L'interview de Vincent Hergott
Le responsable RAID Alliance, Vincent Hergott, était l’invité de #LaMatinale sur CNEWS.
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00:00 policier de l'unité du Rennes mis en examen à Marseille pour violences avec
00:03 armes ayant entraîné la mort sans intention de la donner. On va y
00:07 revenir tout de suite avec notre invité Vincent Ergot, responsable RAID Alliance
00:11 est en liaison avec nous. Vincent Ergot, merci d'avoir accepté notre
00:15 invitation. Pour commencer, quelle a été votre réaction hier soir lorsque vous
00:20 avez appris la mise en examen de trois de vos collègues ?
00:25 Déjà bonjour et merci de me recevoir. Notre réaction, que voulez-vous, elle a
00:31 été presque du soulagement parce que dans l'état d'esprit actuel on s'attendait
00:35 à pire vu la manière dont nous pouvons être parfois traités ou considérés par
00:41 les arcanes de la justice. Sur les faits précis, est-ce que vous en savez un peu
00:48 plus vous de votre côté ? Il appartient à l'enquête de définir un peu plus
00:53 précisément quels sont les éléments qui permettront d'établir la vérité.
00:58 Je ne me prononcerai pas là-dessus, je préfère parler de l'état d'esprit des
01:01 collègues et l'état d'esprit du groupe. Alors justement le groupe, le RAID,
01:04 aujourd'hui qu'est-ce que vous pouvez nous dire de son état d'esprit au
01:08 lendemain de ces trois mises en examen ? Comme je l'ai dit, il y aura un avant,
01:15 il y aura un après. Il y aura un avant, un après, ça ne veut pas dire que le RAID et les
01:20 opérateurs du RAID ont manqué d'engagement, comme ça a pu être dit sur
01:24 certains plateauillers en réponse à ce que j'avais annoncé. Pas du tout, les
01:27 opérateurs du RAID sont des professionnels, ils ont une maîtrise
01:30 absolue et parfaite de leur métier. Il y aura un avant, un après parce que ce sont
01:34 des gens qui, quand ils sont engagés, sont engagés dans un contexte dans le
01:40 cadre duquel ils n'ont pas à réfléchir du comment dire, de la légitimité de
01:47 leur emploi, de leur usage. Je parle de l'outil RAID. Là maintenant, dans ce
01:52 contexte qui était le nôtre, la première question qu'on a en droit de se poser
01:55 nous, Allianz, et même la première question que se posent les opérateurs du
02:00 RAID, c'était quelle était finalement la légitimité d'employer une unité
02:04 antiterroriste avec les méthodes et les moyens d'intervention du RAID dans un
02:09 cadre où, je le rappelle, il n'y avait même pas de couvre-feu puisque il semblerait
02:13 qu'on était dans des violences urbaines, non pas dans un cadre
02:17 insurrectionnel comme certains auraient pu le mettre en doute.
02:20 Alors justement, peut-être pour préciser aujourd'hui les missions du RAID,
02:24 quelles sont-elles ? On vous connaît, vous êtes une unité d'élite, on se souvient
02:29 notamment de vos interventions lors du Bataclan ou à Neuille lorsqu'il y a eu
02:34 cette prise d'otages. Au quotidien, qu'est-ce qu'ils font vos collègues du RAID ?
02:39 Au quotidien, mes collègues du RAID s'entraînent pour que, quand ils sont
02:43 obligés d'intervenir, ils soient en capacité de réaliser le geste parfait.
02:48 Et c'est toute la question qui se pose actuellement. Ces gens, quand ils
02:54 interviennent, ne doutent jamais de leur manière d'intervenir, de leur
02:59 travail, du contexte dans lequel ils vont engager. Ils ne réfléchissent pas à ça.
03:04 Et quand je dis qu'il y aura un avant et un après, maintenant, comme on met en doute
03:09 leur professionnalisme en les traitant de la manière dont ils ont pu l'être,
03:15 quand vous réalisez une action réflexe pour laquelle vous
03:21 avez travaillé des milliers de fois, vous avez fait des tactiques des centaines et
03:24 des centaines de fois, on est en droit de penser qu'à un certain moment,
03:28 ces collègues vont se dire "ah ouais, mais putain, les copains, ils ont été en garde à vue,
03:33 les copains, ils se sont mis en examen, qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi nous,
03:38 on a fait notre taf, on a fait notre job, la colonne était en danger,
03:43 on a engagé. Après, les conséquences, elles sont malheureuses et on en est
03:46 désolé, bien évidemment.
