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00:00 7h-9h, les matins d'été.
00:03 Quentin Laffey.
00:05 Suite de notre discussion sur le Soudan avec Gwenaëlle Lenoir, grande reporter indépendante
00:10 notamment pour Mediapart, Orient 21 et Marianne, spécialiste de l'Afrique orientale et du
00:16 Proche et Moyen-Orient et à ses côtés Radhija Medhani, doctorante à l'Université Paris 1
00:21 et associée au CEDEDGE de Khartoum.
00:23 Je voudrais qu'on commence cette deuxième partie d'entretien, de discussion, en essayant
00:28 de comprendre les différences avec le conflit, la guerre qui a secoué, traversé le Soudan
00:34 en 2003.
00:35 On explique qu'aujourd'hui, on lit beaucoup que la situation est pire, que la situation
00:40 est encore plus inquiétante que ce qui s'était passé en 2003.
00:44 Gwenaëlle Lenoir, est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi et en quoi ?
00:48 Alors en 2003, on parle de la guerre du Darfour.
00:51 Il y avait une autre guerre en 2003 au Soudan qui opposait Khartoum et le Soudan du Sud.
00:59 Le Soudan du Sud est devenu depuis indépendant.
01:02 Donc 2003 c'est vraiment la guerre du Darfour.
01:05 La différence entre ce moment-là, ces années-là et aujourd'hui, c'est qu'en 2003, début
01:11 des années 2000, il y avait des groupes rebelles au Darfour qui s'opposaient à une armée
01:20 nationale appuyée par des milices.
01:22 C'était principalement les civils qui en souffraient.
01:27 Aujourd'hui, ça c'est une constante, ce sont toujours les civils.
01:30 Mais la guerre aujourd'hui…
01:33 Donc à l'époque, pour compléter, c'était surtout les villages qui étaient pris pour
01:39 cible par d'une part l'armée qui venait bombarder et ensuite les milices qui venaient
01:45 raser le village, le brûler, tuer les habitants, etc.
01:48 Aujourd'hui, on a au Darfour des groupes armés et rebelles qui ne font rien en ce
01:57 moment, qui sont plutôt dans l'expectative en fait.
02:00 Une armée nationale qui est plutôt retranchée dans ses bases par quelques escarmouches avec
02:08 RSF mais assez peu.
02:09 Et donc RSF et les milices arabes qui s'en prennent aux civils et uniquement aux civils
02:15 et en particulier dans les villes.
02:17 Pas seulement dans les villes mais dans les villes, ce qui n'était pas le cas en 2003.
02:21 En 2003, les villes étaient relativement épargnées.
02:24 Aujourd'hui, les grandes villes du Darfour sont ciblées malgré des trêves qui tiennent
02:31 ici et là, qui sont négociées par les leaders communautaires et religieux.
02:37 Mais du coup, les infrastructures sanitaires, les infrastructures d'eau, d'électricité,
02:46 les écoles, les administrations locales sont détruites ou largement détruites.
02:52 Et Khartoum, vous le disiez un peu plus tôt, alors que jusque là, elle a été plutôt
02:56 épargnée par les conflits.
02:58 Cette fois-ci, la capitale du Soudan est directement touchée.
03:01 Oui, la guerre a commencé à Khartoum et les combats se concentrent à Khartoum.
03:08 Et à Khartoum également, qui n'avait jamais subi les effets directs des différentes
03:17 guerres soudanaises.
03:19 Aujourd'hui, la ville est détruite.
03:23 Il n'y a plus d'infrastructures bancaires, il n'y a plus d'infrastructures d'électricité,
03:27 d'eau, l'approvisionnement est difficile.
03:31 Il y a encore des millions de gens à Khartoum qui sont coincés dans cette ville.
03:36 Et Khartoum, c'est 8 millions de personnes.
03:38 Il faut souligner ici l'héroïsme d'une partie de la population et en particulier
03:46 des comités de résistance, cette organisation de quartier révolutionnaire qui a porté
03:51 la révolution, où on a des volontaires qui risquent leur vie chaque jour pour aller
03:56 réparer des câbles électriques, pour aller réparer les stations d'épuration, pour
04:02 essayer de faire que les habitants qui restent à Khartoum puissent survivre.
04:08 Et il faut rappeler que dans les années 2000, la guerre a fait environ 300 000 morts selon
04:14 les Nations Unies, près de 2,5 millions de déplacés aussi.
04:18 Il y a quelques jours, la Cour pénale internationale a annoncé, c'était le 13 juillet dernier
04:23 exactement, avoir ouvert une nouvelle enquête pour crime de guerre dans la région soudanaise
04:29 du Darfour.
04:30 Est-ce que vous pouvez nous expliquer, Radhidja Medhani, pourquoi la Cour pénale internationale
04:34 a entrepris cette démarche ?
04:35 Pourquoi ? Je pense que quelque part c'est son travail de faire ça.
04:42 C'est déjà la Cour pénale internationale qui avait poursuivi Omar El-Bechir et d'autres
04:47 chefs d'État pour génocide, crime de guerre et crime contre l'humanité au Darfour après
04:51 2003.
