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Transitions au Mali, au Burkina et en Guinée après les coups d’État, tensions entre la RDC et le Rwanda, guerre civile au Soudan… Entretien exclusif avec Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine, qui revient sur les principaux dossiers qui agitent le continent.

L’ancien ministre tchadien des Affaires étrangères, qui s’est vu reprocher ses (supposées) ambitions présidentielles dans son pays, livre également sa vision de la situation politique à N’Djamena, engagé dans une transition sous la présidence de Mahamat Idriss Déby Itno.

L'intégralité de l'entretien à retrouver ici : https://www.jeuneafrique.com/1457233/politique/moussa-faki-mahamat-les-militaires-qui-assurent-les-transitions-ne-doivent-pas-se-presenter-aux-elections/

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Transcription
00:00 Monsieur le Président, tout de suite une question très directe.
00:08 Soixante ans après la création de l'OIE, l'Afrique ne dispose toujours d'aucun siège
00:13 permanent au Conseil de sécurité de l'OIE.
00:16 Alors, est-ce que c'est une réforme que vous portez, que vous voudriez porter ? Est-ce
00:21 que vous vous dites, pendant mon mandat finalement, j'aimerais bien aboutir à cela enfin ?
00:25 Écoutez, l'Afrique, c'est cinquante-cinq États, dont cinquante-quatre sont membres
00:31 des Nations unies.
00:32 Il est tout à fait injuste, c'est le moins qu'on puisse dire, que ce continent ne puisse
00:40 pas être dans la gouvernance mondiale, et notamment aux Nations unies, au Conseil de
00:48 sécurité.
00:49 Depuis plus d'une décennie, l'Union africaine a adopté ce qu'on a appelé le consensus
00:59 des ULUNI pour revendiquer deux sièges permanents, donc avec droit de vote, au Conseil de sécurité
01:06 des Nations unies.
01:08 Malgré tout ce que nous avons fait complet de loyer, malheureusement jusqu'à là, ce
01:13 projet n'a pas pu aboutir.
01:15 C'est plus qu'injuste, d'autant plus que si l'on prend le cas du Conseil de sécurité
01:23 des Nations unies, 60 à 70% des dossiers qui y sont traités concernent le continent
01:29 afrique.
01:30 L'AZLECAF, président, grand projet, grand projet ambitieux, présenté comme une réussite
01:35 africaine, signature c'était il y a pratiquement cinq ans maintenant, toujours pas vraiment
01:42 entré en vigueur.
01:43 En février, vous avez vous-même évoqué, je cite, un manque de volonté politique dans
01:48 la mise en œuvre de ce projet.
01:50 Comment l'expliquer ?
01:51 Je crois que c'est l'un des projets emblématiques quand même qui a commencé à prendre forme.
01:56 Vous savez, ça a été la revendication des pères fondateurs déjà en 1963.
02:01 Tous les États, sauf l'Erythrée, l'ont signé.
02:07 46 ou 47 l'ont déjà ratifié.
02:09 Il commence à prendre forme, mais la condition sine qua non, c'est celle des infrastructures.
02:19 Il faut d'abord connecter physiquement le continent afrique.
02:23 Il manque de chemin de fer, il manque de routes, il manque de ports.
02:26 Et donc pour que le commerce puisse être effectif, franchir les frontières des États
02:33 ou des sous-régions, il faut nécessairement doter le continent d'infrastructures.
02:38 Ça, c'est le défi majeur.
02:40 Sur la RDC, qui est un des dossiers qui occupe beaucoup le continent en ce moment, pour la
02:45 deuxième fois au cours des six derniers mois, le groupe d'experts de l'ONU a formellement
02:50 épinglé le Rwanda pour son soutien actif au M23.
02:53 Plusieurs pays occidentaux, comme les États-Unis, se sont positionnés sur cette question.
02:57 Kinshasa dénonce ce soutien depuis plusieurs mois, mais aucun pays du continent et l'Union
03:02 africaine non plus ne s'est positionné clairement sur cette question du soutien de Kigali au
03:08 M23.
03:09 Comment est-ce que vous l'expliquez ?
03:10 L'Est de la RDC connaît des problèmes depuis plus de deux décennies.
03:13 Des problèmes complexes.
03:15 La présence d'une multitude de groupes armés, de forces négatives, de toutes sortes, dont
03:21 les ADF d'ailleurs qui viennent de commettre un massacre horrible en Ouganda, en tenant
03:27 une quarantaine d'élèves égorgés et brûlés vifs.
03:30 Et donc face à cette situation, le continent et l'Union africaine sont intervenus à
03:36 maintes reprises.
03:38 L'un des problèmes qui se pose est que le gouvernement de la RDC refuse de négocier
03:44 avec le M23.
03:45 Il le considère comme un mouvement terroriste.
