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Date de l'audience : 28/07/2023
Mme Hélène C. [Sanction de la méconnaissance de l’obligation d’enregistrement des transactions mettant fin à une instance relative à une autorisation d’urbanisme]

Lien vers la décision :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/20231060QPC.htm

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Transcription
00:00 ...
00:13 ...de l'article L600-8 du Code de l'urbanisme.
00:18 Madame la Gréfière.
00:19 Merci, M. le Président.
00:21 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 juin 2023
00:25 par un arrêt de la 3e Chambre civile de la Cour de cassation
00:28 d'une question prioritaire de constitutionnalité
00:31 posée par Mme Hélène Kella d'Estrem,
00:34 portant sur la conformité aux droits et libertés
00:37 que la Constitution garantit du 2e alinéa de l'article L600-8
00:41 du Code de l'urbanisme, dans sa rédaction antérieure
00:44 à la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018.
00:49 Cette question relative à la sanction de la méconnaissance
00:52 de l'obligation d'enregistrement des transactions
00:54 met enfin à une instance relative à une autorisation
00:57 d'urbanisme a été enregistrée au Secrétariat général
01:01 du Conseil constitutionnel sous le numéro 2023-1060-QPC.
01:06 M. Jérôme Depont a produit des observations
01:09 dans l'intérêt de Mme Hélène Kella d'Estrem,
01:11 partie requérante, les 30 juin et 17 juillet 2023.
01:15 La SAS Boulogne-Collins-Stockley & Associés
01:18 a produit des observations dans l'intérêt
01:20 de la société HDV-Foncier, partie à l'instance,
01:23 les 29 juin et 17 juillet 2023.
01:26 M. Florence Chérel et M. Pierre-Edouard Vinault
01:29 dans l'intérêt de la société internationale investissement.
01:33 La SCP Boutet-Ourdot dans l'intérêt de M. Yves Schmitt,
01:36 Alain Schmitt, Jean-Paul Schmitt, la SCI La Ferme de César,
01:41 M. Michel Descaires, Nicolas Descaires et Mme Catherine Ormanancé-Nez Descaires
01:46 ont demandé à intervenir et ont produit des observations
01:49 à cette fin, le 30 juin 2023.
01:51 La SCP Pineca et Molinier dans l'intérêt
01:54 de l'Ordre des avocats du Barreau de Paris
01:57 ont demandé à intervenir et ont produit des observations
01:59 à cette fin, les 30 juin et 17 juillet 2023.
02:02 La Première Ministre a produit des observations
02:05 les 30 juin et 17 juillet 2023.
02:07 Dans cette affaire, M. Jacques Mézard et F.Pillet
02:11 ont estimé devoir s'abstenir de siéger.
02:13 Seront entendus aujourd'hui l'avocat de la partie requérante,
02:16 les avocats des parties intervenantes
02:18 et le représentant de la Première Ministre.
02:20 Merci Madame.
02:22 Alors, nous avons un certain nombre de plégoiries,
02:25 donc ça m'incitera à considérer que 10 minutes sont 10 minutes,
02:29 ce qui n'est pas tout à fait le cas, vous l'avez noté auparavant.
02:33 Nous allons commencer avec M. De Pont,
02:36 qui est avocat du Barreau de Paris,
02:38 qui représente Mme Kella des extrêmes parties requérantes.
02:41 Maître.
02:43 Merci M. le Président.
02:46 M. le Président, Mesdames et Messieurs,
02:50 les membres du Conseil constitutionnel,
02:52 le noviciat qui est le mien aujourd'hui devant vous
02:56 me laissait passer d'après mon prédécesseur
02:59 que le temps était supérieur à 10 minutes.
03:01 Il ne l'est pas, je ne perdrai donc pas de temps
03:03 sur cet aspect des choses.
03:05 Je ne vous rappellerai peut-être pas non plus
03:07 la rédaction de l'article critiqué aujourd'hui,
03:10 mais souhaite plutôt peut-être planter le décor
03:15 qui m'amène devant vous aujourd'hui.
03:18 Vous l'avez noté, je représente Mme Kella des extrêmes
03:22 qui est avocat et à qui on reproche aujourd'hui
03:25 d'avoir manqué à l'enregistrement d'un acte
03:27 et donc sa responsabilité civile professionnelle est recherchée.
03:32 Si j'interviens pour elle, en réalité derrière moi,
03:36 il y a les Mutuelles du Mans, assureurs du Barreau de Paris,
03:39 assureurs d'ailleurs de 98% du Barreau français.
03:43 Et si la question que vous ai posée aujourd'hui,
03:47 c'est qu'en réalité nous avons nombre de litiges
03:50 qui portent aujourd'hui sur l'application de cet article
03:53 avec des conséquences financières qui varient
03:56 de 50 000 euros dans un cas
03:58 jusqu'à plus de 2 millions d'euros dans d'autres cas.
04:02 J'ai donc un certain nombre de litiges
04:04 et plutôt que de vous expliquer le cas de Mme Kella des extrêmes
04:08 stricto sensu, je vais vous planter le décor plus général
04:11 car en fait les choses sont très répétitives.
04:14 Que se passe-t-il au départ ?
04:18 Il y a un permis de construire.
04:20 Ce permis de construire peut porter atteinte
04:22 à différents droits d'un particulier
04:25 qui a tout lieu de pouvoir s'en plaindre
04:28 et qui va dans un premier temps saisir le tribunal administratif
04:31 d'un recours contre le permis de construire
04:33 pour un manquement à la légalité, un manquement au PLU, qu'importe.
04:37 Et puis ce particulier a également une autre action qui lui est ouverte
04:43 pour son trouble de jouissance
04:45 qui résultera de la réalisation de la promotion immobilière.
04:51 Prenons l'exemple d'un immeuble parisien
04:53 où on construit un mur en fond de cour
04:55 et donc on prive totalement la cour de luminosité
04:58 qui était un élément patrimonial important
05:01 qui disparaît, il y a donc un préjudice.
05:03 Le propriétaire est donc parfaitement en droit
05:06 de demander au tribunal judiciaire l'évaluation de son préjudice.
05:09 Mais comme il commence son action devant le tribunal administratif
05:13 à raison des délais dans lesquels sont encadrés
05:16 les recours en matière d'autorisation d'urbanisme,
05:19 c'est devant le tribunal administratif que les choses commencent
05:23 et une discussion intervient souvent à ce moment-là
05:26 avec le promoteur ou le constructeur
05:29 et va aboutir à un moment donné à un accord
05:32 qui porte sur l'ensemble des droits du particulier,
05:36 des droits lésés du particulier.
05:38 Parfois cela peut donner lieu à un permis modificatif,
05:42 ce qui prouve que le recours était parfaitement fondé
05:45 et que le constructeur comprend la difficulté
05:48 générée par cette construction et modifie son projet.
05:51 Cela donne lieu également à une indemnisation
05:56 ou à des travaux qui peuvent être effectués
05:59 et au paiement d'une indemnité
06:02 et le retrait surtout du recours contre l'autorisation d'urbanisme.
06:09 L'accord est rédigé en général le plus souvent par des avocats,
06:15 plus souvent d'ailleurs dans les dossiers dont je suis saisi
06:19 par l'avocat du promoteur ou du constructeur
06:22 parce qu'il est plus expert en la matière de droits de l'urbanisme
06:26 et que le promoteur est pressé de pouvoir démarrer ses travaux,
06:31 en général c'est celui-là qui rédige.
06:34 Si le protocole doit être enregistré au sens de la loi,
06:39 malheureusement, et dans tous les cas dont je suis saisi,
06:43 ce n'est pas le cas, il n'est pas enregistré.
06:46 L'abandon du recours est un préalable au paiement de l'indemnité.
06:53 Il faut bien garder ça présent à l'esprit.
06:55 Le promoteur n'accepte de faire un chèque
06:57 ou de passer un permis modificatif ou autre
06:59 qu'à la condition d'avoir bénéficié d'un abandon définitif du recours,
07:05 c'est-à-dire devant le tribunal administratif
07:07 et d'un certificat de maint'appel à l'appui.
07:10 Le particulier ou son avocat en général ignore l'article L600-8
07:16 alors que le promoteur ou son avocat en connaissent le texte non seulement
07:23 et les conséquences d'autre part.
