Tour de France : L'interview intégrale de Christian Prudhomme la veille du départ du Tour

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A la veille du départ du Tour de France 2023 à Bilbao, le patron de la Grande Boucle, Christian Prudhomme, était l'invité de "L'intégrale Tour" ce vendredi soir sur RMC. Le Covid, la sécurité dans les descentes et sur les routes avec les tensions actuelles en France, Prudhomme s'est expliqué sur tous les dossiers du moment.

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00:00 - Est-ce que tu prends toujours autant de plaisir ?
00:02 Parce qu'on dit voilà avec les années qui passent
00:04 ça devient l'habitude mais ce genre de truc on peut pas prendre l'habitude du Tour de France c'est pas un train-train.
00:11 - Non, non pas précisément.
00:15 C'est ce que oui, bien sûr qu'il y a toujours énormément de plaisir. Pourquoi ? Parce que je suis toujours le petit gamin amoureux du vélo.
00:22 Je suis directeur du Tour de France mais les champions me font toujours rêver, le Tour me fait toujours rêver bien évidemment.
00:28 Comme à la première heure. Comme j'ai vu Yann Janssen en 1968 à 7 ans en noir et blanc à l'arrivée du Tour.
00:35 Il venait de gagner et s'emporter le maillot.
00:38 - On se prépare Christian, bonjour c'est Arnaud Souk, on se prépare Christian un petit peu comme les coureurs, on fait un régime particulier.
00:44 Un régime, je veux dire, général de vie quoi.
00:47 - Il fait un jeûne de un ou deux mois Christian, il arrive affûté comme jamais au départ du Tour.
00:53 - Alors n'exagérons rien, en revanche oui en effet un
00:56 mois, deux mois avant le Tour, un mois après également, 15 décembre, 15 janvier, je ne bois pas du tout d'alcool.
01:02 Voilà ça c'est sûr. Parce que pendant le Tour de France le défi c'est pour les coureurs
01:07 mais nous disons qu'il faut avoir de l'estomac aussi le soir.
01:10 - Oui parce que certains soirs c'est deux, trois dîners où il faut picorer à droite à gauche,
01:16 serrer des mains, boire des coups, c'est une vraie vie compliquée celle de patron de Tour de France.
01:22 - En tout cas c'est une deuxième journée qui commence après l'arrivée de l'État parce que
01:28 le Tour, les courses cyclistes en général ne peuvent aller que là où les élus souhaitent qu'elles aillent.
01:33 C'est vrai aussi pour le Tour de France donc bien évidemment que les liens qui sont ici avec les gens ils sont essentiels.
01:38 - Alors justement les
01:41 hommes politiques basques
01:43 te bassinent depuis des années pour que le Tour
01:48 prenne son envol du Pays Basque, ça avait déjà été le cas en 1992 mais tu n'étais pas encore à la tête du Tour.
01:53 Ça fait combien de temps qu'ils te harcèlent
01:56 quasiment quotidiennement pour que le Tour prenne le départ de Bilbao ?
02:00 - Alors je ne dirais pas qu'ils nous harcèlent mais en revanche
02:05 depuis 1992, date du premier départ en Espagne et c'était déjà au Pays Basque, ils ont écrit tous les ans
02:12 le gouvernement basque, la ville de Bilbao, la province de Biscay avec des noms qui changeaient au fur et à mesure des élections bien sûr
02:19 mais avec toujours les trois mêmes entités.
02:21 Pays Basque c'est une terre de cyclistes, de champions cyclistes.
02:25 Les spectateurs, les fans connaissent les champions donc il y a
02:30 il y avait une volonté, il y a une fierté très très forte
02:34 d'accueillir le Tour de France sans aucun doute qu'on avait ressenti lors des 100 jours il y a trois mois, qu'on voit régulièrement
02:41 le Tour du Pays Basque, la Classica San Sébastien et on empruntera une partie des parcours de ces deux épreuves.
02:46 Ce sont toujours des moments où on voit d'énormes full basques et là pour demain et après demain
02:54 120 000 drapeaux basques vont être distribués, ça veut dire que dans toutes les côtes et dans toutes les colles
02:59 il y aura un monde fou avec des gens enthousiastes qui vont encourager évidemment tous les coureurs, évidemment les favoris du Tour de France, Jonas
03:05 Vingegaard et Taddaï Pogacar mais aussi les sept coureurs basques qui sont au départ du Tour.
03:10 Imaginez une seule région avec sept coureurs de la région au départ du Tour qui partent de chez eux.
03:15 Alors c'est vrai qu'hier la cérémonie de présentation a été un petit peu moins festive que celle de l'an dernier, la météo n'a pas été de votre côté.
03:21 Un peu humide.
03:23 Oui, un peu humide évidemment.
03:24 Mais tu n'as pas d'inquiétude pour ce week-end, ce sera la folie, il y aura du monde partout sur les routes des colles basques.
03:29 Sans le moindre doute.
