Émeutes en France : le gouvernement dans l'impasse face aux inégalités territoriales

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Transcription
00:00 interviennent 40 ans après une marche qui est entrée dans l'histoire, la marche des
00:05 beurres, une marche pour l'égalité et contre le racisme, partie en octobre 83 de Marseille.
00:11 Karim Yahoui, bonjour.
00:12 Vous réalisez pour France 24 un documentaire sur cet événement qui fait écho aujourd'hui.
00:16 C'est vrai, ça résonne tout particulièrement parce qu'en octobre 1983, quelques jeunes
00:22 partis du quartier des Minguettes, dans la banlieue de Lyon, décident de faire une marche,
00:28 une marche pour dire stop au racisme, pour dire stop aux violences policières.
00:33 Ce n'est pas de Marseille, je me suis trompé.
00:35 Si, si, ils sont partis de Marseille, mais en fait l'histoire a commencé à Lyon, mais
00:39 symboliquement ils voulaient traverser toute la France.
00:42 Donc ils sont redescendus jusqu'à Marseille pour remonter jusqu'à Paris.
00:46 Ils sont partis une dizaine, ils sont arrivés, il y avait 100 000 personnes du côté de
00:50 Paris pour dire non à la violence, notamment policière, parce que ces années-là, en
00:55 tout cas les années qui ont précédé, ont été marquées par un certain nombre de morts
00:59 violentes de jeunes issus de l'immigration, notamment de jeunes maghrébins, de jeunes
01:03 africains et à chaque fois la justice était extrêmement peu sévère, voire pas du tout
01:09 sévère à l'égard de policiers ou même de citoyens.
01:12 On parlait à l'époque des tontons-flingueurs qui tiraient depuis la fenêtre de leur immeuble.
01:16 Et c'est vrai qu'aujourd'hui ça résonne tout particulièrement puisque pour certains
01:22 les choses n'ont pas suffisamment changé depuis cette année-là.
01:25 Alors ils avaient été reçus par François Mitterrand qui avait pris un certain nombre
01:28 d'engagements, notamment celui que la justice se fasse plus sévère à l'égard de ceux
01:33 qui commettraient des crimes racistes.
01:35 Il va y en avoir moins pendant les années 80-90, mais cette violence va persister,
01:41 il y aura encore des bavures.
01:43 Alors un certain nombre d'universitaires se sont penchés sur cette question de la gestion
01:50 par les forces de l'ordre, du contrôle de la société notamment.
01:55 Et ceux qui travaillent sur ces violences policières ont tendance à expliquer que
01:59 le maintien de l'ordre plonge un peu ses racines dans l'histoire coloniale de la France,
02:05 dans une culture coloniale.
02:06 Certains manuels, certains enseignements sont dans une logique de maintien de l'ordre
02:13 contre un ennemi de l'intérieur.
02:15 Et ce qui est intéressant c'est que ces marcheurs de 83, on en a rencontré un certain nombre
02:19 ces derniers temps, et bien ils nous expliquaient que lorsqu'ils avaient 17-18 ans, lorsqu'ils
02:24 étaient poursuivis par la police, ils leur criaient "petit félaga, je vais te rattraper"
02:29 comme si cette guerre, notamment en Algérie, avait perduré sur le territoire français
02:35 et que finalement ces opérations de maintien de l'ordre contre l'ennemi intérieur, c'était
02:41 un petit peu l'architecture de la réflexion du maintien de l'ordre à cette époque.
02:46 Alors aujourd'hui les choses ont bien changé, mais ça a tout de même ruissellé et un certain
02:50 nombre de choses persistent dans le rapport entre la police et les jeunes des quartiers
02:56 notamment.
02:57 Et depuis Karim, il y a eu plusieurs occasions pour réformer la police française.
03:01 C'est vrai, il y a eu plusieurs occasions pour réformer la police française qui sont
03:05 restées lettres mortes et aujourd'hui on voit que l'ONU pointe du doigt la France
03:10 en l'invitant à s'attaquer sérieusement aux profonds problèmes de racisme qui traversent
03:16 la police.
03:17 Ces déclarations de l'ONU évidemment ont heurté certains, notamment Laurent Nunes,
03:22 le préfet, qui explique qu'il n'y a pas de racisme au sein de la police française,
03:26 que les contrôles ne se font pas du tout en fonction de critères racials.
03:29 Ça va en contradiction absolue avec des déclarations du président de la République qui datent
03:34 de 2020 au moment de l'affaire Michel Zecler dont vous vous souvenez sans doute, ce producteur
03:39 de musique qui avait été passé à tabac dans son studio de musique par des policiers.
