Ronchin, en banlieue de Lille. Le 15 juin 2000, la vie de la famille Moleers bascule dans l’horreur. Ce jour-là, Christopher, l’aîné de la fratrie, âgé de 12 ans, n’a pas école car son professeur est absent. En rentrant chez elle, sa mère remarque que l’appartement est très calme. Elle décide de se rendre dans la chambre de son fils pour voir s’il est là et tombe sur son corps gisant au sol, dans une mare de sang.
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00:00 Personne n'aurait pu soupçonner le petit Rudy, 13 ans,
00:02 du meurtre de Christopher, son copain de classe de 12 ans.
00:06 Personne.
00:07 Mais quand il a craqué devant les policiers,
00:09 il leur a livré un récit glaçant.
00:12 Il avait croisé son copain en bas de son immeuble,
00:14 était monté chez lui, ils ont joué dans sa chambre
00:17 et se sont disputés.
00:19 Rudy a alors sorti un couteau à viande
00:22 et l'a frappé au cou et au thorax.
00:24 Et comme Christopher bougeait encore,
00:27 il l'a frappé de nouveau
00:29 avant de jeter le couteau par la fenêtre,
00:30 de se laver les mains
00:32 et de rentrer chez lui tranquillement.
00:35 Christopher, tué pour une insulte,
00:37 réalisée par Farah Youbi.
00:40 Le 15 juin 2000, Martine Morel se rentre chez elle.
00:44 Elle a l'habitude de voir arriver son fils.
00:46 Elle n'a rien, un espèce de silence assez pesant.
00:50 Et c'est là qu'elle a vu l'indicible et l'horreur
00:53 puisqu'elle a vu son fils par terre,
00:56 baignant dans une mare de sang.
00:58 Les secours sont rapidement sur place.
01:00 Ils tentent de réanimer Christopher.
01:02 Et puis cette phrase qui claque,
01:04 "Enfant décédé".
01:06 C'est affreux.
01:08 On dénombre beaucoup de coups de couteau.
01:10 On a clairement quelqu'un qui s'est acharné sur le corps.
01:13 Christopher, c'est un petit blond,
01:15 il a une petite tête d'ange.
01:16 On ne comprend pas pourquoi quelqu'un s'en est pris
01:18 avec autant de violence, une telle barbarie,
01:21 à un enfant de 12 ans qui ne posait aucun souci.
01:24 Personne à ce moment-là n'imagine
01:25 que ça puisse être autre chose qu'un adulte,
01:27 l'auteur.
01:29 Et là, c'est la sidération totale de la part des policiers.
01:33 Ils se rendent compte que le suspect numéro un,
01:35 c'est un gamin qui a 13 ans et 3 mois.
01:38 Il est dans la même classe que Christopher, en 6e.
01:41 Là, tout le monde a été assommé.
01:45 C'est l'effarement.
01:47 Un gamin ?
01:48 Un enfant ?
01:50 Qui aurait connu ça ?
01:52 Il est venu en classe pendant 8 jours,
01:54 jusqu'au moment où la police l'a fait avouer.
01:57 Vous vous rendez compte ?
01:59 Il a participé, avec les enfants du collège,
02:02 à des poèmes pour Christopher.
02:04 Il a joué à un jeu drôle.
02:05 Il avait même demandé à sa maman de lui préparer une chemise
02:08 pour assister à l'enterrement.
02:09 On ne soupçonnait rien.
02:11 C'était impossible de déceler quelque chose.
02:14 Qu'est-ce qui s'est passé pour déclencher
02:16 un tel flot de violence ?
02:18 Je rappelle que Christopher a quand même succombé
02:21 à 22 coups de couteau.
02:23 À cet âge-là, on est censé s'amuser,
02:26 on est censé crier dans la cour de récré,
02:29 on est censé ne pas faire ce genre de choses.
02:32 Tout est en parfait contraste entre le physique de ce garçon
02:37 et les faits qu'on lui reproche.
02:38 C'est la douceur, la rondeur de l'enfance,
02:42 et en face, l'atrocité d'un crime.
02:45 [Musique]
03:08 Ronchyn, une commune de 19 000 habitants
03:12 située dans la banlieue de Lille.
03:14 À quelques pas de son centre-ville,
03:16 il y a la Cité-Jardin, un quartier historique
03:20 composé d'immeubles imposants en briques.
03:24 La Cité-Jardin, c'est un quartier populaire,
03:26 mais c'est très familial.
03:28 Et c'est un lieu de vie à part entière,
03:30 puisqu'il y a aussi des commerces,
03:32 on bat des immeubles,
03:33 il y a le collège pas très loin.
03:35 Donc c'est plutôt un quartier familial et tranquille.
03:40 C'est ici, au huitième étage de l'immeuble
03:42 de la Comtesse de Ségure,
03:44 que vit la famille Morels.
03:46 Il y a Martine, la mère, son mari et leurs trois enfants,
03:51 dont Christopher, âgé de 12 ans.
03:54 Christopher est l'aîné de la famille,
03:56 et il avait une petite sœur juste après lui,
04:00 et après un petit frère.
04:01 Il prenait son rôle de grand frère très à cœur.
04:04 Il s'occupait de son frère et sa sœur.
04:07 Le soir, il leur lisait une histoire,
04:09 et on vivait comme une famille normale,
04:16 avec nos enfants.
04:17 On avait nos activités professionnelles,
04:21 les enfants à l'école,
04:23 et voilà, une famille normale.
04:27 La famille Morels est très appréciée dans le quartier.
04:31 Martine et son mari mènent une petite vie paisible et heureuse,
04:34 entourée de leurs trois enfants.
04:39 Mais le 15 juin 2000, leur bonheur va être déchiré.
04:43 Ce jour-là, il est 17h30 lorsque Martine rentre chez elle
04:47 après avoir fait ses courses.
04:49 Son fils aîné, Christopher, doit l'attendre
04:52 dans l'appartement familial.
04:54 Christopher n'avait pas cours jeudi après-midi.
04:57 Exceptionnellement, un professeur absent, il me semble.
05:00 Et en rentrant, l'appartement était très calme,
05:03 anormalement calme, puisqu'il aurait dû être là.
05:06 J'ai remarqué des gouttes de sang par terre.
05:11 Je me suis dit, il a dû se couper ou se blesser,
05:13 et pas trouver de pansement, et aller voir la voisine.
05:17 J'ai regardé dans les chambres et sa chambre était fermée,
05:21 porte fermée.
05:23 J'ai essayé d'ouvrir, mais il y avait une résistance.
05:26 Je n'ai pas compris.
05:28 J'ai essayé de pousser la porte, j'ai passé ma tête
05:30 et je l'ai vue allongée par terre,
05:32 les pieds qui bloquaient la porte,
05:36 comme pour empêcher quelqu'un de rentrer.
05:38 J'ai réussi à ouvrir, tant bien que mal.
05:42 Il ne répondait pas, j'ai crié son prénom, il ne répondait pas.
05:44 C'est là qu'elle a vu l'indicible et l'horreur,
05:47 puisqu'elle a vu son fils par terre,
05:50 baignant dans une mare de sang.
05:52 Elle se précipite, elle le prend dans ses bras,
05:54 elle hurle, elle hurle.
05:57 Je me suis accroupie près de lui.
05:59 Quand je l'ai touché, son t-shirt était trempé.
06:04 Je me suis dit "mais qu'est-ce qui s'est passé ?"
06:08 Je n'ai pas...
06:10 On essaie d'assembler les pièces du puzzle, mais...
06:15 Non.
06:16 Et en fait, quand Martine Morel se met sa main derrière la tête de son fils,
06:21 elle découvre une clé béante.
06:24 J'étais paniquée.
06:26 J'ai essayé d'appeler les secours,
06:28 je n'ai pas réussi.
06:29 J'ai appelé ma mère,
06:30 qui a appelé l'ambulance,
06:32 et puis maman qui me dit au téléphone
06:37 "l'ambulance dit que tu dois lui faire du bouche à bouche".
06:39 Les premiers gestes, je ne les connais même pas.
06:41 J'essaye de lui faire du bouche à bouche,
06:43 "tu dois faire comme ça, comme ça".
06:45 Je le fais, mais...
06:47 Enfin, pas de réaction.
06:49 Et tout de suite, très peu de temps après,
06:51 les ambulanciers qui arrivent et qui prennent le relais,
06:55 qui m'assoient, qui me demandent si je veux un tranquillisant.
