Interview de Pascale NAVARRI, Psychanalyste, Membre Titulaire de la Société Psychanalytique de Paris. Post Production Jonathan Bouanani (Euclide Production).
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00:00 Bonjour, Pascal Navarri, vous êtes psychiatre, psychanalyste, exerçant au cabinet à Marseille.
00:29 Pouvez-vous nous décrire votre parcours de psychanalyste ?
00:33 Je vais essayer. J'ai fait mes études de médecine à Bordeaux,
00:39 et durant mes études de médecine, j'ai eu la chance de faire un groupe de travail avec le professeur François Mouraud en psychosomatique.
00:47 Je pense que ce groupe de travail et mon intérêt pour la psychanalyse pendant mon adolescence ont fait que j'ai décidé que je voulais faire psychiatrie et faire un processus pour devenir analyste.
01:03 Donc, lorsque j'ai fini ma médecine, je suis partie faire psychiatrie à Marseille, où grâce au professeur Tatochian, Sébastien Judiceli et professeur Buffo,
01:18 vis-à-vis de qui j'ai beaucoup de reconnaissance, j'ai pu aller faire mon analyse à Paris.
01:24 J'ai été Christian David pendant de longues années, ce qui a été très important dans mon parcours.
01:32 Christian David était un homme à la fois chaleureux et rigoureux, et il m'a permis de comprendre mieux comment je fonctionnais.
01:42 C'est une période qui a été extrêmement positive et qui m'a donné envie plus précisément de devenir psychanalyste.
01:52 Il se trouve que pendant ma période de psychiatrie, j'ai fait aussi un stage d'interne à Bordeaux, chez François Moreau,
02:02 et il était question que je fasse un clinica, et puis ça n'a pas pu se faire de façon un peu brutale,
02:08 ce qui fait que je me suis installée à Marseille, et que ça a probablement rendu plus nécessaire encore ma formation de psychanalyste.
02:18 Donc j'ai demandé à pouvoir faire un cursus à l'Institut à Paris assez vite,
02:27 et c'était une démarche certes importante et coûteuse en investissement de temps, mais qui m'a été très profitable.
02:39 J'ai pu faire ma supervision personnelle avec Paul Denis, qui est une aide encore aujourd'hui extrêmement précieuse.
02:52 C'est quelqu'un qui a à la fois un sens clinique et une ouverture théorique, et une culture absolument phénoménale.
03:01 J'ai tiré grand partie de ce travail-là, et aussi d'une supervision collective avec Sylvie Fort-Pragier,
03:08 qui est une femme à la fois grande clinicienne, et qui savait nous permettre, puisque c'était une supervision collective,
03:17 de créer des liens entre nous. Ce sont des liens que j'ai gardés très longtemps, et qui m'ont été très profitables.
03:26 Tout ceci m'a permis de faire un premier parcours. J'ai été à la fin de ce parcours, à l'invise membre.
03:37 J'ai pu travailler à la fois dans le groupe méditerranéen, grâce à Jacques Quin, Monique Pinol-Duriez et Maurice Néter,
03:47 qui étaient à ce moment-là le noyau de ce groupe méditerranéen. Ils organisaient des séminaires mensuels auxquels j'ai participé.
03:58 Puis je suis moi-même intégrée à la vie du groupe en devenant secrétaire scientifique.
04:05 Puis je me suis aussi intéressée à la question des régionaux, des psychanalystes en région par rapport aux psychanalystes qui soient à Paris ou à Lyon,
04:19 qui avaient énormément de psychanalystes sur place. Et donc j'ai fait partie de la commission des représentants régionaux.
04:26 Puis j'en suis devenue présidente pendant quelques années. C'est tout un parcours.
04:32 Mais c'est pour dire que de ces années de formation, j'ai tiré l'idée que faire un parcours d'analyste quand on est en région n'est pas facile.
04:44 Mais c'est un chemin extrêmement passionnant avec de très bonnes rencontres qui durent aujourd'hui.
04:51 Et j'ai à cœur en ce qui me concerne de faire vivre les échanges entre les régions.
04:56 Je fais un séminaire interrégional avec des collègues de Rouen et de Caen qui nous apportent beaucoup parce qu'on a besoin de communiquer aussi entre régions.
05:08 Et je suis particulièrement contente d'être avec vous aussi aujourd'hui.
05:14 Ce que j'aimerais ajouter à ce parcours qui effectivement s'est fait voyé par étapes, c'est qu'une des grandes étapes de mon parcours,
05:24 c'était la rencontre avec Françoise Coblence, qui était d'alors la directrice de la revue française de psychanalyse et qui m'a proposé de participer au comité de rédaction,
05:33 dont je fais encore partie d'ailleurs, maintenant que c'est Vassilis Kepsambelis qui s'en occupe.