04:52 Qu'est-ce qui s'est passé concrètement sur le terrain pour que la Cour pénale internationale
04:58 enclenche cette enquête ?
04:59 C'est des exactions à forte intensité et répétées contre les populations civiles
05:05 qui se déroulent actuellement au Darfour et dans les villes, ce que disait Gwenaël.
05:11 Si on prend la ville qui est le plus touchée, celle d'Algénéna, il y a actuellement 70%
05:16 de la population de la ville qui a dû quitter la ville.
05:18 C'est quand même une désertion totale.
05:20 Avec des images et des témoignages assez flagrants de viols et de massacres de populations
05:29 civiles par les milices, d'où l'ouverture d'une enquête.
05:33 Pour l'Organisation des Nations Unies, les violences commises dans cette région pourraient
05:36 constituer des crimes contre l'humanité.
05:39 Gwenaël Lenoir, une réaction sur cette notion de crime contre l'humanité et plus largement
05:43 sur la démarche de la Cour pénale internationale ? Est-ce que cette enquête peut servir à
05:48 quelque chose ?
05:49 L'enquête a déjà un mérite, c'est d'enquêter.
05:57 C'est un bon début.
05:59 Voilà, c'est déjà ça.
06:01 Comme le disait Radija, la plupart des habitants d'Algénéna ont fui au Tchad, des communautés
06:12 visées qui sont là des communautés non arabes, en particulier les massalites.
06:17 Ces massalites sont en but aux tribus, aux milices arabes et aux RSF.
06:27 Encore une fois, ce n'est pas une histoire nouvelle.
06:30 Même après la révolution et l'accord de paix signé avec les groupes rebelles en 2020,
06:36 la situation à Algénéna a été toujours extrêmement tendue.
06:39 Il y a déjà eu des campes déplacées qui ont été brûlées, etc.
06:42 Là, ce qu'on a comme témoignage tend à montrer une intention génocidaire avec des
06:49 massacres de femmes, des viols systématiques de femmes, des massacres d'enfants, des gens
06:58 soit massacrés, soit chassés, quasiment escortés jusqu'à la frontière tchadienne
07:04 qui est à une trentaine de kilomètres.
07:05 C'est vraiment tout près.
07:07 Il y a des fausses communes qui ont été découvertes.
07:11 Il y a aussi des discours très clairement anti-massalites qui appellent au meurtre.
07:21 Il y a quand même tout un faisceau de choses qui font que l'ACPI pouvait difficilement
07:28 ne pas se saisir de ce cas.
07:31 Et dans le même temps, l'ACPI et la Cour pénale internationale enquêtent déjà sur
07:34 les crimes commis au Darfour en 2003 et dans les années qui ont suivi.
07:39 Est-ce qu'il y avait eu des résultats Gwenaëlle Lenoir ? Est-ce que cette démarche avait
07:42 là cette fois-ci servi, avait porté ses fruits ?
07:45 Alors, il faut savoir que d'une part, les gouvernements soudanais qui se sont succédés
07:51 de Omar al-Bashir jusqu'aux différents gouvernements jusqu'à aujourd'hui, ont
07:56 toujours refusé, même s'ils disaient le contraire, mais ont toujours refusé de livrer
08:00 Omar al-Bashir et la plupart des accusés à l'ACPI.
08:05 Il y a une personne qui est jugée en ce moment à l'ACPI, qui s'appelle Ali Khochaïb,
08:11 qui est un ancien responsable des Janjawid et qui lui s'est rendu, il était réfugié
08:19 en République centrafricaine, il s'est rendu aux autorités centrafricaines, probablement
08:23 pour protéger sa vie de ses propres anciens amis, et les autorités centrafricaines l'ont
08:28 remis à la haie, à l'ACPI, et il est jugé actuellement, ça fait à peu près un an
08:33 que le procès a lieu.
08:34 Donc, c'est très lointain, puisqu'il est jugé pour des faits qu'il a commis il y
08:40 a une vingtaine d'années.
08:41 Mais il y a eu des gens qui sont allés témoigner, il y a eu des Darfouris qui sont allés témoigner
08:46 sur place, et en tout cas, dans les camps de déplacés du Darfour, c'est très important.
08:52 Les gens ont besoin de cette reconnaissance par la communauté internationale des crimes
08:57 de guerre commis à leur encombre.
08:59 Alors la communauté internationale, justement, semble s'impliquer pour tenter de limiter
09:05 ce conflit et ses conséquences.
09:07 De nombreux pays semblent s'impliquer, au premier rang desquels les Etats-Unis.
09:11 Radhija Medani, pourquoi les Etats-Unis s'impliquent-ils dans ce conflit ? Quels sont les intérêts
09:17 de ce pays ?
09:18 Les Etats-Unis sont impliqués depuis un moment, je pense depuis la chute d'Omar Al-Bashir,
09:26 il y a des Etats-Unis qui se font un peu médiateurs dans les négociations, mais c'est loin d'être
09:35 le seul acteur, voire l'acteur international le plus impliqué au Soudan.
09:39 J'aurais du mal à dire s'il y a de réels intérêts.
09:45 En fait, personne n'a intérêt à ce que le Soudan s'effondre, globalement.
