Les « sages » ont déclaré conforme à la constitution le seuil d'âge de non-consentement pour les mineurs fixé à 15 ans et contesté par deux avocats, Antoine Ory et Louis Heloun dans une QPC. Ce dernier s'inquiète du précédent que pourra créer cette décision.
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00:00 Ce vendredi 21 juillet, le Conseil constitutionnel a validé la loi visant à protéger les mineurs des violences sexuelles.
00:07 Les sages ont en effet estimé que le seuil d'âge de non-consentement fixé à 15 ans par cette loi
00:13 était conforme à la Constitution, malgré la contestation de deux avocats, Louis Elloun et Antoine Horry,
00:19 par voie de questions prioritaires de constitutionnalité.
00:22 Vous n'avez peut-être pas compris, mais c'est pas grave,
00:25 aujourd'hui on va faire le point sur ce casse-tête juridique.
00:28 Mais d'abord, un peu de contexte.
00:30 Nous sommes en 2021, au moment de la déflagration #MeTooIncest,
00:34 à la suite de la publication du livre "La familia grande" de Camille Kouchner,
00:38 dans lequel elle relate l'inceste subie par son frère.
00:42 Le législateur décide alors de se saisir de cette question des violences sexuelles faites sur les mineurs,
00:47 et de les protéger.
00:49 C'est pour ça qu'il crée cette loi et ce fameux seuil de non-consentement fixé à 15 ans.
00:54 Pour comprendre en quoi cette infraction, elle est différente,
00:57 il faut rappeler qu'en droit pénal, pour caractériser l'infraction de viol,
01:00 il faut prouver l'absence de consentement de la victime,
01:03 et pour cela le juge doit déterminer si l'acte a été commis
01:07 par violence, contrainte, menace ou surprise.
01:10 En revanche, il faudra tout de même rapporter la preuve que l'auteur des faits
01:13 avait connaissance de l'âge de la victime pour caractériser l'infraction,
01:17 et donc entraîner potentiellement une condamnation allant jusqu'à 20 ans de réclusion criminelle.
01:22 Selon le Conseil constitutionnel, soutenu par de nombreuses personnalités et associations,
01:27 ces dispositions ne sont pas de nature à remettre en cause la présence de son innocence,
01:32 comme l'explique la psychiatre Muriel Salmona.
01:35 Il faut quand même prouver qu'il y a eu à la fois un acte de pénétration
01:42 ou un contact buccogénital, et puis il faut prouver aussi que le mineur
01:49 avait moins de 15 ans. Donc la présomption d'innocence,
01:53 ce n'est pas automatique. Il y a des preuves matérielles à rechercher.
02:03 La loi comporte des éléments de qualification,
02:08 où l'âge est un élément en soi de qualification, c'est tout.
02:12 Pourtant, c'est entre autres sur ce point précis qu'est la présomption d'innocence
02:16 que les avocats requérants se sont remis au Conseil constitutionnel
02:20 pour lui demander d'abroger, c'est-à-dire de supprimer, cette nouvelle infraction.
02:24 Une présomption en matière criminelle, c'est impossible.
02:27 On ne peut pas présumer un comportement en matière criminelle.
02:29 Et donc vous avez une présomption qui est une présomption de fait matériel,
02:33 donc une présomption de culpabilité.
02:35 Or, tout le principe du système français est d'avoir une présomption d'innocence.
02:39 La présomption d'innocence, qu'est-ce que c'est en un mot ?
02:41 C'est l'effort selon lequel on va présumer que toute personne est innocente,
02:47 sauf si on arrive à démontrer sa culpabilité à travers des éléments matériels.
02:51 À démontrer, là on ne démontre rien, on constate.
02:54 Et c'est ça le problème en fait avec cette infraction.
02:56 Au-delà de ce cas d'espèce, l'avocat Louis Elloun s'inquiète du précédent
03:01 que pourra créer cette décision du Conseil constitutionnel.
03:04 Il y a un professeur de droit qui s'appelle Emmanuel Dreyer, à Paris 1,
03:07 qui a rédigé un article sur ce qu'on nomme le droit pénal sécuritaire.
03:12 C'est-à-dire cette tentation du pouvoir depuis une dizaine d'années
03:15 d'aller plus loin dans la répression, la surveillance de masse,
03:19 le contrôle, les peines automatiques.
03:21 Et il inscrit aussi cette loi de 2021 dans ce cadre plus général de quête de sécurité,
03:26 au détriment des libertés fondamentales.
03:28 Logiquement, on ne défend pas le fait d'avoir des relations sexuelles
03:31 avec un mineur de 15 ans, ce n'est pas le sujet.
03:33 Ce qu'on remet en cause, c'est le fait qu'aujourd'hui,
03:35 il y a une automaticité en matière criminelle.
03:37 Et ça, c'est vraiment la porte ouverte à tous les excès.
03:40 En fait, c'est ce même raisonnement-là, comparaison n'est pas raison,
03:43 mais c'est ce même raisonnement-là qui donne lieu à des infractions
03:47 en matière de terrorisme complètement folles et détournées de leur objectif.
03:50 C'est un problème vraiment à la fois très technique, très juridique,
03:53 mais en même temps qui peut vite dériver sur un problème moral.
03:56 Un problème moral, c'est-à-dire dans quel système judiciaire voulons-nous évoluer ?
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