07:00 Je dis non, je veux savoir ce qui se passe.
07:04 Ensuite, ça a été un tourbillon.
07:09 Une nuée de personnes dans l'appartement,
07:12 les ambulanciers...
07:14 Voilà, ça a été un...
07:18 On ne comprend pas, ça va trop vite,
07:20 on ne sait pas ce qui s'est passé en fait.
07:22 On en est encore avec notre question,
07:23 mais qu'est-ce qui s'est passé ?
07:25 Pourquoi il est par terre ?
07:27 Qu'est-ce qui lui est arrivé ?
07:28 Les secours sont rapidement sur place,
07:30 il y a plusieurs équipes, des pompiers, il y a le SAMU,
07:33 et je sais qu'ils tentent de réanimer Christopher.
07:37 Je me dis, bon, ils vont s'en occuper, ça va aller,
07:40 mais je ne sais toujours pas ce qui s'est passé.
07:44 Et puis cette phrase qui claque, "enfin décédé".
07:49 Euh...
07:51 Là...
07:53 Je ne peux pas décrire
07:56 ce qu'on ressent en ce moment-là en fait.
07:59 C'est affreux.
08:01 On apprendra par la suite
08:09 que Christopher était déjà décédé
08:12 quand sa maman est arrivée.
08:14 La mort dramatique de cet enfant âgé d'à peine 12 ans
08:18 apparaît d'emblée suspecte aux yeux des pompiers et du SAMU.
08:23 Alors les services de police sont immédiatement alertés.
08:27 Christophe Briers est à l'époque le chef de la sûreté urbaine de Lille.
08:32 Il est l'un des premiers policiers à arriver sur place.
08:36 Quand j'arrive sur place, il y a les pompiers
08:38 qui ont tenté de réanimer la victime,
08:41 la maman également du garçon, celle qu'on me présente comme telle.
08:45 Et puis je découvre une scène où on a le corps d'un jeune garçon
08:49 d'une douzaine d'années, un corps qui est totalement ensanglanté,
08:51 il y a du sang un peu partout.
08:52 Clairement, il y a eu un acharnement sur le corps
08:55 puisqu'on dénombre beaucoup de coups de couteau.
08:59 Donc on a clairement quelqu'un qui s'est acharné sur le corps.
09:02 Il y a eu 22 coups qui ont été portés
09:05 et dans toutes les parties du corps, sur les bras, sur les jambes
09:07 et de mémoire sur la tête aussi.
09:10 L'atmosphère est particulièrement lourde.
09:14 Tous les protagonistes présents sont atterrés évidemment
09:16 puisque c'est toujours une scène partie en dramatique
09:20 d'intervenir sur un homicide
09:22 mais a fortiori sur un enfant, c'est encore plus difficile.
09:26 Christopher, c'est un petit blond, il a une petite tête d'ange,
09:29 il est tout jeune, il a 12 ans et il baigne dans son sang.
09:32 C'était épouvantable comme scène.
09:34 Donc il y a vraiment un décalage entre la jeunesse de Christopher,
09:40 de ce collégien innocent
09:43 et les circonstances dans lesquelles il est mort
09:46 parce qu'il est mort dans des conditions épouvantables.
09:49 On ne comprend pas pourquoi quelqu'un s'en est pris
09:51 avec autant de violence, une telle barbarie
09:54 à un enfant de 12 ans qui ne posait aucun souci.
09:57 Comme il est d'usage dans les enquêtes criminelles,
10:00 les policiers vont s'intéresser à la vie de la victime.
10:04 - ... les enfants le matin,
10:06 Christopher n'a jamais raté une occasion en arrivant le matin,
10:11 un grand sourire, un "bonjour monsieur",
10:14 il souriait tout le temps.
10:17 - Il arrivait au collège le matin,
10:20 il avait une attention pour tout le monde, un sourire,
10:23 et il racontait une blague chaque matin,
10:25 une blague ou un jeu de mots,
10:27 histoire de bien commencer la journée.
10:30 C'est Christopher.
10:32 - C'était un enfant parfait.
10:37 - Donc en fait les gens ne comprennent pas,
10:39 qui est-ce qui a pu tuer Christopher ?
10:41 Est-ce que c'est quelqu'un qui est susceptible de recommencer ?
10:44 On ne sait pas, on ne sait pas.
10:45 - Je me dis que ça peut être un déséquilibré,
10:50 quelqu'un qui a un coup de sang, je ne sais pas.
10:55 Mais pourquoi chez nous ?
10:58 Pourquoi notre fils ?
11:00 Pourquoi une telle violence ?
11:02 - Il y avait cette angoisse des gens.
11:07 Est-ce qu'il y a un pédophile, un pervers qui sillonne la commune ?
11:11 - Il y a des rumeurs qui apparaissent très vite.
11:14 - On parlait d'un exhibitionniste dans le quartier à l'époque.
11:19 Alors pourquoi pas lui ?
11:23 - On est dans l'incompréhension la plus complète.
11:25 C'est l'effarement, on ne comprend pas.
11:28 - Les voisins, ils sont terrorisés.
11:31 Qui a bien pu tuer Christopher avec une telle sauvagerie ?
11:36 Je me souviens de ces gens qui étaient sidérés,
11:40 de ces habitants qui étaient sidérés et qui vraiment avaient peur.
11:43 - On a un quartier qui est en émoi,
11:46 au-delà d'un quartier presque une ville.
11:49 On a un déchaînement médiatique sur cette affaire,
11:52 puisqu'on a des médias nationaux, voire internationaux de mémoire
11:55 qui s'en parlent de cette affaire,
11:56 avec des reporters qui viennent sur place, qui essayent de nous contacter.
11:59 - C'est dans cet immeuble de la cité des Jardins à Ronchin
12:02 que la mère de Christopher Morel, 13 ans,
12:04 a découvert le corps ensanglanté de son fils,
12:06 gisant dans l'appartement familial du 8ème étage.
12:09 Frappé de plusieurs coups de couteau dans la région du Cœur,
12:11 le jeune garçon est décédé en fin d'après-midi avant l'arrivée du SAMU.
12:15 Plusieurs hypothèses ont été formulées,
12:16 si mais le service d'investigation et de recherche chargé de l'enquête
12:19 n'en privilégie aucune.
12:20 Alors, drame familial ou règlement de compte,
12:23 c'est ce que vont s'efforcer de déterminer à présent
12:25 les policiers chargés de l'enquête.
12:27 - Notre travail, étant commissaire de police,
12:28 c'est aussi de s'extraire de tout ça,
12:31 de garder la tête froide et de gérer cette pression,
12:33 et surtout d'éviter que cette pression ne retombe sur la tête des enquêteurs,
12:37 qui doivent rester avant tout calmes et très professionnels
12:40 et ne négliger aucune piste.
12:41 - Personne à ce moment-là n'imagine
12:43 que ça puisse être autre chose qu'un adulte, l'auteur.
12:47 Tous les policiers sont mobilisés pour retrouver le meurtrier de Christopher.
12:53 L'appartement familial est passé au peigne fin à la recherche d'indices.
12:59 - Quand les enquêteurs arrivent, tout comme la maman de Christopher,
13:04 tout semble normal, à part cette horreur.
13:06 Il n'y a dans cette affaire aucune trace d'effraction.
13:10 Donc tout de suite, tout le monde était convaincu
13:12 que l'auteur est entré avec Christopher dans les lieux de manière tout à fait normale.
13:18 - La configuration de l'immeuble et l'étage auquel habitent les parents
13:23 rend difficile une autre sortie que par la porte.
13:26 Il n'y a pas de rampe de secours, il n'y a pas d'accès.
13:29 - Les fenêtres sont situées au huitième étage,
13:32 donc on ne peut pas imaginer que quelqu'un soit passé par la fenêtre.
13:36 La seule possibilité d'entrée, c'est la porte.
13:39 Et il n'y a aucune effraction sur la porte.
13:40 Donc, à l'évidence, Christopher a laissé pénétrer dans l'appartement
13:45 la personne qui l'a tué.
13:48 On remarque également dans un coin de la pièce un morceau de pain au chocolat.
13:52 Donc, à l'évidence, le jeune garçon était en train de manger ce pain au chocolat
13:58 et donc de goûter.
13:59 Et donc, on peut penser que, c'est en tout cas notre première impression,
14:03 qu'il était en contact avec une personne qu'il devait connaître,
14:06 en tout cas qu'il était en confiance,
14:07 puisque il était en train de manger son pain au chocolat.
