dirais une petite avance par rapport à certains autres pays
35:44 du fait qu'on a 92 % de notre électricité
35:47 qui est décarbonée.
35:48 Ca veut pas dire qu'il faut s'arrêter là et dire "on a tout fini".
35:52 Ca veut dire qu'il faut aller voir là où il y a du charbon,
35:55 du pétrole et du gaz et de le remplacer
35:57 par des énergies renouvelables et des énergies décarbonées.
36:01 C'est ça, notre combat. C'est rien d'autre.
36:03 -Mme Rousseau... -C'est 80-20.
36:05 -On est à 70 et 25, je crois. -75, 25, non.
36:09 -Mme Rousseau, si vous venez au pouvoir,
36:11 si vous arrivez au pouvoir dans 4 ou 5 ans
36:14 et qu'on a relancé le nucléaire
36:17 avec 6 EPR2+,
36:20 6 autres qui suivront,
36:23 est-ce que vous démantelez ?
36:25 Vous...
36:26 Parce que dans la situation française,
36:29 l'électricité... -Je rappelle quand même
36:31 que l'EPR, qui est actuellement en construction,
36:34 est toujours pas en activité,
36:36 qu'il a connu des retards sur retard,
36:38 sur la structure, et qu'en fait,
36:40 aujourd'hui, on n'a pas de PR qui fonctionne correctement.
36:43 -Vous qui êtes sur une partie...
36:45 -Je reviens sur Graveline. -Et Sachy Pachan aussi.
36:48 -On va faire une ligue...
36:50 Je comprends même pas, en fait,
36:52 pourquoi vous vous revendiquez scientifique
36:55 et que vous ne regardez pas la réalité sur le nucléaire.
36:58 -On ne la regarde pas comme vous.
37:00 -La lision est claire. -On ne la regarde pas comme vous.
37:03 -La centrale de Graveline est entourée d'une ligue.
37:06 Elle est sur un pôle d'air.
37:08 Le jour où la mer monte,
37:09 il va y avoir tout un triangle entre Dunkerque
37:12 et qui arrive presque jusqu'à Armantière,
37:15 sous l'eau, et on aura notre centrale nucléaire,
37:18 qui sera, certes, avec une ligue,
37:20 on parle pas des événements climatiques extrêmes,
37:23 et au plein milieu de la mer.
37:24 Pourquoi ne pas vouloir développer
37:27 davantage des énergies renouvelables,
37:30 type éolien, type solaire ?
37:31 Par exemple, on a eu tout un débat à l'Assemblée nationale
37:35 sur le fait qu'il y avait une majorité dans l'Assemblée
37:38 qui ne voulait pas mettre des panneaux solaires
37:41 sur les toits déjà existants. Pourquoi ?
37:43 Qu'est-ce que ça gêne de mettre des panneaux solaires
37:46 sur les toits déjà existants ?
37:48 Pourquoi ne faisons-nous pas cet effort de technologies
37:52 qui sont légères plutôt que d'aller vers des EPR
37:55 dont l'avenir est encore incertain ?
37:57 Désolée de le présenter comme ça, mais c'est la réalité.
38:00 -Sincèrement, madame Rousseau,
38:02 aujourd'hui, le modèle français
38:04 fait que l'électricité, pour 70 %,
38:07 est produite à partir du nucléaire.
38:10 Est-ce que vous pensez sincèrement
38:12 qu'on peut inverser cette chose-là
38:15 ou ramener à 50 % ? -Oui, je le pense.
38:17 Bien sûr que je le pense. -Vous, vous le pensez.
38:20 Et vous, Jean Jouzel ? -J'aime bien m'appuyer
38:23 sur le rapport du réseau de transport d'électricité.
38:26 Une première conclusion importante,
38:28 c'est que la France n'atteindra pas la neutralité carbone
38:31 sans un développement significatif de renouvelables.
38:34 C'est la conclusion la plus importante.
38:36 La deuxième, c'est que ce serait plus facile,
38:39 c'est les points 4 et 5 du rapport RTE,
38:41 si on construisait de nouvelles centrales nucléaires.