09:50 Notamment, il y a des intérêts migratoires assez importants vis-à-vis du Soudan, stabilisateur
09:56 des migrations dans la région.
09:57 Après, actuellement, je pense qu'on est face à un échec des négociations.
10:05 Le conflit actuel, c'est l'échec des négociations qui sont en cours depuis 2021.
10:09 Et a priori, aucun acteur international actuellement n'a assez de poids, ou en tout cas, s'il
10:16 y en a un, ce n'est pas les Etats-Unis qui l'auront, pour faire céder l'un ou l'autre
10:19 des deux camps.
10:20 Donc il y a une implication, je pense, plus de devoirs, d'images, mais pas en tout cas
10:29 très effectives actuellement.
10:31 Vous êtes d'accord avec cette idée.
10:33 Alors effectivement, il y a beaucoup d'acteurs qui s'impliquent.
10:35 Il y a des acteurs plus lointains, comme les Etats-Unis et l'Arabie saoudite.
10:38 Il y a évidemment l'ensemble des pays de la région, l'Egypte, bien d'autres pays.
10:43 Si on commence par les pays lointains, les Etats-Unis, l'Arabie saoudite, pourquoi s'impliquent-ils
10:47 dans cette tentative de négociation, dans cette tentative de pourparler ?
10:51 Comme l'a dit Radija, personne n'intéresse que le Soudan s'effondre.
10:55 Et l'Europe non plus.
10:58 Si vous visualisez un petit peu la région, à l'ouest du Soudan, vous avez la Libye,
11:05 à l'est du Soudan, vous avez l'Ethiopie, et au sud-est, la Somalie.
11:10 Donc si vous avez le Soudan qui s'effondre, ça fait un arc de chaos absolument formidable.
11:16 C'est un rêve pour l'Etat islamique, pour Boko Haram, pour tous les groupes d'estabilisateurs
11:23 qui sont dans la région déjà.
11:25 C'est un rêve pour eux.
11:28 Là, ils peuvent prendre un Etat failli, c'est formidable quand même.
11:31 C'est grand le Soudan.
11:33 Le Soudan c'est plus grand que la France quand même.
11:35 Donc vous imaginez bien la chose.
11:37 L'Arabie saoudite évidemment n'a absolument pas intérêt non plus à ce que le Soudan
11:44 s'effondre.
11:45 Il y a juste le détroit entre le Soudan et l'Arabie saoudite.
11:49 C'est pareil, c'est tout près.
11:50 Donc il y a les pourparlers à Jeddah tenus par les Etats-Unis et l'Arabie saoudite
11:59 qui échouent.
12:00 D'ailleurs ils ont été suspendus le mois dernier, là ils vont reprendre.
12:04 Mais enfin ces pourparlers ont servi à annoncer des trêves qui n'ont jamais été respectées
12:09 et qui ont permis aux deux camps sur le terrain de se renforcer.
12:11 Ensuite vous avez l'Egypte qui essaye aussi de son côté parce qu'elle n'a pas non
12:16 plus intérêt à ce que le Soudan s'effondre même si elle soutient l'armée.
12:21 Bon pour l'instant c'est des grands discours, ça ne sert à rien.
12:25 Et vous avez un troisième ensemble qui est l'ensemble régional de l'Afrique de l'Est
12:31 qui essaye aussi de son côté.
12:33 Mais à la limite je dirais que plus il y a d'initiatives et plus c'est mauvais signe
12:37 en fait.
12:38 Pourquoi est-ce que c'est mauvais signe d'abord et pourquoi est-ce que ces pourparlers
12:41 échouent ? Est-ce que c'est d'abord le manque total de volonté des deux chefs militaires
12:45 soudanais qui en réalité ne veulent pas du tout du tout de pourparler ou de paix ?
12:49 Ils ne veulent absolument pas négocier l'un avec l'autre.
12:53 Ils sont persuadés que l'un va avoir le dessus sur l'autre.
12:56 Ils veulent agir jusqu'au bout en fait.
12:59 Là je voudrais quand même un peu tacler les pays occidentaux qui ont fait preuve pour
13:07 le moins d'une grande naïveté dans cette histoire.
13:09 Puisque quand il y a eu le début du processus de négociation en décembre dernier entre
13:14 les civils et la jeune, donc la jeune c'était à la fois Burhan et Hemeti qui étaient à
13:19 l'époque alliés sur le papier, les chancelleries occidentales ont absolument voulu malgré tous
13:26 les avertissements discuter avec ces deux généraux.
13:30 Ces deux généraux prouvent depuis la révolution, donc depuis quatre ans, qu'ils ne veulent
13:35 pas partager le pouvoir avec les civils.
13:37 Et on a continué à discuter avec eux, à leur donner ce statut d'homme d'état et
13:45 à ne pas voir leur inimitié qui ne pouvait que déboucher sur un conflit.
13:51 Donc évidemment on a un petit peu nourri en fait l'ambition de ces deux hommes en
14:02 les traitant comme des hommes d'état.
14:04 Et aujourd'hui on se retrouve dans cette situation où aucune pression pour l'instant
14:10 ne fonctionne.
14:11 Mais il faudrait sans doute beaucoup plus de pression.