14:09 Donc, manifestement, pas de méfiance.
14:12 Donc, on est persuadé, dès le début, que c'est quelqu'un qu'il connaissait.
14:17 Et on écarte, on n'écarte pas, mais il nous semble peu probable
14:22 que ce soit un étranger qui se soit présenté,
14:24 qu'il ait laissé entrer dans l'appartement.
14:26 - Les policiers ont une certitude, c'est que le meurtrier de Christopher
14:30 se trouve dans son entourage immédiat.
14:32 - Christopher était un enfant tout à fait raisonnable,
14:36 bien dans sa tête, et les parents m'ont toujours dit
14:39 qu'il était impossible pour lui de faire entrer quelqu'un dont il connaissait tout.
14:42 - Il n'aurait jamais ouvert la porte à un inconnu.
14:45 C'était comme ça avec les enfants, il ne faut pas laisser rentrer les inconnus.
14:48 Il savait, il ne l'aurait pas fait.
14:51 Même sous n'importe quel prétexte, il ne l'aurait pas fait.
14:54 À ce moment-là, je n'imagine pas très bien ce qui a pu se passer.
14:59 Je refuse de croire que quelqu'un lui en veuille au point de l'agresser comme ça.
15:06 Qu'il ait pu faire quoi que ce soit pour mériter ça.
15:10 Une telle violence, un tel acharnement, non.
15:16 Je n'imagine pas ce qui a pu se passer en fait.
15:19 Quelques heures après la découverte du corps de Christopher,
15:26 les policiers, qui sont convaincus que son meurtrier est un proche,
15:30 vont prendre une décision inattendue.
15:34 - On va placer les parents en garde à vue assez vite,
15:38 parce qu'en matière criminelle, l'expérience montre qu'il ne faut négliger aucune piste,
15:43 même les pistes qui apparaissent moralement insoutenables.
15:49 C'est vrai qu'on a du mal à imaginer que des parents et une mère à fortiori tuent son fils,
15:55 mais il faut vérifier cette hypothèse.
15:59 C'est la raison pour laquelle les parents vont être placés en garde à vue.
16:03 Il faut qu'on traite l'affaire d'un point de vue professionnel uniquement,
16:07 et faire abstraction de ce qu'on peut penser d'un point de vue sentimental.
16:12 - C'est vrai que ça peut paraître atroce de penser qu'une mère puisse accomplir de tels gestes,
16:17 mais malheureusement ça arrive, les infanticides arrivent.
16:20 Donc la police, même si c'est extrêmement difficile à entendre pour Mme Morel et M. Morel,
16:26 la police a fait son travail.
16:29 - Clairement, ils nous soupçonnent.
16:31 C'est un choc en fait.
16:35 À ce moment-là, on ne comprend pas.
16:37 - Le père a été très vite disculpé parce que lui, on savait où il était,
16:41 il avait ce qu'on appelle un alibi.
16:42 Il était en stage puisqu'il changeait de profession.
16:44 En revanche, Mme Morel, c'était seule.
16:46 Elle était partie faire des courses.
16:47 Donc ça a été beaucoup plus compliqué pour elle.
16:49 - Et après, le rouleau compresseur se met en place, la machine est en route,
16:53 on ne peut plus l'arrêter, ce qui est compréhensible mais extrêmement difficile à vivre.
16:57 - Voilà, la garde à vue démarre.
17:02 On m'emmène dans une cellule, béton, très froid.
17:11 On me fait enlever mes bagues, on me fait enlever mon soutien-gorge,
17:15 les menottes avec les bras dans le dos.
17:17 J'ai vécu la pire des humiliations.
17:20 On me pose plein de questions qui me font redire tout le déroulé de ma journée,
17:27 minute par minute.
17:29 On baisse mon legging, on va voir si je n'avais pas de cou, peut-être.
17:34 Ça a été très...
17:37 Et moi, j'étais là en train de dire, mais bon, qu'est-ce qu'ils font, quoi ?
17:41 Pourquoi ils font ça ? Qu'est-ce que je fais là ?
17:43 On vient d'apprendre que notre enfant est décédé.
17:47 On ne peut même pas se soutenir avec mon mari, mes enfants.
17:54 Qu'on est séparés, arrachés et humiliés, assaillis de questions,
18:03 sans comprendre, sans encore comprendre ce qui s'était passé.
18:08 C'est émotionnellement très dur.
18:16 On vous apprend pendant cet interrogatoire qu'ils ont des preuves,
18:20 qu'ils savent que c'est moi.
18:22 Je dis, mais c'est pas possible.
18:25 Je dis, ça y est, c'est fini.
18:29 Comment, qu'est-ce que je peux faire pour lui faire comprendre que c'est pas moi ?
18:35 La garde à vue n'a pas effectivement pour objet d'être douce.
18:39 Elle a pour objet effectivement de faire avancer l'enquête.
18:42 Il y a aussi un travail psychologique de la part des enquêteurs,
18:46 qui est de jouer sur la fragilité supposée d'une maman.
18:53 Mais c'est pas moi, je leur dis.
18:55 C'est pas moi.
18:57 Pendant que vous me questionnez, la personne qui a fait ça est dehors.
19:06 Là, on se dit, mon monde s'écroule.
19:09 Comment je vais pouvoir faire pour que la vérité leur apparaisse ?
19:19 Là, on est...
19:23 Seul.
19:24 On est au fond du trou.
19:27 On se dit, ma vie est en train de basculer.
19:32 Et en fait, Martine Morels, elle va passer 30 heures en garde à vue.
19:35 Je pense que c'est les 30 pires heures de sa vie
19:38 avec la découverte du corps de son fils,
19:40 où elle est vraiment mise sur le grid par les enquêteurs,
19:43 qui essaient de la faire craquer, qui lui disent,
19:46 vous ne reverrez plus vos enfants, c'est vous qui l'avez tué.
19:51 Et puis, pendant qu'on nous remet dans ces cellules infâmes,
19:58 toutes ces questions qui nous viennent.
20:00 Qu'est-ce qui a bien pu lui arriver ?
20:02 À qui il a ouvert ?
20:05 Finalement, elle sera quand même libérée au bout de 30 heures.
20:08 Très rapidement mise hors de cause.
20:10 Elle est remise en liberté.
20:12 On est persuadé qu'elle n'est pas l'auteur de cet homicide.
20:17 C'est une famille sans histoire et une relation normale
20:21 entre une mère et son fils.
20:22 Je ne dirais pas que c'est un soulagement.
20:25 Mais je me dis, enfin, ils ont compris.
20:30 Et on nous dit, on va vous ramener dans votre famille.
20:33 Là, j'ai cru que...
20:37 J'allais vraiment m'écrouler.
20:40 Les parents de Christopher Innocente, l'affaire repart à zéro.
20:48 Les policiers poursuivent leurs investigations
20:50 dans l'appartement familial.
20:52 Ils vont alors y faire une découverte capitale.
20:56 - Lors de leurs investigations au sein de l'appartement,
20:59 les policiers vont être attirés par une empreinte ensanglantée
21:03 près de la fenêtre.
21:04 - Une pomme de main parcellaire ensanglantée
21:06 sur le mur de la cuisine, pas très loin de la fenêtre.
21:09 Et à l'effigance, l'auteur est passé par là
21:13 et ça ne peut pas être quelqu'un d'autre.
21:15 - C'est extrêmement important dans le cadre de cette enquête
21:19 parce que ça va inciter là aussi les enquêteurs
21:22 à regarder ce qu'il y a derrière cette fenêtre
21:25 et regarder ce qu'il y a en contrebas de cette fenêtre.
21:29 - Donc, ils ouvrent la fenêtre et c'est là qu'ils découvrent
21:32 en contrebas de l'appartement, un couteau de cuisine ensanglanté
21:36 qui est tombé sur la terrasse d'une petite galerie commerciale.
21:39 En bas des appartements, il y a une petite galerie commerciale.
21:42 - Ce couteau étant ensanglanté,
21:44 on va très vite découvrir que le sang appartient à la victime
21:48 et c'est donc le couteau qui a servi à tuer le jeune garçon.