03:49 Mais lorsque le RED est engagé sur les émeutes, on va s'interroger après de
03:55 savoir si c'est une décision politique ou pas selon vous, mais est-ce que lorsque
03:59 vous êtes engagé sur ces émeutes, vous avez des consignes très claires sur
04:02 votre mission ? Qu'est-ce qu'on vous demande à ce moment-là ? On sait que la
04:05 France est à feu et à sang, le contexte est très tendu. Est-ce que vos missions
04:09 sont encadrées ? On vous dit quoi à ce moment-là ?
04:13 L'envie de rétablir l'ordre républicain. Je rappelle que le RED n'est pas une
04:18 unité de maintien de l'ordre. C'est pour ça. Le RED est une unité de rétablissement qui est entraînée à
04:24 interpeller. Je rappelle que les jaules étaient pleines, donc je vois pas ce qu'on
04:28 pouvait interpeller. Et c'est une unité qui est entraînée pour neutraliser une
04:33 situation. Alors quand vous pouvez plus interpeller, que vous n'êtes pas équipé
04:37 pour le maintien de l'ordre et qu'il faut disperser des émeutiers qui sont en
04:41 train de piller, de dépouiller les commerçants, dans le protocole d'entraînement
04:48 RED, il faudrait rajouter "veuillez monsieur me présenter vos papiers et me
04:52 décliner votre identité". Il ne vous aura pas échappé que ce n'est pas la manière dont
04:56 les collègues sont généralement engagés. Alors pour vous, au fond, ce qu'on peut
05:00 retenir lorsqu'on vous entend, c'est que c'était une décision symbolique.
05:04 Il y a un côté communication aussi, peut-être, lorsque vous avez été engagé.
05:10 Alors moi, je serais tenté de penser que le RED a répandu au déficit en
05:15 effectif de la police nationale. Il n'a pas échappé que la situation de
05:21 violences urbaines, comme certains aiment à le rapporter, et que nous
05:25 nous considérons comme insurrectionnelle, à la limite de la situation de guerre,
05:29 eh bien il fallait y répondre avec les moyens dont le ministre de l'Intérieur
05:32 dispose. Le ministre de l'Intérieur dispose de moyens divers et variés.
05:38 Le RED a fait le nombre. Je ne veux pas incriminer le ministre de l'Intérieur
05:42 dans mon propos, parce qu'il a été d'un soutien indéfectible à mes
05:46 collègues du RED, à mes copains du RED, pendant toute cette
05:52 période. Mais bon, voilà, nous on a fait le nombre, on a fait le nombre avec un
05:57 moyen qui est celui du RED. Vous utilisez une perceuse et vous les
06:01 percez du bois, vous n'utilisez pas un forêt à béton.
06:02 On vous a demandé donc de rétablir l'ordre républicain, vous avez été appelé
06:08 à la rescousse par l'exécutif, on l'a entendu, pour tenir le pays, en quelque
06:13 sorte, rétablir l'ordre, c'est ce qu'on vous a demandé. Aujourd'hui, avec ces trois
06:18 mises en examen, vos collègues se sentent abandonnés, ça fait mal au coeur
06:23 quelque part, on le comprend, en tout cas on le comprendrait.
06:27 La devise du RED c'est "servir sans faillir". Servir sans faillir, ça sous-entend
06:31 quand même que la République que l'on sert ne nous lâche pas, ne nous donne
06:38 pas le sentiment d'être lâché. Moi, il ne m'appartient pas de juger le système
06:43 judiciaire, de la manière dont cela fonctionne, je suis bien mal placé pour ça.
06:48 Nous, nous servons la République de manière... enfin voilà, on est au service de la
06:56 République, on s'entraîne, les collègues s'entraînent au quotidien pour être
07:01 le meilleur outil qu'il soit pour servir cette République.
07:04 Nous, on aimerait juste que la République nous rende un peu de ce qu'on lui donne,
07:08 dans la considération qu'elle nous porte, parce que ce n'est pas le sentiment...
