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Marine Tondelier, secrétaire nationale d'EELV, regrette que le chef de l'Etat face "de l'individu" le "responsable de tout" en proposant de sanctionner les parents "à la première connerie" de leurs enfants. Elle appelle à un débat plus profond sur les banlieues et leurs difficultés. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mercredi-05-juillet-2023-5630611

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Transcription
00:00 7h48, Léa Salamé, votre invitée ce matin est secrétaire nationale d'Europe Ecologie
00:04 des Verts.
00:05 Bonjour Marine Tondelier.
00:06 Bonjour.
00:07 Merci d'être avec nous ce matin, après près de dix nuits de violence et d'émeutes
00:11 qui ont suivi la mort du jeune Nahel.
00:12 Diriez-vous ce matin, comme Emmanuel Macron, que le pic des violences urbaines est passé,
00:16 qu'il y a un retour à la normale ?
00:18 Je vais répondre à votre question, évidemment.
00:20 Mais avant ça, je voulais vous dire tout ce que cette séquence m'évoque d'incertitude,
00:26 d'inquiétude, de lassitude et aussi d'une certaine forme de gratitude.
00:29 Inquiétude parce que je pense que tout ça est un énorme gâchis et je pense que chacun
00:33 en a bien conscience.
00:34 Lassitude parce que, alors que la gravité de la situation qui met quand même en danger
00:39 notre pacte social, notre vivre ensemble, devrait appeler à beaucoup de mesures, de
00:43 calme, de recherche de solutions, j'ai l'impression qu'on est parti dans un excès dingue.
00:47 D'ailleurs, la parole est captée et monopolisée par celles et ceux qui sont dans l'excès.
00:52 Il n'y a plus de place en fait pour la recherche de solutions.
00:55 Vous parlez de qui par exemple ?
00:56 Si je commence à faire liste des noms, je pense qu'on aura fini la matinale, que je
00:58 n'aurai pas terminé donc je ne vais pas la commencer.
01:00 Mais vous mettez Jean-Luc Mélenchon dedans ou pas ?
01:02 C'est ça la question.
01:03 Très sincèrement, ce n'est pas mon sujet.
01:04 Moi ce que je veux vous dire, c'est que je pense que quand on répond à l'outrance
01:08 de la veille par une nouvelle outrance, quand je vois les questions au gouvernement, quand
01:11 je vois les réseaux sociaux, quand j'écoute la télé, je suis franchement très inquiète
01:14 sur le fait qu'on arrive à se reparler normalement dans ce pays.
01:17 Et puis, j'ai quand même dit gratitude parce qu'il y a celles et ceux qui, sur le
01:22 terrain, ont cherché la désescalade, ont évité qu'il y ait plus de morts, de blessés,
01:26 de destruction, et puis toutes celles et ceux qui vont essayer de faire grandir le débat
01:30 public en proposant des analyses justes, posées, sans tenter ni de vociférer ni de récupérer.
01:35 Mais j'en reviens quand même à l'inquiétude parce que j'ai l'impression que ces personnes
01:37 sont quand même de moins en moins nombreuses et je pense que c'est là-dessus qu'il va
01:40 falloir se concentrer dans les semaines à venir en donnant plus d'audience à ceux
01:44 qui veulent mettre le feu au débat.
01:45 C'était votre prélude que vous aviez préparée très bien.
01:48 Est-ce que vous saluez un retour à la normale et vous l'espérez ?
01:51 Je pense qu'on ne trouvera pas les solutions et on ne travaillera pas sérieusement à
01:57 faire que ce qui s'est passé avec ce jeune garçon de 17 ans, parce qu'il est quand
02:01 même invisibilisé de plus en plus des débats, puisqu'on est maintenant dans la caricature
02:05 et l'outrance des réponses, mais ce qui s'est passé avec Naël ne doit plus se reproduire
02:10 et que tant que la situation n'est pas sous contrôle et qu'on ne passe pas les matinées
02:15 à compter ce qui a brûlé la nuit, on aura du mal à adresser politiquement ce débat.
02:19 On aura du mal à être audibles en tout cas là-dessus.