21:51 On pense très vite que, en tout cas c'est ma conviction,
21:57 que l'auteur ne s'est pas débarrassé du couteau n'importe où
22:00 et qu'en le jetant à cet endroit, il savait parfaitement
22:03 que ce couteau l'atterrirait sur un toit
22:05 et donc qu'il ne serait pas directement visible
22:08 et en tout cas qu'il n'atterrirait pas au pied de la passante
22:10 puisqu'évidemment dans cette cité, on a beaucoup de gens qui passent
22:13 et donc c'est une façon de s'en débarrasser
22:15 mais de manière relativement discrète.
22:18 Alors, on va vérifier évidemment dans l'appartement
22:21 si on trouve des couteaux semblables.
22:22 On n'en trouve pas et on va interroger les parents séparément évidemment
22:25 sur ces couteaux, savoir si ils ont connaissance
22:27 de couteaux semblables dans l'appartement
22:28 et en l'occurrence, la réponse sera négative.
22:32 Le meurtrier est donc venu avec son propre couteau
22:35 au domicile de Christopher.
22:37 Il s'agit d'un couteau aztèque
22:39 et les policiers comprennent rapidement
22:42 qu'il appartient à un lot de couteaux.
22:44 Cette information précieuse va leur servir de fil
22:47 dans la suite de leur enquête.
22:51 On va travailler sur ce couteau
22:53 et en travaillant sur ce couteau,
22:55 on va déterminer qu'il appartient à des lots
22:58 qui ont été vendus quelques mois ou quelques semaines auparavant
23:02 dans une célèbre chaîne de discounts
23:05 et on constate également qu'un magasin de cette chaîne de discounts
23:09 est installé dans la cité.
23:11 Après, ils vont faire des recherches.
23:12 Ce couteau de cuisine, en fait,
23:15 il a été acheté chez un commerçant du quartier.
23:17 À partir du moment où l'équipe de la Sûreté urbaine de Lille
23:21 comprend que ces couteaux ont été achetés
23:24 dans le seul magasin du quartier,
23:26 ils décident très vite de perquisitionner
23:29 de nombreux logements du quartier en se disant
23:31 "mais finalement, on va trouver les autres couteaux de la série".
23:34 Je vais prendre la décision de faire effectuer
23:37 beaucoup de perquisitions.
23:38 En l'occurrence, on va effectuer 300 perquisitions.
23:40 On va mobiliser tous les enquêteurs disponibles
23:43 de la région lilloise.
23:45 Donc de suite, les pistes ont été de chercher
23:49 qui a pu détenir un tel couteau dans la cité.
23:51 Alors, chaque groupe d'enquêteurs dispose d'un dossier
23:55 avec une photo très précise du couteau
23:58 et la mission est de rechercher spécifiquement
24:01 des couteaux semblables dans les appartements perquisitionnés.
24:03 C'est un travail de fourmis,
24:05 mais vu l'ampleur, vu la barbarie du meurtre,
24:08 les forces de l'ordre ont vraiment mis le paquet sur cette affaire.
24:12 Il fallait qu'ils aillent vite pour trouver le meurtrier.
24:15 C'est un travail de longue haleine mené par les policiers.
24:20 Ils frappent à toutes les portes des appartements
24:22 des immeubles de la cité Jardin
24:24 à la recherche d'un couteau similaire à l'arme du crime.
24:27 Mais ils prennent aussi les empreintes de chaque habitant
24:30 afin de les comparer avec l'empreinte de paume de main
24:34 découverte sur la scène de crime.
24:36 Et leur travail acharné va payer.
24:39 On va trouver des couteaux semblables dans deux appartements.
24:42 Un premier appartement qui est occupé par quelqu'un
24:46 qui est défavorablement connu des services de police,
24:48 notamment pour les actes de pédophilie.
24:49 Donc on pense rapidement qu'on a peut-être notre auteur,
24:53 donc il va être évidemment interpellé et ramené au commissariat.
24:57 On va prendre ses empreintes.
24:58 Mais l'examen des empreintes, on trouvera qu'il ne s'agit pas de sa paume de main
25:02 qui a été retrouvée sur le mur latéral de la cuisine.
25:03 Et puis on va retrouver un couteau semblable également
25:06 dans un autre appartement occupé par une famille avec plusieurs enfants
25:09 et dont un des enfants est un jeune garçon de 13 ans
25:13 qui connaît Christopher puisqu'ils sont dans la même classe.
25:15 Il est dans la même classe que Christopher, en sixième.
25:19 Il est évident qu'à partir du moment où on détermine
25:21 qu'on retrouve un couteau dans un appartement occupé par une famille
25:24 dont un des membres, en l'occurrence un jeune garçon, connaît Christopher,
25:28 il est clair que ça nous allume une petite lumière,
25:31 nous laissant penser qu'on a peut-être quelque chose d'intéressant.
25:35 On va prendre ses empreintes et les comparer.
25:37 Et là, les empreintes vont matcher.
25:39 Et clairement, c'est sa paume de main qui a été laissée sur le mur de la cuisine.
25:44 Donc on tient notre auteur potentiel.
25:46 Chez lui, les enquêteurs ont retrouvé des vêtements tachés de sang,
25:51 une semise qu'il avait jetée dans le baccalage.
25:54 Et on a retrouvé aussi des baskets, elles-mêmes tachées.
25:57 Ça s'est placé sous scellé et ça va partir en analyse
26:00 pour déterminer que le sang provient du corps de la victime.
26:05 Et là, c'est la sidération totale de la part des policiers.
26:08 Ils se rendent compte que le suspect numéro un,
26:10 c'est un gamin qui a 13 ans et 3 mois.
26:13 C'est surtout la jeunesse qui les sidère.
26:16 Est-ce que ce jeune garçon, qui est un camarade de classe de Christopher,
26:21 peut être responsable d'une telle barbarie ?
26:23 Je rappelle que Christopher a quand même succombé à des coups de couteau
26:28 qui l'ont été asséné avec une grande violence.
26:30 22 coups de couteau.
26:31 Donc il y avait un véritable acharnement, une véritable sauvagerie.
26:35 Et ce qui sidère les enquêteurs, c'est que c'est ce peut-être, sans doute,
26:39 ce jeune de 13 ans et 3 mois qui est à l'origine de cette sauvagerie.
26:47 Les policiers sont d'autant plus sidérés que ce jeune adolescent,
26:51 prénommé Rudy, est inconnu des services de police et de gendarmerie.
26:56 Il est immédiatement interpellé et placé en garde à vue.
27:00 Une fois qu'il est placé en garde à vue,
27:02 on va l'interroger selon les techniques classiques
27:05 pour qu'il nous explique un petit peu son emploi du temps
27:08 et puis pour lui demander s'il a pu rencontrer la victime
27:12 et s'il a pu la suivre dans l'appartement.
27:14 La première audition ne donnera rien au sens où il va nier totalement
27:21 une quelconque implication.
27:23 Il avait simplement dit qu'effectivement il connaissait Christopher,
27:26 que ce jour-là il l'avait bien rencontré dans l'après-midi,
27:29 qu'ils avaient fait un morceau de chemin ensemble,
27:31 mais que chacun était rentré chez soi et qu'il n'était jamais allé chez Christopher.
27:36 Il n'a pas vraiment d'alibi, il nous indique qu'il s'est promené, etc.
27:39 mais personne ne peut nous confirmer.
27:41 Donc on considère qu'il a quand même du sang-froid et de la plomb
27:45 puisque pendant une première audition avec des enquêteurs
27:49 chevronnés de la brigade criminelle,
27:51 il maintient son position en disant qu'il est hors de cause,
27:55 qu'il n'a pas commis cet homicide.
27:57 Donc il va être remis en cellule de garde à vue
28:00 et de mémoire vers 22h, on va l'extraire de cellule de garde à vue une deuxième fois
28:05 et les enquêteurs de la brigade criminelle vont procéder à une nouvelle audition
28:08 et à l'occasion de cette audition, il va reconnaître les faits
28:11 en disant que c'est bien lui qui est l'auteur du meurtre de son camarade.
28:13 Une semaine après le meurtre sauvage de Christopher,
28:18 Rudy, 13 ans, vient d'avouer qu'il est bien son meurtrier.
28:22 Face au policier Médusé, il va alors expliquer en détail
28:27 comment il a commis l'irréparable ce funeste 15 juin 2000.
28:32 C'est une journée où les élèves n'ont pas l'école contrairement à d'habitude
28:37 et donc les enfants se retrouvent en bas de l'immeuble
28:41 Rudy explique qu'en réalité ils ont passé une bonne partie de l'après-midi ensemble,
28:46 qu'ils ont joué ensemble.