14:13 Merci beaucoup à toutes les deux d'être venues nous éclairer ce matin au micro de
14:17 France Culture, au micro des matins d'été de France Culture sur cette situation soudanaise
14:22 dramatique.
14:23 Gwenaëlle Lenoir, je rappelle que vous êtes grande reportère indépendante, notamment
14:27 pour Mediapart, Orient 21 et Marianne, spécialiste de l'Afrique orientale et du Proche et du
14:32 Moyen-Orient.
14:33 Vous êtes doctorante à l'université Paris 1 associée au CEDEDGE de Khartoum.
14:39 Vous écoutez France Culture, il est 8h35.
14:42 Depuis le 15 avril dernier au Soudan, une guerre civile a fait 3000 morts au moins,
14:52 a contraint 3 millions de personnes à se déplacer à minima, menace la région entière,
14:57 l'Afrique du Nord-Est.
14:58 Alors pour comprendre ce conflit qui rappelle et s'inscrit dans la mémoire de la guerre
15:02 qui avait fissuré le pays il y a 20 ans déjà, je reçois ce matin deux invités.
15:07 Gwenaëlle Lenoir, bonjour.
15:08 Vous êtes grande reportère indépendante, notamment pour Mediapart, Orient 21 et Marianne,
15:13 spécialiste de l'Afrique orientale et du Proche et du Moyen-Orient.
15:17 A vos côtés, Khadija Medani, bonjour.
15:19 Vous êtes doctorante à l'université Paris 1 et associée au CEDEDGE de Khartoum.
15:24 Alors pour comprendre ce conflit, il faut rappeler que les combats qui ont éclaté
15:29 à Khartoum le 15 avril dernier, entre les forces armées soudanaises dirigées par le
15:33 général Abdel Fattah Abdelmarham Al-Burhan et les forces de soutien rapide du général
15:39 M.
15:40 Mehdi, comme on le surnomme désormais, est-ce que ce conflit est au départ, à l'origine,
15:45 un conflit d'abord entre deux chefs de guerre, Gwenaëlle Lenoir ?
15:49 Je ne dirais pas chef de guerre, je dirais deux militaires de haut rang.
15:55 D'un côté le général Burhan qui est le commandant en chef de l'armée nationale
16:01 soudanaise.
16:02 De l'autre côté, comme vous l'avez dit, le général Mohamed Hamdam Dagalo, dit Héméthy,
16:11 qui lui est le chef d'une force paramilitaire régulière associée à l'armée soudanaise
16:19 depuis longtemps qui s'appelle les forces de soutien rapide.
16:23 L'acronyme anglais c'est RSF, c'est plutôt celui que nous utilisons.
16:28 Donc ce ne sont pas des chefs de guerre, ce sont des chefs d'armée, ce sont deux armées
16:38 quasiment régulières.
16:40 Le Soudan ayant cette caractéristique d'avoir deux armées.
16:44 Et cette guerre c'est comme s'il y avait deux armées françaises qui se faisaient la
16:47 guerre dans Paris.
16:48 Est-ce que ce conflit, Gwenaëlle Lenoir, devait de toute façon voir le jour un jour
16:54 puisque un pays avec deux armées, on l'imagine, c'est nécessairement compliqué ?
16:58 Effectivement, cette guerre n'est pas une vraie surprise.
17:03 Quand j'étais à Khartoum, encore au mois de mars, tout le monde en parlait.
17:07 À part les chancelleries occidentales qui s'aveuglaient et qui voulaient croire qu'un
17:13 compromis était possible entre les deux hommes.
17:14 En fait, cette guerre a éclaté l'élément vraiment déclencheur immédiat.
17:20 C'est une réforme du domaine de la sécurité et du domaine militaire qui devait être négociée
17:32 et mise en place et qui prévoyait l'intégration des deux corps d'armée dans une seule armée.
17:38 Et évidemment, les uns voulaient prendre le pas sur l'autre, pour faire très court.
17:43 Et ça a débouché sur ce conflit.
17:46 Khadija Medani, qui a pris le dessus dans ce conflit qui dure depuis la mi-avril ?
17:52 Est-ce que le rapport de force est plutôt en faveur du général Al-Boulhan ou du général
17:59 Emmeti ?
18:00 Alors là, ça fait déjà plus de trois mois que le conflit a commencé.
18:04 Et si dur, c'est parce qu'on a deux forces qui sont presque équivalentes.
18:09 C'est dur aujourd'hui de dire qui prend le dessus ou pas dans ce conflit.
18:14 Je voulais juste rebondir sur cette idée de guerre des généraux un petit peu.
18:19 C'est ce qu'on entend beaucoup, en fait.
18:21 Ces deux forces armées, comme tu l'as bien dit, c'est deux institutions, mais c'est
18:26 aussi des forces politiques.
18:27 On n'est pas que sur un combat entre deux armées, on est sur un combat entre deux hommes
18:30 qui veulent être des chefs d'État, chacun derrière eux et leurs institutions, des empires
18:35 économiques aussi.
18:36 Et donc, on est vraiment dans un conflit pour la conquête du pouvoir et pour être
18:43 à la tête d'un État.
18:44 C'est un conflit armé, c'est un conflit politique et c'est un conflit économique
18:47 aussi.
