Jeudi 10 octobre 2024, SMART JOB reçoit Maxence Gaillard (président, Lucernaire)
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00:00Générique
00:12Le Cercle RH avec un focus sur un métier dont j'allais dire qu'il n'existe pas
00:16parce que c'est à la fois artiste, manager, patron, le tout dans le même homme.
00:20Maxence Gaillard, merci d'être avec nous.
00:22Bonjour Arnaud.
00:23Ravi de vous accueillir.
00:24Alors vous êtes celui que je viens de décrire, artiste, comédien, manager et patron de théâtre,
00:31voire plus puisque en fait le Lucerner et vous y tenez beaucoup.
00:34C'est évidemment le théâtre du Lucerner, ça c'est très connu,
00:37mais c'est aussi un cinéma, c'est un restaurant, c'est une librairie, bref c'est une entreprise.
00:41Je parle à qui là aujourd'hui Maxence ?
00:43Je parle à un chef d'entreprise qui va rentrer au bureau après l'émission
00:46et qui va regarder les comptes, qui va voir les entrées
00:49ou plutôt quelqu'un qui va travailler la mise en scène d'une pièce de théâtre qui va jouer dans quelques semaines.
00:54Là je suis dans une période un peu intermédiaire parce qu'on reprend les répétitions la semaine prochaine
01:00donc je suis un petit peu entre les deux, entre la préparation de la reprise de la pièce au théâtre du Lucerner le 6 novembre.
01:07Lumière ?
01:08Lumière, exactement.
01:09Sur l'histoire de la lumière ?
01:10Sur l'histoire de la création de l'ampoule, l'électrification du monde.
01:14Voilà une histoire de deux entrepreneurs, un certain Thomas Edison,
01:17un autre moins connu qui était George Westinghouse
01:20et puis un homme dont on entend parler aujourd'hui qui s'appelait Nikola Tesla
01:24qui n'a pas inventé la voiture électrique mais par contre qui a électrifié le monde.
01:27C'est vraiment lui le grand génie de cette histoire qui est tombé un peu dans l'oubli à cette époque-là.
01:31Et donc on raconte cette histoire en posant la question du progrès.
01:34Le progrès mais à quel prix ? Parce que tout ne s'est pas passé comme on peut l'imaginer.
01:38C'est intéressant parce que pour en venir à votre histoire personnelle,
01:41quand on s'intéresse à vous et qu'on se penche sur votre parcours,
01:45c'est assez classique quand on est comédien.
01:48On fait une école de théâtre, rue Blanche pour les anciens.
01:51Vous, vous avez fait d'abord un cursus, je ne sais pas si c'est lié à vos parents,
01:54mais un cursus classique, école de commerce.
01:57Vous ne vous destinez pas, j'ai le sentiment, à être comédien.
02:00Non parce qu'en fait quand les choses se passent bien sans question à l'école,
02:04on a un peu tendance, en tout cas ça a été mon cas,
02:07à suivre un parcours avec des études assez classiques.
02:11En élargissant le scope, c'était mon objectif.
02:14Comme je sentais quand même qu'il y avait quelque chose qui n'était pas tout à fait au bon endroit,
02:17c'était faire des études qui ouvrent le plus possible.
02:20Il y a eu le concept de l'école de commerce qui me plaisait pas mal par la suite.
02:25J'en ai fait deux parce que je n'avais pas encore très envie.
02:28Et puis au bout d'un moment, on se prend un peu un mur,
02:32c'est-à-dire qu'on se rend bien compte qu'on gagne sa vie,
02:35mais qu'on n'a pas envie de se lever le matin.
02:37Et donc ça m'a obligé à me poser la question,
02:39et je suis reparti sur des études en école d'art dramatique.
02:42Vous y êtes passé comme un peu par l'entreprise,
02:44parce que vous parliez d'entrepreneurs qui inventent la lumière, enfin qui développent la lumière.
02:47Vous y êtes passé par l'ambiance du rouge ?
02:49Oui, bien sûr.
02:51C'est assez paradoxal parce qu'après avoir fait un virage à 180,
02:54je pensais que j'avais mis tout ça complètement derrière moi,
02:57en me disant évidemment que ça n'était pas pour moi.
03:00Puis très vite, on se rend compte que créer un spectacle, c'est créer une entreprise.
03:04Moi c'est comme ça que je le conçois.
03:07Quelle personne est devant vous ?
03:08Finalement, moi je fais le pont en tant qu'artiste.
03:11Il y a une dimension managériale en tant que metteur en scène qui est importante.
03:14Donc j'ai créé en fait ce pont par la suite,
03:16et en me disant finalement que tout ça avait un intérêt.