28:47 Et Christopher l'aurait invité à monter chez lui
28:51 pour jouer ensemble dans l'appartement.
28:53 Après avoir passé du bon temps ensemble, ils finissent par se disputer.
28:58 À ce moment-là, Christopher aurait insulté la mère du jeune Rudy
29:04 en lui disant que sa mère était une pute,
29:07 avec une expression, si vous me pardonnez l'expression, c'est le cas de le dire,
29:10 un peu plus trivial c'était "elle s'use des bites".
29:13 Et là, le jeune aurait vu rouge,
29:17 il n'aurait pas supporté qu'on puisse dire ça de sa mère,
29:20 et là c'est là qu'il aurait pris un couteau qu'il avait dans sa poche.
29:24 C'est ce que lui a déclaré aux enquêteurs,
29:27 il a insulté ma mère, j'ai sorti le couteau, j'ai frappé.
29:31 Il va nous expliquer qu'une fois le meurtre réalisé,
29:37 il décide d'aller dans la cuisine,
29:39 il nous explique qu'il va se pencher et ouvrir la fenêtre pour se débarrasser du couteau,
29:45 qu'il sait parfaitement que le couteau va atterrir sur le toit d'une coursive,
29:49 donc il ne sera pas visible immédiatement,
29:51 que pour ouvrir la cuisine, parce que bon, ça reste un enfant de 13 ans,
29:54 il n'est pas très très grand, il va avoir besoin de s'appuyer sur le mur de cette cuisine,
29:58 c'est à cette occasion qu'il va y laisser une trace,
30:01 et donc une fois le couteau jeté, il va se laver les mains et quitter l'appartement tranquillement.
30:07 La nouvelle de l'arrestation et des aveux de Rudi se propage à Ronchin comme une traînée de poudre.
30:14 Et pour tout le monde, c'est la stupéfaction.
30:16 La cité des Jardins de Ronchin, près de Lille, est plongée dans l'effroi.
30:22 Un jeune garçon âgé de 13 ans et demi a avoué le meurtre de Christopher, 12 ans,
30:26 retrouvé dans sa chambre le 16 juin, le corps lardé de 22 coups de couteau.
30:30 À l'annonce du dénouement, la population est sous le choc.
30:34 La police est venue nous voir en disant voilà, on a trouvé l'auteur des faits,
30:41 et c'est là qu'ils nous apprennent que c'est un gamin de sa classe.
30:45 Là c'est l'effarement, un gamin ? Un enfant qui aurait commis ça ?
30:53 Jamais on n'aurait pensé que c'était un enfant et qui plus est de sa classe.
30:57 Deuxième séisme au collège.
31:00 Le premier c'était déjà un choc terrible d'apprendre qu'un enfant a été tué.
31:05 Mais alors là, on apprend que c'est un enfant de sa classe qui est l'auteur.
31:10 Là, tout le monde a été assommé, complètement.
31:18 Comment un enfant peut en arriver à être aussi violent ?
31:23 À cet âge-là, on est censé s'amuser, on est censé crier dans la cour de récré,
31:29 on est censé pas faire ce genre de choses.
31:33 Tout le monde a été très choqué que tel acharnement puisse être fait par un enfant,
31:37 puisque pour ce genre de faits particulièrement atroces,
31:40 on pense toujours à un homme, un adulte, mais pas à un enfant,
31:44 surtout un jeune enfant puisqu'il avait à peine 13 ans.
31:48 Tout étant parfait contraste entre le physique de ce garçon et les faits qu'on lui reproche,
31:54 c'est radicalement effectivement opposé.
31:57 Nous sommes dans deux mondes dont on ne pourrait jamais imaginer qu'ils aient pu se croiser.
32:02 C'est la douceur, la rondeur de l'enfance et en face, l'atrocité d'un crime.
32:09 Mais alors que tout le monde est choqué par l'acte terrible commis par ce mineur,
32:16 lui en revanche ne semble absolument pas perturbé.
32:20 Durant l'audition, ce qui nous marque, c'est qu'à aucun moment il ne manifeste de regrets,
32:25 à aucun moment il ne s'effondre, à aucun moment il se met à pleurer en disant qu'il a fait une énorme bêtise.
32:30 Il reste très détaché par rapport à la violence et à la gravité des faits.
32:35 On a l'impression qu'il vit dans un autre monde.
32:37 Ça fait une semaine qu'il est enfermé dans ce silence,
32:40 ça fait une semaine effectivement qu'il se terre dans ce drame.
32:44 C'est un garçon qui se mûre, qui se fait une espèce de carapace de protection.
32:50 Nous avons, nous, envie qu'il réponde à une certaine attitude.
32:55 Là, il n'y a rien de calculé, c'est spontané.
32:58 En plus de la froideur que le mineur affiche lors de ses aveux,
33:04 les policiers sont frappés de constater qu'après avoir sauvagement tué Christopher,
33:09 Rudy va garder son sang froid et être dans la dissimulation pendant une semaine.
33:14 Pendant toute une semaine, il va continuer d'aller à l'école,
33:19 continuer d'avoir une vie normale et en tout cas,
33:22 à aucun moment il ne laissera penser à ses proches ou ses camarades
33:27 ou ses professeurs ou le principal du collège qu'il peut être impliqué dans cette affaire
33:31 puisqu'il se comportera tout à fait normalement,
33:34 montrant d'ailleurs une certaine empathie à son ordre de façade
33:37 par rapport aux gestes qui seront organisés par son collège.
33:39 Il est venu en classe pendant huit jours, jusqu'au moment où la police l'a fait avouer.
33:44 Je repense quand le docteur de la cellule psychologique a dit
33:49 "Christopher, votre camarade est mort".
33:52 Il était là, je le vois encore faire des yeux ronds
33:56 et écouter ça comme une annonce exceptionnelle.
34:03 Et on ne soupçonnait rien.
34:05 C'était impossible de déceler quelque chose, impossible.
34:10 Vous vous rendez compte, pendant toute la semaine d'investigation des policiers,
34:17 il a agi comme si de rien n'était.
34:21 Il a vécu sa semaine de classe normalement.
34:24 Il a participé avec les enfants du collège,
34:28 les élèves du collège à des poèmes pour Christopher,
34:31 à l'écriture de ses poèmes.
34:33 Je ne comprends pas comment on peut occulter complètement un acte pareil
34:38 et écrire des poèmes sans avoir le moindre remord,
34:43 sans avoir la moindre attitude révélatrice.
34:47 Il a joué un rôle de composition pendant presque une semaine.
34:52 Il a été interpellé la veille des funérailles de son camarade de classe.
34:57 Auparavant, il avait même demandé à sa maman de lui préparer une chemise
35:00 pour assister à l'enterrement.
35:01 Comment voulez-vous que Rudy ne participe pas à tout ce qui se met en place
35:08 à la suite du décès ?
35:10 Aucun élève n'aurait levé la main en disant non, stop, moi je ne veux pas,
35:15 Christopher n'était pas mon copain, sans en devenir automatiquement suspect.
35:20 Ça n'a pas été une semaine simple pour lui.
35:22 Il a sauvé la face et en essayant de sauver la face,
35:27 il s'enfonce lui-même encore plus dans une situation difficile à porter.
35:32 Cette situation n'a jamais été simple à porter pour lui.
35:34 Ce n'est pas parce qu'il fait illusion que pour autant,
35:39 il est lavé de l'horreur qu'il a commise.
35:41 Personne ne sait, et moi non plus, dans quel état il était quand il était en classe,
35:46 dans quel état il était pendant l'hommage, comment il le vivait.
35:50 Je ne peux pas être à l'intérieur des individus ou des âmes.
35:55 Afin de mieux comprendre comment ce drame a pu se nouer,
35:58 les policiers s'attachent à présent à cerner qui est cet adolescent criminel.
36:04 C'est un jeune qui n'est pas très bon en classe,
36:08 mais ce n'est pas un élément perturbateur.
36:10 Le parcours scolaire de Rudy est plus que chaotique.
36:15 Cet élève-là ne travaillait pas, du tout, du tout, du tout.
36:20 Lui-même le dit, je n'ai pas envie de travailler, je n'aime pas l'école.
36:24 Mais avec moi, il a toujours été respectueux.
36:27 Au collège, Rudy était insignifiant,
36:32 inexistant,
36:34 transparent.
36:36 Christopher connaissait le jeune Rudy
36:38 parce qu'il venait d'arriver dans la classe quelques mois auparavant,
36:41 mais ce n'était pas un de ses amis.