38:45 Mais il faut bien partir du fait que,
38:47 ce qui est important aussi, c'est le développement du renouvelable.
38:51 Je ne suis pas du tout anti-nucléaire,
38:53 mais à un moment, il faut, si on n'y arrivera pas,
38:56 atteindre neutralité carbone, même avec les 14 EPR,
38:59 sans un développement massif du renouvelable,
39:02 par exemple pour l'éolien terrestre.
39:04 On a beaucoup de retard, de nouveau, sur l'éolien en mer.
39:07 On parle de projets, mais ils prendront du temps.
39:10 C'est peut-être aussi ça qu'il faut mettre en avant.
39:13 Donc, évidemment, je pense que l'important, maintenant,
39:16 c'est l'électricité, c'est 25 ou 30 % de notre énergie.
39:21 C'est comme on fait pour remplacer les 70 %,
39:23 il faut de la sobriété,
39:24 on sort d'une boussole, disons, redie,
39:28 mais je crois qu'il faut développer ce mix énergétique
39:31 de façon intelligente,
39:32 mais pas en abandonnant le renouvelable,
39:35 ou le développement massif du renouvelable,
39:37 je le redis, au bénéfice du nucléaire.
39:40 Il faut, je crois, développer les deux,
39:42 en tout cas, mais c'est pas ce qu'on fait,
39:44 c'est ma crainte. On a pris, je redis,
39:46 on devrait être à 24 % de renouvelable,
39:49 on est à 20 %, et si on avait été à 24 %,
39:51 nous aurions eu moins de problèmes face,
39:54 disons, aux problèmes énergétiques
39:56 posés par l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
39:59 -Juste, pour revenir là-dessus,
40:00 vous avez totalement raison,
40:02 les mix doivent être diversifiés.
40:04 Toujours, ça, c'est une des conditions sine qua non.
40:07 Après, les ENR, aujourd'hui,
40:09 on se trouve devant une problématique
40:11 d'opinion publique assez importante,
40:13 et qui fait qu'on n'arrive pas à le développer.
40:16 Il faut absolument aller au-delà,
40:18 faire de la pédagogie auprès des populations
40:21 pour qu'on puisse développer très fortement,
40:23 notamment l'éolien offshore,
40:25 qui a un bon coefficient de disponibilité,
40:28 et qui permet de faire de l'électricité.
40:30 Moi, je voudrais rebondir, justement,
40:32 aussi sur le RTE et sur ses scénarios pour 2050.
40:36 En fait, donc, il développe six scénarios
40:40 dans lesquels, en fait, il diminue.
40:43 Donc, on doit faire moins 40 %, quand même,
40:46 de consommation énergétique,
40:48 donc la sobriété, l'efficacité énergétique,
40:50 et ensuite, dans toutes ces choses-là,
40:53 il y a l'électrification des usages.
40:55 Et ça, c'est fondamental.
40:57 Si on veut décarboner, notamment, notre industrie,
41:00 qui est extrêmement carbonée,
41:01 il faut qu'on électrifie.
41:03 Donc, il faut qu'on aura...
41:04 Aujourd'hui, on va passer de 35 %,
41:07 le minimum, c'est 35 %,
41:09 voire 60 % de plus d'électricité
41:13 à l'horizon 2050.
41:14 Ca veut dire que les ENR ont toutes leur place.
41:17 L'hydroélectricité, on va faire attention,
41:19 parce que la sécheresse...
41:21 Si on a des pertes d'eau, évidemment,
41:23 nos lacs, nos barrages sont beaucoup plus bas
41:26 sur l'électricité hydroélectrique,
41:28 et le nucléaire en fait partie.
41:30 Ce sont trois solutions incontournables.
41:33 -Merci.
41:34 Vous venez de voir cette citation de Simnon,
41:46 un auteur de roman policier, peut-être,
41:48 pour vous mettre d'accord.
41:50 "L'homme a voulu vivre en société, mais aussi depuis qu'elle existe.
41:54 "Il voit une bonne part de son énergie à lutter contre elle."