07:25 La preuve, c'est d'ailleurs que c'est toujours l'avocat du promoteur
07:29 qui demande pour son compte la restitution des sommes versées
07:33 en hypothèse de non-enregistrement.
07:36 Quelle que soit la nature des sommes versées,
07:38 que ce soit uniquement au titre de l'abandon de la procédure
07:42 en recours administratif ou que ce soit les sommes versées
07:46 au titre du trouble de licence.
07:49 Quelques mois plus tard, le protocole n'étant pas enregistré,
07:53 on se trouve avec des conséquences qui sont différentes
07:55 pour les uns ou pour les autres.
07:57 Le promoteur, lui, est relativement satisfait
08:00 et attend le remboursement des sommes et est remis dans ses droits
08:04 tandis que le particulier qui a renoncé à ses recours
08:08 devant le tribunal administratif doit rembourser les fonds.
08:12 Donc c'est lui qui subit finalement les conséquences de la sanction
08:16 qui est prévue par le texte en cas de défaut d'enregistrement.
08:19 Imaginons même plus loin si l'indemnité n'est pas payée
08:23 d'une manière pécuniaire mais résulte de travaux
08:28 et les travaux sont valorisés dans l'acte.
08:31 Les travaux, eux, ne seront pas démolis car rien ne le prévoit.
08:35 En revanche, la valeur des travaux devra être remboursée
08:38 par le particulier.
08:40 Simplement, imaginons un particulier qui n'a pas les moyens
08:43 de rembourser, devra sur ses biens personnels,
08:47 c'est-à-dire en gros sa propriété, accepter l'idée d'une saisie
08:52 pour pouvoir indemniser le promoteur.
08:54 Il y a là une différence de traitement par la sanction
08:57 qui est prévue par cet article L600-8
09:01 qui met les deux parties dans une situation très différente.
09:05 Que nous dit le texte ?
09:07 Il nous dit que le défaut d'enregistrement
09:09 équivaut, ou a pour conséquence, un défaut de cause.
09:13 Alors, en droit civil, en droit commun, le défaut de cause
09:16 permet effectivement d'imaginer la résolution.
09:19 La résolution, c'est la remise des parties dans l'état antérieur
09:23 où elles étaient avant l'accord ou avant le contrat.
09:26 Dans le cas présent, c'est impossible, ou en tout cas,
09:29 ce n'est pas ce qui est prévu par le texte
09:31 puisque ce défaut de cause oblige d'un côté à rembourser des sommes
09:34 et de l'autre, le recours ne peut plus être réactivé,
09:37 il est définitivement perdu.
09:40 Un instant, je voudrais évoquer la situation des avocats
09:47 puisque nous sommes à l'origine dans un procès
09:49 en responsabilité civile professionnelle
09:51 à l'occasion duquel j'ai soulevé cette question.
09:54 L'avocat du promoteur a l'obligation, d'une manière générale,
10:00 de l'efficacité juridique des actes qu'il rédige.
10:04 Cette obligation pèse sur les deux parties,
10:07 sur les deux avocats au profit de l'ensemble des parties.
10:10 Vous comprenez bien qu'en n'enregistrant pas de sa part,
10:14 il sert l'intérêt de son client parce qu'il réserve à son client
10:18 la possibilité in fine de récupérer les sommes payées aux particuliers.
10:23 Il agit donc de mauvais soin,
10:27 il manque à la loyauté entre avocats
10:30 et loyauté à laquelle notre profession est tenue d'une manière générale.
10:34 Et plus loin d'ailleurs, il manque à une obligation
10:38 en créant le dommage et en créant le dommage,
10:41 il se prive éventuellement de l'assurance responsabilité
10:44 puisqu'il supprime l'aléa.
10:46 Donc il se met dans une situation où pour servir les intérêts de son client,
10:50 il manque à son devoir et à son serment.
10:54 En ce qui concerne l'avocat du particulier,
10:56 malheureusement lui, il est responsable pour faute
10:59 et donc il va devoir indemniser son client des sommes
11:02 que le client devra au promoteur
11:04 et c'est la compagnie d'assurance qui in fine
11:06 portera les conséquences de cette situation.
11:10 Or, je le disais il y a quelques instants,
11:15 l'obligation porte sur les deux parties,
11:18 promoteur et particulier.
11:21 Et on nous dit, dans la défense sur cette question prioritaire,
11:26 finalement il suffit d'enregistrer et tout va bien.
11:28 Mais c'est pas sur l'obligation d'enregistrer
11:31 qu'est le vrai problème.
11:33 Le vrai problème il est sur la sanction,
11:35 sur les conséquences de la sanction de l'obligation d'enregistrement.
11:40 L'objectif poursuivit,
11:45 ah non je voulais juste vous dire une chose,
11:47 un jour je discute avec l'un des avocats des promoteurs
11:50 et qui me dit très benoîtement,
11:53 mon client a accepté une telle indemnité
11:55 car il savait qu'en n'enregistrant pas, il la récupérerait.
11:59 Ce qui démontre la mauvaise foi dès le départ.
12:02 Je ne vais pas en faire une généralité,
12:04 mais néanmoins la recrudescence d'instances
12:07 sur le fondement de cet article
12:09 prouve qu'il y a incontestablement un calcul
12:11 qui est fait par les promoteurs et leurs avocats sur le sujet.
12:15 L'article L600-8 n'a certainement pas souhaité cela.
12:22 Je pense que la volonté, elle est rappelée, du législateur
12:25 était d'éviter les recours abusifs
12:28 sur les autorisations de construire
12:31 afin de dynamiser la construction de logements.
12:35 J'ai regardé les statistiques de l'INSEE,
12:37 c'est très intéressant parce que c'est quoi ce postulat
12:40 d'augmentation du nombre de logements.
12:43 Entre 2009 et 2020,
12:46 la période concernée par l'article en question,
12:48 il y a 3,7 millions de logements créés
12:52 et seulement 2,5 millions de ménages en plus.
12:56 Cela veut dire qu'il y a un taux de 1,43 logements
12:59 par ménage nouveau.
13:01 INSEE, publication officielle de l'État.
13:05 De 2014 à 2020, c'est 1,38.
13:09 Donc en réalité, ce postulat sur la création
13:13 du nombre de logements n'est déjà pas en soi
13:16 un postulat acceptable.
13:19 Le deuxième, c'est que l'enregistrement
13:22 a un effet de moralisation à raison de la publicité
13:26 que la transaction va avoir en étant enregistrée
13:29 et limiter ainsi les recours abusifs.
13:32 Alors qu'est-ce que l'enregistrement ?
13:35 L'enregistrement, c'est ce qui permet à l'État
13:38 de collecter un impôt.
13:40 Dans le cas présent, pas d'impôt puisque l'enregistrement
13:43 n'est même pas au droit fixe, il était à 0 €.
13:46 Donc ce n'est pas le principe de l'impôt.
13:49 L'enregistrement permet également d'avoir date certaine
13:52 sur les documents qui sont enregistrés.
13:55 La date certaine, dans le cas d'espèce, n'a aucun intérêt
13:58 puisque de toute façon, il y a un abandon du recours
14:01 devant la juridiction, ce qui lui donnera date certaine
14:04 si besoin en était.
14:06 Donc il n'y a pas de moralisation qui soit attachée
14:09 à la notion d'enregistrement, d'autant plus que
14:12 les requérants peu scrupuleux
14:15 et qui en feraient profession,
14:18 eux connaissant parfaitement les dispositions
14:21 puisqu'ils feraient des recours à tour de bras,
14:24 auraient évidemment soin d'enregistrer les actes
14:27 et donc de se prémunir contre les sanctions de l'article.
14:30 Si vous regardez le dernier alinéa de l'article,
14:33 il est assez instructif sur
14:36 quel est l'intérêt protégé.
14:39 Il y est indiqué dans ce dernier alinéa
14:42 que l'acquéreur du bénéficiaire
14:45 de l'autorisation de construire
14:48 pourra lui-même demander la répétition des sommes,
14:51 donc le remboursement,
14:54 pour le couvrir de son préjudice.
14:57 Or en réalité, il n'a aucun préjudice
15:00 puisqu'il est acquéreur.
15:03 Ce n'est pas lui qui a exposé les frais du permis de construire,
15:06 les recours contre le permis de construire, etc.
