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M. Christian CAMBON, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

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00:00 Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Madame la Ministre, mes chers collègues,
00:13 la défense, c'est la première raison d'être de l'État. Cette affirmation du général
00:19 de Gaulle résonne gravement à la lueur des événements survenus ces derniers jours en
00:23 Russie. En matière de géopolitique, en matière militaire, des bousculements soudains, violents
00:31 et imprévisibles se produisent chaque jour sous nos yeux. Et pourtant aujourd'hui, il
00:36 nous faut sortir de l'actualité pour nous projeter dans le temps long. C'est le difficile
00:41 exercice, tout à fait stimulant par ailleurs, auquel nous invite l'élaboration d'une loi
00:47 de programmation militaire. Une ELPM, ce sont précisément les moyens que, collectivement,
00:53 nous mettons à leur disposition pour permettre à nos soldats d'atteindre cet objectif.
00:58 Mais ce sont aussi des moyens pour prévenir nos militaires du danger auquel ils s'exposent
01:05 pour nous en protéger. Face au péril, nous rendons aujourd'hui hommage à leur courage,
01:12 à leur détermination et à leurs compétences qui n'ont jamais fait et qui ne feront jamais
01:17 défaut à la nation. A travers cette loi de programmation militaire, c'est aussi la
01:22 nation qui leur rend hommage et qui leur affirme leur soutien.
01:26 Nos débats revêtent donc une importance singulière et ce, d'autant plus qu'ils
01:31 interviennent dans un contexte de grand chamboulement. Bien sûr, nous ne pouvons placer nos travaux
01:39 sur ce texte fondamental sous le seul prisme de la guerre en Ukraine, car bien d'autres
01:44 paramètres, actuels ou en devenir, devront être pris en considération. Mais reconnaissons
01:50 tout de même que l'agression russe est un événement majeur qui a tout changé des
01:56 équilibres diplomatiques mondiaux à la donne stratégique sur notre continent.
02:01 C'est du reste précisément pour cela que le Président de la République a souhaité
02:06 interrompre la programmation actuelle deux ans avant son terme pour en proposer une nouvelle.
02:10 Monsieur le Ministre, il est important de rappeler ce contexte, car il permet de bien
02:15 comprendre la démarche de notre Commission. Le point de départ logique de toute LPM,
02:20 c'est l'analyse des menaces. Or, si nous sommes réunis aujourd'hui et pas en 2025
02:25 pour étudier ce projet de loi, c'est qu'hélas, les menaces se sont accrues.
02:30 Dès lors, nous nous attendions à une accélération de l'effort de remonter en puissance des
02:36 moyens de nos armées. Vous le savez, Monsieur le Ministre, ce sera là l'un des points
02:41 principaux de débat entre le gouvernement et le Sénat. Car en l'état, la trajectoire
02:47 que vous nous proposez ne marque de notre point de vue aucune différence avec celle
02:52 prévue par la LPM précédente. Ce n'est pas logique, car si les menaces sont avérées,
02:58 alors les besoins qui en découlent aussi le sont tout autant.
03:01 Notre Commission ne conteste pas l'effort louable du gouvernement et elle lui rend hommage.
03:08 Le gouvernement propose en effet une enveloppe de 413 milliards d'euros répartis sur 7
03:14 ans. Au total, si cette programmation va à son terme, nous aurons bien eu plus qu'un
03:21 doublement de notre effort de défense entre 2019 et 2030 ayant été rapporteur des deux
03:27 LPM. Je peux en témoigner ici et je souhaite que ce soit bien noté.
03:32 Mais notre Commission, après avoir salué cet effort, a aussi identifié plusieurs sujets
03:38 de préoccupation. Bien sûr, c'est d'abord la question de l'inflation. Vous avez évalué
03:43 son impact à 30 milliards d'euros, ce qui est considérable sur l'ensemble de la programmation.
