Alexandre Labasse, directeur général de l’Atelier parisien d’urbanisme ; Nicola Delon, architecte et co-fondateur de l’agence Encore Heureux ; et le maire EELV de Lyon, Grégory Doucet, sont les invités du Grand entretien du 6/9 de l’été. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-20-juillet-2023-6917274
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00:00 Les 40 degrés atteints dans la moitié sud cette semaine, on l'a bien compris, désormais,
00:03 ce n'est qu'un avant-goût de ce que seront nos étés dans les prochaines décennies.
00:07 Et c'est en ville que la situation va devenir potentiellement intenable.
00:10 Dans une France à +4 degrés en 2100, le scénario du pire sur lequel planche le gouvernement,
00:16 50 degrés à Paris ne seraient plus de la science-fiction et Lyon subirait la température
00:21 d'Alger.
00:22 Car dans les grandes villes, au réchauffement global s'ajoutent des phénomènes d'îlots
00:25 de chaleur.
00:26 Alors où en sommes-nous aujourd'hui dans l'adaptation des métropoles à cette nouvelle
00:30 donne climatique ? On attend vos questions, vos réactions au 01.45.24.7000 et sur l'appli
00:35 France Inter.
00:36 Et pour vous répondre ce matin, un architecte, Nicolas Delon, bonjour ! Du collectif Encore
00:41 Heureux, vous travaillez notamment sur l'habitat durable.
00:44 Alexandre Labasse, bonjour ! Vous dirigez l'Atelier parisien d'urbanisme et puis avec
00:50 nous aussi en duplex, le maire écologiste de Lyon.
00:53 Bonjour Grégory Doucet ! Je vais commencer avec vous Grégory Doucet.
00:56 Votre ville est selon les scientifiques, je le disais, l'une des plus menacées en France
01:00 par ces canicules.
01:01 Lyon va-t-elle devenir invivable entre juin et septembre à l'horizon 2100 ?
01:06 On sait déjà que Lyon est l'une des villes en France, en Europe, les plus exposées au
01:12 réchauffement.
01:13 Vous annonciez un peu plus tôt les températures de cette semaine.
01:16 La semaine dernière, c'est à Lyon qu'on pouvait relever la température la plus élevée
01:21 en France avec un 37 degrés qui était déjà très très élevé.
01:25 Oui, on sait qu'on doit se préparer, on doit transformer nos villes pour les adapter
01:32 sans oublier bien sûr le maintien des efforts pour aussi atténuer les effets du réchauffement
01:37 climatique parce que tous les degrés que nous pourrons éviter sont bons à prendre.
01:42 Parce que vous êtes affecté comme d'autres grandes villes par ces îlots de chaleur urbain.
01:47 Ça peut représenter 10 degrés de plus la nuit au cœur d'une ville par rapport à
01:51 sa périphérie.
01:52 Je disais Lyon en 2100 ce sera Alger, mais même avant en 2050 ce sera Madrid en termes
01:56 de température.
01:58 Sans la mer, je disais Alger mais c'est sans la mer et ça change beaucoup de choses.
02:01 Avec un bâti, une organisation urbaine d'un pays tempéré, pas d'une ville méditerranéenne.
02:07 Donc là on est devant un cocktail explosif si rien n'est fait.
02:09 C'est pour ça qu'on transforme la ville.
02:12 C'est pour ça qu'on a lancé un très grand plan de végétalisation de la ville.
02:17 On végétalise, pour vous dire simplement les choses, partout où c'est possible.
02:20 Ça veut dire qu'il faut qu'on regagne du sol, qu'on désartificialise les sols.
02:24 On a déjà repris 3 hectares sur le bitume depuis le début de la mandature.
02:28 Ce qui semble comme ça peut-être un chiffre assez faible mais il faut savoir qu'à
02:33 Lyon, depuis des décennies, on artificialisait les sols.
02:37 Depuis 2020, on désartificialise, on a repris ces 3 hectares et ça nous permet de planter
02:43 bien sûr sur ce sol repris mais plus largement partout dans la ville.
02:46 On a engagé des investissements à hauteur de 140 millions d'euros, c'est 4 fois plus
02:51 que la mandature précédente, pour planter partout où c'est possible.
