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Le général Vincent Desportes était l’invité de Laurence Ferrari dans #LaMatinale sur CNEWS.

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00:00 Bonjour Général, bienvenue dans la matinale de CNews.
00:02 Vous êtes l'auteur de ce livre "Devenez leader",
00:04 aux éditions Odile Jacob.
00:05 On va parler de l'Ukraine, c'est une première victoire pour l'Ukraine
00:08 après avoir réclamé pendant des semaines la livraison
00:10 de blindés lourds de la part de ses alliés.
00:12 Le pays qui a été envahi par la Russie le 24 février dernier
00:16 va pouvoir compter sur les chars Abrams des États-Unis,
00:18 mais aussi sur les Léopards allemands.
00:19 Est-ce que la livraison de ces chars est un tournant dans la guerre ?
00:22 Alors moi, je ne crois pas qu'elle soit un tournant.
00:24 On n'arrive pas de tourner dans cette guerre, donc on tourneront.
00:27 Alors qu'elle va tout droit, on est sur une démarche d'escalade,
00:30 de montée aux extrêmes, qui est assez naturelle
00:33 parce que la nature de la guerre, c'est la montée aux extrêmes.
00:36 Il faut bien se rendre compte qu'on est sur un chemin qui est dangereux
00:40 et qui peut conduire au pire.
00:41 D'accord, 321 chars lourds ont été promis par les Occidentaux.
00:44 On ne parle pas des Français pour l'instant.
00:45 Ça suffit à faire la différence sur le terrain, je dirais, ou pas ?
00:49 Alors oui et non.
00:50 Avec 300 chars, vous pouvez commencer à monter une manœuvre blindée
00:54 qui permette effectivement de monter une offensive.
00:56 Mais ces blindés doivent être entourés de beaucoup d'autres choses,
00:59 c'est-à-dire de frontins sains dans des véhicules de transport de troupes blindées,
01:03 de matériel d'eugénie, etc.
01:05 Donc ça peut changer les choses,
01:08 mais il y a une manœuvre à monter, une manœuvre compliquée
01:10 qui doit être préparée.
01:12 Et donc ces chars pourront changer la donne,
01:14 pas tout de suite, dans quelques mois,
01:16 une fois que tout ça sera prêt, que les équipages seront entraînés
01:19 et que l'armée ukrainienne saura manœuvrer avec ces nouveaux chars.
01:22 Elle ne sait pas le faire pour l'instant.
01:23 C'est-à-dire qu'il faut de la formation pour les soldats,
01:25 les mécaniciens ukrainiens qui ne connaissent pas les technologies
01:28 qui sont sur ces chars-là ?
01:29 Oui, alors il faut, il y a une formation des mécaniciens,
01:32 vous avez raison, et il faut une formation des équipages.
01:34 Si je prends le cas du char Leclerc, qui est un excellent char,
01:37 les tireurs et les pilotes passent des journées entières sur des simulateurs
01:41 avant de rentrer dans le char.
01:43 Il faudra, si d'aventure la France donnait ces chars,
01:47 il faudrait que les équipages ukrainiens viennent en France
01:49 dans le centre de formation, soient formés avant de repartir.
01:52 La formation est évidemment fine, longue,
01:54 si on veut tirer parti de ce char avec sa véritable plus-value.
01:57 Combien de temps pour être formé sur un char Leclerc ?
02:00 Au moins trois mois minimum ?
02:01 Oui, au moins trois mois.
02:03 Et après la formation sur le char lui-même,
02:05 vous avez la formation des unités, plotons, compagnies, etc.,
02:09 qui prend elles-mêmes du temps.
02:11 Donc on voit bien que ces chars pourront changer la donne,
02:14 probablement, mais je ne dirais pas avant la fin du printemps,
02:18 probablement pas.
02:19 Pourquoi la France hésite-t-elle tant à livrer ses chars Leclerc ?
02:22 Peut-être d'abord parce que nous n'en avons que très très peu ?
02:24 Il y a plusieurs raisons.
02:27 Nous en avons peu.
02:28 L'armée française a été construite comme une armée expéditionnée.
02:31 Je rappelle que l'armée française a fait la guerre partout,
02:34 elle a été projetée partout, elle a été dimensionnée partout.
