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Mercredi 12 juillet 2023, SMART BOURSE reçoit Patrice Gautry (Chef économiste, Union Bancaire Privée)

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00:00 *Musique*
00:10 Mais d'abord, les enjeux macro à mi-année, à mi-parcours de cette année 2023 avec Patrice Gauthry,
00:17 avec nous en visioconférence, chef économiste à l'Union bancaire privée.
00:20 Bonjour et bienvenue Patrice.
00:21 Bonjour.
00:22 Merci beaucoup d'être avec nous.
00:23 C'est donc le chiffre pour lequel tout le monde s'est levé ce matin,
00:26 le rapport mensuel sur l'inflation aux Etats-Unis pour le mois de juin qui sera publié en début d'après-midi
00:30 et qui viendra compléter la photographie de l'économie américaine à la fin du deuxième trimestre,
00:36 à la fin du mois de juin.
00:37 On a déjà eu le rapport sur l'emploi qui montre un taux de chômage à 3,6% à fin juin.
00:42 On a des estimations assez précises avec des modèles instantanés de la croissance américaine
00:48 sur l'ensemble du deuxième trimestre qui sera sans doute supérieur à 2% en rythme trimestriel annualisé
00:53 et donc une inflation globale attendue autour de 3% après 4% sur un an au mois de mai.
01:00 Patrice, quand on regarde cette photographie qui est un instantané,
01:03 on se dit quand même que ça reste une photographie assez enviable.
01:06 Un an après un pic d'inflation à plus de 9% aux Etats-Unis
01:10 et 15-16 mois après le début des hausses de taux
01:14 et 500 points de base de hausses de taux encaissés par l'économie américaine.
01:18 La situation n'est pas tout à fait aussi rose que cela.
01:23 Je pense que la situation est plutôt déséquilibrée.
01:26 Peut-être enviable effectivement par rapport aux chiffres,
01:29 mais néanmoins n'oublions pas que le secteur manufacturier est en récession,
01:33 qu'on a un secteur immobilier qui vient de tout juste stabiliser avec des prix d'immobilier
01:38 qui baissent entre 8 et 10% sur un an.
01:41 Et même dans les secteurs d'emploi,
01:43 on a vu que par exemple les créations d'emplois pour les services aux entreprises
01:49 n'étaient pas des créations mais des destructions d'emplois pour à peu près la première fois.
01:54 Donc la situation est à mon avis peu enviable et elle traduit un déséquilibre.
02:00 Le déséquilibre effectivement entre des secteurs qui ralentissent,
02:04 qui ont déjà ralenti, et des secteurs qui ont de la peine à ralentir
02:07 parce que l'action de la Fed pour l'instant n'est pas encore suffisamment portée ou suffisamment forte.
02:13 Donc deux choses l'une, soit on continue comme cela
02:16 et effectivement l'activité manufacturière se stabilise et repart
02:19 et c'est en fait les services qui continuent à tirer l'activité,
02:22 mais là on est dans un scénario dans lequel l'inflation cœur,
02:25 vous l'avez rappelé cet après-midi,
02:27 elle est encore attendue à 4% alors que l'inflation globale est attendue à moins de 15%.
02:33 Donc dans ce scénario-là le risque serait que l'inflation cœur ne baisse pas ou ne baisse très très peu
02:38 et on est dans une image, qu'elle vient des anglo-saxons,
02:40 c'est celle de la grenouille qui est jetée dans la marmite d'eau chaude.
02:44 Vous montez la température, donc là la banque centrale et l'inflation
02:48 et il y a un moment où effectivement la grenouille, là ce serait la croissance américaine,
02:51 et bien finit par mourir parce qu'elle est ébouillantée.
02:54 Le deuxième voie qui me semble beaucoup plus, je dirais non seulement acceptable, mais désirable,
02:59 là je fais presque du normatif, et qui commence effectivement à poindre le bout de son nez,
03:04 c'est une situation dans laquelle en fait on a un rebalancement progressif.
03:07 Donc on oublie peut-être un peu les débats sur récession par récession,
03:11 forte ou pas, elle ne sera pas forte, il y aura peut-être des contractions,
03:14 mais ce qui est plus intéressant c'est ce que l'on vient de mentionner,
03:16 c'est-à-dire il y a un rebalancement qui est en train de se faire entre des secteurs des services,
03:21 la consommation, qui vont probablement ralentir, continuer à ralentir,
03:25 c'est déjà engagé dans certains secteurs, vers et en faveur de secteurs qui sont faibles aujourd'hui,
03:31 le secteur manufacturier, le secteur de l'immobilier, on l'a vu, les temps de transition,
03:35 et puis l'investissement en équipement, lui, s'est dégradé par rapport,
03:40 si l'on compare en fait au taux d'investissement en équipement par rapport au PIB,
03:44 et bien le PIB a continué sa marche avec la consommation, avec le stock,
03:48 et avec quelques exportations, alors que l'investissement en équipement lui a décalé.
