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Le général Christophe Gomart, ex-directeur du renseignement militaire français de 2013 à 2017, était l'invité de franceinfo le 3 août 2023.

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Transcription
00:00 C'est la dernière option sur la table mais nous devons nous y préparer une intervention
00:04 militaire toujours envisagée par les pays d'Afrique de l'Ouest, la CDAO, face au coup
00:09 d'état au Niger et des poutchistes qui restent sourds à l'ultimatum, dimanche maximum, pour
00:14 faire marche arrière.
00:15 Hier, trois avions ont évacué vers Paris 736 personnes dont près de 500 français.
00:22 Les opérations d'évacuation qui sont d'ailleurs maintenant terminées.
00:25 Et on se demande maintenant si la France n'aurait pas pu mieux anticiper ce poutch.
00:31 Bonjour Christophe Gomart, vous êtes général de corps d'armée, ancien directeur du renseignement
00:36 militaire français.
00:37 Sur ce coup d'état au Niger, y a-t-il eu selon vous des ratés de la part du renseignement
00:42 français ?
00:43 On peut toujours accuser le renseignement français de rater.
00:45 Il y a deux types de renseignements, le renseignement de possibilité et le renseignement d'intentionnalité.
00:50 La possibilité c'est voir ce qu'un adversaire est capable de faire, comment il est équipé,
00:54 quelle est sa doctrine, quels sont ses modes d'action.
00:56 Et l'intentionnalité c'est de savoir connaître les intentions de l'adversaire ou de voir
01:00 de connaître même les intentions de ses amis.
01:01 C'est toujours difficile même pour ses propres amis de connaître leurs intentions.
01:05 Et parfois ils peuvent nous créer des surprises.
01:07 Je crois que dans le cas du Niger, en fait le Niger a été vu comme un vrai partenaire
01:11 et le général Tiani qui est déclencheur de ce poutch en fait le déclenche parce qu'il
01:16 est limogé ou il va être limogé.
01:18 Donc est-ce que la France n'a pas envisagé ce limogé et la réaction du général Tiani
01:24 qui n'a pas accepté son limogé en dépit de ses 63 ans, puisqu'il est né en 1960.
01:28 C'est difficile de le dire.
01:30 Mais il y avait des signaux non ?
01:31 Des signaux oui.
01:32 C'est-à-dire que le Niger, vous savez la probabilité statistique d'un coup d'état
01:37 au Niger est permanente.
01:38 Le président Mazoum a évité déjà en amont plusieurs coups d'état.
01:44 Et d'ailleurs j'allais dire empêchés par ce général Tiani qui est lui-même auteur
01:49 d'un poutch.
01:50 Donc c'est difficile en effet de déterminer exactement s'il va y avoir un nouveau poutch
01:55 ou pas.
01:56 D'après le Canard enchaîné, Emmanuel Macron s'est clairement agacé de n'avoir pas été
01:59 correctement prévenu par la DGSE.
02:01 C'est possible que des éléments ne soient pas remontés jusqu'au chef de l'état ?
02:05 Alors ce que dit le directeur général de la sécurité extérieure, Bernard Rémier,
02:10 c'est qu'une note avait été faite.
02:11 Un service de renseignement produit plusieurs milliers de notes par an.
02:15 Ces notes elles arrivent, elles sont sélectionnées et un certain nombre d'entre elles arrivent
02:19 au plus haut niveau de l'état.
02:20 Il faut faire le tri.
02:21 Il faut faire le tri.
02:22 Est-ce que cette note en question dont parle Bernard Rémier n'a pas été suffisamment
02:26 prise en compte ?
02:27 Ça reste possible.
02:28 Mais il y a tellement de choses à suivre en réalité que le Niger effectivement est
02:33 un pays sur lequel la France s'appuie au Sahel.
02:35 Ce que vous dites c'est que peut-être le politique a échoué plus que le renseignement ?
02:37 Non, non, non.
02:38 Je ne dirais pas ça.
02:39 Je dirais simplement qu'on n'a pas pris peut-être la mesure de ce qui pouvait se
02:43 passer au Niger.
02:44 Mais j'allais dire c'est à la fois au niveau politique comme au niveau du renseignement.
02:48 Surtout après ce qui s'est passé au Mali et au Burkina.
02:51 On pouvait se dire que la même chose pouvait se produire au Niger ?
02:54 C'est vrai que j'imagine que les services de renseignement français sont très attentifs
02:59 à ce qui se passe en Afrique et au Sahel, en particulier aujourd'hui.
03:01 Ce qui peut se passer au Tchad, ce qui peut se passer au Sénégal, en Côte d'Ivoire
03:04 ou dans d'autres pays africains dans lesquels la France est encore présente.
03:07 Donc c'est suivi.
03:08 Maintenant, connaître l'intention du coup d'état, parce qu'en fait c'est Tiani
03:12 tout seul qui au départ a dit, qui a fait le putsch.