02:55 Ce sont déjà 5000 arbres de haute tige qui ont été plantés, 4 fois plus d'arbustes.
03:01 Ce qui est très important à noter, mais j'imagine que vos experts en parleront également,
03:05 c'est que si on veut rafraîchir la ville, il faut bien sûr planter des arbres pour
03:08 avoir de l'ombre mais il faut aussi planter de la végétation plus basse, des arbustes
03:12 et de la végétation rase, de manière à pouvoir bénéficier des phénomènes d'évapotranspiration
03:17 et donc climatiser la ville en extérieur.
03:20 Et il ne faut pas se tromper sur les essences, justement, on va en parler.
03:23 Alors les solutions, quelles sont-elles ? Vous en avez évoqué déjà plusieurs, Grégory
03:27 Doucet.
03:28 Alexandre Labas de l'Atelier parisien d'urbanisme, c'est quoi l'équation gagnante ? C'est
03:32 moins de béton, moins de bitume, plus d'arbres, c'est aussi simple que ça si je puis dire ?
03:36 Elle n'est pas loin d'être aussi simple que ça l'équation, c'est vrai qu'il y
03:38 a peut-être trois enjeux, c'est, Grégory Doucet l'a dit, c'est adapter l'épiderme
03:42 urbain, les toits, les façades, le sol, rendre un albédo sur les toits, donc avoir une réflexion
03:48 solaire plus forte, des matériaux clairs par exemple, protéger tous les ouvrants avec
03:52 des protections extérieures, des stores, des volets, ça c'est extrêmement important.
03:56 Le deuxième point c'est végétaliser les villes, on l'a dit, avec des arbres pour
04:00 deux choses, créer de l'ombre et évapotranspiration.
04:02 Je m'arrête sur les arbres parce qu'en effet c'est ce qui revient dans tous les
04:06 plans municipaux, la végétalisation, la plantation d'arbres.
04:09 Mais un arbre, alors question peut-être un peu basique, mais ça met du temps à pousser,
04:13 est-ce que ça produit vraiment des effets à court et à moyen terme, ces débuts de
04:18 forêt urbaine ?
04:19 Le changement de stratégie majeure c'est de dire on va choisir des arbres pour leur
04:23 qualité climatique et plus pour leur qualité esthétique.
04:25 C'est-à-dire qu'on va prendre par exemple, la platane c'est connu, le platane, le tigel,
04:29 le micro-coulier qui sont des arbres avec des très fortes canopées.
04:31 En fait l'idée c'est d'augmenter la canopée des arbres.
04:34 La surface couvrante, un platane c'est 100 mètres carrés, il y en a certains qui dépassent
04:39 100 mètres carrés à Paris.
04:40 Si on prend un poirier qui est aussi une des 8 essences les plus utilisées à Paris,
04:43 c'est 15 mètres carrés.
04:44 Donc on voit bien qu'il y a une différence majeure sur la protection du sol.
04:47 Donc ça, végétaliser c'est très important.
04:49 Et puis le troisième point, et on en parle aussi assez souvent, c'est de transformer
04:53 un peu les usages de la ville.
04:54 On voit bien, vous disiez, dans les villes du sud, si on a les climats d'Alger, de Madrid,
04:59 on ne travaille pas aux mêmes heures, on ne se repose pas aux mêmes heures.
05:02 C'est protéger les plus fragiles, c'est protéger celles et ceux qui ne partent pas
05:05 en vacances, c'est protéger les plus précaires énergétiquement sur ces questions-là.
05:09 Les trajets domicile-travail aussi.
05:11 Transformer les mobilités, évidemment, moins carbonées pour ne pas contribuer à augmenter
05:14 la chaleur.
05:15 Parce qu'évidemment quand on utilise des voitures, on va augmenter la chaleur dans
05:18 la ville.
05:19 Donc on contribue à augmenter les degrés.
05:21 Donc c'est toutes ces questions-là qui rentrent en compte.
05:23 Grégory Doucet, vous parliez de végétalisation, vous parliez aussi de débitumer la ville.
05:28 Vous revendiquez, vous l'avez dit, 3 hectares de désartificialisation des sols à Lyon.