03:51 Donc le scénario en fiable, pour faire référence à ce que vous disiez en début d'interview,
03:56 et bien ce serait ce scénario de rebalancement progressif des moteurs de la croissance,
04:01 moins de consommation, moins de services, plus de manufacturier,
04:04 et surtout plus d'investissement productif.
04:06 Et il est possible d'imaginer, Patrice, que ce rebalancement, comme vous dites,
04:11 cette mécanique se déroule de manière presque simultanée,
04:16 c'est-à-dire l'affaiblissement des services continu devant nous,
04:20 au moment où l'industrie, le manufacturier, l'immobilier,
04:24 auraient peut-être touché un point bas ?
04:26 Est-ce que c'est quelque chose qu'on peut imaginer ?
04:29 Oui, on peut l'imaginer, et c'est envisageable grâce au fait qu'il y a, je dirais,
04:34 des plans gouvernementaux, les fameux IRA, Inflation Reduction Act,
04:39 dont on sait que ça n'a rien à voir avec l'inflation,
04:41 puisque c'est un programme de subsides, de subventions,
04:44 en faveur des semi-conducteurs, en faveur aussi des nouvelles technologies.
04:48 Donc, en définitive, là, je m'adresse aux deux autres composantes de l'investissement,
04:53 l'investissement en infrastructures et en nouveaux équipements,
04:58 nouvelles infrastructures, et l'investissement en recherche et développement.
05:01 Et ces deux composantes-là ont, heureusement, pour les recherches et développements,
05:05 peu ralenti, elles progressent sur un an encore, entre 5 et 7 %,
05:09 et l'investissement en extension de capacité de production, lui, a rebondi.
05:13 Il a rebondi, effectivement, avec l'idée que l'État gouvernemental,
05:17 l'État fédéral américain, est en train de subventionner
05:19 le prochain cycle d'investissement dans les nouvelles technologies.
05:23 Alors, ce n'est pas simplement l'intelligence artificielle,
05:25 mais c'est aussi, bien entendu, la course à établir les semi-conducteurs.
05:28 Donc, une relance, en fait, accélérée, permettra en fait ce rebalancement,
05:33 d'une part parce que vous avez une carotte et des fonds publics qui arrivent
05:36 avec les programmes publics liés à l'IRA, et d'autre part, vous avez,
05:40 pour appuyer un peu plus sur les services, une politique monétaire
05:43 qui reste restrictive, même si on s'arrête au mois de juillet,
05:46 même si on montait, ce qui n'est pas mon scénario, au mois de septembre,
05:49 on a une politique monétaire restrictive et des conditions de crédit
05:52 de la part des banques commerciales qui vont peser de plus en plus
05:56 sur la consommation des ménages et des ménages à plus bas revenus
05:59 qui, eux, dépendent maintenant beaucoup plus du secteur du crédit
06:04 que l'épargne, puisque ces ménages à bas revenus ont déjà utilisé leur épargne.
06:09 Donc, progressivement, ce serait le Godilog scénario, en quelque sorte,
06:12 qui permettrait de ce passage.
06:14 Aujourd'hui, il est possible, effectivement, de voir ce scénario.
06:19 L'autre scénario serait beaucoup plus dur, effectivement,
06:21 et nous ramènerait à une situation à l'anglaise, c'est-à-dire,
06:24 eh bien, il faut aller chercher 6, 6,5 %, et là, effectivement,
06:27 la croissance n'y résisterait pas.
06:29 Dans cette gamme de scénarios possibles à ce stade,
06:33 quels sont ceux qui concernent la zone euro, l'Europe, aujourd'hui, Patrice ?
06:37 Est-ce qu'on peut imaginer un schéma, une mécanique de rebalancement,
06:40 comme vous dites ?
06:41 C'est vrai que quand on a vu la faiblesse de l'activité en Allemagne,
06:44 dans un pays industriel, alors il y a un phénomène budgétaire
06:48 de finances publiques aussi, qui pèse sur l'activité en Allemagne,
06:52 mais il y a aussi cette négativité qu'on retrouve toujours,
06:55 au moins dans les enquêtes industrielles et manufacturières.