02:37 Et donc, ce qui explique que nous avons beaucoup moins de chars,
02:40 par exemple, que les Allemands, qui eux,
02:42 sont toujours préparés à la guerre face à l'Est.
02:44 Donc on en a peu.
02:45 Une grosse partie de ces chars sont en refonte pour les moderniser.
02:49 Sur le parc de 200, on en a à peu près 50
02:52 qui sont en train d'être transformés.
02:54 Et sur les 150, on a peut-être la moitié qui est véritablement en ordre de marche.
02:59 Ça fait peu donc, très très peu.
03:02 Et surtout, derrière, on n'a pas les pièces d'urchange, etc.
03:04 Pourquoi ? Parce que l'armée française a eu des budgets
03:06 qui se sont effondrés pendant 25 ans.
03:08 Et on a bien acheté des chars, mais on n'avait pas assez d'argent
03:11 pour acheter, si vous voulez, tout ce qui permettait de faire fonctionner.
03:14 Donc si jamais, d'aventure, la décision était prise d'envoyer
03:17 une poignée de chars, ça ne pourrait pas être plus que ça,
03:19 10, 15, eh bien ça priverait pendant des mois, peut-être des années,
03:22 l'armée française d'une véritable capacité blindée,
03:25 pour un avantage limité.
03:27 Parce qu'il est important dans une manœuvre blindée
03:30 que le parc de blindés soit homogène.
03:32 Je ne sais même pas ce que les Ukrainiens vont faire avec les changeurs britanniques,
03:35 parce qu'un char d'une certaine catégorie,
03:38 si vous voulez, ça va demander un soutien extrêmement lourd.
03:40 Donc l'idée du Léopard est évidemment, tactiquement et techniquement,
03:44 bien meilleure que l'idée du saupoudrage avec différentes catégories de blindés.
03:48 Et le Léopard est un char qui est plus facile à manier pour les Ukrainiens aussi ?
03:51 Non.
03:52 Pas plus ?
03:52 Non, pas plus, si vous voulez, c'est des chars, non,
03:54 ils sont des bons chars, c'est des chars de la même génération,
03:58 c'est des chars qui sont très efficaces, mais plus complexes, si vous voulez.
04:02 C'est plus difficile de conduire une F1 qu'une 2 chevaux,
04:04 c'est comme ça, mais une F1, ça va plus vite.
04:07 Eh bien un char Léopard ou Leclerc, Leclerc est excellent,
04:09 c'est formidable, mais il faut s'entraîner.
04:11 Je reviens à la France, donner ces chars,
04:14 vous dites que ce serait purement symbolique en réalité,
04:17 mais notre capacité à nous, face à une guerre de haute intensité,
04:21 est diminuée, est affaiblie ou pas ?
04:23 Aujourd'hui ?
04:23 Aujourd'hui.
04:24 Elle est faible, elle est faible.
04:25 C'est bien pour ça que ça fait longtemps que le général Burkard,
04:28 qui est chef d'état-major des armées,
04:30 oriente l'armée française de manière à ce qu'elle retrouve une capacité
04:35 dans la guerre de haute intensité.
04:37 La guerre de haute intensité, elle demande de la technologie,
04:39 on l'a, mais elle demande de la masse, c'est-à-dire du nombre de véhicules,
04:42 et elle demande des stocks.
04:43 Nous sommes une armée de flux, c'est-à-dire qu'on a commandé,
04:48 on commande par an, je crois, de l'ordre de 20 000 obus,
04:50 c'est ce qui est consommé par jour sur le théâtre ukrainien.
04:53 Et on n'a pas de stock.
04:54 Donc on voit bien qu'il y a une transformation à faire,
04:56 qui a été initiée par le président Macron,
05:00 avec la nouvelle loi de programmation militaire,
05:02 et qui doit se poursuivre pour transformer notre armée,
05:05 face aux nouveaux défis qui l'attendent.
05:06 On a parlé des blindés lourds, des chars,
05:09 le président Zelensky a d'ores et déjà demandé à ses alliés
05:12 de livrer des avions de chasse.
05:14 Là, on franchit un cap, encore une fois,
05:16 si on livre, nous, des avions de chasse, des Rafales, par exemple.
05:19 Je l'ai dit tout à l'heure, on est sur une trajectoire normale d'une guerre,
05:22 qui est la trajectoire de l'escalade.
