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Grande victoire au Prix de l'Inventeur Européen 2023 pour une innovation française sur l'hydrogène : Patricia de Rango directrice de recherche à l'Institut Néel et Michel Jehan, industriel du magnésium, président de la société Jomi Leman, sont les invités du 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-mercredi-05-juillet-2023-6420743

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00:00 Il est 6h20, 5 français ont brillé hier au prix de l'inventeur européen.
00:04 Ils ont même été doublement récompensés par des professionnels et par le public.
00:09 Récompensés pour avoir inventé une façon de stocker l'hydrogène sous forme solide.
00:13 Deux d'entre eux sont avec nous ce matin.
00:15 Patricia Derangot, vous êtes directrice de recherche à l'Institut Néel, c'est un laboratoire
00:19 CNRS de Grenoble.
00:20 Et en ligne également Michel Géant, vous êtes l'industriel de l'équipe, président
00:24 de la société Jomy-Lément.
00:25 Bonjour à tous les deux et surtout bravo !
00:27 Bonjour ! Alors bravo aussi à vos trois collègues,
00:31 je vais les citer, Daniel Fruchard, Albin Chaise et Nathalia Skriabina.
00:35 Ces prix vous ont été remis par l'Office Européen des Brevets.
00:39 Patricia Derangot, expliquez-moi l'intérêt de votre invention de l'hydrogène donc stocké
00:44 sous forme solide.
00:45 Alors l'hydrogène c'est un gaz qui est très énergétique, qui permet d'alimenter
00:49 des moteurs à combustion, des coupes turbines ou alors une pile à combustible pour produire
00:53 de l'hydrogène.
00:54 Avec un gros avantage, c'est que quand l'hydrogène se recombine avec l'oxygène de l'air,
00:59 il ne fabrique que de l'eau donc c'est parfaitement propre, il n'y a pas de CO2 qui est émis.
01:03 Et par contre, comme c'est un gaz très énergétique et aussi très léger qui prend beaucoup de
01:08 place, typiquement pour stocker un kilo d'hydrogène, la pression atmosphérique ça prendrait
01:14 11 m3, il faut le comprimer à très haute pression.
01:17 Et ça c'est quelque chose qui déjà a un coût énergétique important.
01:21 Et ensuite, il y a des problèmes de sécurité si on veut stocker de très grandes quantités
01:25 d'hydrogène à très haute pression.
01:26 Et donc ce qu'on propose c'est de le stocker sous forme solide, en utilisant des métaux
01:32 qui ont le pouvoir d'absorber l'hydrogène, un peu comme une éponge absorbe de l'eau.
01:36 Et cette réaction est réversible, c'est-à-dire qu'on peut après relarguer l'hydrogène,
01:40 soit en baissant la pression, soit en chauffant.
01:42 Donc ça fait des plus petites tailles, c'est plus facile pour le stocker, c'est plus stable
01:46 aussi ?
01:47 Déjà, il suffit d'une pression relativement modeste, quelques barres, une dizaine de
01:50 barres suffit pour absorber l'hydrogène, alors que quand on le comprime c'est à
01:55 350 ou 700 barres.
01:56 Et ensuite, c'est plus sûr parce que pour relarguer l'hydrogène, il faut apporter
02:04 de la chaleur.
02:05 Et donc si par exemple il y avait une fuite, la température du réservoir chuterait immédiatement
02:09 et donc il n'y aurait pas une grosse masse d'hydrogène.
02:12 J'ai vu votre hydrogène stocké sous forme solide, ça ressemble à un disque vinyle,
02:17 c'est un 33 tours, un peu plus épais, mais voilà c'est à peu près la taille d'un
02:21 33 tours.
02:22 Un disque justement de cette taille, ça représente quelle quantité d'énergie ? On peut alimenter
02:26 quoi par exemple avec un disque ? On se rend compte en gros de la puissance ?
02:30 Dans un disque qui fait 30 cm de diamètre, 1 cm d'épaisseur, on a l'équivalent de
02:35 600 grammes d'hydrogène et ça fait 20 kWh.
02:37 Alors ça ne me parle pas beaucoup, mais vous faites quoi avec ça ?
02:40 Par exemple, un radiateur électrique qui ferait 2 kWh, on l'alimente pendant une heure.
02:44 Michel Géant, quelles sont les utilisations, les applications possibles de cet hydrogène
02:50 solide ? Est-ce qu'on va pouvoir à terme faire voler des avions, faire naviguer des
02:53 bateaux avec ?
02:54 Alors des avions non, certainement pas, parce qu'en fait nous avons un stockage qui est
03:00 très lourd, puisque c'est du stationnaire.
03:03 Par contre pour la future mobilité, on va pouvoir alimenter les stations-service en
03:10 produisant l'hydrogène sur place.
03:12 Donc moi je suis l'industriel de l'équipe et je félicite encore cette équipe du CNRS
03:20 avec qui j'ai beaucoup travaillé depuis de nombreuses années.
03:23 Daniel Fruchard et son équipe sont vraiment maintenant des amis qui m'ont beaucoup aidé
03:30 à mettre au point toute cette technologie.
03:33 Et cette technologie justement, concrètement, vous parliez des stations-service par exemple,
03:37 ça veut dire que je vais aller dans le futur dans une station-service, il y aura ces galettes,
03:42 je la prends, je l'achète, je la mets dans le moteur de ma voiture, concrètement ça
03:45 fonctionnera comment ?