15:09 Il n'intérvient qu'en tant qu'acquéreur en deuxième ligne,
15:12 mais on répute qu'il a un préjudice.
15:15 On voit donc bien la plume qui a guidé la rédaction de ce texte.
15:18 Il y a bien un lobby des constructeurs et promoteurs
15:21 qui ont souhaité être protégés
15:24 contre des recours certainement trop nombreux
15:27 mais pas forcément abusifs.
15:30 Et effectivement, ce texte, pour une forme de moralisation,
15:33 est trop loin dans la protection qui a été accordée.
15:36 En d'autres termes, l'article et cette sanction de l'article L600-8
15:39 placent le citoyen dans une situation inégale
15:42 selon qu'il soit promoteur ou qu'il soit particulier.
15:45 Et c'est bien le sens que la Cour de cassation
15:48 a voulu donner à la question
15:51 qui est présentée à votre Conseil.
15:54 Vous en lirez effectivement l'appréciation
15:57 que fait la Cour de cassation
16:00 en transmettant la question prioritaire.
16:03 C'est bien la troisième Chambre civile qui vous a saisie
16:06 et c'est cette même troisième Chambre civile
16:09 qui a rendu toutes les décisions préalablement sur cet article L600-8.
16:12 Et en a fait une application très dure.
16:15 C'est une sanction coup près, nous dit la doctrine
16:18 et la Cour de cassation.
16:21 Et c'est cette même Chambre qui, tout en appliquant la sanction coup près,
16:24 comprend qu'il y a une différence de traitement
16:27 entre la constitutionnalité.
16:30 Alors, sur deux points.
16:33 Et là, je ne serai pas long puisque d'abord je me référerai
16:36 à mes écritures qui sont développées sur le sujet d'une part
16:39 et d'autre part parce que le barreau de Paris
16:42 est intervenant à cette affaire
16:45 et a des arguments qui recouvrent exactement les miens
16:48 à ce sujet-là.
16:51 Simplement, le principe d'égalité devant la loi est invoqué.
16:54 Il n'interdit pas de traiter de façon différente,
16:57 des situations différentes, vous l'avez rappelé, en nombre de décisions.
17:00 Ni de déroger un certain principe pour des raisons d'intérêt général.
17:03 A condition que
17:06 cette différence de traitement
17:09 ne soit pas manifestement disproportionnée.
17:12 Or, je pense, dans les explications que je vous ai fournies
17:15 préalablement sur la façon dont on arrive à un accord
17:18 et les conséquences du défaut d'enregistrement,
17:21 vous avoir montré qu'il y avait effectivement
17:24 une disproportion dans le cas présent.
17:27 Le deuxième
17:30 élément, c'est effectivement
17:33 un problème d'accès au droit et d'accès aux juridictions.
17:36 À partir du moment où le recours
17:39 est abandonné pour parvenir au protocole d'accord,
17:42 ce recours ne peut pas revivre
17:45 dès l'instant où l'acte n'a pas été enregistré.
17:48 Et ça, ça pose problème.
17:51 Alors, comment parvenir à l'objectif
17:54 de moralisation
17:57 face à une situation qui est celle-là ?
18:00 Tout d'abord, puisque nous sommes
18:03 dans un recours devant le tribunal administratif, rien
18:06 n'interdisait de dire que
18:09 le contrôle de la moralité serait fait par le juge administratif saisi du recours.
18:12 Qui mieux que lui
18:15 peut apprécier la pertinence
18:18 et la moralité de l'accord obtenu ?
18:21 C'était à lui de le dire.
18:24 C'était à lui à qui le législateur devait envoyer
18:27 plutôt que de créer une sanction coupe-près.
18:30 Ensuite,
18:33 je vous ai proposé, à titre
18:36 je dirais subsidiaire de l'inconstitutionnalité
18:39 souhaitée, différentes possibilités
18:42 de lecture du texte.
18:45 Tout d'abord,
18:48 une forme
18:51 d'application de la règle "nemo ditur"
18:54 que nous connaissons, c'est le dernier mot, M. le Président,
18:57 qui consisterait à dire que celui
19:00 qui n'a pas enregistré l'acte ne pourra s'en prévaloir
19:03 pour demander le remboursement, en d'autres termes,
19:06 éviter l'effet d'aubaine provoqué par le texte.
19:09 Je suis promoteur, je me suis abstenu délibérément
19:12 d'enregistrer, et bien je ne peux pas m'en prévaloir
19:15 parce que c'est ma faute, en quelque sorte.
19:18 Et ça, les juridictions l'entendraient très facilement.
19:21 Plus subsidièrement, on peut aussi considérer que la sanction
19:24 telle qu'elle est prévue à l'article dans sa rédaction actuelle
19:27 ne s'appliquera que si le désistement
19:30 n'est pas déjà intervenu.
19:33 Comme ça, on respecte l'accès au droit,
19:36 à l'accès à la justice par le particulier.
19:39 Ou encore, autre solution de lecture de cet article,
19:42 c'est de sortir du champ des sanctions
19:45 le remboursement pour les engagements accessoires
19:48 type travaux en nature, que j'évoquais tout à l'heure,
19:51 et pour lesquels le particulier n'a pas les fonds disponibles
19:54 pour pouvoir indemniser le défaut d'enregistrement.
19:57 Ou alors considérer que l'indemnisation
20:00 d'un trouble anormal de jouissance,
20:03 le trouble de voisinage généré par la construction,
20:06 n'est pas couverte par l'accord ou par la sanction du texte
20:10 et peut survivre malgré tout.
20:13 Avec ces différentes hypothèses,
20:16 je pense que vous avez largement moyen,
20:19 évidemment de satisfaire à ma demande principale
20:22 qui est l'inconstitutionnalité du texte,
20:25 éventuellement d'émettre des réserves d'interprétation.
20:28 Merci, M. le Président. Merci mesdames et messieurs.
20:31 Nous entendons maintenant Maître Ourdot,
20:35 qui est avocate au Conseil,
20:38 qui représente les consorts Schmitt, Desquerre et Lassay,
20:41 la ferme de César. Partie intervenante. Maître.
20:44 Le droit dit ce qu'il faut faire,
20:48 il ne peut pas dire ce que l'on en fera.
20:50 M. le Président, mesdames, messieurs les membres du Conseil,
20:53 la formule du doyen Vedel trouve au cas présent
20:56 une résonance toute particulière.
20:58 Il manifeste ici que le législateur,
21:00 au moment de l'adoption de l'ordonnance du 18 juillet 2013,
21:03 n'a pas anticipé les effets pervers
21:05 que l'article L600-8 du Code de l'urbanisme
21:08 pourrait induire.
21:10 Pour en légitimer l'édiction,
21:12 celui-ci est en effet parti d'un constat certes justifié,
21:15 mais trop univoque, pouvant être résumé comme suit.
21:18 Les constructeurs subissent le chantage
21:20 de requérant sans foi ni loi,
21:22 les recours formulés par ces derniers
21:24 sont le plus souvent dilatoires,
21:26 sensueux, importants et inutiles,
21:28 qui pourraient bloquer abusivement
21:30 la mise en œuvre des autorisations d'urbanisme,
21:32 pourtant essentielle à la vie économique.
21:35 Ainsi, l'article L600-8 du Code de l'urbanisme
21:38 a-t-il été édicté pour un double motif d'intérêt général ?
21:41 Moraliser la relation constructeur/tier,
21:44 mettre au jour la malveillance de ceux qui contestent,
21:46 sans légitimité, pour en tirer profit,
21:48 les autorisations d'urbanisme.
21:50 Ce double motif explique la rédaction corsetée,
21:54 pour ne pas dire étriquée, de la linéa 2
21:56 de l'article L600-8,
21:58 lequel déroule une mécanique implacable
22:00 qui ne laisse au juge civil aucun pouvoir d'appréciation.
22:04 De fait, si la transaction conclue
22:05 entre le titulaire de l'autorisation administrative
22:07 et le tiers n'a pas fait l'objet d'un enregistrement,
22:10 seul ce dernier peut être sanctionné.
22:12 Le désistement demeure acquis au constructeur,
22:15 tandis que le tiers, qui a renoncé à agir,
22:17 se trouve dans l'obligation de restituer
22:19 les sommes qui lui ont été versées.