03:47 Peut-être même est-ce une estimation assez optimiste. C'est aussi, c'est surtout la
03:53 question des ressources extra-budgétaires. Comme vous le savez, notre Commission s'est
03:59 toujours opposée, dans toutes les LPM précédentes, au recours à ce type de financement pour
04:05 boucler les besoins de programmation. Alors certes, une partie de ces recettes affectées
04:11 seront très probablement au rendez-vous. Leur affectation nous semble donc assez logique
04:15 et juste. Je pense par exemple aux ressources générées par l'activité du service de
04:20 santé des armées, les ventes des fréquences ou les ventes immobilières. En revanche,
04:26 une seconde catégorie nous paraît beaucoup plus incertaine, ces fameux 7 milliards que
04:31 le Haut Conseil des finances publiques a ici, publiquement qualifié de non documenté.
04:37 Tout le problème est donc là, Monsieur le Ministre. Contrairement à ce que vous nous
04:43 dites, le Sénat est une assemblée raisonnable et très attentive à l'équilibre des finances
04:48 publiques et nous n'entendons pas dépasser l'enveloppe des besoins de 413 milliards
04:53 d'euros. Alors peut-être avez-vous changé la méthodologie, mais nous restons sur notre
04:57 principe. Simplement, dans une volonté de clarté, la Commission a voulu sécuriser
05:02 les crédits qui ont été annoncés comme objectifs par le Président de la République
05:07 à Mont-de-Marsan, soit 413 milliards. Or, ces 413 milliards sécurisés, nous ne les
05:13 retrouvions pas dans votre texte. Naturellement, si dans le futur, des marges frictionnelles
05:19 interviennent, ces crédits ne seront pas dépensés. Concrètement, si vous avez commandé
05:30 un Airbus A400M et qu'il n'est pas livré, il ne sera pas payé et vous pourrez en tirer
05:36 les conséquences dans chaque loi de finances à venir. Dans les circonstances actuelles,
05:42 le but n'est pas de préparer la guerre en Ukraine dans laquelle nous ne sommes pas belligérants.
05:45 Le but, c'est de nous préparer au mieux aux menaces de demain. Alors, ne perdons pas
05:51 de temps. Grâce à un cadencement des dépenses beaucoup plus ambitieux, renforçons immédiatement
05:58 l'entraînement de nos armées, les soutiens qui sont indispensables à leur efficacité
06:03 et la condition militaire à un moment où la question de l'attractivité du métier
06:08 des armes se pose de façon brûlante. 1500 postes étaient au recrutement, 700 ont été
06:12 pourvus. Les réponses de notre modèle d'armée sont encore marquées, trop hélas, par les
06:18 dividendes de la paix. Pas suffisamment de masse, pas assez de stock, des réductions
06:23 temporaires de capacité, des niveaux d'entraînement insuffisants. Face aux objectifs, nous retrouvions
06:29 dans le bleu un objectif de 147 heures d'entraînement pour des pilotes de rafale, les normes autant
06:35 sont de 220 heures. La valeur, l'engagement et le professionnalisme de nos armées sont
06:41 largement reconnus par nos alliés et même par nos adversaires. Mais ils ne peuvent compenser
06:47 les effets de 25 ans d'éreintement dans le cadre des dividendes de la paix. Avec les
06:53 opérations en Afghanistan, en Libye, en bande sahélo-saharienne, nos références ont été
06:58 recentrées sur un modèle de conflit asymétrique dans le cadre de la projection de nos forces.
07:03 Mais c'est bien un autre type de conflit qui est revenu au premier plan avec l'invasion
07:08 de l'Ukraine, celui de la haute intensité. C'est pourquoi, à l'annonce du nouvel LPM,
07:14 notre commission a voulu fonder ses choix sur une analyse rétrospective de ces dernières
07:19 années et ce n'était pas regardé dans le rétroviseur. Nous avons ainsi lancé sept
07:25 rapports préparatoires. Un retour d'expérience de l'opération Barkhane et de la guerre contre
07:30 le terrorisme. Un retour d'expérience de la guerre d'Ukraine dont je souligne à nouveau
07:34 qu'elle doit nous éclairer sans nous aveugler. Et cinq rapports thématiques correspondant
07:38 à chaque programme budgétaire intéressant à nos armées.