36:43 Ce n'est pas un enfant avec qui Christopher jouait,
36:47 ce n'était pas un de ses amis puisqu'il nous parlait de ses amis.
36:50 Chez nous, on connaissait le prénom de tous ses copains,
36:55 mais jamais il nous a parlé de lui.
36:56 Ce n'était pas du tout le même genre d'enfant
37:02 et ce n'était pas le genre de fréquentation qu'avait Christopher habituellement.
37:05 Le comportement de Christopher et de Rudy était à l'opposé.
37:11 Christopher était quelqu'un de sociable,
37:16 souriant, spontané,
37:19 et Rudy était introverti,
37:24 complètement renfermé sur lui-même.
37:26 Il était tellement introverti qu'on ne lisait rien à travers lui.
37:31 Rien.
37:32 Il ne posait aucun souci,
37:34 il n'y avait aucun signe avant-coureur de ce déchaînement de violence.
37:38 Personne n'aurait pu croire qu'il était capable d'un tel déchaînement de violence.
37:42 C'est vrai qu'il avait encore, pour 13 ans, un visage poupin.
37:47 À l'issue de sa garde à vue, qui a duré 24 heures,
37:53 Rudy, 13 ans, est mis en examen pour le meurtre de Christopher.
37:57 Il est incarcéré dans une prison de la région.
38:01 On va l'emmener dans une prison qui n'existe plus,
38:04 qui a été détruite depuis,
38:06 mais qui n'est pas conçue pour les mineurs,
38:08 qui a juste un quartier mineur.
38:11 Ça veut dire que tout ce qu'il doit faire dans la journée,
38:13 les endroits où il doit se rendre,
38:15 c'est en traversant des quartiers majeurs.
38:18 Et donc on se retrouve avec une différence de profil.
38:23 Je rappelle qu'il était très jeune et qu'il a été amené à côtoyer des adultes,
38:28 mais des gens, des pédophiles et des assassins.
38:32 On a quelqu'un qui a peur du monde dans lequel il va basculer
38:35 parce que c'est incroyablement inconnu.
38:37 Et que nous, en tant qu'avocat, même si nous avons conscience de la gravité,
38:41 on sait qu'il n'est pas assez formé,
38:44 qu'il n'est pas assez construit intellectuellement
38:46 pour aller se confronter avec ce monde-là.
38:49 Mais il n'y a pas d'autre solution non plus à ce moment-là.
38:52 C'est bien trop grave pour être en foyer,
38:54 c'est bien trop grave pour être en centre d'éducation fermé.
38:57 Et donc la justice n'a que ça pour répondre à un tel crime.
39:04 Je ne peux pas le rassurer parce que je dois au contraire
39:08 rendre intelligible pour lui et compréhensible pour lui
39:12 le chemin qu'il va avoir à parcourir et à affronter en étant seul.
39:18 Là, effectivement, à 13 ans et quelques jours,
39:20 il doit faire face à une machine qui est conçue pour les adultes.
39:26 Depuis le début de cette affaire,
39:28 la personnalité de Rudy désarçonne les enquêteurs et le juge d'instruction.
39:33 Alors pour comprendre à qui ils ont affaire,
39:36 des expertises psychologiques et psychiatriques
39:38 sont immédiatement ordonnées.
39:40 Le docteur Michel Gueda est expert psychiatre,
39:44 spécialiste des enfants et des adolescents.
39:46 Il n'a pas été mandaté dans cette affaire,
39:49 mais à notre demande, il a travaillé sur le dossier.
39:52 Il peut ainsi nous éclairer sur la personnalité de l'adolescent.
39:57 On sait pour cet enfant qu'il y a eu un grand traumatisme,
40:01 une grande difficulté, c'était le suicide de son père,
40:04 qui est survenu alors qu'il avait 6 ans
40:07 et qui a amené un changement complet au niveau de l'organisation familiale
40:13 puisqu'il a fallu qu'il soit pris en charge à ce moment-là
40:15 par les grands-parents maternels.
40:18 Son papa s'est suicidé, son papa s'est pendu
40:21 et ça a été une période très vite difficile de sa vie.
40:23 Et puis il a une maman extrêmement aimante,
40:26 mais qui est un peu débordée par toutes ces réalités de la vie
40:30 auxquelles elle doit faire face,
40:31 qui est bien évidemment chaos de ce qu'elle a vécu
40:35 avec le décès de son compagnon
40:36 et qui se fait aider par les grands-parents.
40:39 Rudy, qui est enfant unique,
40:43 se retrouve seul avec sa mère après le suicide de son père.
40:48 Mais la mère de famille a du mal à se remettre de la mort de son mari.
40:53 Alors elle décide d'envoyer Rudy, qui a 6 ans,
40:55 vivre chez ses grands-parents maternels.
40:59 Puis il y a eu une nouvelle union de sa mère
41:02 et qui a eu naissance de deux autres enfants plus jeunes.
41:06 Déséquilibre est survenu de ce fait
41:08 puisque les deux nouveaux enfants sont restés avec la mère
41:14 alors que lui était chez les grands-parents.
41:17 Grands-parents qui ont été décrits comme des gens très aimants,
41:22 chaleureux, mais qui, comme beaucoup de grands-parents,
41:26 n'étaient pas stricts sur le plan éducatif, qui étaient permissifs.
41:32 Donc dans ce milieu rural, il avait beaucoup de liberté
41:35 pour faire un peu ce qu'il voulait,
41:37 étant un petit peu le chouchou et il n'avait pas beaucoup d'interdits.
41:44 Rudy va rester 6 ans chez ses grands-parents.
41:47 Mais à l'âge de 12 ans et demi,
41:49 6 mois avant le meurtre de Christopher,
41:51 sa mère décide de le récupérer.
41:55 À un moment, elle considère qu'il est temps que Rudy revienne vivre avec elle,
41:59 que ça y est, elle a retrouvé des forces, elle est remontée,
42:01 elle travaille, elle fait de son mieux pour faire bouillir la marmite
42:06 et qu'elle peut reprendre Rudy au quotidien.
42:09 Il se retrouve dans une famille recomposée
42:11 puisqu'il a deux demi-frères et demi-sœurs avec qui il doit vivre
42:16 et sa mère qui, de par les obligations de son métier,
42:20 des horaires difficiles, n'a pas la disponibilité
42:23 pour être extrêmement présente auprès de lui.
42:27 Et puis, il y a quand même un deuil affectif par rapport aux grands-parents
42:31 qui l'ont pris en charge quand même entre 6 et 12 ans,
42:35 où il était la petite merveille.
42:38 À la campagne, Rudy est le centre du monde de ses grands-parents.
42:42 Tout est tourné effectivement vers lui.
42:45 L'arrivée à Ronchamp n'est pas simple parce que d'abord, c'est un appartement,
42:49 c'est un appartement dans une cité importante,
42:52 même si elle est bien tenue, c'est une cité avec de nombreux logements voisins
42:56 où on sait tout ce qu'il se passe à l'étage au-dessus, en dessous et sur les côtés.
43:01 Un monde qui n'est pas effectivement le monde gentil de la campagne.
43:06 Nous ne sommes plus dans le près, nous sommes dans le béton.
43:10 Il a du mal à vivre dans quatre murs d'appartements
43:14 alors qu'il passait son enfance dans un jardin.
43:16 Et puis c'est un garçon qui passe sa vie dehors,
43:18 un garçon qui passe sa vie à tailler des bâtons, à être dans les arbres,
43:23 à caresser les animaux dans les prairies.
43:26 Et aussi effectivement, il y a une fratrie qui vit là.
43:28 Et donc ça n'est plus la même tranquillité.
43:31 Bien évidemment qu'il est content de voir sa famille,
43:33 mais ça n'est plus aussi simple.
43:36 Donc tout son équilibre ou tout son pseudo-équilibre construit
43:41 avec le décès d'un papa et d'une mère loin, tout ça est balayé.
43:44 Il faut se réinventer une vie.
43:46 C'était une grosse onde de choc pour lui d'avoir déménagé,
43:49 surtout en cours d'année, parce qu'il avait rejoint le collège
43:52 où était scolarisé Christopher en janvier.
43:55 Il venait en traînant les sabots.
43:58 Ça, ça se sentait.
44:00 Il n'était pas content d'arriver au collège, du tout.
44:03 Il regrettait sa vie à la campagne.