02:21 Emmanuel Macron promet le retour à l'ordre durable, la fermeté de la réponse pénale
02:24 contre les émeutiers, un plan d'urgence pour accélérer la reconstruction dans les
02:28 quartiers et la responsabilisation des réseaux sociaux, menaçant même de les couper temporairement
02:33 s'il le faut.
02:34 La réponse de l'exécutif est-elle à la hauteur depuis une semaine ?
02:36 C'est inquiétant quand on vient se dire que la seule solution c'est de couper les
02:39 réseaux sociaux.
02:40 On se demande où on en est arrivé.
02:42 Et puis vous avez posé quatre sujets, je ne sais pas si j'ai le temps de répondre
02:46 aux quatre, mais sur l'histoire des parents, c'est vraiment le comble du libéralisme.
02:50 C'est toujours l'individu qui est responsable de tout.
02:54 Et en l'occurrence quand l'individu a 14 ans, ça ne peut pas être lui, donc c'est
02:57 les parents.
02:58 Emmanuel Macron a dit au maire qu'il estimait, on ne sait pas s'il y a des chiffres ou pas,
03:02 que la majeure partie des jeunes, très jeunes qui faisaient les émeutes, étaient soit
03:08 mineurs isolés, soit des jeunes qui relevaient de l'ASE.
03:11 Alors du coup c'est la responsabilité de qui dans ces cas-là ? Il faut aller chercher
03:14 la responsabilité du président du département.
03:16 On voit bien la limite.
03:17 Et pendant qu'on en est à responsabilité des parents, ce qui est intéressant et pratique
03:20 pour lui, c'est que du coup il n'y a pas de responsabilité de l'État, des pouvoirs
03:24 publics, de la société, de l'ambiance post-colonisation dont on n'arrive pas à sortir et pas à
03:30 débattre, du racisme.
03:31 Ça évite de discuter de tout ça en fait.
03:33 C'est juste la faute des individus et s'ils sont mineurs, des parents.
03:35 C'est assez simpliste.
03:36 Pour vous l'idée de sanctionner financièrement les familles dès la première infraction,
03:39 c'est son idée, il l'a dit, une sorte de tarif minimum dès la première connerie,
03:42 c'est une connerie ?
03:43 C'est injuste en fait.
03:45 Ça veut dire que quand vous habitez dans les quartiers politiques de la ville, c'est
03:50 quand même 7% de la population.
03:51 Donc déjà, c'est la 5 tu peux peine parce que vous avez trois fois plus de pauvreté.
03:57 Il y a un jeune sur deux qui n'a pas de travail.
03:59 Il y a quatre personnes sur dix qui n'ont pas de diplôme.
04:00 C'est deux fois plus que tout ailleurs en France.
04:02 Donc vous subissez ça.
04:03 Vous subissez évidemment la ségrégation et la ghettoïsation, il faut se le dire.
04:07 Et donc d'ailleurs, on constate qu'il y a plein de gens qui font tout pour contourner
04:11 la carte scolaire pour surtout pas que leurs enfants soient dans les écoles de ces quartiers.
04:15 Pourquoi à votre avis ?
04:16 Et donc on dit aux gens, vous vous restez là d'ailleurs depuis plusieurs générations
04:20 et pour plusieurs générations.
04:21 Peut-être que vous irez dans la tour d'à côté si vous avez la chance de changer d'immeuble.
04:25 Mais s'il y a un problème avec vos enfants, ce sera de votre faute.
04:28 Et on dit ça à des mamans monoparentales qui parfois travaillent toute la nuit sans
04:32 mode de garde.
04:33 C'est un peu facile et c'est vraiment pour le coup du mépris de classe et des mesures
04:37 anti-pauvres.
04:38 Mais ce gouvernement nous en a malheureusement donné l'habitude.
04:41 Marine Tondeli à la NUPES, il y a eu deux positions très opposées qui se sont fait
04:44 entendre depuis dix jours.
04:45 D'un côté Jean-Luc Mélenchon qui a dit « je n'appelle pas au retour au calme,
04:48 j'appelle à la justice ». Puis il a fait le tri entre les écoles et les bibliothèques
04:52 qu'il ne faut pas brûler et les autres.
04:54 Les dégradations acceptables à ses yeux.