03:47 Le Rwanda dit que les FDLR, donc les génocidaires ou ceux qui en restent, sont au Congo, que
03:55 certains seraient même intégrés dans les forces nationales.
03:58 Le Congo, de son côté, dit qu'il y a un appui direct du Rwanda au profit du M23.
04:07 C'est l'exemple type de ce qu'on appelle le proxy war, donc guerre par procuration.
04:12 Et je crois, pour nous à l'Union africaine, il faut tout faire pour que ce problème soit
04:18 résolu.
04:19 Président, il y a de plus en plus de rapports qui condamnent les pratiques du groupe Wagner
04:24 sur le continent, en Centrafrique, en Mali et ailleurs.
04:27 Comment est-ce que l'Union africaine se positionne par rapport à l'activité de ce type de
04:32 groupe ?
04:33 L'Union africaine est contre le mercenariat.
04:35 Il y a des décisions depuis l'OIA contre le mercenariat.
04:41 Mais également, les États sont libres de contracter avec des pays ou avec des organisations.
04:48 C'est ce qui se passe.
04:51 Donc la question est une question qui est gérée vraiment au niveau des États.
04:55 Et très souvent, les États africains sont extrêmement jaloux de leur souveraineté,
05:00 d'ailleurs ce qui par ailleurs nous pose un problème dans cette philosophie de la
05:07 souveraineté collective, de l'intégration.
05:09 Et ça, c'est un travail de longue haleine.
05:12 Monsieur le Président, l'Union africaine se voit régulièrement reprocher son impuissance
05:16 face aux changements constitutionnels.
05:18 Doit-elle changer d'approche ?
05:19 Les textes sont clairs.
05:20 Il y a une charte sur la démocratie, les élections et la gouvernance.
05:25 Les dispositions de l'acte constitutif et du protocole pour la création de conseils
05:32 de sécurité sont très claires.
05:34 La question c'est la mise en œuvre par les États membres.
05:37 Le tripotage des constitutions constitue un problème.
05:43 L'organisation des élections transparentes pose un problème.
05:49 L'exclusion pose un problème.
05:52 Les changements non constitutionnels du gouvernement posent un problème.
05:56 Quand ils adviennent, il est demandé à l'Union africaine, notamment à la Commission
06:03 de l'Union africaine, d'accompagner.
06:05 C'est ce que nous sommes en train de faire avec les pays en transition, le Mali, le Burkina
06:10 Faso, la Guinée, le Tchad, le Soudan, jusqu'à ce que les événements éclatent.
06:16 Mais il faut reconnaître que très souvent, les textes ne sont pas appliqués, ne sont
06:23 pas respectés.
06:24 Fin juin, les Maliens ont voté en faveur du changement de leur constitution.
06:28 Si le président Assimi Goïta venait à se présenter à la prochaine élection, de
06:32 quel levier disposerait l'Union africaine pour peser sur la situation ?
06:35 Nous, comme vous l'avez dit, nous soutenons la position de la CEDEAO.
06:39 Pour la CEDEAO, il n'est pas question que les militaires qui ont assuré la transition
06:44 puissent se présenter aux élections.
06:45 C'est le cas des trois pays, donc le Mali, le Burkina et la Guinée.
06:51 On est bien d'accord.
06:52 Alors, je vais vous parler de d'autres pays, président, tout de même, faire un peu de
06:58 chronologie.
06:59 Le 20 août dernier, Dialogue national, le Jamena, vous faites un discours, un discours
07:06 qui est très remarqué, qui est très commenté.
07:08 Certains le prennent comme une sorte d'offre de service au pays, voire d'une sorte de
07:15 pré-déclaration de candidature.
07:18 Alors, est-ce qu'on se trompe quand on évoque ces possibilités ?
07:21 Ou alors, comment faut-il interpréter ce discours que vous avez tenu ?
07:26 Écoutez, moi, je suis tchadien.
07:28 J'étais premier ministre du Tchad il y a 20 ans.
07:36 J'ai été ministre des Affaires étrangères du Tchad pendant près de neuf ans.
07:41 Et je suis à la Commission, j'ai couru à ma septième année comme président de la
07:44 Commission de l'Union africaine.
07:46 J'ai fait toute ma carrière politique administrative sous feu.
07:53 Et en tant que tel, il s'organise dans mon pays une conférence, après celle qui s'est
08:07 tenue quand j'étais nouvellement arrivé étudiant en 93.
08:10 Trente ans après, il se tient une conférence suite justement à la mort tragique du président
08:19 Idriss Déby.
08:20 D'ailleurs, l'une des recommandations du Conseil de la sécurité et de faire une enquête
08:27 pour faire la lumière sur la mort de ce grand chef d'État.
08:31 Je crois que mon discours a été interprété par les uns et les autres, ce qui est leur
08:35 droit.
08:36 Si je veux être candidat ou si je veux me positionner, je l'aurais dit clairement,
08:43 je pourrais le dire aujourd'hui ou demain.