05:33 Encore faut-il qu'il n'y ait rien en dessous parce qu'il y a des contraintes en ville
05:36 et en centre-ville.
05:37 Ni métro, ni canalisation, ni réseau de communication.
05:40 Ce sont vraiment des contraintes très concrètes et très urgentes, Grégory Doucet.
05:45 Absolument.
05:46 Et quand on commence des chantiers, on a parfois aussi la désagréable surprise de trouver
05:52 un sol pollué par exemple.
05:53 Et donc vous ne pouvez pas planter, bien évidemment, des sols pollués.
05:56 Je pourrais vous donner quelques exemples puisque dans une ville qui a un très grand
06:00 passé industriel comme Lyon, ça nous a parfois même, on va dire, empêché de réaliser
06:06 aussi vite qu'on le souhaitait certains chantiers.
06:08 Je pense notamment aux chantiers dans les cours d'école ou les cours de crèche ou
06:13 même dans les établissements pour les personnes âgées parce que c'est aussi notre priorité.
06:18 On veut d'abord faire en sorte que les plus vulnérables, les plus vulnérables au réchauffement,
06:23 soient les premiers concernés par nos actions de végétalisation.
06:26 Et pour prendre un exemple très concret, par exemple chez vous, la place Bellecour,
06:29 la célèbre place Bellecour qui est aujourd'hui un four en plein été.
06:33 J'ai cru comprendre que c'était très compliqué de réaménager la place Bellecour
06:38 par exemple.
06:39 Il y a deux métros qui passent sous la place Bellecour.
06:41 Il y a un parking qui a été installé il y a plusieurs décennies.
06:43 Donc effectivement, même si le projet de végétalisation de la place Bellecour est
06:48 à l'étude aujourd'hui, il va être engagé sur cette mandature, on ne pourra pas bien
06:52 évidemment y planter des arbres de haute tige comme on dit partout parce que tout simplement,
06:57 en dessous, quand vous avez un métro, les racines ne peuvent pas prendre.
07:01 C'est pour ça que c'est un travail qui peut sembler comme ça quand on regarde de
07:05 prime abord assez simple de végétaliser, mais en fait c'est d'une très très grande
07:08 complexité technique.
07:09 Il y a besoin de faire des études préalables.
07:12 Tout à l'heure, vous évoquiez le choix des essences.
07:15 C'est aussi très très important parce que les essences peuvent être plus adaptées
07:19 effectivement au réchauffement, mais peuvent être aussi plus adaptées à certains lieux
07:24 spécifiques qui vont connaître plus ou moins d'ensoleillement selon l'entourage des
07:28 bâtiments.
07:29 Tout ça, c'est des choses qui doivent être étudiées.
07:31 Et donc on a bien sûr à chaque fois, avant chaque chantier de végétalisation, les équipes
07:39 de la direction de la biodiversité chez nous qui sont à l'œuvre pour regarder ça.
07:42 Mais ça n'entame en rien bien évidemment notre volonté d'avancer sur cette végétalisation
07:46 parce que comme votre invité l'a dit, c'est devenu indispensable si on veut bien évidemment
07:52 rendre les villes vivables, enfin leur permettre d'être toujours vivables.
07:56 A l'horizon de la fin du siècle, on parle urbanisme, on va parler aussi construction
07:59 des habitants.
08:00 Nicolas Delon, je rappelle, vous êtes architecte.
08:03 Comment construire aujourd'hui en ville pour survivre à 50 degrés l'été ?
08:07 Alors peut-être d'abord se dire qu'il faudrait moins construire et d'abord regarder
08:11 ce qui est déjà là.
08:12 Ça c'est très important.
08:13 Il est vrai que 95% du patrimoine bâti, même des 50 prochaines années, est présent
08:18 et que d'abord il va falloir le transformer, le réhabiliter, l'améliorer avant de se
08:22 demander et de se poser la question comment construire.
08:24 Ensuite, si on doit quand même par endroit et par moment pour des questions parfois nécessaires
08:27 construire, il va falloir choisir les bons matériaux.
08:29 Les bons matériaux, on sait que depuis la période industrielle, on a massivement utilisé
08:33 le béton, la brique, donc des matériaux qui à la fois utilisent beaucoup de ressources.