41:57 Alors, l'eau, l'énergie, la sécurité alimentaire
42:01 ont partie liée par l'économie, l'écologie, la solidarité.
42:06 Quel lien de parenté établissez-vous entre eux,
42:10 notamment dans la lutte contre le réchauffement climatique ?
42:13 Jean Decoeur va se douer.
42:15 -Je voudrais revenir à ce qu'a dit Jean Jouzel tout à l'heure.
42:19 J'ai une...
42:20 -On va essayer d'avancer un peu, si vous voulez.
42:23 -Non, mais une nuance de pensée.
42:25 Je pense que René Dubos disait,
42:27 "Pensez globalement, agir localement."
42:29 Je pense qu'on peut avoir en permanence en tête
42:32 le réchauffement climatique,
42:36 mais on est obligés d'agir localement.
42:38 Et donc, les actions en France,
42:40 ou même en ce qui concerne l'eau,
42:42 en Bretagne, ou en Amont de Toulouse,
42:46 ou sur le couloir rhodanien,
42:48 ne sont pas les mêmes,
42:50 comme ne sont pas les mêmes les politiques agricoles.
42:54 Donc, je pense qu'effectivement,
42:56 on s'oriente vers des moments très difficiles.
42:59 Je partage avec vous et avec beaucoup d'entre nous
43:03 ce que vous avez dit sur les problèmes Nord-Sud.
43:06 Je pense que les 100 milliards, je crois...
43:09 Oui, c'est 100 milliards ou 100 millions.
43:12 Bref, ne sont pas suffisants.
43:13 Et qu'on voit bien, et on va voir encore cette année,
43:18 se développer une famine...
43:20 -Revenons sur la liaison que je vous propose.
43:23 Est-ce que vous pensez que tout ça est lié
43:26 et le réchauffement climatique les relie encore plus ?
43:29 -Non, mais par essence.
43:31 Je pense que, malheureusement,
43:33 il ne faut pas trop globaliser,
43:35 parce qu'on ne sait plus comment agir.
43:37 Donc, on est obligés d'avoir des hiérarchies.
43:40 Donc, si on considère que le réchauffement climatique
43:43 est l'objectif central de l'avenir de l'humanité,
43:47 ensuite, on décline avec d'autres objectifs,
43:50 qui sont la survie des gens, leur santé,
43:53 l'alimentation, etc.
43:55 Mais malheureusement, ce qui mène le monde aujourd'hui,
43:59 c'est quand même beaucoup plus l'économie,
44:01 et à mon avis, ça va continuer à l'être.
44:04 C'est beaucoup plus l'indépendance des pays,
44:07 c'est beaucoup plus les guerres déclarées ou latentes.
44:10 Donc, je ne suis pas d'un optimisme fou.
44:13 -Mahgali Regezazit, là-dessus,
44:15 sur cette liaison ?
44:17 -Elle est posée dans le rapport du GIEC,
44:19 qui démontre très bien que dans un monde
44:21 trop réchauffé par l'homme
44:23 ou où la biodiversité s'effondre,
44:25 l'atteinte des objectifs de développement durable,
44:28 du bien-être humain, au niveau mondial ou local,
44:31 c'est impossible.
44:32 Et c'est ça, tout le paradoxe,
44:34 c'est qu'il existe des formes de transition,
44:36 donc des choix et des arbitrages,
44:38 qui font qu'on peut atteindre tous ces objectifs climatiques
44:42 avec des co-bénéfices.
44:43 Le rapport de synthèse du GIEC, qui vient d'être publié,
44:46 démontre, action par action, secteur par secteur,
44:49 tous les co-bénéfices qu'on peut avoir
44:51 en termes de santé, d'alimentation.
44:54 L'idée, c'est de se dire que, face à un climat qui change,
44:57 les plus vulnérables sont ceux qui cumulent le plus d'inégalités.
45:01 C'est en fait scientifiquement démontré.
45:03 -Est-ce que le climat aggrave la situation ?
45:05 -Il aggrave la situation.
45:07 Ce qui est injuste, et là, on en arrive au sentiment
45:10 et donc à la réponse politique,
45:12 c'est que derrière, les coûts de transition
45:15 portent sur les plus démunis, c'est la double peine.