03:18On va voir un extrait de la pièce Lumière,
03:20parce que c'est une pièce qui nous fait réfléchir en effet au-delà des personnages
03:23et du jeu sur la notion de progrès.
03:25Vous êtes passé par les cours d'art dramatique de Jean-Laurent Cochet.
03:28Oui.
03:29C'est quand même pas n'importe qui.
03:32Sur le fond là aujourd'hui,
03:34les cours et les écoles de commerce qui vous ont fait gagner un peu de temps,
03:37qui vous ont fait un petit peu comme ça zigzaguer,
03:39ils vous sont très utiles aujourd'hui pour gérer la librairie, le resto,
03:43d'avoir une relation d'entrepreneur avec les personnes avec qui vous parlez.
03:46Ils ne parlent pas à un artiste, ils parlent à un patron.
03:49Je pense que c'est très curieux,
03:51parce que vraiment je me suis longtemps demandé à quoi tout ça servirait.
03:55Et puis finalement aujourd'hui effectivement,
03:57je vois bien que quand on évolue dans ce secteur culturel,
04:02on n'en reste pas moins chef d'entreprise
04:05et qu'il y a des réalités auxquelles les études que j'ai pu faire par le passé,
04:12qui me paraissaient loin de moi, m'ont rattaché finalement assez fortement.
04:16On a reçu Thierry Teboul, que vous connaissez,
04:18qui est le directeur général de l'AFDAS,
04:20et qui sort un bouquin où il met le mot performance,
04:22manager la performance dans les métiers de l'art et du spectacle.
04:26Ce n'est pas le titre du livre, mais c'est l'esprit du livre.
04:28Il a glissé le mot performance quand on est artiste,
04:30parce que vous avez un pied chez les artistes,
04:32puis vous avez aussi un pied dans le monde de l'entreprise.
04:34Les deux mondes vous acceptent ou vous vous sentez un peu apatride,
04:37que personne finalement vote vous ?
04:39Non, j'ai surtout l'impression que quand on me pose la question de ce que je fais,
04:44on peut avoir l'impression que je fais un peu mal les deux,
04:48en disant mais tu n'es pas complètement comédien,
04:51tu n'es pas complètement chef d'entreprise.
04:54Alors que je pense qu'effectivement,
04:56la viabilité économique d'un projet passe par une notion de performance.
05:01Il ne faut pas qu'elle prenne le pas sur l'artistique, c'est la seule chose.
05:04C'est-à-dire qu'à un moment, si on commence à se poser la question
05:07de changer des choses à l'intérieur d'un spectacle pour que ça se vende,
05:11on perd quand même la notion de base et l'âme d'un spectacle.
05:17C'est ça que vous préservez par ailleurs.
05:19Mais ce n'est pas si facile que ça,
05:21parce que la réalité économique du monde du spectacle n'est pas si évidente que ça.
05:25Donc voilà, c'est faire des compromis de temps en temps.
05:29Là, je parle du secteur du spectacle privé,
05:33ce n'est pas forcément subventionné, ce n'est pas les mêmes contraintes.
05:37Et il faut qu'on arrive à avoir cette liberté
05:39qu'il peut y avoir dans le subventionné,
05:41avec des moyens qui sont différents,
05:43tout en préservant la viabilité économique d'un projet.
05:46Et en même temps, le chef d'entreprise ou le patron de théâtre
05:48a parfois des projets formidables
05:50qu'il aimerait pouvoir jouer en tant que comédien,
05:52mais il sait qu'en tant qu'entrepreneur, ce n'est pas viable.
05:54C'est un crève-cœur, ça.
05:56Oui, mais j'ai un peu accepté ça.
05:58Vous dites ça, ça me plairait.
06:00Moi, maintenant, je suis rentré dans une logique
06:02où justement j'aime cette notion d'entrepreneur,
06:07cette velléité-là chez moi.
06:09Et donc aujourd'hui, je monte mes propres projets
06:12comme j'aurais envie de monter une entreprise par ailleurs.
06:16Finalement, je me suis rendu compte qu'en tant que metteur en scène,
06:18il y avait une dimension managériale très forte
06:20et qui m'apprend énormément en tant que chef d'entreprise.
06:23Comme la direction d'acteur sur un tournage de cinéma.
06:26On manage des humains.
06:28Exactement. En fait, le management, c'est ça.
06:30C'est pouvoir être au plus près de chacun et de les connaître,
06:32puisque je pense que c'est aussi ça, le travail de metteur en scène,
06:34que l'acteur donne le meilleur sur scène le moment venu.