08:45 Personne n'a le droit de m'empêcher de m'exprimer sur la situation de mon pays ou
08:51 de me positionner, d'offrir mes services pour reprendre vos termes.
08:55 Personne.
08:56 Mais j'ai eu à le répéter.
08:59 Je crois que je suis en charge aujourd'hui d'une organisation internationale.
09:04 J'ai été présenté par mon pays.
09:07 Les États africains m'ont fait confiance.
09:09 J'ai du travail que je suis en train de faire.
09:11 Donc, cet amalgame qui est créé par certains, il n'est pas nouveau.
09:16 Il y a vingt ans déjà, quand j'étais premier ministre, on me soupçonnait que j'étais
09:21 le dauphin du président Idriss Déby.
09:23 Alors, surviennent les événements tragiques d'octobre 2022.
09:27 Vous prenez position avec un narratif qui est très différent de celui du pouvoir.
09:33 Je suis le président de la commission de l'Union africaine.
09:37 L'Union africaine, à travers le Conseil des pays de sécurité, s'est rendue, ce qui
09:41 est rare, s'est rendue au Tchad.
09:43 Elle a écouté.
09:44 Elle n'a pas suspendu le Tchad, comme cela se faisait ailleurs, parce que la mort tragique
09:49 du président Déby, dans les circonstances, certains l'ont reproché.
09:53 Quelle est l'explication ?
09:54 Il faut leur poser la question.
09:56 Non, mais vous, vous avez une explication.
09:57 Pourquoi vous n'avez pas suspendu le Tchad ?
09:58 Au départ, je crois que les États africains, le rôle joué par le président Déby, vraiment
10:05 son leadership sur les questions africaines, ils étaient sincèrement touchés par ce qui
10:11 s'est passé.
10:12 Puisque cette agression est venue à franchir les frontières, et donc la question de la
10:17 stabilité du pays a été mise en jeu et la décision a été prise.
10:21 Mais elle était assortie quand même des conditions.
10:24 18 mois, les militaires ne doivent pas se présenter.
10:28 Ça, c'était des choses très claires.
10:30 Eux-mêmes, ils ont pris l'engagement.
10:31 Par la suite, les choses ont été faites autrement.
10:34 Vous êtes en fonction depuis un peu plus de six ans.
10:38 Oui.
10:39 Votre deuxième et dernier mandat, ça s'achève fin 2024, début 2025.
10:43 Tout à fait.
10:44 Et dernier mandat.
10:46 Vous pensez à l'après ?
10:47 Naturellement, je pense qu'après huit ans, j'aurai eu 65 ans.
10:54 C'est l'âge de la retraite.
10:56 Je vais d'abord me reposer et j'aviserai.
11:01 Dieu décidera ce que je dois faire par la suite.
11:05 Et dans l'hypothèse, rien ne vous en empêche, on l'a dit, où il y a des élections présidentielles
11:10 au Tchad qui se déroulent à peu près à la même époque, fin 2024, c'est quelque
11:16 chose que vous envisageriez éventuellement ?
11:18 Je n'ai pas encore pris de décision sur cette question, mais je ne pense pas que je
11:24 puisse finir mon mandat en mars 2015.
11:27 Il faudrait l'interrompre.
11:28 Et l'interrompre.
11:29 Il faudrait l'interrompre.
11:30 Donc, ce n'est pas compatible selon vous.
11:31 Oui, je ne peux pas faire les deux à la fois.
11:36 Si je décide de me présenter, je dois quitter mes fonctions.
11:39 Vous êtes fier de votre bilan, président ?
11:42 Oui.
11:43 Je suis fier de ce que je fais.
11:45 Je le fais avec conviction, avec foi.
11:48 Il est bien vrai que le continent fait face à des défis énormes.
11:53 La volonté politique n'a pas toujours été au rendez-vous, pour des raisons historiques,
12:02 pour des raisons qu'on puisse peut-être comprendre.
12:05 Mais je crois que le continent, et aujourd'hui, pèse.
12:12 L'Union africaine, aujourd'hui, pèse sur le plan international.
12:16 Et je pense avoir fait de mon mieux pour être à la hauteur de la confiance.
12:35 En tout cas, j'ai fait de mon mieux.
12:38 Et le chef d'État, vous avez l'impression qu'il vous respecte ?
12:42 Personne ne m'a montré qu'il ne me respecte pas.
12:47 Je dirais que j'ai un très bon rapport avec tout le monde.
12:55 Merci, président.
12:57 Merci.
12:59 Merci.
13:01 Merci.
13:02 Merci.
13:04 Merci.
13:06 Merci.
13:07 Merci.
13:08 Merci.
13:09 Merci.
13:10 Merci.
13:11 Merci.
13:12 Merci.
13:13 Merci.
13:14 Merci.

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