22:21 Il suffit cependant de lire le rapport
22:23 du président Labetoul pour constater
22:25 que le législateur n'a pas véritablement envisagé
22:27 que le rapport puisse être inversé.
22:30 Le législateur n'a pas pensé que, parfois,
22:32 le tiers à l'autorisation d'urbanisme
22:33 est un profane mal informé,
22:35 mais d'une parfaite rectitude morale,
22:37 quand en revanche le constructeur professionnel,
22:39 très au fait de la réglementation applicable,
22:41 se montre d'une pas tant de mauvaise foi.
22:44 C'est précisément la situation
22:45 que connaissent les intervenants,
22:46 pour lesquels je me présente aujourd'hui
22:48 devant votre conseil.
22:50 Ces derniers, vous l'aurez noté,
22:51 sont en effet des particuliers de bonne foi,
22:53 qui ne font aucunement profession
22:54 d'une quelconque capacité de chantage,
22:56 qui ont régularisé,
22:57 à l'encontre de différents permis
22:58 obtenus par leurs voisins,
23:00 lui, professionnel de l'hôtellerie,
23:01 les recours auxquels la juridiction administrative
23:03 a systématiquement fait droit,
23:06 qui, en dépit de décisions favorables obtenues,
23:08 ont accepté de transiger
23:10 et par suite de se désister des dix recours,
23:12 uniquement pour s'épargner les lourdeurs
23:14 et tracas d'un contentieux chronophage.
23:17 Or, aujourd'hui, le dit professionnel,
23:18 qui a depuis construit sur la base
23:19 de permis pour le moins douteux,
23:21 n'hésite pas à solliciter
23:22 la restitution des sommes versées,
23:24 en contrepartie des désistements
23:25 régularisés par les intervenants.
23:28 Je laisse à votre conseil
23:29 l'appréciation de la moralité du procédé.
23:32 L'application rigoureuse
23:33 de l'article L600-8 du Code de l'urbanisme
23:35 ne peut ici plus encore que dans le litige
23:37 pour lequel la QPC est transmise
23:39 que singulièrement heurter.
23:41 Elle heurte d'abord parce que l'atteinte
23:43 portée au principe d'égalité
23:44 est effectivement disproportionnée.
23:47 Incontestablement, la disposition critiquée
23:49 inlute une différence de traitement.
23:51 Le tiers doit rembourser les sommes perçues
23:52 quand son désistement d'action
23:54 n'est plus susceptible d'être remis en cause.
23:56 Or, cette différence n'est justifiée
23:58 ni par une différence de situation
24:00 – le titulaire de l'autorisation de l'urbanisme
24:02 et le requérant sont tous les deux soumis
24:04 à la même obligation d'enregistrement –
24:06 ni par un motif d'intérêt général
24:09 en rapport avec l'objet de la loi.
24:11 L'objectif poursuivi de limiter
24:13 les recours abusifs ne serait en effet justifié
24:15 que les tiers de Bonnefoy,
24:17 les seuls en réalité qui ne vont pas procéder
24:19 à l'enregistrement,
24:20 se voient imposer le remboursement
24:22 des sommes qu'ils ont perçues
24:23 en contrepartie de leur renoncement à agir.
24:26 La loi ne peut, en voulant compenser
24:29 un déséquilibre,
24:30 en créer un nouveau plus pernicieux.
24:33 Elle ne peut permettre aux constructeurs
24:34 qu'elle protège de profiter illégitimement
24:37 du dispositif qu'elle instaure.
24:39 Elle ne peut leur permettre d'obtenir
24:41 de simples requérants de Bonnefoy
24:42 qu'ils se désistent de leurs recours
24:43 sans la moindre contrepartie,
24:45 et ce, alors même que leurs prétentions
24:47 ont été déclarées fondées
24:49 par le juge administratif.
24:51 Comment en effet justifier un tel effet d'aubaine ?
24:54 La différence de traitement
24:55 instituée par le législateur
24:56 n'est au vrai pas acceptable.
24:58 Elle l'est encore moins
24:59 lorsque la transaction vient,
25:00 comme c'est le cas pour les intervenants
25:02 que je représente,
25:03 éteindre un compte orcieux
25:04 d'ores et déjà engagé,
25:06 ayant systématiquement donné lieu
25:07 à des décisions rendues en leur faveur.
25:10 Les objectifs de moralisation et de transparence
25:11 sont en effet alors atteints
25:14 par le caractère public
25:15 des décisions rendues d'une part,
25:17 par la Bonnefoy manifestée
25:18 par le sens favorable
25:19 des dites décisions d'autre part.
25:21 Un enregistrement n'apporterait alors
25:24 rien de plus.
25:25 En définitive,
25:26 le caractère disproportionné
25:27 de la sanction instaurée
25:28 par les dispositions critiquées
25:29 et l'atteinte au principe d'égalité
25:31 sont manifestes,
25:32 car premièrement,
25:33 la dite disposition crée
25:34 une différence de traitement
25:35 trop importante entre les parties,
25:37 alors que l'obligation d'enregistrement
25:38 leur incombe par excrément,
25:40 car deuxièmement,
25:41 elle ne tient aucun compte
25:42 de la Bonnefoy des requérants,
25:44 car troisièmement,
25:45 elle ne tient aucun compte non plus
25:46 de l'introduction d'une instance
25:47 antérieurement à la transaction
25:49 et des décisions rendues
25:50 au cours de cette instance
25:51 seraient-elles favorables aux requérants,
25:53 car quatrièmement,
25:54 elle ne fait aucune distinction
25:55 selon que la transaction
25:56 n'a pas été enregistrée
25:58 ou l'a été, mais tardivement,
26:00 car cinquièmement et enfin,
26:01 elle ne fait aucune distinction non plus
26:04 selon le motif parfois légitime
26:06 du défaut d'enregistrement.
26:08 L'atteinte au principe d'égalité
26:09 est donc amplement caractérisée.
26:11 L'est également l'atteinte au droit
26:13 à un recours effectif.
26:15 De fait, au même titre
26:16 que la caducité de l'instance hypothèse
26:18 envisagée dans votre décision
26:19 de 2019-777 du 19 avril 2019,
26:23 le désistement forcé
26:25 qui résulte de l'application
26:26 du mécanisme litigieux
26:27 doit être regardé
26:28 comme une atteinte injustifiée
26:29 au droit à recours,
26:31 car si le requérant a certes pu
26:32 dans un premier temps
26:33 exercer une voie de recours,
26:35 il s'en trouve définitivement privé
26:37 une fois le désistement intervenu.
26:39 Et il se voit alors
26:40 dans l'impossibilité
26:41 de reprendre l'instance
26:42 qui avait été abandonnée
26:43 en contrepartie d'une indemnité
26:44 qu'on l'oblige par ailleurs à restituer.
26:47 La disproportion au regard
26:48 de l'objectif poursuivi
26:49 est une nouvelle fois
26:50 d'autant plus manifeste
26:51 lorsque, comme dans le cas
26:52 des intervenants que je représente,
26:54 le contentieux engagé
26:55 avant la transaction
26:57 a donné lieu à des décisions
26:59 toutes favorables.
27:01 D'autres moyens étaient au demeurant
27:02 envisageables pour atteindre
27:03 l'objectif de dissuasion
27:04 des recours crapuleux.
27:06 Il aurait notamment
27:07 pu être envisagé effectivement
27:08 qu'il revienne au juge administratif
27:09 en charge du recours contentieux
27:11 contre l'autorisation d'Urbanisme
27:12 d'homologuer la transaction en cause
27:14 et, une fois cette formalité accomplie,
27:16 de donner acte du désistement.
27:18 À tout le moins,
27:20 il aurait pu être laissé
27:21 au juge civil,
27:22 saisi de l'action en répétition,
27:24 un pouvoir d'appréciation
27:26 des raisons pour lesquelles
27:27 l'enregistrement n'a pas été effectué
27:29 en temps utile.
27:31 Avec l'adoption de l'article L600-8
27:33 du Code de l'Urbanisme,
27:34 le législateur a légitimement
27:35 voulu remédier à une problématique
27:37 avérée de chantage au recours.
27:39 Il n'a cependant pas anticipé
27:41 toutes les virtualités
27:42 dont son texte était porteur.
