À une semaine du départ du Tour de France 2023, prévu à Bilbao au Pays Basque espagnol le 1er juillet, le patron de la mythique course cycliste, Christian Prudhomme, a partagé quelques-uns de ses meilleurs souvenirs sur France Bleu.
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00:00 Quel est votre premier moment de la journée en tant que patron du Tour de France ?
00:08 C'est d'écouter les France Bleu et d'écouter France Info.
00:13 Et ce n'est pas simplement pour vous faire plaisir.
00:16 Et puis c'est de regarder évidemment sur les applications tout ce qui se passe.
00:19 Ensuite c'est de se rendre au lieu du départ.
00:22 Nous ne sommes pas forcément toujours juste à côté.
00:25 Et d'être au plus tard sur place à l'ouverture du village, c'est-à-dire trois heures avant le début de la course.
00:31 Quel est votre dernier moment de la journée en tant que patron du Tour ?
00:35 C'est de dire au revoir aux élus à l'issue du dîner.
00:38 21 étapes du Tour de France, 20 dîners officiels.
00:42 J'ai un bon coup de fourchette.
00:44 Et parfois on me dit "mais qu'est-ce qu'il faut pour être directeur du Tour ?"
00:46 Je réponds en blaguant à peine "il faut un excellent foie".
00:50 Parce que le Tour de France c'est aussi du partage et de la convivialité.
00:53 Les élus que nous rencontrons et qui nous accueillent,
00:55 puisque le terrain d'expression des champions et des championnes c'est la route qui ne nous appartient pas,
00:59 et bien ils se tissent aussi grâce aux liens que nous avons.
01:03 La table c'est du partage.
01:05 Vous savez, les premières années lorsque j'étais adjoint de Jean-Marie Leblanc,
01:08 je n'étais pas à l'aise avec ces dîners.
01:10 Ça n'était pas mon monde, je ne connaissais pas.
01:12 Mais un repas, quand on ne connaît pas les gens,
01:15 il n'y a pas meilleur moyen de partage que quand on a simplement deux ou trois heures.
01:19 Quel est votre moment préféré de la journée en tant que patron du Tour ?
01:22 C'est quand un champion attaque et qu'il se détache.
01:27 C'est l'aspect sportif. Je suis directeur du Tour de France,
01:30 mais je reste évidemment un amoureux, un passionné du Tour.
01:34 J'ai eu envie d'être journaliste grâce au Tour de France,
01:39 grâce à France Inter, onde moyenne.
01:42 Les 100 derniers kilomètres étaient retransmis à l'époque,
01:44 avec Jean-Paul Brouchon, avec Émile Toulouse,
01:47 avec Pierre Selvièque parfois, qui a ensuite été l'un de mes patrons à France Télévisions.
01:51 La radio, c'est le média du rêve.
01:55 C'est ça qui vous donne envie.
01:57 J'ai eu envie et j'ai rêvé d'être journaliste.
01:59 J'ai rêvé de commenter le Tour de France.
02:00 J'ai eu la chance de le faire à la radio puis à la télévision.
02:02 Je n'ai jamais rêvé d'être directeur du Tour de France.
02:05 Mais j'avoue que depuis 16 ans, puisque c'était mon 17e Tour,
02:09 je m'en satisfais. C'est une chance immense, un privilège exceptionnel.
02:15 J'ai une chance formidable.
02:17 Les patrons du sport des entreprises de presse où j'ai travaillé,
02:24 Pierre Congenier à la 5, Patrick Chêne à France Télévisions,
02:27 Charles Biettrich à France Télévisions, ont permis à ma vie d'être plus belle.
02:30 - Quel est donc votre moment le plus marquant,
02:33 le moment qui vous a le plus marqué dans votre carrière de patron du Tour ?
02:37 - C'était une ligne de départ du Tour à Meugev, je crois.
02:41 Il y avait un petit gamin qui était là avec ses parents.
02:44 Il était derrière les barrières, exactement sur la ligne de départ.
02:47 Il avait des yeux extraordinaires, il avait envie cet enfant-là.