06:58 Oui, alors l'Europe parle, je dirais, d'un point un peu plus bas,
07:01 notamment sur le secteur manufacturier.
07:03 On a vu, les chiffres commencent à se stabiliser,
07:06 mais on a vu que l'épidémie n'était pas bonne,
07:08 que les chiffres de production industrielle, d'un mois sur l'autre,
07:11 ils sont très, très, très volatils, et la commande,
07:13 les carnets de commande en Allemagne ont été extrêmement volatiles,
07:16 donc bien des chiffres positifs, mais avant, c'était plutôt un massacre,
07:20 et les exportations allemandes vers la Chine, effectivement,
07:23 aujourd'hui, ne sont pas un accélérateur de croissance pour l'Allemagne.
07:28 On va remettre un petit peu le modèle allemand.
07:31 Donc, effectivement, là, on a, je dirais,
07:33 on part peut-être d'un point un peu plus bas, mais la transition,
07:35 effectivement, quand on regarde les PMI services, les PMI manufacturiers,
07:39 eh bien, on voit que cette transition, ici, est en train de s'opérer.
07:42 Le problème, c'est effectivement qu'on va avoir une Allemagne
07:45 qui va rester certainement soit stagnante, soit en légère récession,
07:48 alors que l'Espagne et l'Italie sont des pays, notamment l'Espagne,
07:52 qui sont capables de tenir 2 % cette année de croissance,
07:55 et l'an prochain, également, 2 %.
07:57 Donc, en plus de cette dynamique sectorielle, là, on a un écart,
08:00 en fait, entre les pays européens, qui va être difficile à gérer,
08:03 parce que, malheureusement, on n'a pas l'avancée.
08:05 On parlait de l'inflation au début, on n'a pas encore le pic d'inflation dépassé,
08:09 sur le cœur, notamment, et le headline vient juste de baisser
08:13 et doit encore baisser.
08:14 Donc, l'Europe est un petit peu en retard par rapport au processus
08:18 ou au scénario qu'elle est en train de décrire par rapport aux États-Unis.
08:21 Vous avez évoqué la Chine, effectivement, partenaire commercial majeur pour l'Allemagne
08:26 et qui explique peut-être en partie la faiblesse du modèle économique allemand aujourd'hui.
08:31 Patrice, qu'est-ce qu'on attend de la Chine à ce stade ?
08:35 Pour la Chine, c'est important, évidemment, mais on le comprend également
08:38 pour le reste du monde et pour une zone ouverte comme la zone euro.
08:42 Quand on a vu les derniers chiffres et notamment les derniers indices de prix,
08:46 que ce soit à la consommation ou à la production en Chine,
08:49 tout le monde est en train d'évoquer un scénario de déflation aujourd'hui en Chine.
08:54 Alors, je n'irai pas jusqu'à mettre en exergue ce mot de déflation.
08:59 Déflation, c'est vraiment quelque chose de très particulier.
09:01 Je ne pense pas que ça s'applique aujourd'hui à l'ensemble de l'économie chinoise.
09:05 Il y a un ralentissement dans les prix industriels et un ralentissement
09:08 dans les prix des biens manufacturés à la consommation.
09:11 Et là, effectivement, c'est lié à une faiblesse de la demande.
09:14 Par contre, on voit que les prix alimentaires, eux, restent relativement élevés
09:18 et les prix d'énergie et les prix des biens intermédiaires
09:21 devraient rebondir sur la deuxième partie de l'année.
09:23 Et on le voit effectivement avec les plans qui, tous les deux jours,
09:26 ont des annonces nouvelles sur le secteur de la construction
09:28 et en faveur des promoteurs immobiliers de façon à redonner des financements,
09:32 redonner effectivement de la demande, redonner de la visibilité.
09:35 Et donc, ça devrait se traduire, je le pense, par des scénarios de repris
09:39 qui remontent progressivement vers un 1,5.
09:42 Mais il faut, par boutade, je dirais, ou par provocation,
09:45 il faut avoir l'habitude ou apprendre à être déçu par la Chine.
09:49 C'est-à-dire que la Chine ne s'est pas orientée dans les mêmes scénarios que 2008-2009.
09:54 Elle ne va pas sauver la croissance mondiale.
09:57 Elle va essayer de stabiliser simplement sa conjoncture et ça, c'est important.
10:01 Donc, d'où les mesures, effectivement, qui sont encore à venir,
10:04 probablement en faveur du secteur des immobiliers,
10:06 des mesures budgétaires qui vont être accompagnées.