03:14 C'est à dire qu'il a été ensuite suivi par d'autres militaires nigériens.
03:18 Et dans ces affaires là, c'est très difficile de déterminer s'il va lancer son putsch.
03:25 Et ensuite malheureusement, on doit réagir.
03:28 Plus que c'est difficile d'anticiper dans ces cas là.
03:30 Comment opère le renseignement français au Sahel ?
03:32 Il a des liens avec les services des autres pays de la région ?
03:36 Ah bien sûr.
03:37 Lorsque j'étais en fonction, j'étais en lien avec le patron de la DDRM.
03:41 Et mon homologue de la DGSE était en lien avec la DDGSE,
03:45 donc le service de renseignement extérieur nigérien,
03:47 et moi le service de renseignement militaire.
03:48 Donc oui, il y avait d'ailleurs un G5 Sahel renseignement
03:51 qui nous permettait de partager.
03:53 Les nigériens me donnaient du renseignement terrain,
03:54 et moi je leur donnais plutôt du renseignement technique.
03:56 Et c'est comme ça que l'échange se faisait.
03:57 En mars dernier par exemple, c'est le Niger qui a permis la libération d'Olivier Dubois.
04:01 Ça montre aussi les liens entre les services de renseignement.
04:04 Oui, c'est bien évident.
04:06 Il y a un dialogue permanent.
04:07 Les services de renseignement parlent peu, mais agissent beaucoup.
04:10 Et ça se passe en général au-dessous du niveau de ce qui est connu par le grand public.
04:14 Vous croyez à cette intervention militaire au Niger,
04:17 qui est toujours envisagée en ce moment par les voisins africains de la CDAO ?
04:20 Je pense qu'il y a...
04:22 Ce qu'il dit, c'est qu'effectivement c'est sur la table.
04:24 C'est une planification, et dans la planification,
04:27 c'est quelque chose qui est envisagé pour mettre la pression,
04:29 j'imagine, sur les poutchistes et leur dire que cette possibilité n'est pas exclue.
04:34 Est-ce qu'elle se jouera ?
04:35 Je pense qu'aujourd'hui, il y a des dialogues qui se jouent
04:39 entre les poutchistes, entre le Tchadien qui joue le médiateur,
04:43 le fils d'Idriss Déby, le Mahamat...
04:47 Le président tchadien.
04:48 Le président tchadien, merci.
04:49 Mahamat Idriss Déby.
04:51 Oui. Il y a un dialogue qui se joue.
04:55 Comment ça se terminera ?
04:56 Je crois que l'ultimatum est à la fin de la semaine prochaine,
05:00 ou la fin de cette semaine.
05:00 Ce dimanche.
05:01 Ce dimanche.
05:02 Donc effectivement, c'est une des possibilités, en effet.
05:04 Vous avez été commandant des opérations spéciales au Sahel,
05:07 avec Christophe Gomart, au début de l'opération Serval devenue Barkhane.
05:11 C'est une région que vous connaissez bien.
05:12 Les civils français sont évacués.
05:14 Mais nos soldats, 1500 hommes et femmes, restent sur place.
05:18 Jusqu'à quand, d'après vous ?
05:20 Je pense que pour la France, c'est un vrai point de bascule.
05:24 Selon moi, la France joue son destin géostratégique là.
05:27 C'est-à-dire que soit la France monte une certaine force,
05:30 soit elle monte une certaine faiblesse.
05:32 Et pour le président Macron et les décideurs français,
05:34 c'est effectivement un moment difficile,
05:36 au moment où on doit prendre la décision de savoir ce qu'on va faire.
05:38 Mais il n'aurait pas fallu prendre cette décision
05:41 il y a même quelques mois déjà,
05:43 dès la fin de l'opération Barkhane, l'hiver dernier ?
05:46 C'est une vraie discussion.
05:47 Est-ce qu'il fallait quitter le Sahel après l'intervention d'opération Serval,
05:51 c'est-à-dire en 2013 ?
05:53 Ou est-ce qu'il fallait la quitter plus tard ?
05:55 On est resté en accord avec les gouvernements maliens,
05:59 nigériens et burkinabés de l'époque.
06:01 Et puis, il y a eu effectivement une évolution.
06:03 Est-ce que cette évolution, on aurait dû décider un départ plus tôt ?
06:06 Sans doute.
06:07 La question se pose particulièrement vu le désamour,
06:10 pour le dire comme ça, à l'égard des Français au Niger.
06:13 Oui, vous avez raison. La question se pose et reste en suspend en effet.
06:17 Et vous n'avez pas de réponse à ce sujet pour l'instant ?
06:19 Non, c'était pas à moi de donner cette réponse.
06:21 Christophe Gomart, ancien directeur du renseignement militaire français,
06:25 merci pour votre éclairage.
06:26 Vous avez été aussi commandant des opérations spéciales au Sahel,
06:29 au lancement de l'opération Serval, grand témoin de France Info.

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