44:06 Donc il y a eu quand même beaucoup de ruptures dans la vie de ce jeune.
44:10 Des carences, les experts l'ont dit.
44:12 On apprend après que c'est un enfant qui a eu des difficultés dans sa vie familiale,
44:18 que c'est pas sa maman qui l'a élevé.
44:21 Mais je dis, ça n'excuse absolument rien.
44:25 C'est quand même lui qui est passé à l'acte.
44:31 Qu'est-ce qui s'est passé pour déclencher un tel flot de violence ?
44:37 Personne, personne n'aurait pu croire
44:39 qu'il pouvait libérer une telle agressivité.
44:42 Rudy a expliqué aux policiers que s'il a tué Christopher,
44:48 c'est parce qu'il avait insulté sa mère.
44:51 Et en le questionnant un peu plus sur les raisons de ce passage à l'acte particulièrement violent,
44:56 les experts apprennent que l'adolescent
44:58 vivait très mal le fait que sa mère soit vue d'un mauvais œil dans le quartier.
45:03 Il ne pensait pas que venir vivre dans un immeuble comme celui-là
45:07 l'exposerait aux candidatons, aux critiques, aux rumeurs.
45:11 Et voilà, et tous les jours, il prend un ascenseur
45:15 dans lequel le prénom de sa maman est inscrit au couteau
45:19 avec le terme de "pute" dessus,
45:21 parce qu'on trouve que son visage est un peu trop joli ou un peu trop maquillé,
45:25 que ses jupes sont peut-être parfois courtes.
45:28 On lui prête effectivement une vie qui n'est pas du tout la sienne.
45:31 Cette femme n'a absolument rien à se reprocher.
45:33 Mais nous sommes dans un petit monde où tout le monde s'observe
45:38 et où tout le monde regarde par la fenêtre qui fait quoi et qui est qui.
45:41 Et cette femme qui vit sans homme fait l'objet d'énormément de critiques.
45:44 Et donc Rudy est à cendre cela, parce que,
45:48 certes il était bien chez ses grands-parents,
45:49 mais il a toujours rêvé de rejoindre sa mère
45:52 et de voir qu'en réalité, sa mère n'est que ça aux yeux des gens.
45:57 Très compliqué pour quelqu'un qui n'a pas le papa non plus.
46:01 Et donc ça bouillonne, ça bouillonne, ça bouillonne.
46:03 Et là, ce jour-là, effectivement,
46:05 c'est Christopher qui va subir toute cette colère
46:09 qu'il a emmagasinée en lui depuis qu'il habite là.
46:11 Rudy affirme qu'il n'aurait pas supporté entendre son camarade de classe
46:17 proférer des insultes contre sa mère.
46:20 Mais la famille de Christopher est très sceptique.
46:24 Elle ne croit pas à cette version avancée par l'adolescent.
46:27 Christopher était reconnu par tout le monde comme un enfant très bien élevé,
46:31 qui ne disait pas de gros mots, qui n'insultait pas les gens.
46:35 La famille Maures, pour elles, ce n'était pas possible
46:38 que Christopher puisse comme ça insulter la maman d'un copain,
46:43 maman d'ailleurs qu'ils ne connaissaient pas, je pense,
46:45 et surtout avec des troupeaux d'une telle violence.
46:48 On s'est dit, c'est pas possible.
46:49 Notre fils ne dit pas de gros mots.
46:52 Nous, on l'a toujours, lui, comme ses frères et soeurs, élevé comme ça.
46:57 On ne dit pas de gros mots.
47:00 Moi, tous les contacts que j'ai pu avoir avec Christopher,
47:04 c'était un enfant bien élevé qui ne utilisait pas de grossièreté du tout.
47:09 Donc, de là, on s'est dit, il ment.
47:13 Pour se couvrir, voilà, pour expliquer son geste,
47:18 voilà, notre jugement était fait, il ment.
47:24 On est tous persuadés qu'il y a quelque chose d'autre,
47:26 mais qu'on ne connaît pas et qu'on ne trouve pas.
47:30 C'est juste difficile parce que notre fils, lui,
47:35 il n'a jamais pu donner sa version.
47:37 Il n'a jamais pu se défendre, jamais nous expliquer,
47:42 jamais nous dire au revoir non plus.
47:43 Et il y a un autre point dans la version de Rudi
47:49 qui pose problème à la famille de Christopher et aux enquêteurs.
47:52 Tout le monde a été surpris qu'un jeune de 13 ans
47:57 se promène avec un couteau dans la poche,
47:59 surtout que le matin, il avait école.
48:01 On lui a bien évidemment posé la question,
48:03 pourquoi il avait ce couteau ?
48:05 Il va nous expliquer qu'à la campagne,
48:07 il avait déjà l'habitude de se promener avec un couteau
48:09 pour couper des morceaux de bois, des branches,
48:11 et qu'il a gardé cette habitude.
48:12 Se promener avec un couteau de cuisine dans la poche.
48:16 Là, c'est un couteau de cuisine dont on parle,
48:18 un couteau à steak même plus,
48:20 depuis qu'on se balade avec des choses pareilles dans ses poches.
48:23 L'histoire de tailler des branches dans l'appart,
48:25 avec Mme Morez, je ne l'ai jamais cru.
48:27 Je pense que c'est légitime pour Mme Morez
48:29 de se poser de telles questions
48:31 dès lors qu'on sait ce qu'il a fait de ce couteau
48:33 et de l'issue tragique.
48:35 Je pense qu'il avait envie de faire du mal.
48:41 Moi, je ne pense pas que c'était pour couper des branches dans le parc,
48:46 j'en suis persuadée.
48:48 Alors après, quel grief il avait contre notre fils,
48:51 on ne l'a jamais su.
48:55 Évidemment, on se posera la question
48:58 de savoir si son geste n'a pas été prémédité,
49:01 s'il n'a pas pris volontairement un couteau
49:03 pour se rendre chez Christopher.
49:05 Mais nous n'aurons jamais de réponse à cette question.
49:08 On ne saura jamais vraiment ce qui s'est passé entre les deux.
49:11 On ne saura jamais ce qui a été vraiment l'élément déclencheur,
49:14 ce qui a pu mettre l'agresseur dans une telle furie.
49:18 Les experts psychologues et psychiatres
49:20 qui ont examiné Rudy,
49:22 mais également la famille de Christopher,
49:24 se sont toujours demandés si le mineur
49:26 n'enviait pas son camarade de classe,
49:28 au point déguisé sa colère.
49:31 Le profil de la victime était très différent de celui de Rudy.
49:36 La victime était un garçon sociable,
49:41 très actif,
49:43 réussissant correctement en classe,
49:45 amateur de nombreux sports,
49:47 à l'aise, élevé dans une famille épanouie.
49:51 On avait vraiment un enfant
49:53 qui n'avait pas les conditions de vie qu'avait Christopher,
49:56 qui lui avait eu la chance,
49:58 parce que c'est une chance,
49:59 de vivre dans une famille très unie, aimante,
50:02 une vraie vie de famille.
50:03 L'image que pouvait avoir son agresseur,
50:05 c'était un peu une famille modèle.
50:07 Lui, il avait été transbahuté
50:09 entre sa grand-mère, sa maman, vers qui il revenait,
50:13 son papa qui était décédé.
50:15 Il y avait peut-être un petit peu de jalousie quand même,
50:17 par rapport au profil familial de Christopher.
50:19 Il voyait chez Christopher toute une image de la famille
50:22 qu'il aurait pu ambitionner d'avoir
50:24 et qu'il n'avait pas eue,
50:25 et qui pouvait exciter aussi un sentiment de jalousie.
50:29 Une image qu'il pouvait à la fois envier
50:32 et puis éprouver aussi un ressentiment projectif
50:37 par rapport à ce jeune homme
50:39 qui renvoyait lui à ses propres faiblesses
50:42 et à ses propres manques.
50:44 Ça a dû réveiller un sentiment de colère interne
50:48 qui a été peut-être amplifié
50:50 par quelques paroles malheureuses de la victime, possiblement.
50:54 À la fin de leur rapport,
50:57 les experts psychologues et psychiatres
50:59 qui ont examiné Rudy
51:01 ont conclu qu'il ne souffrait d'aucune pathologie mentale.
51:04 Le mineur pourra donc être jugé.
51:07 Son procès s'est ouvert à huit clôts le 10 mai 2001
51:12 au tribunal pour enfants de Lille.
