SMART JOB - Tips du mercredi 28 juin 2023

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Mercredi 28 juin 2023, SMART JOB reçoit Xavier Pavie (philosophe et professeur, ESSEC)
Transcript
00:00 (Générique)
00:02 -BiSmart.
00:03 -Smart, philo, la tolérance, tout le monde en parle.
00:06 Tolérance et intolérance, on en parle et on décortique ce mot
00:10 avec Xavier Pavie. Bonjour. -Bonjour.
00:12 -Philosophe, professeur à l'ESSEC, directeur du Centre Imagination,
00:16 directeur du programme au Collège international de philosophie,
00:20 dont on annonce régulièrement sur ce plateau les conférences.
00:23 La tolérance, on en parle beaucoup, cette notion de tolérance.
00:27 Sur le plan philosophique, ça correspond à quoi ?
00:30 -La tolérance est souvent vue d'un point de vue positif
00:33 dans notre espace contemporain.
00:35 Il faut comprendre que "tolérer", en latin, ça veut dire "supporter".
00:39 Vous savez, c'est Atlas qui supporte le monde.
00:42 Le fameux Titan, il supporte.
00:44 Donc, il tolère.
00:45 -Au sens physique du terme. -Au sens physique du terme.
00:48 C'est à travers le mythe des Titans.
00:50 Ce n'est pas forcément une connotation si positive que ça.
00:54 C'est vraiment supporter quelque chose
00:56 que l'on ne voudrait peut-être pas voir advenir.
00:59 -Tolérance associée donc à non-violence.
01:03 Une sorte de pacifisme.
01:05 -Oui, vous avez des figures comme Gandhi,
01:07 des figures comme Jaurès, par exemple,
01:09 qui étaient des non-violents,
01:11 et on les considérait comme des personnes
01:13 qui étaient capables de tolérer l'intolérable.
01:16 Cette dimension-là est importante
01:18 parce qu'on définit parfois la tolérance
01:21 en fonction de l'intolérance.
01:23 Si vous vous énervez face à quelque chose
01:25 qui ne vous convient pas, on va vous dire "tuer intolérant".
01:28 Cette dimension-là, des Gandhi, des Jean Jaurès,
01:31 ont pris sur eux, n'ont pas été violents,
01:33 et donc ne sont pas qualifiés de personnes intolérantes.
01:37 Tolérance, intolérance, violence, non-violence sont liées.
01:40 -Vous avez des exemples concrets pour qu'on se raccroche
01:43 à des choses plus contemporaines ?
01:45 -Il suffit de traverser la rue.
01:47 Vous avez des travaux devant vous,
01:50 et vous allez vous dire "il y a encore des travaux dans Paris",
01:53 c'est très connu pour ça,
01:54 mais c'est pour le bien commun.
01:56 Les travaux sont nécessaires.
01:58 Un autre exemple.
01:59 Vous avez un ensemble de trottinettes, de vélib',
02:04 comme on peut voir dans Paris, sur les trottoirs,
02:07 sur les passages piétons, des morceaux de trottinettes.
02:10 Là, ce n'est plus la même chose,
02:12 parce que ce n'est pas pour le bien commun.
02:14 Donc, ça devient intolérable.
02:16 Je tolère, je supporte des travaux,
02:18 mais c'est intolérable.
02:20 Un dernier exemple.
02:21 Je ne sais plus s'il y a beaucoup de groupes de punk
02:24 dans Paris ou ailleurs, mais vous avez ça,
02:26 des punks à chiens qui peuvent être sur des bancs, par exemple.
02:30 Je ne tolère pas leur style vestimentaire.
02:32 Il n'empêche qu'il n'y a pas de problème,
02:34 puisqu'ils n'utilisent pas le bien commun.
02:37 Vous avez trois formes différentes.
02:39 À travers ces trois formes, il y a la notion de respect.
02:42 Je suis effectivement non respecté,
02:44 moi, en tant qu'individu, quand je veux marcher sur le trottoir,
02:48 bondé de trottinette ou de vélib,
02:50 je suis respecté par un groupe de punks
02:52 qui ne me fait rien,
02:54 et je tolère les travaux
02:55 qui peuvent être à l'encontre de ma circulation.
02:59 -C'est ça, et qui gênent ma circulation,
03:01 et aussi le regard.
03:03 Est-ce qu'on peut le transposer,
03:05 cette notion de tolérance ?
03:07 Est-ce qu'on peut tolérer l'entreprise dans laquelle on est ?