18:48 Vous l'avez dit, un empire économique derrière chacun de ces généraux.
18:52 Alors commençons peut-être par le général Emmeti, originaire du Darfour.
18:56 Quel est-il, son empire économique ? Comment il s'inscrit dans le territoire soudanais
19:01 ?
19:02 Il s'inscrit, il est très vaste.
19:04 L'RSF, c'est une entreprise familiale, beaucoup.
19:08 C'est un peu l'empire des Dagalos.
19:10 Oui, parce que les Métis sont entiers, c'est Mohamed Hamdan Dagalou.
19:15 Et c'est très diversifié.
19:17 Ça partait d'une entreprise de bétail, mais ils ont aussi des possessions minières,
19:25 des entreprises de téléphone.
19:27 C'est très diversifié.
19:29 C'est un empire industriel extrêmement diversifié.
19:32 Voici le général Arbouran.
19:34 Comment s'inscrit-il dans l'économie soudanaise et sur quoi il assoie son pouvoir aujourd'hui
19:40 ?
19:41 C'est un peu pareil des deux côtés.
19:42 Ce sont deux empires militaro-industriels.
19:44 L'armée soudanaise, déjà, recevait beaucoup de subventions de l'État.
19:49 Mais aussi, elle possède des complexes industriels importants.
19:59 Gwenaëlle Lenoir, cette guerre a engendré une situation humanitaire catastrophique.
20:05 On l'a dit, au moins 3 000 morts, au moins 3 millions de déplacés.
20:10 Qu'est-ce qu'on peut dire aujourd'hui sur cette situation ?
20:12 Est-ce que l'ensemble du pays est concerné ou c'est principalement et essentiellement
20:17 la capitale du pays d'un côté, Khartoum, et la grande région de l'ouest, le Darfour ?
20:24 Déjà, une précision, 3 000 morts, ça me semble totalement sous-estimé, surtout au
20:30 vu des nouvelles qui nous arrivent du Darfour.
20:32 Donc, effectivement, au début, c'est une guerre pour le centre du pouvoir, Khartoum.
20:39 L'État soudanais est un État fédéral, mais en fait très centralisé.
20:44 Donc, toutes les infrastructures, toutes les richesses, tout l'État Khartoum.
20:47 Donc, à partir du moment où on veut le pouvoir, on se bat à Khartoum.
20:51 Ensuite, ça a gagné très très rapidement, dans les jours qu'on suivit, le 15 avril,
20:58 le Darfour, parce que les RSF sont issus du Darfour et parce que le Darfour, de toute
21:02 façon, était déjà en état de guerre permanente depuis au moins 2003.
21:10 Et aujourd'hui, ce qui est extrêmement inquiétant, je trouve, c'est qu'aujourd'hui, ça s'étend,
21:15 et ça s'étend notamment au sud, ça s'étend dans ce qu'on appelle les monts Nouba, le
21:22 sud cordophant, l'état du Nil bleu, l'état du Nil blanc.
21:25 C'est-à-dire que maintenant, ça fait un arc qui va du...
21:29 Enfin, on mettait au Khartoum un petit peu à part, de l'ouest jusqu'au sud-est.
21:36 Reste à peu près paisible pour l'instant les régions de l'est du Soudan, là où
21:43 se sont réfugiés énormément de gens de Khartoum.
21:46 La plupart des gens de Khartoum sont allés vers l'est ou vers le nord, pour quitter
21:51 le pays ou pour rester dans le pays, mais dans des régions vivables.
21:54 Donc, le nord et l'est, qui sont les fiefs de l'élite militaire et politique soudanaise,
22:02 sont pour l'instant relativement épargnés par les combats, mais pas par la situation
22:08 humanitaire catastrophique.
22:10 Et pour donner justement une ampleur, une illustration de cette situation humanitaire
22:14 catastrophique, à Khartoum, comme au Darfour, c'est le système de santé qui est en train
22:19 d'imploser.
22:20 Un chiffre, 59 des 86 hôpitaux de la capitale sont désormais hors service, selon le syndicat
22:28 des médecins soudanais.
22:29 Comment est-ce que la population goénale, le noir, parvient ou tente plutôt de faire
22:33 face ?
22:34 Il y a des réseaux de solidarité qui tiennent encore à peu près, de moins en moins bien,
22:41 évidemment, grâce notamment à des réseaux révolutionnaires qui s'appellent les comités
22:46 de résistance, qu'on pourra revenir sur ces comités très importants ultérieurement.
22:52 Donc, il y a ces réseaux de solidarité, il y a de la débrouille, il y a malheureusement
23:01 pour ce pays une grande habitude de la dureté de la vie.
23:04 C'est quand même un pays qui a été en guerre longtemps, qui a été sous embargo extrêmement
23:10 longtemps, où de toute façon les gens sont amenés depuis longtemps à compter que sur
23:15 eux-mêmes, parce que les infrastructures sont de toute façon très fragiles.
23:18 Aujourd'hui, il n'y en a plus du tout.
23:20 Il faut quand même, il y a un chiffre, c'est quand même la moitié de la population soudanaise
23:25 qui, selon l'ONU, a besoin d'une aide urgente, immédiate.