08:37 Le béton c'est 60% de sable, c'est beaucoup d'énergie et c'est beaucoup d'émissions
08:42 de carbone.
08:43 Donc il va falloir basculer sur un mix des matériaux tels que la terre crue, tel que
08:47 le bois, tel que ce qu'on appelle les matériaux biosourcés qui sont en plus des matériaux
08:51 produits sur le territoire national, qui ne viennent pas de très loin.
08:53 Et donc ça va être aussi une adaptation.
08:55 Mais sur le mot solution, je voudrais juste nuancer votre lancement de dire, il faut être
09:00 aussi un peu honnête, il n'y aura pas de solution miracle.
09:02 Il va y avoir une très grande complexité.
09:03 Les sujets dont on parle sont gigantesques et donc nous on préfère parler d'adaptation,
09:07 de stratégie.
09:08 Et nous la perception qu'on a en tant que praticien qui sommes en contact avec des élus
09:12 ou avec des habitants, c'est qu'on n'est pas du tout à l'échelle des actions qui
09:15 doivent être menées.
09:16 On est très en retard.
09:17 On a eu une canicule en 2003, ça fait 20 ans.
09:20 A l'époque, il n'y a pas eu du tout de prise de conscience sur cet aspect-là, urbanistique,
09:24 en termes d'architecture.
09:25 Alors vous nuancez peut-être Alexandre Labasse ?
09:27 Oui, c'est le moment où toutes les forces d'urbanisme, dont la pure, ont commencé
09:29 à travailler sur ces sujets-là.
09:30 Donc dans vos milieux peut-être, mais alors je dirais du grand public en tout cas.
09:35 Absolument.
09:36 C'est intéressant la remarque d'Alexandre Labasse parce que peut-être que le niveau
09:39 de conscience augmente, mais par contre l'intensité de l'action n'est pas du tout à la hauteur.
09:43 Sur la rénovation thermique des bâtiments, on sait qu'il va falloir rénover 35 millions
09:47 de bâtiments en France.
09:48 L'année dernière, des rénovations globales, on en a rénové 60 000.
09:52 Vous imaginez, il faudra presque 1000 ans.
09:54 Donc il y a vraiment un enjeu gigantesque de stratégie, d'engagement politique, d'exemplarité
10:01 de la puissance publique.
10:02 Le maire de Lyon en a parlé.
10:03 On a besoin que les villes s'engagent beaucoup plus fortement.
10:05 Alors ça, c'est le rôle des pouvoirs publics, mais vous devez aussi compter avec le privé.
10:10 Vous parliez de rénovation thermique des bâtiments.
10:12 Les copropriétés ont leur rôle à jouer plus que ça, puisque ce sont elles qui décident.
10:17 Isoler un immeuble, ça leur relève de la décision de la copropriété.
10:20 Installer ou non une clim, parce qu'on va en parler de cette question taboue de la clim,
10:24 ça relève de la copropriété.
10:25 Donc là, on a des freins qui ne sont pas alliés aux pouvoirs publics.
10:28 Absolument.
10:29 Là, c'est des freins méthodologiques, c'est des freins psychologiques et c'est des freins
10:32 aussi économiques.
10:33 Parce que la complexité aussi de rénover les bâtiments aujourd'hui vient du fait
10:37 qu'on a dévalué les filières manuelles, qu'on a une difficulté à avoir des artisans,
10:44 des personnes qualifiées en capacité de réaliser ces rénovations et qu'on a comme
10:48 ça tout un écosystème qu'il faut repenser.
10:50 Mais donc, la tâche est gigantesque.
10:52 On doit la repenser depuis la formation jusqu'à l'application, jusqu'au mode opératoire,
10:56 jusqu'à l'accompagnement de ces copropriétés.
10:58 Si vous avez déjà fait une réunion de copropriétés, c'est l'endroit le plus
11:01 agressif, enfin pas agressif, mais le plus complexe ou impossible du monde.
11:05 Donc, il faut vraiment s'imaginer ça.
11:06 C'est un sujet très sensible.
11:07 On construit, on rénove, on est d'accord, sans la clim.
11:11 Sans installer la clim.
11:12 L'enjeu de la clim, c'est est-ce qu'on va pouvoir s'en passer quand on atteint 50°C ?