05:25 Et il faut bien comprendre qu'au bout de l'escalade, il y a un gouffre.
05:28 Donc, vous voyez, on est enfermé autour de deux nécessités.
05:31 La première, c'est qu'il faut faire comprendre au président Poutine
05:34 qu'il ne peut pas gagner cette guerre.
05:36 Donc, il faut l'acculer à la certitude qu'il ne peut pas gagner.
05:40 Ça, c'est fondamental.
05:41 Mais d'un côté, si on va trop loin,
05:44 il faudra bien que le président Poutine trouve une sortie.
05:49 Cette sortie, elle peut être double.
05:51 Il y a une possibilité qui est le tir d'armes nucléaires.
05:53 Nous sommes dans un cas de figure qui n'a jamais été vécu.
05:56 C'est-à-dire que nous sommes devant le cas d'une puissance nucléaire
06:00 qui est en train de perdre un pouvoir qui va disparaître.
06:02 Alors oui, des puissances nucléaires ont été battues sur le terrain.
06:05 Je pense aux Russes en Afghanistan et je pense aux Américains au Vietnam
06:09 ou en Irak ou encore en Afghanistan.
06:10 Ils ont perdu.
06:11 Mais le pays lui-même n'était pas menacé.
06:14 Le pouvoir n'était pas menacé.
06:16 Donc, comment, à la fin, le président Poutine réagira ?
06:18 Personne ne le sait.
06:19 On peut faire des paris, mais ce seront des paris
06:21 avec une possibilité qui serait la destruction du monde.
06:24 Concernant ces avions de chasse, le chancelier Olaf Scholz a déjà dit que non,
06:28 l'Allemagne ne livrerait pas ces avions de combat
06:30 parce que, évidemment, là, il y aurait un risque
06:32 que ces avions soient utilisés directement sur le sol russe.
06:35 C'est tout à fait possible.
06:36 Une fois que vous avez donné des armes,
06:38 vous ne savez pas exactement à quoi elles vont servir.
06:40 Il est clair que les armes qui sont données aux Ukrainiens
06:42 sont entourées de recommandations,
06:44 mais ce ne sont jamais que des recommandations.
06:46 On sait que plusieurs fois, les Ukrainiens, et on les comprend,
06:49 ils sont dans leur métier à eux,
06:50 ont été frappés des aérodromes russes, etc.
06:55 Limitrof.
06:56 Limitrof, ils ont frappé en Russie, ils ont frappé en Crimée.
06:59 Alors, est-ce que la Crimée est russe ou ukrainienne ?
07:00 Ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui.
07:01 Mais en tout cas, ils ont été frappés.
07:04 Et à la fois, ça avait du sens tactique pour les Ukrainiens,
07:08 et à chaque fois, ils se sont fait quand même taper sur les doigts
07:10 par les Américains en particulier, qui ont dit "Attention, là, vous allez trop loin".
07:14 Les missiles, pareil, de longue portée,
07:16 les Américains refusent d'en livrer pour l'instant,
07:18 pour la même raison, pour ne pas rentrer en conflit direct avec la Russie ?
07:22 Oui, vous avez raison.
07:23 Ces missiles I-Mars ou d'autres missiles Atakams
07:28 peuvent frapper à 400 km dans la profondeur.
07:32 Donc, effectivement, ça ouvrirait la porte à un certain nombre de choses.
07:35 Il faut bien comprendre que cette guerre,
07:38 les Américains étaient réticents,
07:40 et puis ils ont assez rapidement compris qu'au fond,
07:41 elles leur ont des services parce qu'elles les aidaient sur leurs axes stratégiques,
07:45 en particulier, un, l'affaiblissement de la Russie,
07:48 deux, la recentralisation du pouvoir américain,
07:50 qui était quand même effrité avec l'Irak et l'Afghanistan,
07:53 c'est-à-dire au fond, la vassalisation, là, je prends un terme américain,
07:55 la vassalisation de l'Europe.
07:57 Mais il ne faut pas que ça aille trop loin.
07:58 Donc, ce que les Américains veulent, que cette guerre soit contenue,
08:02 et ils ne veulent en aucun cas que cette guerre
08:04 devienne une guerre de l'OTAN contre la Russie.
08:07 Ils y font très attention, et c'est bien parce qu'il y a un risque.