51:15 Nous sommes près d'un an après le meurtre de Christopher
51:18 et Rudy est désormais âgé de 14 ans et demi.
51:21 Quand il entre dans le boxe,
51:23 sa jeunesse frappe les parties civiles.
51:26 On ne le connaissait pas avant,
51:28 donc on a découvert son visage,
51:30 à quoi il ressemblait le jour du procès.
51:33 Donc c'était un choc.
51:35 C'est qu'un môme.
51:37 Il donne l'impression d'une petite chose,
51:39 tout peinot,
51:41 de ne pas savoir trop pourquoi il est là.
51:45 Il a été assez distant, comme pas là.
51:48 Il répondait du bout des lèvres,
51:51 d'une façon pas très audible.
51:54 J'ai le sentiment d'un garçon,
51:58 préadolescent,
52:00 assez renfermé sur lui-même,
52:02 qu'il ne s'y ouvre pas, introverti,
52:05 sans émotions.
52:07 Je ne sais pas s'il a finalement pris conscience
52:10 de la gravité des actes, même à ce moment-là.
52:12 En tout cas, ce n'est pas l'impression qu'il donne.
52:14 Il n'a émis aucun remord,
52:18 aucun regard vers nous.
52:21 C'est très compliqué pour lui,
52:25 parce qu'il ne connaît pas ce cérémonial.
52:27 Il essaye de s'expliquer,
52:29 il manque souvent de vocabulaire.
52:31 Il lit une lettre qu'il a essayée de rédiger en prison,
52:35 parce que je le prépare à l'idée
52:38 que ce sera très difficile pour lui de s'exprimer,
52:41 et surtout très difficile de ne rien oublier.
52:43 Dans le cadre de cette lettre, Rudy présente ses excuses
52:46 et explique comment les choses se sont passées ce jour-là.
52:49 Il a sorti un papier avec un mot d'excuse.
52:54 C'était trop fort pour moi, je suis sortie.
52:56 Pour moi, ça sonnait faux.
53:00 Et il l'a lu de manière monocorde.
53:08 On entendait bien que ça, ça ne venait pas de lui.
53:11 Ça, ça a été plus fort,
53:13 plus fort que je ne pouvais entendre.
53:16 Je suis sortie à ce moment-là.
53:20 Rudy regrette, bien évidemment, c'est bien le minimum,
53:23 mais c'est pas rattrapable.
53:26 Donc, quel que soit le mot qu'il emploie,
53:29 il ne sera jamais en rapport avec le chacun des parents
53:32 et l'atrocité des gestes.
53:34 Après quatre jours d'un procès intense en émotion,
53:38 le verdict tombe.
53:40 Rudy est condamné à huit ans de réclusion criminelle.
53:44 Une peine jugée beaucoup trop légère pour les parents de Christopher.
53:47 Selon eux, la justice est bien trop indulgente
53:50 quand il s'agit de mineurs accusés de faits graves.
53:53 Le fait qu'un mineur soit jugé
53:58 et que sa peine soit d'emblée diminuée de moitié,
54:02 je trouve ça pas très bien.
54:06 Je trouve ça pas normal, pas légitime.
54:10 Un crime reste un crime.
54:13 Que ce soit un enfant ou un adulte qui le commet,
54:16 je pense que le résultat est le même.
54:19 Les jeunes savent très bien ce qu'ils font quand ils le font.
54:22 Même à dix ou douze ans, ils savent ce qu'ils vont faire.
54:26 D'ailleurs, pour ce genre d'affaires,
54:29 quand c'est des mineurs, c'est des procès à huit clous.
54:32 C'est un peu comme si c'était tabou,
54:35 comme si on voulait pas en parler.
54:37 Faut pas que ça se sache.
54:39 Au contraire, je pense qu'il faut ne plus faire de huit clous.
54:42 Il faut que ce genre d'action soit puni
54:46 et que ça fasse peur aux mineurs de faire des choses comme ça.
54:51 Il faut qu'ils sachent qu'on ne fait pas les choses impunément
54:54 quand on est dix ans ou vingt ans.
54:57 Il faut que tout le monde sache ce qu'ils ont fait.
55:00 Il faut que la loi change.
55:04 Et si la famille de Christopher souhaiterait que la justice des mineurs change,
55:08 c'est parce qu'ils ont été bouleversés d'apprendre qu'après sa condamnation,
55:12 Rudy a encore bénéficié de la bienveillance de la justice.
55:16 En effet, sitôt la sentence prononcée,
55:19 le magistrat qui présidait le tribunal pour enfants
55:22 s'était empressé d'aller voir l'avocat de Rudy.
55:25 Il a été touché par l'histoire de l'adolescent et souhaite lui tendre la main.
55:31 Il me dit "Vous savez, Maître Higlaire, je ferai en sorte que Rudy travaille en prison,
55:35 que Rudy se forme en prison, et si je vois qu'il est sérieux,
55:39 eh bien avec une peine de huit années, j'ai de la marge.
55:42 Je peux mettre en place un système de conditionnel
55:45 où effectivement il purge un temps suffisant,
55:49 symboliquement pour que la peine ait du sens,
55:52 qu'il y ait véritablement un chiffre en face de ce drame,
55:56 et puis aussi que j'ai encore un petit peu, moi, de possibilités de conditionnel
56:00 pour le sortir avant.
56:02 Je prends l'engagement d'être toujours là, et il a toujours été là.
56:06 Nous avons obtenu, avec le soutien de cet extraordinaire magistrat,
56:09 nous avons obtenu des dérogations au ministère
56:12 pour qu'il puisse avoir des cours sur des machines qui d'habitude ne sont pas possibles.
56:15 Donc Rudy est sorti de là avec un métier.
56:19 Donc le meurtrier est sorti au bout de quatre ans, donc juste avant de ses 18 ans.
56:23 Quand il sort de là, il a déjà un diplôme en poche,
56:26 et un nouveau défi s'ouvre à lui,
56:28 c'est de ne pas décevoir tous ceux qui l'ont aidé pendant ces années,
56:31 cette famille qu'il n'a pas abandonnée.
56:34 Et donc la justice a fonctionné cette fois-là, voyez, il a été puni,
56:39 mais en même temps il a été rééduqué,
56:42 comme cela est aussi un des buts de la peine de prison,
56:45 c'est aussi d'en sortir meilleur.
56:47 Et bien effectivement, je crois que cette fois-là ça a fonctionné.
56:51 Quand on entend dire qu'il est sorti au bout de quatre ans,
56:56 quatre ans c'est quoi pour un jeune ?
56:59 C'est une parenthèse.
57:02 Il va pouvoir refaire sa vie normalement,
57:08 chose qu'il a d'ailleurs faite avec l'aide de la justice.
57:12 Il a été épaulé par un juge pour enfants,
57:15 qu'il a pris sous son aile.
57:18 C'est comme si on lui avait dit "T'as fait une bêtise, mais c'est pas grave, on va t'aider".
57:25 Quatre ans, c'est quand même pas cher payé pour avoir pris la vie de quelqu'un.
57:31 Et nous, c'est pas quatre ans, c'est pas huit ans qu'on a pris,
57:35 c'est perpète pour notre fils.
57:38 Aujourd'hui, plus de 22 ans après le meurtre,
57:44 Rudy a reconstruit sa vie, libre, quelque part en France.
57:48 Désormais, son histoire lui appartient.
57:52 Mais pour les parents de Christopher, la douleur est toujours à vif,
57:56 même si la vie doit continuer.
57:59 On a essayé d'avancer dans notre vie,
58:04 parce qu'on avait aussi nos deux autres enfants, qui avaient besoin de nous.
58:08 Mais je peux vous dire qu'on avait besoin d'eux aussi,
58:11 et que si ils n'avaient pas été là, ils ne seraient peut-être pas là aujourd'hui non plus.
58:17 Nos enfants, c'était un formidable moteur.
58:23 Christopher, c'était un cadeau de la vie, cet enfant.
58:28 Il avait un peps, et puis cette...
58:33 propension à aider les autres, sans qu'on lui demande.
58:38 Moi, ce qui me reste, et la chose à laquelle je pense à chaque fois,
58:44 c'est son sourire.
58:48 Il ne sera jamais plus là,
58:53 pour nous raconter des blagues, pour nous faire des grands sourires,
58:59 pour nous faire des petits-enfants.
59:03 Christopher, il aura 12 ans pour toujours.
59:11 [Couinement]
59:14 [Musique]