45:17 Quand on va mettre des mesures pour essayer de réorienter,
45:21 ce sont les plus démunis qui sont au départ les plus fragiles.
45:24 C'est ce qu'on voit chez les agriculteurs.
45:27 D'où l'idée de mesures structurelles
45:29 développée dans le rapport du Haut conseil pour le climat.
45:32 On reprend l'exemple des agriculteurs.
45:34 Le jour où les agriculteurs, en fabriquant
45:37 selon des principes plus écologiquement vertus,
45:40 en fabriquant sous briétés en sol en eau,
45:42 ça le sera rémunérateur par rapport à faire autrement.
45:45 -Mégali Régézazis, je voudrais vous poser une question
45:49 que le téléspectateur se pose.
45:51 Si on prend la France d'aujourd'hui,
45:53 qu'il s'agisse de l'énergie,
45:56 qu'il s'agisse de l'alimentation et d'autres sujets,
46:00 on est en baisse par rapport aux décennies précédentes.
46:04 Il y a 20 ans, on disait que notre mix énergétique,
46:08 notre système énergétique était flamboyant.
46:11 Sur le plan agroalimentaire,
46:12 on est dépassé par une nation comme l'Allemagne.
46:15 -Les Pays-Bas. -Les Pays-Bas également.
46:18 Comment vous expliquez cette chose-là ?
46:20 -Ca dépend ce qu'on appelle... -C'est pas si.
46:23 -On est dans un discours double, pas celui des scientifiques.
46:27 -Il faut tenir compte de l'économie.
46:31 -Justement. Il y a la question du plus et de mieux.
46:33 Vous avez dit, nous avons un système agricole
46:36 qui a été créé en 1980.
46:38 Nous avions 2 millions d'agriculteurs en 1980.
46:40 Nous sommes aujourd'hui à 400 000 agriculteurs.
46:43 La question, c'est, est-ce que ces agriculteurs,
46:46 on en a moins, ils vivent mieux, avec plus de confort ?
46:49 -C'est pas ce qu'ils disent. -C'est qu'il y a un problème.
46:52 Ensuite, la question du problème,
46:54 ce que peut faire le scientifique, c'est dire quoi ?
46:57 Si on fait ça, si on fait ça, on va dans le mur.
47:00 On sait que telle solution n'est pas tenable
47:02 dans un climat qui change ou dans une biodiversité qui s'effondre.
47:06 Ensuite, il y a des priorisations.
47:08 C'est bien là tout l'enjeu de la politisation.
47:11 Ce que vous dites est très juste.
47:13 On est dans des sujets qui ne sont pas inscrits,
47:16 et je ne le dis pas contre des hommes politiques,
47:18 mais qui ne sont pas inscrits à l'agenda.
47:21 Quand on discute d'économie, d'école,
47:23 en France, vous avez 67 millions de spécialistes de la pédagogie.
47:27 On est tous enseignants. Tout le monde sait
47:29 comment il faut éduquer les gamins.
47:31 Par contre, sur le climat, c'est trop compliqué.
47:34 On voit les plateaux télé remplis de gens sur Luc Red,
47:37 mais quand il s'agit de parler de climat,
47:39 on dit que c'est compliqué.
47:41 Le téléspectateur s'en rend pas compte.
47:43 Mais ça fait partie de la même donne
47:45 que le vieillissement de la population.
47:47 -Oui, madame, je voudrais avoir votre sentiment politique,
47:51 Sandrine Rousseau.
47:52 Qu'est-ce que vous pensez d'un certain déclassement de la France ?
47:56 Je pèse mes mots sur la production agricole,
48:01 sur l'énergie,
48:03 où on était quand même en meilleure santé
48:06 il y a deux ou trois décennies.
48:07 En termes économiques, et je sais que l'économie vous parle.
48:11 -Oui, puisque je suis enseignante-chercheuse
48:13 en économie, avant d'avoir un mandat.
48:17 Mais poser la question en ces termes,
48:20 c'est poser la question dans les termes du monde d'avant.