27:44 En particulier,
27:45 il n'a pas envisagé
27:46 que la mauvaise foi et la vénalité
27:47 puissent se situer du côté du constructeur,
27:49 lequel pourrait même,
27:50 en l'état du dispositif applicable,
27:52 indiquer au requérant
27:53 qu'il se charge de l'enregistrement
27:55 pour finalement s'en abstenir.
27:57 Certes, il faut probablement se résoudre
27:59 à ce qu'une marge plus ou moins large
28:01 sépare la norme et le réel,
28:03 fort heureusement sanctionner
28:04 les effets pervers et délétères d'un texte
28:06 non anticipé par le législateur,
28:08 mais révélé par sa mise en œuvre
28:09 relative précisément
28:10 de votre contrôle a posteriori.
28:12 Ainsi, pour les raisons
28:13 que nous venons d'invoquer,
28:14 mais également pour toutes celles
28:15 contenues dans nos écritures,
28:16 nous vous demandons de déclarer
28:17 non conforme à la Constitution
28:19 la linéa 2 de l'article L600-8
28:22 du Code de l'Urbanisme.
28:24 Merci maître.
28:25 Nous allons maintenant écouter
28:28 maître Crozier,
28:30 qui est avocat au Conseil,
28:31 qui représente l'Ordre des Avocats
28:32 du Barreau de Paris,
28:33 parti intervenant.
28:34 Maître.
28:35 Remercie monsieur le Président.
28:37 Mesdames, Messieurs,
28:38 les membres du Conseil constitutionnel,
28:39 quelques observations dans l'intérêt
28:41 de l'Ordre des Avocats
28:42 au Barreau de Paris,
28:43 parti intervenant volontaire,
28:45 au soutien de la question prioritaire
28:47 de constitutionnalité
28:48 qui vous est soumise.
28:49 Cette question,
28:50 cela vient d'être dit par mes confrères,
28:52 a pour origine un effet pervers,
28:55 celui produit par les dispositions
28:57 de l'article L600-8
28:59 du Code de l'Urbanisme,
29:00 dont l'application conduit
29:02 à un résultat radicalement contraire
29:04 à l'intention du législateur.
29:06 En adoptant cet article,
29:08 le législateur poursuivait
29:09 un objectif clair,
29:11 lutter contre les recours abusifs
29:13 en matière d'urbanisme
29:14 et notamment contre la pratique
29:16 de certains requérants,
29:17 consistant à détourner le recours
29:19 pour excès de pouvoir de sa finalité
29:20 en cherchant à monnayer
29:22 leur désistement.
29:23 Il s'agit pour le législateur
29:25 non d'interdire,
29:26 mais d'encadrer les transactions
29:28 financières en la matière.
29:29 D'une part,
29:30 en prévoyant une obligation
29:32 d'enregistrement dans le mois
29:33 qui suit leur conclusion.
29:35 D'autre part,
29:36 en sanctionnant le défaut
29:37 d'enregistrement par un mécanisme
29:39 de répétition des sommes versées
29:41 ou correspondant à l'avantage
29:42 en nature consenti,
29:44 en contrepartie du désistement.
29:46 Et c'est précisément
29:47 dans les conséquences déséquilibrées
29:49 qui s'attachent aux défauts
29:50 d'enregistrement que réside
29:52 la difficulté d'ordre constitutionnel.
29:54 La Cour de cassation l'a relevé
29:56 en vous renvoyant la présente question.
29:58 La disposition en litige,
30:00 selon ces termes que je cite,
30:02 répute sans cause la concession
30:04 à laquelle le titulaire de l'autorisation
30:06 avait consenti,
30:07 tout en lui laissant définitivement acquis
30:09 le bénéfice du désistement du requérant.
30:12 Dit autrement,
30:13 le défaut d'enregistrement
30:15 ne fait courir aucun risque
30:17 au titulaire de l'autorisation
30:18 quand le requérant peut tout perdre.
30:21 En définitive,
30:22 c'est moins l'auteur d'un recours abusif
30:24 qui se trouve sanctionné
30:26 que le requérant de bonne foi.
30:27 Et ce, en violation notamment
30:29 du principe d'égalité d'une part,
30:31 d'autre part du droit d'exercer
30:33 un recours juridictionnel effectif.
30:36 Sur la violation du principe d'égalité,
30:38 votre jurisprudence est constante.
30:41 Une différence de traitement n'est admise,
30:44 si, bien que justifiée
30:45 par une différence objective de situation
30:47 ou par des raisons d'intérêt général,
30:49 elle est en rapport direct
30:50 avec l'objet de la loi qu'il établit,
30:52 étant précisé que même en lien
30:54 avec l'objectif poursuivi par le législateur,
30:56 une différence de traitement
30:58 ne saurait porter une atteinte disproportionnée
31:00 au principe d'égalité devant la loi.
31:02 Au cas présent,
31:03 ces conditions ne sont pas réunies.
31:05 L'article en cause introduit indiscutablement
31:07 une différence de traitement
31:09 qui n'est pas justifiée
31:10 par l'objectif poursuivi par le législateur
31:12 et qui porte, en tout état de cause,
31:14 une atteinte disproportionnée
31:15 au principe d'égalité devant la loi.
31:17 Cela a été dit,
31:18 les dispositions en litige
31:19 introduisent un déséquilibre
31:21 entre les signataires de la transaction.
31:23 En cas d'inobservation
31:24 de l'obligation d'enregistrement,
31:26 laquelle pèse pourtant
31:27 sur les deux parties contractantes,
31:29 seul celui qui renonce à son recours
31:32 se voit, in fine, sanctionné.
31:34 Et cette différence n'est pas justifiée.
31:37 Vis-à-vis de la transaction,
31:39 les parties sont objectivement
31:41 dans la même situation,
31:42 elles concluent le même contrat
31:44 et sont soumises
31:45 à la même obligation d'enregistrement.
31:47 Et cette différence de traitement
31:49 n'est pas davantage en rapport
31:50 avec l'objet de la loi qu'il instaure.
31:52 L'article en litige ne permet nullement
31:55 de moraliser les transactions.
31:57 Bien au contraire.
31:58 Les personnes malhonnêtes
32:00 qui persistent à introduire
32:01 des recours abusifs
32:02 dans le seul but
32:03 d'obtenir une contrepartie financière
32:05 ne manqueront pas
32:06 de procéder à l'enregistrement requis.
32:08 Et, dans la mesure où
32:10 les titulaires des autorisations d'urbanisme
32:12 n'ont aucun intérêt
32:13 à accomplir ces formalités d'enregistrement,
32:15 c'est finalement
32:16 seuls les requérants de bonne foi
32:18 qui sont susceptibles
32:19 de ne pas procéder à cet enregistrement
32:21 ou de le faire tardivement
32:23 et d'en subir les conséquences.
32:25 Le texte en cause
32:26 crée ainsi un déséquilibre
32:28 à rebours de celui
32:29 qu'il avait pour objet de prévenir.
32:31 Les constructeurs
32:32 qui faisaient l'objet de chantage
32:33 sont en situation
32:34 de devenir ceux qui profitent
32:36 de l'effet d'aubaine
32:37 offert par le texte.
32:38 Le lien avec l'objectif
32:40 poursuivi par le législateur
32:41 est donc totalement rompu.
32:43 Quoi qu'il en soit,
32:44 l'atteinte qui en résulte
32:46 au principe d'égalité devant la loi
32:47 est disproportionnée.
32:49 Cela vient d'être dit
32:50 les conséquences
32:51 qui s'attachent aux défauts d'enregistrement
32:52 sont unilatérales,
32:54 seulement préjudiciables
32:56 aux requérants.
32:57 Et la sanction est d'autant plus sévère
32:59 qu'elle présente
33:00 un caractère automatique,
33:02 sans possibilité, par exemple,
33:04 de justifier sous le contrôle du juge
33:06 des raisons pour lesquelles
33:07 le délai d'enregistrement
33:08 n'aurait pu être respecté.
33:09 Lorsqu'il s'est désisté,
33:11 à la suite de la conclusion
33:12 de la transaction,
33:13 le requérant,
33:14 qui ne peut démontrer sa bonne foi,
33:16 se trouve définitivement,
33:17 compte tenu de l'expiration
33:18 des délais de recours,
33:19 privés de la possibilité
33:21 de contester la légalité
33:23 de l'autorisation
33:24 d'urbanisme litigieuse.