10:08 On a déjà eu des mesures de consommation en faveur des véhicules électriques.
10:12 On aura probablement d'autres mesures encore en faveur des secteurs stratégiques.
10:16 Et puis, voilà.
10:17 Et puis, l'idée, c'est d'avoir une croissance qui se stabilise entre 4,5 et 5.
10:21 Ce n'est pas de sauver la croissance mondiale.
10:23 Donc, il faut faire attention, effectivement, à la lecture des chiffres
10:26 et des programmes qui sont relancés, qui sont proposés.
10:29 Ce sont des programmes qui vont pas par pas
10:31 et qui peuvent, effectivement, décevoir ou les marchés financiers
10:34 ou les attentes des économistes, telles que l'on voit,
10:37 la réaction aux États-Unis ou en Europe.
10:40 On n'est pas sur la même chronique et ça, il faut bien l'intégrer.
10:43 Sinon, effectivement, on va être régulièrement déçus par la Chine.
10:46 Mais la Chine, 5% de croissance quand même.
10:49 On n'est pas à -0,5 comme en Allemagne.
10:52 Mais c'est vrai que cette crise immobilière chinoise,
10:54 on en a beaucoup parlé au moment des défauts,
10:57 des risques de défaut des promoteurs.
10:59 Il y a eu un pic un peu médiatique autour de cette crise immobilière en Chine,
11:03 qui est toujours là.
11:04 Et au regard du poids du secteur immobilier,
11:06 de l'ampleur de cette crise immobilière,
11:08 il faut imaginer que ce soit quand même une force contraire,
11:11 un boulet pour l'économie chinoise,
11:14 qui va rester en place pendant quelques temps encore, j'imagine.
11:18 Oui, tout à fait. C'est un frein.
11:21 Et là, en fait, ce que font les autorités,
11:23 c'est d'essayer de lever progressivement le frein.
11:25 Parce qu'il y a une autre contrainte,
11:27 auxquelles la Banque centrale, notamment, est extrêmement vigilante,
11:30 c'est le poids de la dette.
11:31 C'est-à-dire, quand ça va trop bien en Chine,
11:33 on s'intéresse sur la dette accumulée de la part des ménages,
11:36 avec des effets de levier liés à des achats de 2e ou 3e appartement,
11:40 et bien entendu, des effets de levier ou l'endettement
11:43 sur les gouvernements locaux.
11:45 Et là, effectivement, on avait eu quelques craintes
11:47 au deuxième trimestre ou à l'aube du troisième trimestre,
11:50 sur d'éventuels défauts du côté, en fait, de certains gouvernements.
11:54 Donc c'est pour ça que la PBOC, donc la Banque centrale chinoise,
11:57 en dresse pas par pas.
11:59 Les dernières mesures, on l'a vu hier, effectivement,
12:01 injection de liquidité très forte, reprise du crédit.
12:04 Donc c'est une orientation.
12:05 L'idée, en fait, c'est de provoquer, de continuer, en fait,
12:08 encore cette consolidation du secteur immobilier,
12:11 d'éviter, effectivement, un trop fort endettement
12:14 sur les secteurs et l'immobilier,
12:16 mais d'avoir, effectivement, une stabilisation
12:18 de l'activité au fur et à mesure.
12:20 – Merci beaucoup, Patrice.
12:22 Merci pour cet éclairage et ce tour d'horizon macro
12:25 à mi-parcours de cette année 2023,
12:28 et quelques heures maintenant avant la publication du chiffre
12:32 qui sera regardé par l'ensemble des investisseurs mondiaux,
12:36 à savoir le rapport mensuel sur l'inflation aux États-Unis
12:39 pour le mois de juin, qui sera donc publié à 14h30
12:42 en début d'après-midi.
12:43 Je vous rappelle qu'on attend une belle marche à la baisse
12:46 en matière d'inflation globale, puisque, en rythme,
12:49 sur un an, on devrait passer de 4 à 3%,
12:51 mais l'inflation cœur restera sans doute un sujet
12:54 avec une décélération qui devrait être moins prononcée
12:57 pour l'inflation sous-jacente américaine,
12:59 attendue autour de 5% encore sur un an au mois de juin.
13:02 Réponse tout à l'heure à 14h30 et les commentaires évidemment
13:05 à suivre ce soir dans la grande édition de Smart Bourse
13:08 à partir de 17h.
13:09 Patrice Gauthry, chef économiste de l'Union bancaire privée
13:12 qui était avec nous en visioconférence.

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