48:23 On fait toujours plus, plus, plus,
48:25 et c'est Kenneth Boulding,
48:27 on n'est pas sûr que ce soit lui qui l'ait dit,
48:29 qui dit qu'il y a une croissance infinie
48:32 et pour croire qu'elle est possible,
48:34 il faut être soit fou, soit économiste.
48:36 Et bien, voilà.
48:37 -Mais vous vous apprêtez à gouverner,
48:39 il y a le réel qui est là.
48:41 -Non, mais le réel, ça n'est pas de faire...
48:43 d'être dans une forme de classement
48:47 par rapport aux Pays-Bas ou à l'Allemagne.
48:49 Le réel, c'est de se dire comment on assure
48:52 l'autonomie alimentaire de la France
48:55 et comment on le fait avec des méthodes agricoles
48:59 qui permettent et de préserver l'eau et les vers de terre,
49:03 parce que, par exemple, la quantité de vers de terre
49:06 dans nos sols s'est effondrée et c'est dramatique.
49:09 -Il faut autoriser les glyphosates.
49:11 -Non, on ne va pas les autoriser.
49:13 C'est comme ça qu'on doit poser la question.
49:16 Et justement, cette manière de poser la question,
49:19 de dire qu'on est en train de perdre du champ
49:22 vis-à-vis de machin...
49:24 -C'est une réalité économique.
49:25 -Mais non. -Comment non ?
49:28 -Ca n'est pas le sujet principal.
49:30 Le sujet principal, c'est comment on construit une France
49:33 qui est résiliente face au réchauffement climatique
49:36 et à la perte de biodiversité.
49:38 Pour cela, il ne faut pas poser la question
49:40 de savoir si on est en rang 1, 2 ou 3.
49:42 Il faut se dire de quoi on a besoin en termes d'alimentation
49:46 et comment on s'assure.
49:47 -On a eu deux années de Covid, la guerre d'Ukraine,
49:50 on a vu les difficultés qu'on a eues sur le plan énergétique,
49:54 auparavant, avec beaucoup de biens qui manquaient.
49:57 Il faut se préoccuper de l'industrialisation.
50:01 -Sur la guerre d'Ukraine,
50:03 c'est un peu connexe, mais pour moi,
50:05 un des sujets, c'est qu'on n'a pas été capables
50:08 de se priver de gaz russe en un temps très court,
50:11 de sorte qu'on n'a pas réussi à mettre la pression
50:15 sur la Russie de manière suffisante
50:18 et qu'on est dans la situation...
50:20 -Ca veut dire quoi ?
50:21 -C'est pour ça. En coupant les vannes du gaz
50:24 et en en achetant plus.
50:25 Il y a vraiment quelque chose de l'ordre,
50:27 d'un modèle de résilience à penser,
50:30 et on n'est pas là-dedans,
50:31 car on est dans un modèle de croissance.
50:34 -On va conclure, et je voudrais conclure
50:36 en vous posant une question politique,
50:39 j'allais dire, à chacun de vous,
50:41 parce que dans le différent
50:45 entre la France et l'Allemagne,
50:47 on parle d'autonomie stratégique, de souveraineté stratégique,
50:51 et si on applique cette souveraineté stratégique
50:54 à l'énergie, à l'alimentation,
50:57 le président de la République parle,
50:59 dit qu'on va reconquérir notre souveraineté stratégique
51:03 sur le plan alimentaire, sur le plan énergétique.
51:06 Alors, brièvement, chacun, avec quelques secondes,
51:09 vous y croyez, Jean Jouzel ?
51:11 Et à quelle échelle de temps
51:14 est-ce qu'on a les investissements nécessaires
51:17 pour les technologies idoines et permettre
51:20 cette souveraineté alimentaire, énergétique ?
51:23 -Souveraineté énergétique, on en a parlé.
51:26 Je crois que la souveraineté alimentaire,
51:28 on peut quand même la garder avec le système français.
51:31 Il faut aussi, dans les deux cas,
51:33 je crois, aussi bien en termes de gaspillage alimentaire
51:36 que de sobriété énergétique,
51:38 le mot "sobriété" est aussi un peu essentiel.