33:25 Au-delà de l'atteinte
33:27 au principe d'égalité,
33:28 il en résulte
33:29 une violation du droit
33:30 à recours juridictionnel effectif.
33:32 Et ce sera donc
33:33 le second et dernier point
33:34 de mes observations.
33:35 En matière de règles propres
33:37 au contentieux de l'urbanisme,
33:38 vous avez déjà eu l'occasion
33:40 de censurer une disposition
33:41 en raison de l'atteinte disproportionnée
33:43 qu'elle portait
33:44 au droit à recours
33:45 juridictionnel effectif.
33:46 Je fais ici référence
33:48 à votre décision du 19 avril 2019,
33:50 numéro 2019-777 QPC,
33:52 par laquelle vous avez jugé
33:54 les dispositions de l'article L600-13
33:56 du Code de l'urbanisme
33:57 contraires à la Constitution.
33:59 Ces dispositions créaient
34:01 un cas de caducité
34:02 de la requête introductive d'instance
34:04 en l'absence de production
34:06 des pièces nécessaires au jugement.
34:08 Au-delà de l'imprécision du texte,
34:10 vous avez caractérisé
34:11 l'atteinte disproportionnée
34:12 au regard de l'automaticité
34:14 et de l'irréversibilité
34:16 de la déclaration de la caducité,
34:17 relevant, je cite votre décision,
34:19 « Dès lors que la caducité
34:21 a été régulièrement prononcée,
34:23 le requérant ne peut obtenir
34:25 l'examen de sa requête
34:26 par une juridiction.
34:27 Il ne peut introduire
34:28 une nouvelle instance
34:29 que si le délai de recours
34:30 n'est pas expiré. »
34:32 Il n'y a pas lieu
34:33 de raisonner différemment
34:34 au cas présent.
34:35 Le requérant qui se désiste
34:36 en application d'une transaction
34:38 non enregistrée
34:39 ou tardivement enregistrée
34:40 ne peut plus,
34:41 compte tenu des délais
34:42 de recours contentieux,
34:43 introduire un nouveau recours.
34:45 Le requérant de bonne foi
34:47 se voit ainsi privé
34:48 de son droit au recours
34:49 en raison du non-accomplissement
34:50 d'une formalité d'enregistrement
34:52 dans le strict délai d'un mois
34:53 sans régularisation possible.
34:55 Là encore,
34:56 l'atteinte portée
34:57 aux droits constitutionnellement
34:58 protégés est disproportionnée.
35:00 Pour assurer un équilibre
35:02 entre les droits en présence
35:03 et l'objectif de moralisation,
35:05 le législateur aurait dû prévoir,
35:07 ce que vous pourriez d'ailleurs consacrer
35:09 par une réserve d'interprétation,
35:11 que le mécanisme de répétition
35:13 ne trouve pas à s'appliquer
35:15 lorsque le désistement du recours
35:16 est déjà intervenu.
35:18 Mais en l'état,
35:19 l'inconstitutionnalité du texte
35:21 ne fait aucun doute.
35:23 Vainement est-il soutenu en défense
35:25 que cette inconstitutionnalité
35:27 résulterait moins du texte
35:29 que de la négligence du requérant
35:31 qui se désiste trop tôt
35:33 ou qui ne procède pas à l'enregistrement.
35:35 Mais c'est faire fi de la pratique.
35:37 Le titulaire de l'autorisation
35:38 subordonnant systématiquement
35:40 le versement des fonds
35:41 ou la réalisation de la contrepartie,
35:42 au désistement effectif du requérant.
35:45 En outre, comme je viens de l'exposer,
35:47 le déséquilibre est inhérent
35:49 aux dispositions litigieuses.
35:51 Seul le requérant est susceptible
35:53 in fine de se voir sanctionné
35:55 par le défaut d'enregistrement.
35:56 Le cas échéant,
35:57 en étant définitivement privé
35:59 du droit d'exercer un recours
36:00 auquel il n'avait renoncé
36:02 qu'au regard des termes
36:03 de la transaction conclue.
36:05 Telles sont les raisons pour lesquelles
36:06 vous déclarerez l'article L600-8
36:09 du Code de l'urbanisme
36:10 contraire à la Constitution.
36:12 A tout le moins,
36:13 vous énoncerez les réserves
36:14 d'interprétation qui s'imposent
36:15 pour assurer sa conformité
36:17 aux droits et libertés
36:18 que la Constitution garantit.
36:20 Merci, maître.
36:21 Monsieur Grenguillem,
36:22 pour la Première ministre.
36:24 Merci, M. le Président.
36:27 Mesdames et Messieurs
36:28 les membres du Conseil constitutionnel,
36:30 les opérations immobilières
36:31 peuvent donner lieu
36:32 à des transactions
36:33 par lesquelles un tiers à l'opération
36:35 s'engage auprès du bénéficiaire
36:37 d'une autorisation d'urbanisme
36:38 à se désister du recours exercé
36:40 contre cette autorisation
36:41 en échange du versement
36:42 d'une somme d'argent.
36:44 Cette pratique peut être
36:45 tout à fait légitime.
36:46 Elle peut aussi être le fruit
36:48 d'un chantage exercé
36:49 afin de modélier un désistement.
36:51 Et la réflexion sur le nécessaire
36:53 encadrement de ces pratiques
36:54 est ancienne.
36:56 La voie de l'interdiction
36:57 de ces transactions
36:58 aux effets jugés trop radicaux
37:00 n'a pas été retenue.
37:02 La voie de l'homologation
37:04 a également été écartée
37:05 au regard notamment
37:06 de l'encombrement des juridictions
37:08 et des délais que cela aurait induit.
37:10 Homologation qui d'ailleurs
37:12 ne pourrait être faite
37:14 comme cela a été suggéré
37:15 devant le juge administratif
37:17 en présence d'un contrat
37:18 de droit privé.
37:20 La voie naturelle serait
37:21 celle de l'homologation
37:22 devant le juge judiciaire
37:23 et qui n'a pas à connaître
37:24 par ailleurs de l'autorisation d'urbanisme.
37:26 Le choix a finalement été fait
37:27 par le législateur
37:28 d'atteindre cet objectif
37:29 de transparence
37:30 et de limitation
37:31 des pratiques frauduleuses
37:32 en donnant une publicité
37:34 à ces transactions
37:36 permettant ainsi
37:37 l'identification
37:38 des auteurs de recours
37:40 abusifs ou inutiles.
37:42 Cette publicité
37:43 est rendue possible
37:44 par l'exigence de l'enregistrement
37:45 de ces transactions
37:46 auprès des services fiscaux.
37:49 Cette seule formalité
37:51 de l'enregistrement
37:52 qui avait été proposée
37:53 par le groupe de travail
37:54 présidé par Daniel Latul en 2013
37:55 est aujourd'hui prévue
37:56 par la disposition
37:57 de l'article L600-8
37:58 du Code de l'urbanisme
38:01 au regard de la date
38:02 de la transaction
38:03 à l'origine de la présente QPC.
38:05 Celle-ci porte d'ailleurs
38:06 sur ces dispositions
38:07 en vigueur
38:08 jusqu'au 31 décembre 2018
38:11 et selon lesquelles
38:12 ces transactions
38:13 doivent être enregistrées
38:14 conformément à l'article 635
38:15 du Code général des impôts
38:16 soit dans un délai
38:17 d'un mois.
38:19 Le deuxième alinéa
38:20 de ce même article
38:21 soumis à votre contrôle
38:22 prévoit la sanction
38:23 qui est le cœur
38:24 de la discussion
38:25 en cas de non-enregistrement.
38:27 Ce deuxième alinéa
38:28 dispose que la contrepartie
38:29 prévue par une transaction
38:30 non enregistrée
38:31 est réputée sans cause.
38:32 Et les sommes versées
38:33 ou celles qui correspondent
38:34 au coût des avantages
38:35 consenties sont sujettes
38:36 à répétition.
38:38 L'existence d'une sanction
38:40 à l'absence d'enregistrement
38:42 de la transaction
38:43 dans les délais
38:44 est absolument nécessaire
38:45 contrairement à ce qui est soutenu
38:46 de l'autre côté de la barre
38:47 afin que l'objectif poursuivi
38:49 puisse être atteint.