03:43 Macron à l'époque expliquait que quand on a une couleur de peau qui n'est pas blanche,
03:47 on est beaucoup plus contrôlé.
03:49 C'est vrai qu'il y a eu des occasions ces dernières années pour réformer la police.
03:54 On se souvient du mouvement des gilets jaunes qui avait été marqué par de très nombreux
04:01 blessés, des éborgnés.
04:02 À ce moment-là, on avait dit qu'il était nécessaire de réfléchir le maintien de l'ordre
04:08 en France avec une nouvelle doctrine.
04:09 Et puis lorsque finalement cette doctrine a été dévoilée quelques mois plus tard,
04:13 elle restait quasiment la même.
04:15 Il y a eu cette affaire, je vous le disais, Zecler où on se souvient que le ministre
04:21 de l'Intérieur de l'époque, Castaner, avait eu des mots assez durs à l'égard de la police.
04:27 On voit les images derrière vous.
04:29 On découvre les images de cette interpellation extrêmement musclée qui avait heurté jusqu'au
04:34 président de la République.
04:35 Le ministre de l'Intérieur, Castaner, avait expliqué qu'il fallait changer de doctrine,
04:41 qu'il fallait changer le système.
04:42 Mais on se souvient aussi de la réaction extrêmement virulente des syndicats de police
04:47 avec des policiers qui étaient venus jeter leur menotte devant le ministère de l'Intérieur
04:52 après les déclarations de Castaner qui avait fini par quitter ses fonctions.
04:56 Et puis le quinquennat précédent, finalement, on se souvient que François Hollande avait
05:00 fait un certain nombre d'annonces qui n'avaient pas été suivies d'effet.
05:03 Et en 2017, c'est un petit peu le contraire qui s'est passé puisque la loi qui encadrait
05:10 l'usage des armes à feu chez les policiers avait permis un usage peut-être plus important
05:16 de la part des policiers.
05:17 Une loi de 2017 qui, en ce moment, pointait du doigt depuis cette affaire, Naël.
05:22 Donc le système est resté le même, il n'y a pas eu de grandes évolutions ?
05:25 Il n'y a pas eu de grandes évolutions pour un certain nombre de raisons.
05:28 D'abord parce que du côté des syndicats de police, on freine des quatre fers face
05:33 à toute possibilité d'évolution.
05:36 Il suffit de regarder ces derniers temps après cette affaire, Naël, les déclarations de
05:40 deux syndicats de police, Allianz et Unsa Police, qui sont extrêmement puissants.
05:44 Aujourd'hui, les policiers sont au combat car nous sommes en guerre.
05:48 Ils parlent de guerre, ce qui renvoie finalement à cette analyse que j'évoquais au début
05:53 d'un certain nombre d'universitaires avec cet ennemi de l'intérieur.
05:56 Demain, nous serons en résistance et le gouvernement devra en prendre conscience.
06:01 Ce sont des menaces pas du tout voilées à l'égard du politique, avec des policiers
06:06 qui sont presque prêts à en découdre avec le politique si on veut remettre les choses
06:10 à plat.
06:11 D'autres choses expliquent cet immobilisme.
06:13 Sébastien Rocher, qui est un spécialiste des questions de police, explique que finalement
06:19 les ministres de l'intérieur, leur durée de vie est assez courte.
06:22 C'est en moyenne ou au maximum trois ans.
06:25 Et finalement, lorsqu'ils pèsent le pour et le contre, ils se retrouvent souvent à
06:29 expédier les affaires courantes.
06:31 C'est un peu exagéré de le dire comme ça, parce que le travail est immense.
06:35 Mais en tout cas, ils ne s'attèlent pas à une grande réforme de la police.
06:40 Et puis, il souligne aussi qu'il y a une faiblesse de la réflexion intellectuelle
06:44 autour de ces questions-là, en soulignant qu'en Angleterre ou en Allemagne, il y a
06:50 des organismes de réflexion qui sont externes et qui travaillent sur ces schémas à mettre
06:56 en place dans les opérations de maintien de l'ordre notamment.
07:00 Et cette réflexion en France est assez pauvre.
07:02 Mais sans doute que le principal frein à toute réforme, c'est le manque de courage
07:08 politique.
07:09 Merci beaucoup Karim.
07:10 Et on a hâte maintenant de voir votre documentaire.
07:13 J'imagine que la sortie est prévue en octobre ?
07:14 Elle est prévue en octobre.
07:15 Théoriquement, on va finir le montage un peu avant, mais c'est prévu en octobre.
07:18 Sur la marche pour l'égalité contre le racisme, c'était il y a 40 ans.
07:22 Merci encore Karim pour ces éléments.
07:23 Un dernier mot pour...

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