23:30 C'est énorme.
23:31 C'est énorme.
23:32 Mais Khadija Medani, la situation devrait par ailleurs s'empirer avec la saison des
23:38 pluies.
23:39 Est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi ? D'abord, quand est-ce que cette saison
23:41 arrivera ? Et ensuite, l'impact que ça aura et sur la guerre et sur la situation humanitaire
23:46 du pays ?
23:47 Depuis le début du conflit, en fait, ce qui fait un petit peu peur, c'est que la saison
23:50 agricole, elle commence là, elle va s'étendre de juin à octobre, donc on est déjà dedans.
23:54 Et que dans le contexte actuel, les récoltes ne vont pas très bien se passer.
24:00 Donc il y a le système de santé qui était très symbolique aussi au début, dont on
24:03 parlait beaucoup, qui est complètement, quasiment inexistant maintenant.
24:07 Mais la situation alimentaire, elle est très critique, elle est en train de s'aggraver.
24:13 Et dans les prévisions, on va tomber dans une des pires famines, je pense, à l'échelle
24:18 de la planète soudane.
24:19 Ce qu'il faut aussi expliquer, Gwenaëlle Lenoir, c'est que ce conflit, c'est aussi
24:23 en particulier au Soudan un conflit, une guerre même ethnique.
24:27 Dans l'ouest du pays, les combats se sont transformés en conflits qui opposent les milices
24:31 djanjawid, soutenues par les forces de soutien rapide d'un côté et les communautés non-arabes
24:37 qui ont formé des groupes d'autodéfense de l'autre.
24:40 Est-ce que c'est une expression juste, cette notion de guerre ethnique, selon vous ?
24:45 Je suis toujours un petit peu restissante à utiliser cette expression.
24:52 Mais effectivement, ça commence vraiment à y ressembler quand même, malheureusement.
24:59 Pour résumer, ce qui se passe aujourd'hui au Darfour, d'après les témoignages qu'on
25:04 a, c'est encore pire que ce qui s'est passé au début de la guerre du Darfour de 2003-2004.
25:10 Pour résumer, la situation au Darfour a très très grand trait.
25:14 D'un côté, des tribus qu'on appelle arabes parce qu'elles sont arabophones de naissance,
25:20 c'est leur langue maternelle.
25:21 Ce sont des tribus nomades, éleveurs de bétail principalement.
25:25 De l'autre côté, des communautés qui sont sédentaires, qui peuvent élever aussi du
25:31 bétail, qui sont agriculteurs et qu'on appelle africaines parce qu'elles ne sont pas arabophones
25:37 de naissance, même si elles parlent arabe.
25:39 Et je précise, c'est important de le dire, que tous ces gens sont noirs et tous ces gens
25:43 sont musulmans.
25:44 Il y a des conflits fonciers depuis très longtemps entre ces communautés parce que
25:52 d'un côté vous avez des troupeaux et de l'autre côté vous avez des champs.
25:55 Donc forcément il y a un moment où ça ne se passe pas forcément très bien.
25:58 Mais ces conflits étaient, somme toute, quelque chose de tout à fait normal avant les années
26:03 2000 et assez faibles.
26:05 Ça arrivait mais c'était faible.
26:06 Et puis là-dessus, il y a une forte discrimination depuis l'indépendance du Soudan en 1956 vis-à-vis
26:14 des communautés africaines.
26:15 Ces communautés africaines, au début des années 2000, certaines de ces communautés
26:23 africaines ont formé des groupes rebelles pour réclamer partage du pouvoir, fin de la
26:27 discrimination, etc.
26:28 Et là, le gouvernement de Khartoum, qui était Omar El-Bechir à l'époque, le dictateur
26:33 militaire ou islamiste, a armé, jusqu'en 2019 absolument, les djanjawides pour les
26:42 utiliser comme supplétifs de l'armée nationale qui ne réussissait pas à se débarrasser
26:46 de ces groupes rebelles.
26:47 Et là, c'est les civils évidemment, comme d'habitude, qui ont été visés.
26:52 Les djanjawides ont été transformés ensuite en forces de soutien rapide, en RSF, dont
27:03 El-Metti a pris la tête en 2013.
27:06 Donc, il y a une continuité et on a à la fois effectivement un conflit basé sur des
27:15 critères ethniques mais aussi basé sur une épuration foncière.
27:20 C'est-à-dire que ces tribus arabes, les milices arabes aujourd'hui liées au RSF,
27:27 c'est souvent les mêmes lignages familiaux, font aussi du nettoyage pour récupérer
27:35 les terres ou ayant peur justement de devoir rendre ces terres dans le cadre d'un accord
27:41 de paix, les garder.
27:44 Donc, on a tout ça.
27:46 Ce n'est pas seulement ethnique, c'est plus complexe que ça.
27:49 Rajouter à ça un changement climatique, conséquence d'un changement climatique très
27:53 important dans cette région, c'est le bout du Sahel quand même.
27:56 Le Darfour, c'est l'extrémité orientale du Sahel.
28:00 Rajouter à ça un problème d'accès aux ressources et vous avez plus que deux armées
28:06 qui se font la guerre et vous avez le résultat d'aujourd'hui qui est absolument catastrophique.