03:33 Ce départ de Tour dont Thierry Gouvenou qui est l'un de tes adjoints dit qu'il n'a jamais été aussi dur dans l'histoire du Tour.
03:40 C'est du marketing ou c'est une véritable réalité ?
03:43 La volonté n'était absolument pas de durcir. En revanche quand vous êtes au Pays Basque, si vous voulez montrer le meilleur du Pays Basque,
03:50 l'enthousiasme, la ferveur dont on parlait à l'instant, la beauté du décor, du cadre, le littoral et les collines,
03:56 vous montrez aussi les pentes très raides, c'est une des spécificités du Pays Basque.
04:03 Quand on était l'an passé au Danemark, on avait essayé de jouer avec le vent.
04:06 Le vent a tourné deux heures avant le passage des coureurs, là les pentes raides, on sait que quoi qu'il en soit, elles vont exister.
04:11 Donc il n'y avait pas la volonté, ce sera le plus
04:14 grand dénivelé positif d'une première étape du Tour, mais il n'y a pas la volonté de battre des records.
04:19 Simplement c'est en construisant un parcours qui correspond au Pays Basque que ces 3600 mètres sont arrivés.
04:24 Le final sera assurément spectaculaire puisque les côtes de Viverot puis de Piquet
04:29 sont très raides, toutes proches de l'arrivée et là il y aura une bagarre. La côte de Piquet, la dernière,
04:35 à un moment c'est quasiment le mur de huit.
04:37 Donc là il y aura que les grands, les meilleurs punchers, les favoris du classement général qui seront devant, c'est certain.
04:43 - Christian, depuis quelques semaines, depuis le décès de Gino Madère dans le Tour de Suisse, il y a quand même beaucoup d'inquiétudes
04:49 concernant les descentes, notamment
04:52 jugées dangereuses.
04:54 Je sais que vous en avez pris conscience depuis très longtemps chez ASO et que l'UCI également. Est-ce que des mesures vont être prises
05:00 justement pour essayer de limiter au maximum les risques pris par les coureurs dans les descentes de colle ?
05:06 L'UCI, je sais, s'est emparé du sujet, mais qu'est-ce que vous pouvez faire en si peu de temps pour essayer d'aplanir les risques ?
05:15 - Non mais il y a le travail immédiat, puis il y a le travail
05:22 j'ai envie de dire sur la durée pour que les choses soient plus sûres.
05:27 Un, il y a le travail évidemment sur les parcours.
05:29 Deux, il y a le comportement des coureurs. Les champions d'aujourd'hui ont-ils autant le même respect que les champions d'autrefois ?
05:35 Les uns envers les autres. Et puis trois, il y a le matériel. C'est une évidence.
05:38 Le matériel, son évolution et la manière dont il est utilisé. Donc il faut travailler là-dessus.
05:42 Après, tous les ans, il y a des choses de sécurité en plus qui sont mises sur les routes du Tour de France.
05:47 Il y a quelques années, c'était les bornes
05:49 sonores et lumineuses dans les vingt derniers kilomètres de l'étape, en général parfois il y en a avant,
05:55 au moment où le peloton ne laisse plus passer les gardes républicains qui assurent la sécurité.
05:59 C'est-à-dire que le peloton ne laisse plus passer les gens qui, parce qu'ils sont nerveux, parce qu'ils veulent gagner,
06:03 les motards qui sont là pour eux, pour les protéger. Donc on a mis en place ces bornes.
06:07 Ça s'est d'abord fait en Norvège, ensuite on l'a fait nous, donc elles sont là. Elles seront doublées cette année pour la première fois.
06:14 Test fait au dernier Crétium du Dauphiné. Deux sortes de chevrons
06:19 jaunes et noirs qui se voient de loin. Ça se sera en plus. Et puis spécifiquement,
06:24 grâce à Thierry Gouvenoud et à nos équipes d'anciens coureurs, je précise bien évidemment pour tous les auditeurs de l'RMC que Thierry Gouvenoud,
06:31 le patron des compétitions d'ASO, a couru cette Tour de France, qu'il est entouré de
06:34 sept autres coureurs, que tous nos parcours sont validés par d'anciens coureurs du Tour de France qui non seulement
06:39 ont été champions, mais qui ont aussi l'expérience de l'organisation. Donc il y aura spécifiquement dans cette descente, courte descente du Col de la Lose,
06:47 des tapis, mais parce qu'on est à Courchevel, où ont eu lieu les derniers championnats du monde de ski, Courchevel-Mérivelle,
06:52 un très long tapis, les matelas qu'on voit dans les descentes par exemple, de 30 mètres de large, au cas où un coureur
06:58 dévalerait la pente. Voilà. Tout ça, ce sont des améliorations permanentes. Maintenant, je le répète,
07:03 il y a pour partie le parcours, il y a pour partie le comportement des coureurs, et il y a pour partie les évolutions
07:08 de matériel, sachant que l'augmentation des vitesses moyennes
07:12 des épreuves, elle est d'abord due à l'évolution des matériels.
07:17 Et plus vous allez vite, il n'y a pas besoin d'avoir été ancien champion, plus vous allez vite, plus c'est dangereux.