04:56 Et de l'autre côté, il y a le communiste Fabien Roussel qui a condamné absolument
04:59 toutes les violences et s'est désolidarisé avec les propos de Jean-Luc Mélenchon.
05:02 « Il y a au moins deux gauches, dit-il, celle de Jean-Luc Mélenchon et la nôtre.
05:06 Vous, vous êtes où chez les Verts ? Vous êtes du côté de Jean-Luc Mélenchon ? Vous
05:09 êtes du côté de Fabien Roussel sur cette question de la police, sur cette question
05:12 des violences ? Vous êtes où ? On a du mal à vous situer.
05:16 Vous dites quoi ? » « C'est très simple en fait, je suis écologiste.
05:19 Et l'écologie c'est faire de la paix et de la non-violence un mode de vie et un projet
05:23 de société.
05:24 Ça a toujours été ça l'écologie.
05:25 Et mon parti aura 50 ans l'année prochaine.
05:28 Ça fait 50 ans que nous avons une position constante sur le sujet.
05:31 » « D'accord, faire de la non-violence un projet de société quand il y a une semaine
05:33 des meutes, c'est ça votre réponse ? » « Je vous dis juste que moi ce à quoi j'aspire
05:37 c'est ça et qu'on a toujours prôné chez les Verts la non-violence.
05:40 Même dans la charte des Verts mondiaux, c'est pas que nous en France.
05:42 La désescalade, la résolution non-violente des conflits, on ne vous dit pas que là on
05:46 est dans le cas pratique le plus simple, mais on vous dit que c'est ce vers quoi on doit
05:49 tendre et que moi je ne vais pas commencer à commenter les commentaires d'un sur l'autre
05:54 parce que je veux sortir de ça.
05:56 » « Parce que vous ne voulez pas prendre position ? »
05:57 « C'est pas que je ne veux pas prendre position, c'est que j'en ai marre en fait.
06:00 Je suis horrifiée et terrifiée par ce qui se passe.
06:02 » « Mais vous en avez marre mais vous faites partie de la nuquesse.
06:04 C'est pour ça que je vous interroge sinon je ne vous aurais pas...
06:06 » « Je suis écologiste et donc je vous parle d'écologie et je pense qu'on doit élever
06:09 le débat et que tant qu'on passera son temps à commenter les outrances de la veille, on
06:13 ne participera pas à apaiser le débat et à passer à autre chose.
06:15 Et surtout on donne de l'audience aux commentaires outranciers.
06:18 J'essaye de sortir de cette spirale-là.
06:20 » « Vous dites que je suis écologiste, je veux être audible, c'est ce que vous nous
06:24 dites ce matin.
06:25 C'est difficile dites-vous d'être audible en ce moment.
06:26 Vous seriez au pouvoir là, tout de suite, après cette semaine-là, vous feriez quoi ? Vous
06:31 dites qu'il y a un problème systémique dans la police, vous feriez quoi ? Vous abrogeriez
06:34 la loi de 2017 ? D'accord.
06:35 Mais après, qu'est-ce que vous feriez ? » « Je pense que si on était au pouvoir, pas juste
06:40 depuis 6 mois mais en l'occurrence pour Macron depuis 2017, on n'aurait pas sabré comme
06:45 ça dans les services publics, on n'aurait pas méprisé ces quartiers, on n'en parlerait
06:48 pas que quand ça brûle parce que c'est quand même ça les faits.
06:50 D'ailleurs on dit aux jeunes « bon bah calmez-vous », mais eux ce qu'ils entendent c'est « oui,
06:54 en fait il faut qu'on pleure et qu'on soit en colère mais en faisant moins de bruit
06:56 comme ça on pourra passer à autre chose ». Et pour eux le calme, ce qu'ils entendent
06:59 c'est « statu quo ». Et ça c'est un sujet aussi.
07:01 Donc je pense qu'on n'en serait pas là.
07:03 Et sur la question de la police, excusez-moi, on a, dans la manière dont le ministre de
07:07 l'Intérieur gère la police depuis des années, on a un petit sujet qui n'aide pas non plus
07:10 à l'apaisement.