11:16 On n'est pas sûr.
11:17 Mais par contre, l'urgence de concevoir aujourd'hui des bâtiments qui, eux, peuvent fonctionner
11:21 sans clim.
11:22 Et donc, pour ça, il y a des techniques très anciennes, il y a des bâtiments qui ont plus
11:25 de 1000 ans et qui fonctionnent avec ce qu'on appelle de la ventilation naturelle.
11:28 L'idée d'aller chercher de l'air frais, de le faire monter dans les bâtiments, avec
11:33 la surventilation nocturne qui permet de capter l'air frais la nuit.
11:37 Et surtout avec des matériaux qui ont une inertie thermique, qui permettent, comme quand
11:41 vous allez dans une vieille maison à la campagne, les bâtiments historiques.
11:44 La question patrimoniale est très intéressante.
11:46 Les bâtiments patrimoniaux sont des exemples de ce qui peut marcher aux adaptations, y compris
11:50 sur le pourtour méditerranéen.
11:51 Donc, si vous voulez, ce n'est pas comme si on était face à un sujet insoluble.
11:54 On est face à des freins qui, eux, sont difficilement attaquables.
11:59 Des freins qui parlent aussi de la perte de la puissance publique par rapport à des acteurs
12:02 privés.
12:03 Ce sont des freins assez complexes.
12:04 On a une question, on va retourner dans la rue, on était dans les immeubles.
12:07 On va retourner dans la rue.
12:08 On a une question peut-être pour vous, Alexandre Labasse, de Brigitte.
12:10 Bonjour Brigitte, vous nous appelez de Paris.
12:12 Bonjour, oui, je vous appelle de Paris.
12:14 En ce moment, il fait bon.
12:16 Ça va, pour le coup, en ce moment, ça va.
12:18 À Paris, on ne se plaint pas.
12:20 J'envoie un peu de fraîcheur à tous ceux du sud.
12:22 Voilà, ma question, c'est une vraie question.
12:26 Je me suis toujours demandé, depuis qu'il fait très très chaud l'été, pourquoi à
12:30 Paris, on n'arrive pas à trouver un moyen, peut-être qu'on ne l'a pas cherché, de
12:36 rendre les trottoirs blancs ? Alors, Paris, c'est la plus belle ville du monde, je sais.
12:43 Il y a des normes, mais temporairement, pendant les deux mois très très chauds, une peinture,
12:50 un système.
12:51 Un nouveau revêtement, vous parliez des revêtements tout à l'heure.
12:54 Tout le revêtement, une couche temporaire quand il fait très chaud.
12:58 Si vous avez marché sur des plaques, des dalles blanches et des dalles noires, vous
13:03 connaissez la différence.
13:04 Oui, on peut faire cuire un œuf dessus l'été.
13:07 Alexandre Labasse, sur cette question des revêtements, même des trottoirs ou des couleurs
13:10 des trottoirs.
13:11 La question, elle est extrêmement intéressante.
13:13 Elle pose une question, évidemment, patrimoniale qui… La stratégie patrimoniale, et Nicolas
13:17 Delon l'a dit, doit s'adapter demain au réchauffement climatique.
13:20 Les bâtiments doivent s'adapter, ça doit aussi se faire sur l'espace public.
13:23 La question du trottoir blanc, c'est une question, a priori, de bon sens, mais qui
13:28 n'est pas sûre de bien fonctionner.
13:30 Parce qu'en fait, quand vous faites un sol blanc, le sol lui va être moins chaud,
13:35 mais par contre la réverbération que va produire le sol va lui vous réchauffer plus.
13:39 Donc en fait, la question du blanc, c'est plutôt pour les toitures qu'on utilise.
13:43 C'est à cet endroit-là de la ville qu'il faut le faire.
13:46 Et au sol, il faut plutôt protéger et faire de l'ombre, que ce soit avec des arbres,
13:50 on l'a dit, mais ça peut être aussi des ombrières ou des toiles tendues, comme on
13:53 le voit dans les pays du sud notamment.
13:54 Grégory Doucet, on parlait tout à l'heure de la question de la climatisation, ou encore
14:00 des changements qui sont très concrets pour le quotidien de vos habitants.