51:41 C'est cela, mon sentiment.
51:43 Il faut peut-être que nous fassions
51:45 un peu plus attention à notre comportement
51:47 par rapport à l'alimentation, à l'utilisation d'énergie.
51:51 Maintenant, je pense que...
51:53 Il faut absolument que...
51:56 Je le redis, la loi est là,
51:58 mais il faudrait que nous prenions de véritables mesures
52:01 pour tenir les engagements.
52:03 Je crois franchement que diviser par deux
52:06 nos émissions de gaz à effet de serre
52:08 par rapport à 90 en 2030, c'est maintenant.
52:10 Il faut y aller deux fois plus vite.
52:12 C'est aujourd'hui qu'il faut agir.
52:14 C'est ça, le message.
52:16 Ce n'est pas ce qu'on va faire dans 20 ou 30 ans.
52:19 C'est important, les investissements à long terme.
52:22 Il faut agir en 2030 pour tenir les engagements,
52:24 diviser par deux nos émissions par rapport à 2030.
52:27 Bien sûr, la souveraineté alimentaire
52:29 est importante également.
52:31 Je fais souvent des conférences dans le monde agricole.
52:34 Il y a besoin d'adaptation de l'agriculture
52:37 aux conditions du réchauffement climatique,
52:39 à l'accès en l'eau. -Emmanuelle Gallichet ?
52:42 -La transition énergétique,
52:44 elle est absolument incontournable, évidemment,
52:47 mais elle va demander aussi une transition sur les...
52:50 Elle va avoir des problématiques géopolitiques
52:53 sur les matières premières.
52:54 On n'en a pas beaucoup parlé.
52:56 Ca va être dramatique si, encore une fois,
52:59 la France, on n'a pas une stratégie
53:01 pour être à des endroits clés absolument incontournables.
53:05 La Chine l'a compris.
53:06 Elle a toutes les matières premières,
53:08 tous les processus de transformation
53:11 de l'industrie. -Donc on vous a compris,
53:13 pas de souveraineté sans... -Sans une stratégie
53:16 sur les matières premières.
53:19 -Alors, Magali Regezazit, sur ce point,
53:21 et pour conclure. -Tout à fait d'accord.
53:23 Cette transition, c'est une des clés de la souveraineté.
53:26 Si nous ratons la transition,
53:28 nous perdrons au niveau mondial et de la crédibilité,
53:31 et surtout, cette capacité à encore décider
53:33 pour l'alimentation, pour l'eau,
53:35 pour toutes les ressources dont on va avoir besoin.
53:38 -Donc, Jean Decoeur va se... -Oui, je suis d'accord
53:41 avec ce qui a été dit, si ce n'est que,
53:43 quand on regarde la balance des paiements agricoles,
53:47 on se rend compte qu'elles ne seraient déficitaires
53:49 s'il n'y avait pas le vin, l'alcool, et voilà.
53:53 Et donc, on a une baisse de la production agricole
53:56 qui se traduit par une importation en France
53:59 du fait d'un certain nombre de règlements discutables,
54:02 et c'est ça, ma critique de l'écologie politique,
54:05 et non pas de l'écologie, c'est que l'écologie politique,
54:08 elle a agi contre l'écologie, et elle a agi contre l'écologie
54:11 en se battant contre le nucléaire,
54:13 elle a agi contre l'agriculture en interdisant
54:16 les OGM. Si on s'intéresse aux verres de terre,
54:19 il faut autoriser le glyphosate,
54:21 parce que ça permet de faire des cultures sans sol,
54:24 on peut continuer, donc il ne faut pas...
54:26 -Merci, on vous a écouté.
54:28 Alors, Sandrine Rousseau,
54:30 vous êtes pour une souveraineté alimentaire,
54:32 souveraineté énergétique, vous y croyez ?
54:35 -C'est aussi pour vous mettre dans un musée,
54:37 parce que je pense qu'il y a quand même quelque chose
54:40 de la pureté dans votre raisonnement.
54:43 Mais oui...