05:38 Alors Françoise Coblence était une femme remarquable, à la fois raffinée, exigeante, très profondément chaleureuse.
05:47 Elle a marqué les générations d'analystes qui ont eu la chance de travailler avec elle pour faire les numéros de la revue française.
05:54 Et je dois dire que c'est une femme qui nous a quittés beaucoup trop tôt.
06:02 C'était une amie et je tiens à lui rendre hommage.
06:06 Vous voyez, on n'est jamais psychanalyste tout seul, on est psychanalyste avec des gens qui autour sont là,
06:15 avec lesquels on peut se sentir en confiance, avec qui on peut échanger et avec qui on peut travailler,
06:21 car la psychanalyse est un métier difficile et exigeant.
06:33 Il y a d'abord l'intérêt pour la psychosomatique, ça c'est certain, c'est ce qui a fondé au départ mon parcours,
06:43 pour des raisons probablement très personnelles, mais aussi parce que grâce à François Moreau,
06:48 j'ai pu rencontrer l'équipe de Marty à la botane des Pauquilliers et j'ai travaillé quelques temps.
06:55 Je me rappelle d'ailleurs d'être allée au congrès de Bilbao avec Pierre Marty, Jacqueline Norio,
07:01 François Moreau et Robert Asseo et ce sont des moments extrêmement intéressants,
07:08 où justement la question de pouvoir offrir à des patients qui n'étaient pas forcément les patients qui venaient faire une analyse,
07:20 c'était une façon d'avoir une écoute un peu différente.
07:24 Donc ça c'était quelque chose qui m'a toujours beaucoup intéressée.
07:27 Et puis il se trouve que j'ai aussi été assez tôt préoccupée par l'idée que la psychanalyse perdait de sa surface, on va dire, dans la vie sociale,
07:43 au fur et à mesure que je faisais mon cursus et mon travail analytique.
07:49 Et je me suis dit qu'il était important qu'on ne perde pas le contact justement avec les gens qui n'étaient pas au courant de ce que c'était que la psychanalyse.
08:01 Et quand Gérard Baye m'a proposé de faire un livre sur la mode, ça m'a permis d'essayer d'utiliser des concepts psychanalytiques
08:13 pour justement m'adresser à un lectorat de non-psychanalystes.
08:17 Et ça vraiment, ça a été extrêmement important pour moi et je continue.
08:24 J'ai travaillé beaucoup avec des dermatologues et j'ai travaillé aussi beaucoup autour du regard.
08:31 Et avec des gens qui sont dans la mode, grâce à la Maison Méditerranéenne de la Mode,
08:36 je considère qu'il faut pouvoir parler simplement de psychanalyse
08:41 pour que les gens ne soient pas mis à l'écart de quelque chose qui les concerne directement,
08:47 c'est-à-dire leur propre fonctionnement psychique.
08:50 Et ça, c'est vraiment un point important pour moi.
08:53 Et puis il y a aussi évidemment tout ce qui tourne autour du visuel et du regard.
09:01 Je suis, alors la psychanalyse classiquement, c'est plutôt, on va dire, centré sur l'écoute.
09:09 Et bien entendu, mais je pense qu'en particulier dans ce moment de notre culture,
09:19 de notre civilisation, avec la place du visuel,
09:23 il est vraiment important de considérer ce qui tourne autour du visuel, du scopique,
09:31 de ce qui est le regard et les échanges de regard.
09:35 Je crois que ça, c'est aussi un de mes centres d'intérêt.
09:39 Alors, il se trouve que Freud a à peu près tout, en fait.
09:57 Si je suis... Bon. Mais Freud peut être dans quelques textes qui sont à la fois des textes courts
10:13 et qui ouvrent surtout Freud. Je m'explique.
10:16 Par exemple, l'abrégé de psychanalyse est pour moi une lecture à la fois assez simple
10:24 et qui ouvre sur toutes les lectures précédentes de Freud.
10:27 C'est comme si c'était un condensé de ce qu'on peut aller chercher dans tous les autres ouvrages.
10:33 Donc, je conseillerais sans hésitation l'abrégé, comme je conseillerais, par exemple,
10:42 le roman familial du Névrosé, ou pour introduire le narcissisme.
10:47 C'est-à-dire qu'il y a des textes fondamentaux, mais dans chaque petit texte de Freud,
10:54 on retrouve la pensée freudienne, qui est à la fois une pensée, certes théorique,
10:59 mais extrêmement clinique. Et on le redécouvre à chaque fois d'une façon différente.
11:04 Donc, à peu près tout Freud et quelques peut-être textes particuliers.
11:11 Winnicott, certainement, mais si j'avais un texte que je conseillerais,
11:19 ce serait la crainte de l'effondrement, car pour moi c'est un texte qui m'a beaucoup marquée.