07:21 Christian Prudhomme, le patron du Tour de France avec nous encore quelques instants. Christian, depuis 2020,
07:25 le Tour n'a pas été épargné, comme le reste de la société, par le Covid, une société qui semble avoir
07:30 mis de côté ce virus, sauf sur le Tour finalement, où les masques sont de retour, sont de nouveau de sortie.
07:37 Est-ce que le cyclisme n'est pas un peu parano avec le Covid ?
07:40 Non, parce qu'il y a deux choses. D'abord, il n'y a plus aucun protocole.
07:45 Parfois j'entends dire il y a toujours un protocole. Non, il n'y a plus de protocole.
07:47 Il n'y a pas de contraintes imposées légitimement par les autorités, il n'y a pas de règles de l'Union cycliste internationale. En revanche,
07:53 il y a eu une demande des coureurs et des équipes pour dire
07:57 "Vous devez nous protéger, c'est juste du bon sens, on n'a pas envie de vivre sur le Tour ce que le Tour d'Italie a vécu
08:03 il y a quelques semaines seulement, avec de nombreux coureurs qui doivent partir et avec le maillot
08:08 de leader qui s'en va, on a envie de garder le maillot jaune."
08:12 Donc voilà, ça s'adresse uniquement à la toute petite population des gens accrédités,
08:17 des journalistes bien évidemment, des gens qui sont derrière le podium.
08:20 Moi j'aime bien serrer la main aux gens, je ne serrerai pas la main aux coureurs.
08:24 D'ailleurs certains coureurs sont venus vers moi avec la main tendue
08:27 hier à la présentation, j'ai reculé en disant "je peux pas vous la serrer".
08:32 Oui, oui, oui, j'ai serré la main de Taï Po Gatcher pour la toute première fois sur les Champs-Élysées dernières à l'arrivée du Tour.
08:39 Il a déjà gagné deux tours et fait deuxième.
08:41 Simplement voilà, il faut faire attention à ça, donc on met les masques, on se rend compte à nouveau, on l'avait oublié,
08:47 qu'il fait chaud sous le masque, ça c'est sûr, mais c'est un élément de protection nécessaire
08:51 à la demande des coureurs et à la demande des équipes.
08:54 - Et on rappelle que tu avais été victime toi-même du Covid et que tu avais dû quitter la course durant quelques jours il y a deux ans.
09:00 Christian, dernière question, je sais que tu as un agenda de ministre, de président de la République de Juillet, c'est comme ça qu'on t'appelle.
09:05 Un dernier mot concernant la situation en ce moment
09:08 en France avec ces scènes d'émeutes dans la plupart des grandes villes, est-ce que tu es inquiet par rapport à ça au moment où
09:15 le Tour va rentrer en France, c'est-à-dire à partir de lundi, même si on va éviter les grandes villes, mais enfin on va quand même aller à
09:21 Bordeaux, à Clermont-Ferrand, est-ce que
09:23 tu es en rapport, j'imagine que oui, avec les préfets et quelles sont les mesures qui vont être prises, parce que j'ai entendu tout à l'heure
09:29 que certaines épreuves sportives allaient être annulées en France, de manière à ce que les forces de police puissent
09:36 justement être réservées aux scènes d'émeutes. Est-ce que tu as des inquiétudes concernant ce sujet ?
09:41 - Nous sommes en contact, comme chaque année sur le Tour, en permanence avec les services de l'État et les autorités,
09:48 et on suit naturellement avec attention l'évolution de la situation, je peux pas en dire plus.
09:52 - D'accord, donc pour l'instant il y a inquiétude, mais on attend de voir ce qui se passera un peu plus tard.
09:58 - Oui, enfin je suis en train de voir là passer la caravane du Tour avec Astérix et Obélix, donc
10:05 ça va peut-être nous donner des forces pour que tout aille mieux.
10:07 - Très bien, merci beaucoup Christian, merci pour ce petit passage dans l'intégral Tour.
10:13 - Christophe, Cyril,
10:14 les anciens de la 5, vous êtes magnifiques.
10:17 Je vous souhaite un excellent Tour à vous aussi.
10:19 - Merci Christian, à très bientôt.
10:21 Christian Fruidhomme, patron du Tour de France, et ancien de la 5, comme Cyril Guimard et comme moi-même.
10:27 Voilà donc pour l'interview du patron, vous l'avez entendu, il n'y a pas d'inquiétude, mais enfin quand même, le fait de ne pas vouloir
10:34 trop en parler, c'est qu'ils ne sont pas
10:36 complètement sereins non plus.
10:38 - Non mais c'est sûr que de toute manière, dans la mesure où des manifestations sportives vont être annulées, on a entendu également qu'il y avait
10:42 des manifestations culturelles de type concert qui allaient également être annulées à cause de ça.
10:46 C'est sûr que voilà, en tout cas c'est quelque chose qu'on va être obligé d'observer de près, y compris du côté des organisateurs du Tour de France.

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