07:11 « C'est quoi le sujet ? » « Bah il a expliqué que ses adversaires
07:13 politiques étaient des terroristes, il refuse d'adresser… En fait on est quand même dans
07:17 un pays où quand on essaye de parler un peu concrètement et sérieusement du problème
07:22 structurel de la police que vous-même vous adressez, on est anti-flic.
07:26 Et donc c'est inoblig… on n'a même pas le droit d'en parler.
07:28 » « Parce que les policiers eux-mêmes qui disent… » « Donc ça n'aide pas à résoudre
07:29 les problèmes.
07:30 » « On a entendu Grégory Joron qui était à cette antenne il y a deux jours et qui
07:34 disait du syndicat unité SGP/PoliceFO qui accusait certaines personnalités politiques
07:39 d'entraîner un glissement vers la haine anti-flic banalisée.
07:42 » « Bah c'est le risque, effectivement.
07:44 Mais je ne pense pas que ne devoir rien dire sur rien et jamais en parler soit une solution
07:49 politique de long terme.
07:51 C'est même dangereux.
07:52 Parce que ce qui se passe c'est que là, les gens qui portent l'uniforme policier,
07:56 ils représentent l'État.
07:57 Et donc ça veut dire qu'il peut y avoir des erreurs individuelles et manifestement,
08:02 dans ce cas, il y en a une, on a tous vu cette vidéo, et il sera traité par la justice.
08:05 Mais ça ne doit pas empêcher de s'interroger sur les difficultés systémiques.
08:09 Surtout quand on est aux 16e morts suite à un refus d'obtempérier en 18 mois depuis
08:13 cette loi.
08:14 Là où en Allemagne, il y en a eu un en 10 ans.
08:17 Et là où en Allemagne, les policiers par contre sont formés à la désescalade, à
08:20 la médiation.
08:21 Une formation d'ailleurs beaucoup plus longue que celle des policiers français qui, je
08:24 rappelle, est quand même passée de 2 ans à 8 mois.
08:27 Donc ça aurait augmenté un peu mais c'est insuffisant, on le voit bien.
08:31 Et donc il faut qu'on puisse parler calmement de ça.
08:33 Parler calmement, vous dites, être audible, vous dites ce matin.
08:36 Quand on regarde les sondages d'opinion après cette semaine de violence, les Français
08:39 réclament clairement de l'autorité de la fermeté.
08:41 Sondage Elabe hier, ils sont près de 9 Français sur 10 à condamner les violences contre
08:44 les policiers et à estimer 9 Français sur 10 que la mort de Nahel n'a été qu'un
08:48 prétexte pour casser.
08:49 Est-ce que ça vous interroge quand vous voyez les sondages d'opinion et les Français
08:53 qui réclament de l'ordre, qui réclament au fond des mesures de droite ? Où vous
08:58 êtes audible ?
08:59 Je pense que tout le monde a peur, évidemment.
09:00 Mais je pense que notre rôle, et si nous ne le faisons pas, je pense que pas grand monde
09:05 le fera à notre place, c'est aussi d'appeler à la vérité et à la justice.
09:08 Et notamment, je reviens aux fondamentaux, notamment à Blaise Pascal qui dit "ça ne
09:11 marchera jamais".
09:12 Il dit il y a très longtemps "si la justice n'est pas forte et que la force n'est pas
09:16 juste".
09:17 Et on peut se demander aujourd'hui si la justice est forte et si la force est juste.
09:20 On le voit dans le même sondage, 57% des Français seulement trouvent qu'ils ont confiance
09:24 dans la justice.
09:25 Et donc aujourd'hui on a quand même une justice, un système politique qui est fort
09:28 avec les faibles et faible avec les forts.
09:30 Et je pense que tant qu'on n'adresse pas… Vous savez, on entend "liberté, égalité,
09:33 fraternité".
09:34 Moi j'ai l'impression que les libertés publiques reculent, que la promesse d'égalité
09:37 n'est pas tenue et sur la fraternité, excusez-moi, on est servi.
09:40 Donc oui, on va revenir aux fondamentaux si vous voulez, mais on va le faire sérieusement.
09:43 Merci Marine Tondelier.
09:44 On va y revenir dès 8h20 puisque vous nous avez fait une transition avec Pascal.
09:47 On en parlera tout à l'heure.
09:48 - Merci Léa.

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