03:11 Est-ce qu'il y a ce rapport-là
03:12 entre le collaborateur et son entreprise ?
03:15 -C'est bien là le problème.
03:17 On est en train de tolérer, de mettre le mot "tolérer"
03:20 au sens positif du terme.
03:21 C'est quelque chose que l'on supporte.
03:24 Imaginez-vous demain être en train de tolérer
03:26 l'entreprise dans laquelle on est.
03:28 -Que l'on subit même parfois. -Oui.
03:30 Regardez, prenez un exemple.
03:32 On va dire qu'il faut désormais que notre travail ait du sens.
03:36 On parle de cette dimension,
03:37 il faut que le travail ait du sens.
03:40 Si il n'a pas de sens, ça veut dire que je le supporte.
03:43 Je dois tolérer le travail parce qu'il n'a pas de sens.
03:46 Ça peut être pour un chef.
03:47 Je dois tolérer mon manager,
03:49 mes clients qui sont désagréables avec moi.
03:52 Le problème, c'est que ça a ses limites.
03:55 -C'est l'acceptation, finalement, de cette notion.
03:58 C'est quoi ? Soit on tolère, selon votre définition,
04:01 soit on craque et on va vers le burn-out ou l'absentéisme.
04:04 C'est ça, c'est binaire.
04:07 -C'est toute la difficulté.
04:08 Je vais vous citer une phrase d'un des auteurs
04:11 sur la tolérance, John Locke.
04:13 "La tolérance, c'est l'acceptation de l'autre
04:16 "sans la différence, sans renoncer pour autant
04:18 "à ses propres convictions."
04:20 Imaginez-vous, toute la journée, vous êtes dans l'entreprise
04:24 dans laquelle vous allez tolérer votre chef,
04:26 l'entreprise, la stratégie, etc.
04:28 -Très pacifiste.
04:30 -Très pacifiste, mais évidemment que le problème,
04:33 c'est que vous n'allez pas avoir une problématique
04:35 de respecter l'entreprise ou l'autre.
04:38 Vous n'allez plus vous respecter vous-même
04:40 parce que vous allez à l'encontre de votre conviction.
04:44 Vous allez renoncer à vous-même,
04:46 vous n'allez plus vous respecter vous-même.
04:48 -On est un peu sur une ligne de crête,
04:50 parce que c'est quoi, l'issue de tout ça ?
04:53 On se lente ailleurs, on respire ?
04:55 -La question est de dire
04:57 "Est-ce que je suis capable de supporter ?"
04:59 Si j'ai des travaux, je devrais les supporter
05:02 pendant un, deux, trois, six mois.
05:04 Je n'ai pas le choix, et c'est pour le bien commun.
05:07 Je peux tolérer quelque chose de difficile
05:09 dans une entreprise si je comprends pourquoi je le tolère,
05:13 et si je ne comprends pas, il faut partir.
05:15 -Merci pour cet éclairage.
05:17 Dernière chronique de la saison.
05:19 Je voulais vous remercier, Xavier Pavie,
05:22 d'avoir été fidèle régulièrement à notre programme
05:25 et à Smartphilo.
05:26 Pour terminer, "Workforce Experience",
05:28 parce que vous parlez, mais vous écrivez beaucoup.
05:31 C'est l'un de vos livres,
05:33 "L'importance de la responsabilité dans les organisations".
05:36 Livre écrit à plusieurs mains.
05:38 "Votre métier aura du sens", avec une préface, cette fois-ci.
05:42 On voit ce livre.
05:43 "Mon métier aura du sens".
05:45 C'est un sujet qui vous tient très à coeur,
05:48 ce rapport au sens.
05:49 Merci, Xavier Pavie.
05:50 Dernière séance de l'année.
05:52 -C'est ce jeudi, 29 juin, au Collège international de philosophie,
05:56 où l'on va parler de la généalogie de l'innovation.
05:59 -Sa généalogie, parce que c'est des thématiques autour de l'innovation.
06:03 C'est un vrai thème philo.
06:05 Merci, Xavier Pavie. Bon vent, bonne vacances.
06:08 Prenez soin de vous.
06:10 On se retrouve dans les prochaines émissions.
06:12 Merci à vous. On fait une pause.
06:14 Le Cercle RH, c'est la transition écologique et les RH.
06:18 Comment se positionne-t-il ?
06:20 On va l'expertiser à travers une étude passionnante
06:23 réalisée par AXA Climate,
06:25 mais aussi par Page.
06:28 Vous allez découvrir qu'il y a encore un peu de travail à faire.
06:32 On le découvre avec mes invités.

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