14:04 C'est compliqué, j'imagine, à faire entendre à vos habitants aujourd'hui qu'il va
14:07 falloir se priver de la climatisation quand on est à Lyon l'été, qu'on ne peut
14:11 pas dormir, quand on souffre déjà de la chaleur.
14:14 Comment on peut avancer cet argument-là ?
14:16 Sur la climatisation, il y aurait effectivement beaucoup de choses à dire.
14:20 Vous savez, en plus, il y a un empi, là, je prenais un arrêté pour interdire qu'on
14:24 laisse les portes des commerces ouvertes quand on climatise à l'intérieur.
14:30 C'était pour envoyer un signal, pour dire que la climatisation, ça peut être une
14:34 réponse notamment pour les personnes les plus fragiles qui peuvent trouver par là
14:37 un moyen de supporter les très grosses chaleurs.
14:41 Mais il faut aussi pouvoir l'utiliser avec parcimonie, avec raison.
14:46 Donc oui, la climatisation, ça peut être une réponse.
14:51 Mais faisons en sorte d'avoir épuisé toutes les autres options.
14:56 D'abord, un peu plus tôt, M.
14:58 Delon parlait des copropriétés privées.
15:02 On a parlé des bâtiments.
15:04 Mais vous savez que les copropriétés privées possèdent aussi beaucoup de terrain, en
15:09 fait, avec la métropole de Lyon, on a lancé un programme qui vise à végétaliser davantage
15:15 les copropriétés privées parce que l'espace public, bien sûr qu'il faut le traiter.
15:19 Mais il faut aussi traiter les espaces privés.
15:21 Si on plante beaucoup plus sur les copropriétés privées, on va aussi rafraîchir la ville.
15:26 Donc, il faut aller chercher toutes les options.
15:28 Et comme le disait M.
15:29 Lattara, ça se passe bien chez vous, le dialogue avec les copropriétés privées ?
15:31 Comme ça a été dit par vos intervenants, c'est à dire que c'est du cas par cas.
15:36 Il y a certaines personnes qui ont compris qu'il fallait s'engager fortement dans
15:41 cette démarche.
15:42 D'autres restent à convaincre.
15:43 C'est aussi pour ça qu'on a mis en place un dispositif qui vise à accompagner les
15:48 copropriétaires à la fois sur la végétalisation, mais aussi bien sûr sur la rénovation thermique.
15:54 La métropole de Lyon a lancé un dispositif depuis plusieurs années pour financer en
16:00 plus des aides de l'État déjà existantes, les travaux de rénovation.
16:04 Ce qui fait qu'aujourd'hui, vous pouvez engager des travaux avec aide de l'État,
16:09 aide de la métropole, ce qui vous permet quand même de rendre ces travaux beaucoup
16:12 plus accessibles avec un accompagnement technique.
16:15 Parce que c'est vrai que les sujets sont techniques selon l'ancienneté de votre
16:18 bâtiment, les modes constructifs de l'époque et tout ça.
16:21 C'est une question de monter en compétence aussi, vous en parliez tout à l'heure.
16:25 Tout ça peut se faire.
16:26 Et je ne peux que faire le même constat qui a été fait par vos intervenants tout à
16:30 l'heure.
16:31 C'est d'abord une question de choix politique.
16:33 Parce que l'ampleur des phénomènes exige une réponse à la hauteur.
16:39 On en est encore aujourd'hui extrêmement loin.
16:41 Justement, sur ce retard, peut-être retard français, on a une remarque d'Alicia sur
16:46 l'application France Inter.
16:47 Alicia qui vit en Allemagne et qui dit « En Allemagne, les enfants jouent déjà en ville,
16:51 dans l'herbe, dans la boue, dans le sable.
16:52 Les rues sont agrémentées de jardins et d'arbres centenaires.
16:56 Pourquoi cette différence avec la France ? Est-ce que c'est une question de choix
16:59 politique ? »
17:00 En Allemagne, je ne sais pas où en Allemagne, mais en tout cas en France, à Paris, je
17:04 peux vous dire que les enfants jouent dans la terre, dans la boue.
17:06 Il y a un principe qui est les cours asistes.
17:07 Il y en a plus de 130 qui ont été créés et c'est déjà en marche.