28:12 Avec, d'après les témoignages qu'on a, en tout cas dans l'ouest du Darfour, on a des
28:20 témoignages qui laissent à penser qu'il y a en tout cas une intention génocidaire.
28:26 On va y revenir évidemment sur cette intention génocidaire et sur l'action potentielle,
28:32 je dis bien potentielle, de la Cour pénale internationale.
28:34 Mais avant cela, Khadija Mehdani, est-ce que vous-même, vous portez le même regard critique
28:38 sur cette notion de guerre ethnique, de conflit ethnique ? Est-ce que c'est d'abord la continuité
28:43 de l'histoire évidemment, mais que d'autres conflits, notamment fonciers, se superposent
28:48 sur cette guerre ethnique ?
28:49 Je pense que nulle part il y a de guerre purement ethnique.
28:55 C'est toujours des particularités, des différences qu'on appelle ethniques qui sont instrumentalisées
29:02 pour couvrir des conflits qui sont fonciers, qui sont politiques.
29:05 Comme l'a bien expliqué Gwenaëlle, c'est le gouvernement central soudanais au début
29:11 qui a instrumentalisé cette rivalité entre populations arabes et non-arabes au Darfour
29:18 pour écraser la révolte des populations du Darfour aussi.
29:22 Donc oui, je rejoins tout à fait l'analyse de Gwenaëlle là-dessus.
29:25 On le disait à Gwenaëlle Lenoir aussi, ça fait 20 ans que la guerre du Darfour, qui
29:29 a marqué les esprits occidentaux aussi, il y a 20 ans tout juste.
29:34 Est-ce que cette guerre-là, cette guerre ancienne, est encore vive dans la mémoire
29:39 des acteurs aujourd'hui ? Est-ce que la guerre d'aujourd'hui résonne avec celle d'il y a
29:44 deux décennies ?
29:45 Oui, bien sûr, complètement.
29:47 Puisqu'énormément de témoignages que j'ai pu recueillir à distance, malheureusement
29:55 par téléphone depuis le début de la guerre du 15 avril, en provenance du Darfour, disent
30:02 qu'ils font tous référence à la guerre de 2003-2004, en disant en général que c'est
30:07 encore pire.
30:08 Par ailleurs, cette guerre du Darfour, elle est importante aussi dans la rivalité entre
30:16 RSF et l'armée nationale.
30:17 Parce que les gens de RSF considèrent que dans les années 2000, ils ont fait le sale
30:23 boulot pour l'armée soudanaise au Darfour, ce qui est vrai.
30:26 Et qu'ils n'ont pas été rétribués à la hauteur du sang qu'ils ont versé et des
30:33 efforts qu'ils ont fait, notamment en termes de postes et de postes officiels.
30:38 Et là on en arrive à quelque chose qui est très important, dans lequel cette guerre
30:46 plonge certaines de ses racines.
30:49 C'est la façon dont le Soudan est organisé depuis son indépendance en 1956.
30:56 Vous avez une élite au centre qui tient le pouvoir politique, une grande partie du pouvoir
31:04 économique et le pouvoir militaire.
31:06 L'élite, c'est les gens de la vallée du Nil en fait, et du nord du pays.
31:11 Et qui ont toujours considéré les périphéries avec un certain mépris.
31:15 Alors, concernant le Darfour, ils méprisent encore plus les tribus non arabes que les
31:24 tribus arabes.
31:25 Ils méprisent beaucoup les tribus arabes.
31:27 Et notamment Héméty, décrit par les élites du centre du pays comme un éleveur de chameaux.
31:33 Ce dont il vient d'ailleurs, parlant mal arabe, parce qu'il a l'accent du Darfour
31:39 en arabe, quasiment illettré, etc.
31:42 Et on entendait beaucoup Akhartoum, je pense que Radija tu confirmeras.
31:46 Non mais il pourra jamais devenir président du Soudan celui-là.
31:49 Et donc, il ne faut pas négliger cette dimension de revanche sociale.
32:01 Pas seulement personnelle, parce que c'est l'ensemble de RSF qui est comme ça.
32:04 Et il y a eu quand même des scènes assez fortes tout au début de la guerre, quand
32:10 RSF est rentré dans le QG de l'armée Akhartoum, qui a une superficie immense.
32:18 Il y a eu des vidéos de combattants de RSF brandissant leurs armes et disant "on y est,
32:26 on y est, on y est".
32:27 C'est très significatif.
32:29 Et ça je pense qu'il ne faut pas le négliger.
32:32 Radija Medhani, une réaction, vous êtes d'accord en phase avec l'importance de la
32:37 dimension revancharde de ce mouvement ?
32:40 Revancharde, ça fait très péjoratif.
32:44 Les populations du Darfour, qu'elles soient arabes ou non arabes, elles ont toujours été
32:49 exclues des postes importants, des postes de pouvoir, comme l'a dit Gwennaëlle, c'est
32:54 vraiment les gens de la Vallée du Nil.
32:56 Et Mehdi, il a réussi à incarner quelqu'un qui vient d'une des périphéries, d'une
33:05 des marges, qui arrive au centre.