06:38Et si on regardait l'extrait de la pièce,
06:41elle rejoue quand, votre pièce ?
06:44C'est à dire du 6 novembre, du mardi au dimanche, au Lucerner.
06:48Et j'ai tout dit.
06:49Avec deux séances le dimanche ?
06:51Non, il y a six représentations par semaine,
06:53tous les soirs à 19h et à 15h le dimanche, je crois.
06:5616h le dimanche.
06:576 novembre. Regardez cet extrait.
06:59Ça parle de lumière et ce n'est pas uniquement mystique.
07:02Ça parle vraiment de la lumière.
07:03La création de la lumière qui fait qu'aujourd'hui,
07:05on est éclairé sur ce plateau de télévision.
07:07Regardez l'extrait de Lumière.
07:10C'est quoi ça ?
07:11Une ampoule Edison.
07:12Démonte-la, observe-la et crée-en une nouvelle,
07:16une meilleure, une ampoule Westinghouse.
07:24Tu as toujours envie de changer le monde ?
07:26Oui.
07:27Thomas me fait tous procès pour m'empêcher de vendre mes ampoules.
07:32Avec la croyance que pour un alternatif,
07:34c'était un fantasme impossible.
07:37Mais ce n'est pas parce qu'on n'a pas trouvé de solution
07:40qu'il n'y a pas de solution.
07:42George Westinghouse.
07:43Nicolas Tesla.
07:45Vous faites quoi ces prochains mois ?
07:46J'avoue, je ne comprends pas pourquoi tu n'étais pas avec lui.
07:48Il a présenté un transformateur qui, couplé à son générateur,
07:52permet enfin de transporter l'électricité.
07:55Non, non.
07:57Non.
07:58Cincinnati.
07:59Washington.
08:00Buffalo.
08:01Delphine.
08:02Baltimore.
08:03Orlando.
08:04Oh, Orlando !
08:05Mais moi, je trouve quoi ?
08:06Le concul, c'est ça ?
08:08Un imbécile est passé à côté de l'histoire ?
08:11Il croit vraiment que je vais me laisser faire ?
08:13Mais non.
08:14Edison ne se laisse pas faire.
08:18Edison orchestre la plus grande campagne de diffamation de l'Histoire.
08:22Mais si j'arrivais pas à l'entrer ?
08:24Si j'avais perdu l'inspiration ?
08:26Je suis là, moi.
08:28Edison, lui, il est partout.
08:30Venez pour Dieu, Monsieur Edison.
08:33C'est un thème intéressant.
08:34On continue le débat en regardant la pièce parce que vous me racontiez les coulisses.
08:38Et là, on voit aussi le chef d'entreprise.
08:40C'est-à-dire qu'il y a à la fois de l'artistique, c'est du jeu,
08:42il y a une narration, une dramaturgie,
08:44mais c'est quand même sur fond de guerre économique.
08:48Vous avez le sentiment que c'est parce que vous êtes traversé aussi par vos études,
08:51parce que vous êtes, ou parce que le thème vous intéressait ?
08:54Moi, j'aime, en tant que comédien,
08:56ce qui m'intéresse, c'est d'essayer de jouer souvent des personnages historiques,
09:00surtout des gens qui sont plus intelligents que moi.
09:02Je trouve ça génial d'avoir la possibilité
09:04de jouer un génie comme Thomas Edison,
09:07aussi décrié soit-il.
09:09Et donc, très vite, quand je me suis rendu compte
09:11qu'il y avait effectivement une histoire entrepreneuriale
09:13qui fait écho à beaucoup de choses aujourd'hui,
09:15sur la notion de progrès,
09:17c'est sûr qu'il y avait un double plaisir pour moi
09:21à travailler sur cette création.
09:23Un mot, parce que vous y tenez beaucoup,
09:25et je voudrais qu'on ne l'oublie pas,
09:27il n'y a pas que le théâtre lui sert nerfs.
09:29Cette marque, c'est une marque,
09:31lui sert nerfs, est connue par son lieu,
09:33par cette salle qui est magnifique,
09:35mais il n'y a pas que ça, il y a combien de salariés ?
09:37Vous pilotez combien de salariés, au total ?
09:39Il y a...
09:41En fonction des spectacles, ça varie,
09:43mais il y a 40 temps pleins,
09:45il y a une cinquantaine de personnes qui travaillent là-bas,
09:47parce qu'effectivement, c'est trois salles de cinéma,
09:49trois salles de théâtre, un restaurant, un bar,
09:51une librairie, il y a une société de production,
09:53de diffusion.
09:55Ça veut dire que vous avez des managers intermédiaires
09:57qui vous remontent des infos,
09:59des petites réunions de management...