07:13 Alors vous savez, moi je ne suis qu'un humble représentant syndical qui essaie de
07:17 porter la voix de mes copains et des gens que je représente au sein de
07:21 l'unité RAID, mais on a un peu le sentiment, pas d'être abandonné, mais
07:26 d'être traité comme n'importe lequel des voyous, et je rappelle que
07:31 l'engagement, encore une fois, d'un opérateur du RAID ou d'un policier,
07:35 c'est sauvegarder la République, et quand on est traité de cette
07:41 manière, sans considération pour ce qui est de notre ressenti, c'est difficile.
07:48 À l'avenir, si on vous appelle à la rescousse pour une mission de maintien de
07:53 l'ordre, vos collègues réfléchiront à deux fois avant de s'engager, il faudra en
07:58 tout cas des discussions claires sur l'encadrement de la mission ?
08:02 Alors moi je rappelle qu'on est dans un système hiérarchisé, mes collègues, il
08:06 ne leur appartient pas de décider individuellement ce qu'ils feront...
08:10 C'est votre hiérarchie en tout cas.
08:12 Ah bah il lui appartient à elle de réfléchir à l'opportunité d'engager le RAID.
08:17 Vous imaginez bien que c'est pas nous qui allons prendre cette décision.
08:21 Nous on dit juste "attention, ce coup là, il a peut-être pas été très bon".
08:27 On parle peut-être aussi, avant de vous libérer, peut-être une précision,
08:32 vous avez, on le sait, des moyens d'intervention qui sont très spécifiques,
08:36 que les autres unités de police n'ont pas. Il y a notamment ce qu'on parle de
08:41 "Bin-Bag", alors de quoi s'agit-il très précisément ?
08:45 Alors déjà je vais rappeler une chose, le RAID est habilité à utiliser
08:49 l'intégralité de l'armement qui est en dotation au sein de la police,
08:53 contrairement à ce qui aurait été déclaré hier sur votre plateau.
08:59 La Bin-Bag, c'est une munition intermédiaire de calibre 12, qui est
09:05 utilisée dans un fusil de marque, je sais pas si je peux citer la marque,
09:09 mais "Kell-Tec", ou dans n'importe quelle arme de calibre 12.
09:13 C'est une munition intermédiaire, c'est un petit sachet en Kevlar,
09:16 rempli de petites billes qui sont rarement en plomb, parce que le plomb
09:23 a tendance à s'agglomérer à l'impact, donc c'est plutôt des petites billes
09:27 en céramique, il me semble. Vous savez, on ne les ouvre pas avant de les tirer
09:31 au sein du service. Mais voilà, c'est une munition intermédiaire.
09:36 Je sais pas ce que vous voulez savoir de plus sur cette munition.
09:38 - Non mais effectivement, parce qu'elle est au cœur des interrogations,
09:41 elle aurait visé, visiblement, selon les premiers éléments de l'enquête,
09:45 un scooter, justement. Mais comme vous le disiez, l'enquête va se poursuivre.
09:51 En tout cas, un grand merci, Vincent Hergott, d'avoir accepté de nous répondre.
09:55 On a eu des éclairages très intéressants ce matin.
09:59 - Vincent Hergott ? - Si vous me le permettez, je peux ?
10:03 - Allez-y. - J'aimerais qu'on n'oublie pas nos deux copains,
10:05 nos deux collègues, Florian et Christophe, qui sont toujours incarcérés.
10:09 En me portant la parole du RAID, je sais aussi que tous les RAIDers
10:15 sont particulièrement affectés par ces deux incarcérations.
10:19 Je tenais juste à rappeler qu'il y a les événements du quotidien,
10:24 il y a ceux dont on parle dans les médias, au quotidien,
10:27 mais j'aimerais bien qu'on ne les oublie pas, ces deux collègues qui sont en détention préventive.
10:31 - Message entendu, Vincent Hergott, responsable RAID Alliance.
10:34 Merci d'avoir été en liaison avec nous ce matin.
10:38 - Merci d'avoir reçu.
10:39 - Je vous rappelle pour revenir sur cette mise en examen de trois policiers du RAID.
10:44 - Merci.
10:45 [Musique]
10:48 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]