Nathalie Godard : "Il y a des lignes rouges qui sont actuellement franchies dans l'atrocité"

  • l’année dernière
Nathalie Godard, directrice de l'Action chez Amnesty International France est l'invitée de 6h20. Elle revient sur les violations des droits de l'homme au Proche-Orient après les massacres perpétrés par le Hamas en Israël, et la riposte de l'État hébreu. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-mercredi-11-octobre-2023-6839976
Transcript
00:00 Il est 6h21, bonjour Nathalie Godard.
00:02 Bonjour.
00:02 Vous êtes directrice de l'Action au sein d'Amnesty International France,
00:05 une ONG qui se bat pour la défense des droits de l'homme.
00:08 Vous dénoncez les atrocités qui sont commises partout dans le monde,
00:11 et en l'occurrence en ce moment au Proche-Orient.
00:13 Ces dernières heures, l'armée israélienne a découvert des massacres
00:16 perpétrés par le Hamas dans plusieurs kibbouts des villages d'Israéliens,
00:19 situés près de la bande de Gaza.
00:21 Est-ce qu'Amnesty a pu se rendre sur place ?
00:23 Alors Amnesty est en train d'enquêter sur cette situation,
00:25 mais je voudrais d'abord souligner le tragique et la gravité de ces révélations,
00:31 de ces informations, de ce à quoi on assiste depuis samedi,
00:34 depuis l'attaque par le Hamas.
00:38 Cette gravité, elle montre qu'il y a des lignes rouges qui sont actuellement franchies
00:44 dans l'atrocité, et c'est important aussi de pouvoir le dire,
00:47 et de, nous si on n'a pas encore enquêté totalement sur place,
00:52 on a déjà...
00:52 Mais vous avez des équipes sur place ?
00:53 Oui, il y a Amnesty International Israël qui est sur place,
00:56 et nous avons également des chercheurs qui sont sur place, effectivement.
01:00 Mais on a pris la mesure de la gravité de la situation,
01:04 en nommant directement cette situation,
01:07 et en la qualifiant sans aucun doute de crime de guerre.
01:11 La notion de crime de guerre, elle n'est pas banale,
01:15 elle n'est pas anecdotique, elle est vraiment très forte,
01:17 et c'est ça qu'on veut bien souligner.
01:18 On va y venir, mais juste encore un mot sur ce qui s'est passé dans les kibbouts,
01:21 parce que ce sont vraiment les dernières infos qui nous viennent de là-bas.
01:24 Est-ce que vous arrivez, vous, à avoir des renseignements
01:26 sur les atrocités qui ont été commises dans ces villages ?
01:29 Alors, on est en train d'enquêter, nos collègues sont en train de le faire,
01:33 et sont sur place pour cela,
01:35 donc on pourra révéler le résultat de ces enquêtes très bientôt.
01:39 Donc pour vous, il s'agit de crime de guerre,
01:41 c'est le terme que vous employez,
01:42 mais est-ce qu'on peut parler de crime de guerre
01:44 quand on n'est pas dans un conflit entre deux armées régulières ?
01:46 Alors, la situation entre Israël et la Palestine
01:49 est qualifiée par le droit international humanitaire
01:51 de conflit armé permanent.
01:53 Donc c'est reconnu...
01:55 Mais là, il s'agit d'UAMASS, qui est une organisation terroriste.
01:57 Ça ne change rien au fait que, quels que soient les belligérants,
02:01 les belligérants doivent respecter le droit international humanitaire.
02:04 La situation est qualifiée, en général, de conflit,
02:08 et donc les différentes parties, quelles qu'elles soient,
02:10 doivent respecter le droit international et les règles de la guerre.
02:15 Et quand vous dites que des lignes rouges ont été franchies,
02:17 c'est quoi ? C'est le fait de prendre délibérément pour cible des civils ?
02:20 Alors oui, on va dire le degré de l'attaque conduite par l'UAMASS samedi,
02:28 d'attaquer délibérément, de manière aveugle, des civils avec cette ampleur-là,
02:34 effectivement, montre que c'est un type d'attaque
02:37 que l'UAMASS n'avait pas conduite avec cette ampleur-là.
02:42 Et on est aussi sous le choc de l'ampleur de ce drame-là.
02:47 - Et des prises d'otages aussi. - Et des prises d'otages.
02:49 Et donc les prises d'otages de civils sont, quoiqu'il arrive,
02:53 toujours interdites en droit international.
02:54 Il n'y a rien qui peut justifier à la fois les attaques contre les civils
02:58 et les prises d'otages de civils.