03:46 Non, non, non, pas du tout, pas du tout, c'est pas du tout comme ça que ça fonctionne.
03:49 En fait, nous allons fabriquer des réservoirs dans lesquels il y a ce type de galette.
03:55 C'est totalement réversible et ces réservoirs seront chargés par des électrolyseurs.
04:01 On fabriquera l'hydrogène avec de l'eau dans la station-service.
04:05 On mettra sans grande pression cet hydrogène dans ces galettes, à l'intérieur même
04:11 des réservoirs et le réservoir pourra d'essorber ensuite pour pouvoir gonfler les voitures,
04:17 pour pouvoir gonfler les réservoirs de voiture à 700 bars comme c'est le standard actuel.
04:21 On parle au futur, mais votre invention elle est déjà commercialisée à l'heure actuelle ?
04:25 Bien, on avait commencé lorsque j'avais créé avec Daniel, on avait démarré en 2008,
04:32 on a créé la société McPhee qui s'est développée depuis dans les gros électrolyseurs
04:39 pour la fabrication de l'hydrogène vert et puis également dans la fabrication des stations-service.
04:46 Nous, nous étions restés dans notre domaine du stockage solide et c'est à partir des
04:53 demandes à l'étranger, des financements étrangers qui nous ont demandé de relancer
04:58 cette activité en France pour pouvoir repartir dans le domaine de la production de réservoirs.
05:05 Et les marchés semblent très très intéressants pour également le transport de grandes masses
05:11 d'hydrogène dans le futur.
05:13 Patricia de Rangovou aussi, vous êtes là depuis le début sur ce projet, justement
05:17 à l'origine quand vous vous êtes dit "allez on va faire quelque chose sur l'hydrogène",
05:21 est-ce que vous étiez un peu des extraterrestres ? Parce qu'aujourd'hui tout le monde évidemment
05:24 parle de l'hydrogène comme d'une énergie propre pour le futur, est-ce qu'à l'époque
05:30 vous vous sentiez soutenue ou alors un peu à part ?
05:32 En fait, même si l'hydrogène était moins développé, on a quand même été bien soutenu
05:37 par les projets européens et on a démarré par un premier projet européen et très vite
05:42 on en a eu un deuxième, un troisième.
05:43 Et en fait c'est vraiment grâce à l'Europe qu'on a pu développer cet aspect-là et on
05:48 était quand même bien soutenu au niveau de l'Europe.
05:50 Mais pas la France ?
05:51 Non, pas trop, même si ça restait quelque chose qui n'était pas encore bien connu,
05:57 bien développé, c'était encore marginal, mais au niveau européen on a été très
06:00 bien soutenu pour démarrer et c'est comme ça qu'on a commencé à travailler ensemble
06:03 dans le cadre d'un contrat européen avec Michel Géant.
06:06 Et maintenant Michel Géant, vous sentez que les choses bougent dans le secteur, que peut-être
06:09 une filiale autour de l'hydrogène solide c'est envisageable en France ?
06:12 C'est envisageable, sauf production de magnésium dans le sens où moi je suis un spécialiste
06:20 du magnésium, la production de magnésium a disparu en Europe et il faut absolument
06:24 qu'on pense maintenant à refabriquer ce métal, on a des matières premières pour
06:30 le faire, mais c'est très dépendant du magnésium qui est maintenant produit en grosse majorité
06:35 en Chine.
06:36 C'est un des sujets pointus sur lequel on doit travailler et je travaille là-dessus
06:41 depuis plusieurs années.
06:43 Est-ce que ce prix justement peut vous aider à ça, à mettre en lumière votre travail
06:48 et à accélérer les choses ?
06:49 Bien sûr, bien sûr, parce que nous avons déjà des contacts à travers beaucoup d'organismes
06:57 étrangers, on était dernièrement au Chili, parce que le Chili a des grands espoirs dans
07:05 la production d'hydrogène massivement dans le désert et également par les productions
07:11 éoliennes, donc il va falloir transporter cet hydrogène, il va falloir l'utiliser
07:18 pour des applications industrielles et par exemple dans les futurs carburants synthétiques.
07:24 Moi je vois dans le futur les avions volés avec des kérosènes synthétiques fabriqués
07:31 avec un système hydrogène plus collecte du CO2 et on peut refabriquer des kérosènes
07:38 facilement.
07:39 Beaucoup de développements se font avec cet hydrogène que l'on doit stocker, bien
07:44 entendu.
07:45 Patricia D'Orango, une dernière question.
07:47 Je rappelle que ce prix vous a été remis par l'Office européen des brevets.
07:50 C'est important que des institutions européennes mettent en avant l'innovation, la recherche
07:56 en Europe pour dire que tout ne se passe pas en Chine et aux Etats-Unis ?
07:58 Oui, effectivement.
07:59 L'Europe est toujours dans la course ?
08:01 L'Europe est toujours dans la course au niveau de l'hydrogène, oui.
08:04 Et vous l'avez prouvé avec ce double prix, je le dis franchement, récompensé par des
08:09 professionnels mais aussi prix du public.
08:11 Bravo à tous les deux, Patricia D'Orango, Michel Géant et bravo également au reste
08:15 de l'équipe, Daniel Fruchard, Albin Chaise et Nathalia Skriabina.
08:19 Merci beaucoup d'être venu sur France Inter et bonne journée à vous !

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