33:07 Et c'est vrai que c'était effectivement l'objectif, et c'est même pour ça que
33:13 le conflit a éclaté à Khartoum, qui jusque-là a toujours été épargné, c'était de ramener
33:18 le conflit, ramener cette guerre qui existe partout et au Darfour depuis des décennies,
33:24 dans le centre du pays, que ça devienne un sujet national.
33:28 Et qu'on entende, pour une fois, qu'on voit sur la scène politique nationale, ces
33:33 populations Darfouries en l'occurrence.
33:36 Gwennaëlle Lenoir, en quelques mots, est-ce que les populations aujourd'hui parviennent
33:41 à fuir, que ce soit au sein du pays, au Soudan, mais même à l'étranger, auprès des pays
33:46 limitrophes ?
33:47 Il y a beaucoup de déplacements.
33:50 Les déplacements sont difficiles parce que les gens n'ont plus d'argent liquide,
33:56 il n'y a plus de structure bancaire, donc il n'y a plus d'argent liquide.
34:00 Or, les prix des bus, etc., ont considérablement augmenté.
34:03 Mais les gens réussissent à fuir, effectivement.
34:08 Je crois qu'il y a, selon les derniers chiffres de l'ONU, à peu près 2,4 millions de personnes
34:15 déplacées au sein du Soudan et 700 000 personnes à l'extérieur, dans les pays limitrophes.
34:24 Merci beaucoup à toutes les deux.
34:26 Gwennaëlle Lenoir, je rappelle que vous êtes grande reportère indépendante, notamment
34:29 pour Mediapart, Orient 21 et Marianne, spécialiste de l'Afrique orientale et du Proche et du
34:34 Moyen-Orient.
34:35 Radhija Menani, vous êtes doctorante à l'université Paris 1, associée au CEDEDGE de Khartoum.
34:40 On va poursuivre cette discussion à 8h15.
34:43 On reviendra notamment sur les réactions de la communauté internationale et de la Cour
34:48 pénale internationale.
34:49 Vous écoutez France Culture, il est 7h57.
34:52 Et c'est évidemment l'heure des Grandes Traversées.
34:58 Vous les connaissez.
34:59 A France Culture, ces Grandes Traversées se sont d'abord en réalité de grandes plongées,
35:04 plongées dans la vie, l'existence d'une grande figure de l'histoire.
35:07 Ces Grandes Traversées, une centaine d'entre elles, sont déjà disponibles sur le site
35:12 de France Culture et sur l'application Radio France.
35:14 A 9h, aujourd'hui, vous entendrez le quatrième épisode de la Grande Traversée consacrée
35:19 à John Fitzgerald Kennedy, produite par Michel Pomarède.
35:22 Et réalisé par Jean-Philippe Navarre.
35:24 Un extrait.
35:25 Je suis sur le campus de Yale.
35:28 Le journaliste Philippe Laborde.
35:30 Pour un documentaire sur ce que c'est qu'un campus américain.
35:34 Il est midi et je vois arriver du fond du campus un môme qui agite ses bras en l'hurlant
35:41 quelque chose que je ne comprends pas.
35:43 Et peu à peu on comprend à mesure qu'il arrive en courant vers nous.
35:46 The President has been shot.
35:47 The President has been shot.
35:49 On a tiré sur le Président.
35:51 Bon, j'arrête toute l'émission.
35:52 Je laisse tomber l'équipe technique qui m'en voudra toute sa vie.
35:55 D'ailleurs, je prends même la voiture de location.
35:57 Je joue le voyou et je fous le camp tout de suite à New York pour prendre un avion
36:01 le soir même et arriver à Dallas le lendemain matin.
36:04 Voilà.
36:05 Pendant ce court moment, j'ai pu suivre en voiture depuis Yale jusqu'à New York
36:12 comment le pays apprenait petit à petit.
36:14 On est à l'époque, il n'y a pas tout ce qu'on a aujourd'hui.
36:16 Donc apprenait petit à petit cette tragédie.
36:19 Comme on voyait peu à peu dans certains établissements qu'on descendait les drapeaux,
36:23 les gens s'arrêtaient au bord de l'autoroute.
36:25 J'ai même vu cet extraordinaire, ces énormes camionneurs, ces "Troy Drivers"
36:30 qui s'étaient arrêtés, descendus de son camion, de sa cabine de conduite et s'étaient
36:36 mis pratiquement à genoux sur le bord de l'autoroute et pleuraient.
36:40 Donc voilà, il y a peu à peu cette prise de conscience d'une tragédie et alimentée
36:47 aussi par une peur et une angoisse qui a tiré.
36:50 Est-ce qu'on va vers une troisième guerre mondiale ?
36:52 Parce qu'il y a aussi le soupçon que ça pourrait être les soviétiques.
36:56 On est toujours dans la guerre froide.
36:58 Il y a un climat d'anxiété, de sidération même, qui traverse les rues, les paysages.
37:05 Un extrait de ce quatrième épisode de la grande traversée consacrée à John Fitzgerald
37:11 Kennedy, épisode qui sera diffusé à 9h sur France Culture.
37:15 Bien sûr, nous sommes le jeudi 20 juillet 2023.
37:18 Merci d'être à l'écoute de France Culture.