11:26 Mais je dirais aussi Ferenzi, la confusion des langues,
11:33 qui est aussi un texte qui a marqué un tournant de confréhension de certains phénomènes,
11:45 en particulier dans la confusion des générations que font certains adultes avec certains enfants.
11:52 Donc, ce sont des textes, on va dire Freud, Winnicott, Ferenzi, des textes anciens,
12:00 fondateurs de la psychanalyse, que je conseillerais volontiers.
12:05 Un livre qui a beaucoup marqué, peut-être parce que je lis beaucoup de romans,
12:21 de romans policiers, de romans de toutes sortes, en fait,
12:25 c'est un livre de Leonard Shangold qui s'appelle "Meurtre d'âme",
12:30 qui est un livre de psychanalyste américain, Leonard Shangold,
12:34 contemporain, un de nos jeunes anciens, si je puis dire,
12:42 qui s'est beaucoup intéressé à des auteurs, en particulier Kipling, Mark Twain, mais d'autres encore,
12:50 et qui a montré quelque chose qui m'a beaucoup touchée sur le style de certains auteurs,
12:57 le style, on va dire, un peu mièdre, Dickens en particulier.
13:03 Et il montre comment la vie infantile et les séparations précoces de Kipling,
13:10 ou de Dickens, avec leur famille, a profondément influé sur leur style.
13:15 Et vraiment, c'est un livre remarquable, alors là, que je conseille sans hésiter.
13:21 Mais si je pouvais conseiller d'autres choses, je conseillerais aussi,
13:26 tout aussi bien, des films qui me marquent encore aujourd'hui.
13:34 Un film très récent, "The Flabbergasted Man" de Steven Spielberg,
13:40 un film remarquable sur la description de comment une scène primitive se transforme
13:50 en représentation, en sublimation chez le jeune Steven Spielberg.
13:55 C'est vraiment un film épatant à tous les moments.
14:00 Mais aussi un choc pour moi, ça a été le film, c'est un film de 2011, je crois,
14:08 de Shane, qui raconte l'épopée d'un jeune homme qui s'épuise en écoutant du bac
14:15 à courir dans les rues de New York, dans un climat incestuel.
14:20 C'est un film profondément bouleversant et qui parle de psychanalyse sans en parler,
14:26 mais qui parle de la vie psychique profonde des gens d'aujourd'hui, sans problème.
14:33 Tout ça, je le conseillerais très volontiers.
14:35 Je considère qu'on entend parler de psychanalyse même dans les livres
14:42 qui ne parlent pas directement de psychanalyse.
14:45 La place de la psychanalyse dans la société actuelle, elle est à la fois,
15:01 on l'en demande beaucoup, c'est-à-dire grosso modo,
15:06 il est passé dans le langage courant de tout expliquer par le fonctionnement psychique
15:12 avec des grands concepts vidés de leur contenu.
15:17 Et d'autre part, par contre, en ce qui concerne les vrais besoins en soins psychiques,
15:23 la psychanalyse disparaît progressivement du terrain des institutions.
15:31 Alors, c'est assez terrible, mais je reste optimiste parce que
15:38 ce dont je me rends compte pour côtoyer beaucoup de jeunes collègues,
15:42 qu'ils soient psychiatres ou psychologues, c'est qu'au fond, il y a un moment dans leur vie
15:47 où leur propre vie les ramène à leur propre fonctionnement psychique
15:52 et donc suscite leur intérêt pour la vie psychique des autres.
15:56 Et certains d'entre eux non, mais beaucoup d'entre eux oui.
16:01 Et à partir du moment où ça n'est pas perdu,
16:06 je me dis qu'il y a bien un moment où les solutions de facilité
16:12 cèdent la place à quelque chose d'un petit peu plus profond
16:19 et surtout qu'ils prennent en compte l'histoire de chaque personne.
16:24 Et pas que les symptômes, mais l'histoire.
16:27 Je leur dirais, n'hésitez pas à rencontrer un psychanalyste,
16:42 mais acceptez que cette rencontre va avoir des effets.
16:52 Autrement dit, ce n'est pas une rencontre de quelqu'un
16:58 qui va immédiatement répondre à un symptôme.
17:04 Rencontrer un psychanalyste, c'est accepter d'aller demander de l'aide à quelqu'un
17:09 ou quelque chose qu'on ne connaît pas de soi.
17:12 Donc je dirais, il faut admettre qu'on confie à quelqu'un qu'on ne connaît pas
17:24 et qui a une formation de qualité pour remplir cette mission,
17:31 des choses extrêmement importantes et qu'on est prêt à faire un certain voyage avec soi-même
17:37 pour découvrir des choses de soi qu'on ne connaît pas.
17:40 Voilà ce que je dirais.
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