10:01Il y a déjà un homme qui s'appelle Benoît Lavigne,
10:03qui est le directeur du lieu, qui est directeur depuis 10 ans,
10:05qui a fait en sorte qu'aujourd'hui
10:07il y ait 300 000 personnes qui viennent au Lucerner.
10:09Le challenge pour nous, puisqu'on en a fait l'acquisition
10:11il y a 6 mois,
10:13le défi, il est de préserver
10:15la ligne historique, artistique
10:17de ce qu'est le Lucerner, parce que tout le monde le connaît,
10:19tout en cherchant
10:21à innover avec un lieu comme celui-là.
10:23Et moi je suis assez...
10:25Dans le lieu en général, pour créer...
10:27Pour ça que moi quand on parle du théâtre du Lucerner,
10:29je dis non, non, c'est le Lucerner.
10:31C'est le Lucerner parce que c'est un lieu de vie.
10:33Un lieu de vie. Je peux venir acheter des livres ?
10:35Exactement. Vous pouvez venir à 8h du matin
10:37jusqu'à 2h du matin, il y aura toujours quelque chose à faire.
10:39L'avantage de la programmation cinéma,
10:41théâtre, c'est qu'il y a 10 pièces par soir,
10:43il y a 10 films par jour.
10:45Et l'idée,
10:47pour moi, on parle de l'intelligence artificielle.
10:49Un lieu du savoir, en fait.
10:51Oui, du savoir, de la culture et de la convivialité.
10:53Je pense que plus que jamais,
10:55ça va peut-être à l'encontre,
10:57parce qu'on a une société d'investissement par ailleurs
10:59où on ne nous présente que du progrès pur jus
11:01derrière notre smartphone.
11:03Moi je crois que
11:05l'avenir passe aussi par la rencontre
11:07et par la culture.
11:09Vous voulez éclairer le monde avec le Lucerner.
11:11C'est un peu le Edison de la culture.
11:13Pour la suite d'anecdote, le mot Lucerner veut dire
11:15le moment où on éclaire, où on allume les lampes.
11:17C'est pas complètement faux.
11:19Il y a un lien assez fort.
11:21Avant de nous quitter,
11:23vous voyez piloter toujours
11:25ce gros navire qu'est le Lucerner ?
11:27Ou vous avez d'autres projets, d'autres idées ?
11:29Le projet,
11:31c'est de mettre un Lucerner dans chaque ville de France.
11:33Donc de créer une marque.
11:35Je crois vraiment qu'il y a une nécessité aujourd'hui
11:37déjà à répondre aux problématiques
11:39du spectacle vivant et de la diffusion de spectacles
11:41aujourd'hui.
11:43Par ailleurs, je pense que c'est vraiment
11:45une nécessité de pouvoir trouver des lieux
11:47où on rassemble et où on le rassemble
11:49au travers de la culture.
11:51Ça veut dire que le manager est en train de prendre le pas sur le comédien.
11:53J'espère que je jouerai
11:55dans toutes les villes de France un spectacle différent
11:57dans chaque Lucerner de France.
11:59J'ai le sentiment que j'ai plus un chef d'entreprise sur ce plateau.
12:01C'est peut-être parce que la configuration de notre émission le veut.
12:03J'ai plus aujourd'hui un chef d'entreprise
12:05qu'un comédien, même si vous en avez l'âme
12:07et le désir.
12:09Peut-être plus un metteur en scène qu'un comédien.
12:11En tout cas.
12:13Plus derrière pour, encore une fois, manager.
12:15J'ai vraiment pris beaucoup de plaisir.
12:17Il y a un lien très fort
12:19entre la mise en scène
12:21et le management
12:23et la direction d'entreprise.
12:25Merci Maxence Gaillard.
12:27C'est un vrai plaisir de vous accueillir.
12:29Président du Lucerner.
12:31Et attention, ne dites pas que c'est le théâtre.
12:33C'est un lieu de savoir.
12:35Cinéma, librairie et bien sûr théâtre.
12:37Avec Lumière, cette pièce autour de
12:39ceux qui ont inventé la lumière
12:41à partir du 6 novembre prochain.
12:436 jours par semaine, dimanche compris.
12:45Merci, bon vent.
12:47Cette pièce sera probablement au Molière.
12:49Je vous le souhaite.
12:51Ce qu'on lui souhaite aussi.
12:53Elle sera plébiscitée par le public et les professionnels.
12:55On tourne une page.
12:57On passe dans un tout autre sujet.
12:59J'accueille mon invité et ses fenêtres sur l'emploi.