38:50 Sans sanction,
38:52 la formalité n'est plus contraignante
38:55 et l'objectif de moralisation
38:57 de ces pratiques
38:58 s'en trouverait remise en cause.
38:59 C'est ce que la Cour de cassation
39:00 a très expliqué
39:01 et ce que la Cour a très explicitement
39:03 retenu dans son arrêt
39:05 de la 3e Chambre civile
39:06 du 20 décembre 2018.
39:08 Les requérants soulèvent
39:11 Senghriyev à l'encontre
39:13 de ces dispositions.
39:15 Aucun ne saurait prospérer
39:17 de ce que l'on va voir successivement
39:18 de manière très brève.
39:20 En premier lieu,
39:21 les dispositions de l'article L600-8
39:23 du Code de l'urbanisme
39:24 ne méconnaissent pas
39:25 le principe d'égalité.
39:27 En effet,
39:28 contrairement à ce qui est soutenu,
39:29 ces dispositions
39:30 n'ont aucune différence
39:32 de situation,
39:34 de traitement
39:35 entre les deux parties
39:36 à la transaction.
39:38 L'article L600-8 du Code de l'urbanisme
39:40 se borne à prévoir
39:41 la sanction attachée
39:42 au non-respect
39:43 d'une obligation légale
39:45 à laquelle sont tenues les parties.
39:47 La disparité de traitement
39:50 n'est en réalité
39:52 que la conséquence
39:54 de l'absence de diligence
39:56 d'une partie
39:57 dans le respect
39:58 de ces obligations légales.
40:00 Il n'y a ainsi pas de méconnaissance
40:02 du principe d'égalité,
40:03 l'absence de diligence d'une partie
40:04 n'étant pas un motif
40:05 d'inconstitutionnalité.
40:07 En deuxième lieu,
40:09 ces dispositions ne portent pas
40:10 davantage atteinte
40:11 au droit au recours effectif.
40:13 Par nature,
40:15 c'est son objet même,
40:16 une transaction est alternative
40:18 à la décision juridictionnelle.
40:19 Par les caractéristiques
40:20 de souplesse et de rapidité
40:22 dans le règlement d'un litige
40:23 qu'elle permet,
40:24 par la voie contractuelle,
40:26 la transaction permet
40:27 donc au moyen de conception réciproque
40:28 d'éviter le recours au juge,
40:30 c'est bien là l'objet même
40:32 de ces transactions.
40:34 En l'espèce,
40:35 aucune disposition législative
40:37 ne prive le requérant
40:38 de la faculté
40:40 d'attendre l'enregistrement
40:42 de la transaction
40:43 pour se désister
40:44 de son recours
40:45 contre l'autorisation d'urbanisme.
40:47 Autrement dit,
40:49 la temporalité normale
40:51 exigée par le texte
40:53 est d'enregistrer
40:55 de se désister
40:57 pour effectivement,
40:58 nous entendons les arguments
41:00 des requérants,
41:02 que la somme soit
41:04 effectivement versée.
41:06 Le désistement,
41:08 pardon,
41:09 la sanction de répétition
41:11 prévue par le législateur
41:13 est uniquement liée
41:15 aux défauts d'enregistrement
41:17 et aucunement au désistement
41:19 de l'auteur du recours.
41:20 L'intervention du désistement
41:22 est sans incidence
41:24 et n'est pas une intervention
41:26 sur le fait que la contrepartie
41:28 soit réputée sans cause
41:30 au sens du deuxième adhérent
41:32 de l'article 600-8.
41:34 La sanction de répétition
41:36 des sommes engagées
41:38 n'emporte pas
41:40 le désistement de l'action.
41:42 Le non-respect du délai d'un mois
41:44 n'emporte comme sanction
41:46 que la répétition des sommes engagées
41:48 et n'implique pas
41:50 de désistement d'office.
41:52 Si le délai d'enregistrement
41:54 n'est pas dépassé,
41:56 l'auteur du recours
41:58 ne s'est pas encore désisté,
42:00 il est tout à fait libre
42:02 de maintenir son recours.
42:04 Il n'y a pas de désistement d'office,
42:06 il n'y a donc aucune atteinte
42:08 au droit au recours effectif.
42:10 Le droit au recours est maintenu.
42:12 Il est soutenu en troisième lieu
42:14 que le fait de devoir restituer
42:16 la contrepartie financière
42:18 du désistement,
42:20 qui dans cette hypothèse,
42:22 le désistement n'est pas intervenu
42:24 en conséquence d'une disposition législative
42:26 ou d'un quelconque désistement d'office,
42:28 mais bien l'initiative du requérant,
42:30 qui était, nous insistons,
42:32 tout à fait libre de maintenir son recours.
42:34 D'autre part,
42:36 les dispositions contestées
42:38 ne précisent pas expressément
42:40 à qui incombe l'obligation d'enregistrement
42:42 de la transaction.
42:44 Cette formalité peut donc être accomplie
42:46 par n'importe laquelle des deux parties.
42:48 Ainsi,
42:50 l'auteur du recours
42:52 peut se charger lui-même
42:54 de l'enregistrement, de sorte qu'il ne puisse
42:56 être privé, à son insu,
42:58 de la somme que le bénéficiaire
43:00 de l'autorisation d'urbanisme s'est engagé
43:02 à lui verser.
43:04 Il vous a été dit que, à l'inverse,
43:06 le bénéficiaire
43:08 de l'autorisation
43:10 pourrait promettre
43:12 qu'il se charge de l'enregistrement
43:14 et finalement ne pas le faire
43:16 parce qu'il est malhonnête.
43:18 Mais dans ce cas-là,
43:20 il ne pourrait se prévaloir
43:22 - le principe de Némand Daviditour a été évoqué -
43:24 il ne pourrait se prévaloir
43:26 de cela pour obtenir
43:28 la répétition des sommes engagées.
43:30 En laissant aux parties
43:32 qui ont intérêt la charge de satisfaire
43:34 à une obligation d'enregistrement
43:36 antérieure à tout désistement d'instance,
43:38 le législateur n'a donc porté aucune atteinte
43:40 aux droits de propriété.
43:44 Très brièvement pour finir,
43:46 dans ces secondes observations,
43:48 la requérante soulève un nouveau grief
43:50 tiré de l'atteinte portée à la liberté contractuelle
43:52 du fait du grave déséquilibre
43:54 entre les parties qui seraient causées
43:56 par les dispositions contestées.
43:58 Mais comme cela a déjà été exposé,
44:00 il n'y a dans ces dispositions du code de l'urbanisme
44:02 ni déséquilibre, ni piège pour le requérant de bonne foi.
44:04 Il n'y a qu'une obligation
44:06 d'enregistrement de cette transaction
44:08 auprès de l'administration fiscale
44:10 dans un délai d'un mois
44:12 prévu au non-respect de cette obligation.
44:14 Ces dispositions poursuivent
44:16 un objectif d'intérêt général,
44:18 de sécurisation du droit à construire,
44:20 et nous l'avons dit, de lutte contre les recours abusifs,
44:22 et ne portent pas atteinte à la liberté contractuelle.
44:24 Enfin, toujours dans ces secondes observations,
44:28 la requérante soulève également un nouveau grief
44:30 tiré de la méconnaissance de la bonne administration
44:32 de la justice, si ce principe
44:34 est effectivement un objectif de valeur constitutionnelle.
44:36 Voyez par exemple votre décision
44:38 de 356QPC du 29 novembre 2013.
44:40 Il n'est pas au nombre des droits et libertés
44:42 que la Constitution garantit, vous pourrez donc écarter
44:44 ce dernier grief comme étant inopérant.
44:46 Aucune exigence constitutionnelle n'ayant été méconnue.
44:48 Je vous invite à déclarer la disposition de l'article
44:50 600-8 du Code de l'urbanisme
44:52 conforme à la Constitution.
44:54 Merci M. Canguilhem.
44:56 Alors, y a-t-il des questions ?
44:58 M. le conseiller Pidre.
45:00 Oui, c'est une question.
45:04 Ici, nous ne travaillons pas
45:06 in concreto, mais in abstracto.
45:08 Mais quand même, il est intéressant
45:10 de savoir quelle est l'ampleur du phénomène
45:12 auquel nous sommes confrontés.
45:14 Alors, M. De Pont,
45:16 vous nous avez dit
45:18 qu'il y avait beaucoup de recours,
45:20 notamment auprès des mutuelles
45:22 du Mans qui assurent
45:24 les avocats.