07:42 A l'issue de cet important travail préparatoire, nous tirons principalement deux conclusions
07:48 que le texte adopté par la commission traduit concrètement. Premièrement, nous devons mobiliser
07:54 plus rapidement les crédits prévus sur l'ensemble de la programmation. Ce cadencement révisé
08:00 de nos efforts doit nous permettre de mieux financer et ce dès l'année prochaine tout
08:06 ce qui conditionne le niveau d'activité de nos forces, qu'il s'agisse de leur entraînement
08:11 à proprement parler, de l'entretien du matériel, des stocks ou encore des capacités du service
08:17 de santé des armées. Nous possédons à l'heure actuelle quatre régiments de Charles-Clair
08:22 et si on met bout à bout leurs heures d'utilisation, on s'aperçoit qu'ils sont à 50% seulement
08:28 de leur capacité. Parallèlement, dans une moindre mesure, nous pourrions aussi améliorer
08:34 très vite les étalements de quelques programmes capacitaires, tel le programme Scorpion pour
08:39 l'armée de terre qui était une priorité sous l'ancienne LPM et qui a été freinée,
08:44 les patrouilleurs auturiers pour redonner un peu d'air à notre marine, le programme
08:48 de l'A400M pour accroître les chances de maintenir la chaîne de production et ne pas
08:52 compromettre ce produit qui tient maintenant toutes ses promesses. Second axe principal
08:57 de nos efforts, les moyens de contrôle du Parlement. Monsieur le ministre, nous le
09:02 redisons ici, le Sénat n'entend pas se substituer à l'exécutif, ni empiéter sur ses prérogatives.
09:09 En revanche, nous en sommes absolument convaincus, nous ne pouvons pas demander aux Français
09:15 de consentir dans la durée un tel effort budgétaire sans leur garantir en même temps
09:20 que le Parlement exécutera pleinement sa mission de contrôle que lui confie la Constitution.
09:25 Pour le dire franchement, l'actualisation ratée de 2021 a laissé ici un souvenir assez
09:33 amer. Notre Commission présente donc un certain nombre de modifications qui, dans leur esprit,
09:38 sont du reste en cohérence avec plusieurs ajouts de nos collègues de l'Assemblée
09:42 nationale. Monsieur le ministre, il s'agit de sujets sur lesquels notre Commission travaille
09:47 depuis de nombreuses années. Nos propositions dans ce domaine nous paraissent à la fois
09:52 raisonnables et, plus que jamais dans les temps que nous connaissons, sont opportunes.
09:57 En conclusion, et avant d'ouvrir nos débats, je souhaiterais remercier tous nos collègues
10:02 qui ont participé à la préparation de ce texte si important, et en premier lieu, les
10:08 onze commissaires de ma Commission qui m'ont assisté dans la préparation de mon rapport.
10:12 En second lieu, je voudrais saluer et remercier les rapporteurs pour avis de la Commission
10:16 des Lois, François-Noël Buffet, et de la Commission des Finances, Dominique Delege,
10:20 qui ont enrichi le texte de leur apport. Et enfin, bien sûr, tous les auteurs d'amendements
10:24 de tous les groupes qui expriment l'importance de ce texte pour notre pays, et j'ai veillé
10:28 à ce que chaque groupe puisse contribuer, par l'acceptation de leurs amendements, à
10:33 la réalisation de ce texte. Monsieur le ministre, le Sénat est ici plein de bonne volonté,
10:38 avec une franche volonté d'aboutir. Nous comptons bien évidemment sur votre écoute,
10:42 vous en avez fait quelques ouvertures ici il y a un instant. Vous pourrez compter sur
10:45 notre mobilisation, mais surtout sur notre ambition pour nos forces armées. Je vous
10:50 remercie.
10:52 Merci, Monsieur le Président.
10:54 (Applaudissements)

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