17:10 Les cours asistes, c'est qu'on enlève le bitume dans les cours de récréation.
17:12 On désinfermabilise les cours de récréation, on les plante, on les végétalise et puis
17:16 on joue finalement à même le sol.
17:17 Et Grégory Dussall a dit « La question qui va se poser pour les métropoles demain,
17:21 c'est ce qu'il y a sous nos pieds et comment on a cette connaissance et comment on peut
17:26 accéder à la nature atypique et rafraîchir par le sol ? »
17:29 Vous parliez tout à l'heure d'adaptation et non pas forcément, Nicolas Delon, de
17:33 solution totale, globale.
17:35 Si on reste à Paris ou dans d'autres grandes villes, d'ailleurs, la problématique est
17:38 la même, on a tous ces grands immeubles haussmanniens.
17:41 On a du mal à imaginer comment on pourra transformer tout ça.
17:44 Est-ce que ce n'est pas un peu perdu d'avance ?
17:46 C'est un peu vertigineux.
17:48 On peut aussi regarder la quantité de bâtiments qui sont peu ou pas occupés.
17:52 Ça ne nécessite pas grand-chose d'occuper mieux un bâtiment ou de trouver des plages
17:56 horaires.
17:57 Les bâtiments scolaires, par exemple, ne sont pas occupés le soir, le week-end et
18:00 puis toutes les vacances scolaires.
18:01 Donc, on n'a plus les moyens ni écologiques, ni économiques, ni sociaux d'avoir autant
18:06 de bâtiments peu occupés.
18:07 Donc, peut-être que votre remarque sur les bâtiments haussmanniens, c'est de considérer
18:10 qu'on va devoir moins densifier, on va devoir alléger sur ces bâtiments-là.
18:15 D'ailleurs, une petite statistique, c'est qu'en un siècle, les Français ont pris
18:18 10 centimètres de hauteur.
18:20 La taille moyenne des Français a augmenté de 10 centimètres.
18:22 Et de 1946 à 2009, les hauteurs sous plafond ont baissé de 20 centimètres.
18:27 Donc, on voit bien que quand on a un épisode aussi caniculaire, les nouveaux logements
18:30 qui sont faits, qu'on achète neufs, ont des plafonds plus bas.
18:34 C'est de l'air qui circule en moins.
18:35 C'est de l'air qui circule en moins, c'est un confort de moins.
18:37 Donc, vous voyez que c'est aussi tous ces aspects-là qu'il faut considérer.
18:40 Alors, on a parlé d'adaptation au changement, mais il y a aussi la lutte contre les causes
18:45 du changement climatique, les émissions de gaz à effet de serre.
18:48 Ça ressemble à quoi une ville bas carbone, au-delà de tout ce qu'on a déjà dit en
18:50 termes d'adaptation ? Alexandre Labas, peut-être ?
18:53 C'est beaucoup ce qu'a dit Nicolas.
18:55 C'est une ville, d'abord, qui se refait sur elle-même, qui ne démolit pas.
18:58 Ça, c'est le point numéro un.
18:59 C'est une ville qui, quand elle construit, utilise des matériaux biosourcés ou géosourcés.
19:04 Ça a une évidence.
19:05 Et puis, c'est une ville qui a un écosystème autour d'elle et qui le prend dans une région
19:10 ou dans une métropole qui fait corps ensemble.
19:13 Et ça, c'est aussi une question de densité et d'intensité de la ville.
19:17 Et pour ça, il faut des politiques municipales qui sont parfois très compliquées à mettre
19:23 en place.
19:24 Grégory Dousset, vous êtes bien placé pour le savoir.
19:25 Quand on réduit la place de la voiture pour une piste cyclable, quand on retire des places
19:29 de parking pour y mettre des arbres, ce sont des vrais changements dans le quotidien, dans
19:32 le confort aussi de vos habitants.
19:34 À Lyon, vos opposants vous accusent de dogmatisme, de militantisme, d'aller trop vite, de ne
19:39 pas écouter.
19:40 Est-ce que vous l'entendez, ça ? Ce que j'entends surtout, c'est ce qu'on
19:45 dit depuis tout à l'heure, c'est que la planète se réchauffe, les villes se réchauffent
19:48 encore plus vite.