02:50 Je demande aux gens qui étaient là, je leur dis "c'est votre fils ?"
02:53 "Oui, comment tu t'appelles ?" "Nathan."
02:55 "Est-ce qu'on peut le faire passer de l'autre côté des barrières ?"
02:58 Je l'ai fait monter dans la voiture rouge, la fameuse voiture rouge à toit ouvrant avec le gyrophare.
03:02 Je l'ai installé à mes côtés.
03:04 Je lui ai dit "là où tu es, c'est là où le président de la République s'installe."
03:07 Puisque ces dernières années sur le Tour de France,
03:09 qu'il s'agisse de Nicolas Sarkozy, de François Hollande ou même de Macron,
03:12 le président de la République vient régulièrement.
03:14 Je lui ai montré comment on ouvrait le toit ouvrant,
03:17 comment fonctionnait le gyrophare, le klaxon spécifique du Tour de France.
03:23 Et il avait un sourire extraordinaire.
03:27 Je ne l'ai jamais revu, mais je n'oublierai jamais son sourire.
03:30 Et je crois que lui, le petit Nathan, peut-être qu'il va nous entendre.
03:33 En tout cas, si ses parents entendent, je serai absolument ravi d'avoir de leur nouvelle.
03:36 Est-ce que vous pouvez nous dire le moment sportif
03:39 qui vous a le plus marqué sur la route du Tour en tant que patron, dans la voiture ?
03:43 L'un des moments les plus forts pour moi,
03:46 ça a été l'arrivée unique au Col du Galibier en 2011.
03:51 D'une part parce que le vainqueur d'étape Andi Schleck
03:56 avait triomphé après une très longue échappée,
03:59 qu'il y avait dans la vallée un vent défavorable
04:01 et que tout le monde pensait qu'il n'irait pas au bout.
04:03 Ensuite parce que Thomas Vauclair, ce jour-là,
04:05 a sauvé son maillot jaune pour 15 secondes.
04:07 Après parce que Cadet Leivens, l'Australien,
04:10 a pris les choses en main, ce qui lui a permis de réduire Éric Hervé Schleck
04:14 et donc finalement de gagner le Tour de France.
04:16 Mais aussi parce que c'était la première fois
04:19 que nous avions trois zones techniques à l'arrivée.
04:21 C'est-à-dire que cette arrivée-là n'était possible que si tous les gens
04:25 dont on ne parle jamais, tous les gens qui sont derrière,
04:28 dans la logistique, les techniciens,
04:31 si ces gens-là n'avaient pas tout donné,
04:33 nous n'aurions pas pu faire cette arrivée-là.
04:35 Et quand l'étape est belle,
04:37 quand un Thomas Vauclair aimé par les gens garde son maillot jaune,
04:41 quand un Cadet Leivens prend les choses en main,
04:43 ça rejaillit sur tous ces gens de l'ombre
04:46 à qui on dit "tu étais sur le Tour, si le Tour est bien ou pas bien,
04:49 on leur dit "ah ben c'était bien le Tour ou c'était pas bien".
04:52 Et là il y avait une vraie fierté.
04:54 Et pour moi c'était une vraie récompense
04:56 donnée par les champions à tous ces gens dont on ne parle jamais
04:59 mais sans lesquels il n'y a pas de Tour de France.
05:02 Ça n'est pas possible de faire le Tour de France
05:04 si derrière il n'y a pas des gens qui donnent,
05:06 on ne parle pas d'eux.
05:07 Moi quand j'étais journaliste je ne m'intéressais qu'aux champions.
05:10 Mais j'ai bien vite compris dans l'organisation
05:12 que si on ne fait pas attention à la technique, à la logistique,
05:15 il n'y a rien.
05:16 C'est vrai aussi d'ailleurs à la radio.
05:18 Donc merci à vous pour les questions que vous m'avez posées
05:21 et merci aux gens qui sont derrière,
05:23 à ceux qui m'ont aidé quand j'étais autrefois journaliste à la radio
05:26 parce que vous le savez comme moi,
05:28 des gens dont on ne parle jamais,
05:30 sauvé plus d'un coup.