45:26 Comme vous
45:28 avez tendu la perche,
45:30 est-ce que vous pourriez, sans
45:32 violer
45:34 quelques droits, la confidentialité
45:36 des relations entre clients
45:38 et assurés, nous donner
45:40 des chiffres ?
45:42 Et puis, ma même question
45:44 s'adressera aux représentants
45:46 de la Première Ministre.
45:48 Les statistiques sont difficiles
45:54 en la matière.
45:56 C'est souillé par le rapport
45:58 d'un peu de douleur.
46:00 Les statistiques sont très
46:02 difficiles dans la mesure où
46:04 les juges du tribunal judiciaire
46:06 sont saisis à titre principal
46:08 d'une action en responsabilité
46:10 civile professionnelle contre des avocats
46:12 rédacteurs d'actes.
46:14 Et l'organigramme
46:16 des différents types d'affaires
46:18 dont est saisi le tribunal ne va pas
46:20 jusqu'au détail de l'article
46:22 qui sert de fondement
46:24 comme aujourd'hui l'article L600-8.
46:26 Donc si on tapait dans
46:28 les bases de données du tribunal L600-8,
46:30 on n'aurait pas de...
46:32 Moi ce que je peux vous dire,
46:34 c'est en tant qu'avocat
46:36 du barreau de Paris,
46:38 en charge de la responsabilité civile
46:40 professionnelle des avocats parisiens,
46:42 c'est-à-dire en gros 36 000 avocats
46:44 à la moitié du barreau français,
46:46 j'ai l'année dernière,
46:48 sur l'exercice 2022-2023,
46:50 jusqu'à aujourd'hui,
46:52 j'ai six dossiers ouverts
46:54 sur une problématique de responsabilité
46:56 liée à l'article L600-8
46:58 dont je vous indiquais les montants tout à l'heure
47:00 qui vont de 40 000 euros à 2 millions d'euros
47:02 par dossier.
47:04 Voilà à peu près les éléments que je peux vous donner.
47:06 J'ai demandé au Mutuel du Mans
47:08 de me donner des éléments statistiques plus précis.
47:10 Également si ça concernait la profession
47:12 de notaire qui fait également de la rédaction
47:14 d'actes, la profession de notaire
47:16 est moins concernée dans les mesures où systématiquement
47:18 elle enregistre tous ses actes
47:20 indistinctement, donc elle n'est pas
47:22 vraiment concernée. La profession d'avocat
47:24 l'est beaucoup plus, mais eux-mêmes
47:26 chez le Mutuel du Mans n'ont pas les outils statistiques
47:28 qui permettent d'aller beaucoup plus loin
47:30 que ce que je vous donne comme élément d'appréciation.
47:32 - Enfin vous nous avez dit qu'il y avait
47:34 un nombre substantiel
47:36 de demandes d'indemnisation.
47:38 - Là je parle uniquement du Bureau de Paris
47:40 dont je suis en charge.
47:42 Vous multipliez en gros par deux
47:44 sur la province. Donc c'est un type
47:46 de contentieux qui se développe
47:48 actuellement beaucoup.
47:50 - Merci. Monsieur Ganguillem.
47:52 - Monsieur Ganguillem, alors
47:54 ma question est complète
47:56 la précédente. Combien
47:58 avez-vous de transactions enregistrées ?
48:00 - J'avais bien compris que c'était le sens
48:02 de la question telle qu'elle m'était
48:04 adressée.
48:06 Je suis d'accord
48:08 avec le maître Debond.
48:10 Les statistiques sont difficiles en la matière et
48:12 de manière étonnante, en tout cas
48:14 cette statistique n'existe pas.
48:16 Ce n'est pas possible de savoir
48:18 combien de transactions sont effectivement
48:20 enregistrées.
48:22 Voilà.
48:24 - Merci.
48:26 - Merci.
48:28 - Bon, est-ce qu'il y a d'autres
48:32 questions ? Oui. Monsieur
48:34 le conseiller Sénère. - Merci, monsieur le
48:36 président. Une question très ponctuelle à maître
48:38 Ourdot. Maître, il me semble que vous
48:40 avez entendu nous dire qu'il
48:42 ne pouvait arriver que des défauts d'enregistrement
48:44 et des motifs légitimes. Je crois
48:46 que c'est l'expression que vous avez
48:48 employée. Est-ce que vous pouvez préciser
48:50 un petit peu ce point en nous indiquant
48:52 ce que vous semble pouvoir être ces...
48:54 en tout cas la légitimité
48:56 de défauts d'enregistrement ?
48:58 - Il me semble pouvoir envisager, monsieur,
49:00 que le requérant
49:02 de bonne foi puisse ne pas toujours
49:04 se faire assister par un avocat et ne pas toujours
49:06 être au fait de la réglementation.
49:08 Donc il me semble que dans ce cas...
49:10 Alors, nul n'est censé ignorer la loi. Je ne l'ignore
49:12 pas moi-même, mais en l'occurrence
49:14 il me semble que l'appréciation ne serait pas
49:16 la même si le requérant n'était pas
49:18 assisté, ce que l'on ne peut pas exclure.
49:20 - C'est ce que vous avez dit, non ?
49:22 - Oui.
49:24 - À la barre.
49:26 - À cet égard, je viens
49:28 d'être saisi d'un dossier
49:30 avec la difficulté suivante.
49:32 L'accord est passé entre un syndicat
49:34 de copropriétaires et le promoteur.
49:36 L'accord
49:38 est daté du jour où il est signé entre le syndic
49:40 de copropriétaires et le promoteur. Néanmoins,
49:42 pour être totalement efficace, il doit être
49:44 régularisé par l'Assemblée générale de copropriétés
49:46 et la loi sur la copropriété
49:48 prévoit un délai de recours de deux
49:50 mois après la publication du procès verbal
49:52 de l'Assemblée générale.
49:54 Quelle est la date à partir de laquelle
49:56 on doit enregistrer ? Voilà une question
49:58 juridique qui n'est pas tranchée et qui peut
50:00 effectivement être un motif légitime de savoir à quel moment
50:02 on se situe pour savoir
50:04 quand la sanction couperaie
50:06 s'applique ou pas. Alors ça c'est
50:08 une typologie de dossier que nous pouvons avoir
50:10 également.
50:12 - Autre question ?
50:14 - Oui,
50:16 la condamnable à conseillère, Lucas.
50:18 - Je voudrais poser une question tout à fait différente à M. Canguilhem
50:20 sur les conséquences de l'enregistrement.
50:22 Est-ce que les services fiscaux
50:24 procèdent à une forme
50:26 de contrôle des
50:28 transactions qui sont enregistrées
50:30 ou est-ce que le seul objectif c'est
50:32 la publicité mais sans aucune
50:34 conséquence ?
50:36 - M. Canguilhem.
50:38 - Comme cela a été dit, il n'y a aucune conséquence
50:40 fiscale qui est attachée
50:42 à cette déclaration,
50:44 à cet enregistrement, pardon.
50:46 L'objectif est vraiment, comme vous le soulignez,
50:48 l'enregistrement, la portée
50:50 sur la place publique, les noms,
50:52 donc il n'y a pas d'investigation
50:54 particulière subséquente.
50:56 - Vous voulez dire quelque chose ?
50:58 Maître de plan.
51:00 - Merci M. le Premier. Il n'y a en fait
51:02 aucune publicité dans la mesure où
51:04 l'acte est présenté au service
51:06 d'enregistrement, tamponné par l'enregistrement,
51:08 aucune copie n'est conservée.
51:10 Donc en réalité il n'y a aucun moyen
51:12 de savoir ce qui a été enregistré.
51:14 C'est un timbre poste.
51:16 - Oui, ça doit avoir
51:18 un rapport avec l'absence de statistiques.
51:20 - Oui.
51:22 - Bon.
51:24 D'autres questions
51:26 de mes collègues ? Non ?
51:28 Alors, nous sommes,
51:30 si je puis dire, éclairés,
51:32 et nous allons réfléchir à tout cela
51:34 et rendrons notre décision le 14 septembre.
51:36 Bonne journée à tous.
51:38 Faut bien s'élever.
51:40 [Bruit de la machine qui s'arrête]
51:42 Merci à tous !