19:49 Une ville comme Lyon se réchauffe énormément à une vitesse qu'on a rappelée dès le
19:54 début de cette intervention.
19:55 Et que la priorité, c'est de faire en sorte que demain, la ville soit effectivement vivable.
20:00 C'est pour ça qu'on met la priorité, on l'a dit, sur la végétalisation, mais
20:06 aussi sur la rénovation thermique des bâtiments, en considérant en priorité les publics les
20:13 plus vulnérables.
20:14 C'est à dire, de ce qu'on peut faire dans les cours de récréation tout à l'heure.
20:18 Alors nous, on n'appelle pas ça les cours oasis à Lyon, on appelle ça les cours nature,
20:21 mais on est exactement sur le même type de dispositif.
20:24 Mais je pense aussi aux travaux qu'on a engagés en collaboration avec notamment les
20:30 offices HLM, de manière à faire une rénovation énergétique des bâtiments.
20:34 Mais est-ce que vous assumez aujourd'hui de dire à vos habitants, il faut nous aider
20:37 à faire des efforts au détriment de votre confort ?
20:40 On doit tous, c'est pas comme ça que l'équation se pose.
20:44 Vous savez, moi je pense que les efforts aussi bien d'adaptation que d'atténuation,
20:49 ils relèvent bien évidemment de la puissance publique, mais de la part de responsabilité
20:53 que chacun doit prendre.
20:55 C'est complètement dans cet état d'esprit que la ville de Lyon s'est engagée dans
20:58 un programme de la Commission européenne qui s'appelle "100 villes climatiquement
21:01 neutres et intelligentes pour 2030", qui dit plus simplement, et tout simplement,
21:06 la fixation de l'objectif de la neutralité carbone pour 2030.
21:10 Cette neutralité carbone, on va la faire à la ville de Lyon, pas simplement parce
21:14 que la ville, c'est-à-dire la municipalité et l'institution, va s'y engager, mais
21:18 parce que toutes les parties prenantes, tous ceux qui font la ville, vont s'y engager.
21:23 Vous savez, la ville de Lyon en tant qu'institution n'est responsable que de 5% des émissions
21:26 de gaz à effet de serre sur la ville.
21:27 Donc les 95% restants, si on veut atteindre cette neutralité carbone, qui est indispensable.
21:33 J'ai une dernière question que j'aimerais poser quand même parce qu'elle est majeure.
21:36 Vous avez parlé des publics les plus vulnérables.
21:38 Est-ce que vous craignez, face aux vagues de chaleur, une nouvelle forme de ségrégation
21:41 sociale en ville ? Ceux qui ont les moyens la fuient, cette ville.
21:45 Les plus défavorisés restent piégés.
21:47 C'est déjà un peu ce qu'on voit, il y a un reportage du Monde hier chez vous, Grégory
21:50 Doucet, qui montrait que les familles riches partent dans les monts du Lyonais en périphérie.
21:53 C'est déjà une réalité ça ?
21:55 C'est pour ça que c'est une des priorités de mon exécutif.
21:58 C'est pour ça, par exemple, que la piscine, la nouvelle piscine, ça fait pas loin de
22:03 50 ans qu'on n'a pas construit de piscine à Lyon.
22:05 Là, on est en train de construire une nouvelle piscine.
22:07 Elle est placée dans un quartier populaire parce que justement, les personnes qui habitent
22:12 des quartiers populaires, qui ne partent peu, pas ou moins en vacances, doivent pouvoir
22:16 trouver aussi à Lyon des opportunités de rafraîchissement, bien évidemment des opportunités
22:22 récréatives pour les plus jeunes.
22:24 Mais oui, la priorité est donnée très clairement aux quartiers populaires.
22:28 C'est pour ça que la végétalisation se fait d'abord dans les arrondissements qui
22:32 sont carencés, qui sont les quartiers populaires en priori.
22:35 Merci beaucoup Grégory Doucet, maire de Lyon, Alexandre Labasse de l'Atelier parisien
22:39 d'urbanisme et Nicolas Delon du collectif d'architectes Encore Heureux.
22:42 Invitez tous les trois de France Inter ce matin.
22:44 Bonne journée à vous trois.