03:00 - Et la riposte d'Israël à Gaza en ce moment,
03:03 est-ce que pour cette riposte-là, vous parlez aussi de crime de guerre ?
03:07 - Alors ce qu'on a qualifié jusqu'à maintenant de crime de guerre,
03:10 c'est déjà l'imposition d'un siège total sur la bande de Gaza.
03:14 Et donc c'est une forme de punition collective
03:17 contre les 2,2 millions de Palestiniens et de Palestiniennes
03:20 qui sont dans la bande de Gaza.
03:22 Une punition collective en droit international,
03:25 c'est le fait de sanctionner un groupe de personnes
03:26 pour un crime qu'ils n'ont pas personnellement commis.
03:29 Et ça, ça relève également du crime de guerre.
03:31 C'est vraiment la famine comme arme de guerre
03:33 qui est totalement interdite en droit international.
03:35 - Donc aujourd'hui, il n'y a réellement plus d'eau, plus d'électricité,
03:37 plus de gaz à l'intérieur de la bande de Gaza.
03:40 Vous avez des retours d'habitants sur place ?
03:42 - Alors ce que dit par exemple le directeur de l'hôpital de Gaza,
03:45 il dit qu'il a 5 jours de réserve d'eau
03:48 et que dans 5 jours, il n'a plus d'eau.
03:50 Ce qu'on sait, c'est que déjà la bande de Gaza était très dépendante
03:53 de l'aide d'Israël pour l'eau et pour l'électricité.
03:56 Et que déjà, le blocus imposé depuis 16 ans
03:59 restreignait énormément les possibilités des habitants de la bande de Gaza
04:04 et les mettait déjà dans une situation de tension humanitaire extrêmement forte.
04:08 - Ils n'ont pas de ressources propres en eau, en gaz, en électricité ?
04:11 - Non, en eau, les nappes phréatiques sont impropres à la consommation.
04:16 95% n'est pas potable.
04:19 Et donc, ils vont dépendre en partie des 10% d'eau qui viennent d'Israël
04:23 et aussi des usines de dessalement.
04:26 Sans cette aide d'Israël pour avoir un peu plus d'eau potable,
04:31 ça restreint encore plus leurs possibilités.
04:32 En gros, l'eau qui leur reste, elle est impropre à la consommation
04:35 et elle est en quantité insuffisante.
04:37 Donc ça ne pourra pas durer très longtemps.
04:39 - Donc il y a ce siège qui est illégal en droit international, vous nous l'avez dit.
04:44 À cela s'ajoutent les bombardements.
04:46 Est-ce que là aussi, vous savez si ce sont des bombardements incessants
04:49 tous les jours, matin, midi, soir ?
04:51 - Ce qu'on a pu documenter dans le passé,
04:53 dans différentes attaques menées par l'armée israélienne,
04:56 c'est qu'il y a une habitude d'attaques indiscriminées sur des zones.
05:01 - Mais aujourd'hui, pas dans le passé, aujourd'hui.
05:03 - Tout à fait. On est également en train d'enquêter sur ces attaques.
05:06 Ce qu'on voit aussi, c'est qu'on craint des attaques sur des grandes zones.
05:10 On sait qu'il y a déjà 900 morts palestiniens à Gaza.
05:14 Et que dans cette enclave avec une densité de population extrêmement forte,
05:18 il faut rappeler 2 millions de personnes dans 360 km²,
05:21 c'est quasiment impossible de mener ce type de bombardement
05:24 de manière discriminée, c'est-à-dire en distinguant combattants et civils.
05:28 - Et la population n'a nulle part où fuir ?
05:30 - La population est prise au piège.
05:32 Dans la bande de Gaza, encore une fois, c'est 40 km sur 10 maximum.
05:35 C'est vraiment très resserré avec une population qui est pour moitié composée d'enfants.
05:39 Donc il y a 1 million d'enfants sur 2 millions d'habitants.
05:42 Et qui n'ont aucune possibilité de sortir,
05:44 puisque tous les accès, soit à l'Egypte, soit à Israël, sont complètement fermés.
05:48 - Merci beaucoup Nathalie Godard,
05:50 directrice de l'Action au sein d'Amnesty International en France.
05:54 Et pendant que nous discutions, il y a l'armée israélienne
05:57 qui vient de donner le dernier bilan des morts côté israélien.
06:01 Donc il s'est alourdi ce bilan à 1 200 morts.
06:03 à 1200 morts.
06:04 Merci beaucoup Nathalie Goddard, vous étiez l'invité du 5/7.

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