54:44 -Vous voulez le muséifier ?
54:46 -Oui, je pense que... -Comme en âge de bossier.
54:48 -Dans l'archétype des Trente Glorieuses.
54:51 Mais là, il y a vraiment...
54:52 L'enjeu, c'est de la souveraineté, la résilience.
54:55 Il nous faut diminuer nos émissions de carbone,
54:58 préserver notre biodiversité,
55:00 il nous faut aussi commencer à nous adapter,
55:03 et je pense qu'aujourd'hui, ça fait partie
55:05 des politiques qui nous manquent.
55:07 Et donc, plus que de souveraineté,
55:09 je crois que nous avons énormément besoin de résilience
55:12 et de politique publique de résilience.
55:15 -On arrive à la fin de cette émission.
55:17 Je voudrais vous présenter une brève bibliographie.
55:21 Alors, Jean Jouzel,
55:23 vous avez publié "Climat itinéraire d'un pionnier",
55:28 édition Ouest-France,
55:30 un entretien avec Paul Goupil.
55:33 Vous vous considérez toujours comme un pionnier ?
55:36 -Oui, je sais pas.
55:37 Oui, c'est vrai que j'ai une certaine antériorité.
55:40 Je travaille sur ces domaines depuis plus de 50 ans,
55:43 et je sais pas si on les a fait avancer suffisamment rapidement.
55:47 -Alors, Magali Regeza Zid,
55:48 vous avez écrit avec Stéphanie Becher
55:51 "La géographie, pourquoi, comment ?"
55:53 Vous n'avez pas le sentiment qu'on parle beaucoup de géographie ?
55:57 Avant, on parlait beaucoup d'histoire,
55:59 et maintenant, la géographie est venue rééquilibrer le terrain ?
56:03 -J'espère. On y travaille.
56:04 -C'est une belle discipline. -C'est une belle discipline,
56:08 mais je pense qu'on a aussi besoin d'histoire,
56:10 et je pense que c'est aussi dans l'histoire.
56:13 C'est très dur d'expliquer qu'on ne connaîtra plus le climat
56:16 que nos enfants, enfin, nos parents, que nous-mêmes,
56:19 on a connus petits.
56:20 -Cendrine Rousseau, vous avez publié,
56:23 mais il y a déjà un moment,
56:25 avec Adélaïde Bond, "Par-delà l'androcène".
56:27 Vous croyez vraiment qu'il y a quelque chose
56:30 au-delà de l'androcène ? -J'espère bien, oui.
56:33 -Et vous imitez quoi ?
56:35 Des petits hommes verts ? -Non, j'imite une société
56:38 de coopération, d'égalité, de résilience et de sobriété.
56:41 Je pense que, précisément, ce sera une société
56:44 bien plus heureuse que de courir après une chimère.
56:47 -Jean De Kervasdoué, vous avez publié,
56:49 avec Henri Vauron, pour en finir, avec les histoires d'eau.
56:53 Je sais que, récemment, vous avez publié
56:55 un ouvrage sur la santé,
56:57 mais ces histoires d'eau, ça vous titille toujours ?
57:01 -Oui, et après, j'ai écrit "Les écolos nous mentent".
57:04 Donc, quand on s'intéresse...
57:06 -Un petit truc obsessionnel. -Non, mais oui,
57:09 c'est pas obsessionnel, mais c'est ancien.
57:11 Et c'est ma passion pour l'écologie
57:15 qui me conduit à critiquer l'écologie politique.
57:18 -Merci, Jean. Merci, mesdames et messieurs,
57:20 d'avoir participé à cette émission.
57:22 Merci à l'équipe de LCP.
57:26 Et avant de nous quitter, je vous soumets cette pensée.
57:30 L'homme énergique et qui réussit,
57:33 c'est celui qui parvient à transformer en réalité
57:37 les fantaisies du désir.
57:39 C'est qui, d'après vous ? -Aucune idée.
57:42 -J'ai choisi exprès un auteur
57:45 pour mettre en perspective ce débat.
57:48 C'est de Sigmund Freud.
57:50 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
57:53 ♪ ♪ ♪

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