08:10 Je l'ai dit, la logique de la guerre, c'est la montée aux extrêmes,
08:14 et il faut bien la contenir.
08:15 Notre propre sécurité à nous est en jeu dans cette affaire-là.
08:20 Et donc, il faut raisonner la guerre.
08:23 La guerre est une affaire absolument irrationnelle et passionnelle,
08:27 mais il faut la conduire avec raison, parce qu'elle peut déboucher sur le pire.
08:31 Le président Zelensky est dans son rôle, il demande toujours plus.
08:34 Il a demandé des chars, il demande des avions de combat,
08:37 il demande des missiles longue portée.
08:39 Est-ce qu'il est un bon leader ?
08:40 Ou est-ce que, quelque part, il entraîne quand même aussi
08:43 la sécurité sur le continent européen avec lui ?
08:46 Les deux sont vrais.
08:47 Non, mais les deux sont vrais.
08:48 C'est un...
08:49 Comme j'essaie de définir un leader dans mon livre,
08:51 devenir leader, c'est un très bon leader.
08:53 Qu'est-ce que c'est qu'un leader ?
08:54 C'est quelqu'un qui montre un objectif
08:56 et qui arrive à embarquer avec lui les femmes et les hommes qui lui sont confiés.
09:01 Évidemment, il est un bon leader.
09:03 Il a cristallisé l'Ukraine autour de cette idée que l'Ukraine devait vivre.
09:07 Et oui, c'est un bon leader.
09:09 Mais il joue la sécurité de l'Ukraine.
09:11 Et oui, il faut que l'Ukraine retrouve le territoire volé par les Russes.
09:15 Mais en même temps, c'est aussi un problème européen.
09:18 C'est un problème européen.
09:19 C'est une guerre entre Européens sur le territoire de l'Europe.
09:23 La sécurité des Européens est en jeu.
09:25 Et il est évident que les pays européens ont quelque chose à dire
09:29 sur la conduite de cette guerre.
09:31 Ce n'est pas une guerre ukrainienne,
09:32 c'est une guerre ukrainienne et une guerre européenne
09:34 dont nous sommes partis, qu'on le veuille ou non.
09:36 Est-ce que quelqu'un est en train de penser aujourd'hui,
09:39 en Europe ou dans le monde, à l'après-guerre ?
09:41 Est-ce qu'il y a des impensées sur cette stratégie d'après-guerre ?
09:44 Est-ce que quelqu'un a planché sur un scénario ?
09:46 Ce que vous dites, madame Ferrari, est tout à fait important.
09:48 Je crois que vous avez metté le doigt sur ce qui cloche aujourd'hui.
09:52 C'est-à-dire, et on le comprend, on se préoccupe du présent.
09:56 Et c'est vrai que le présent est fondamental.
09:58 Mais moi, je ne vois pas émerger de réflexion sur,
10:01 comme vous l'avez dit, sur l'après-guerre.
10:03 Vous avez raison, je crois qu'il y a des impensées de la guerre.
10:05 C'est-à-dire, on ne fait pas la guerre pour la guerre.
10:07 On fait la guerre pour créer des conditions de la paix.
10:09 Mais ces conditions de la paix ne sont pas que l'acte militaire.
10:12 Il y a autre chose à côté.
10:14 Ensuite, quelque chose auquel il faut absolument penser,
10:17 c'est l'architecture de sécurité en Europe.
10:20 Parce qu'après, il faudra vivre.
10:21 La dernière paix de 91, au bout de 30 ans, elle a conduit à la guerre.
10:24 Donc ce serait quand même bien qu'on trouve un système
10:26 avec d'autres moyens qui nous permettent de vivre en paix plus longtemps.
10:30 Et puis, il y a le système, l'architecture mondiale de sécurité,
10:34 le monde qui a été créé sur la volonté des puissants en 45,
10:38 des vainqueurs de la guerre, ce système-là s'est effrité.
10:41 Aujourd'hui, il est cassé.
10:43 Donc, il faut le reconstruire en tenant compte des nouveaux équilibres,
10:46 en tenant compte de ce que certains appellent le sud global,
10:49 de tous ces pays dont le seul éthos est leur ressentiment contre l'Ouest.
10:55 Il faut reprendre tout ça,
10:56 retrouver une architecture qui permette à nouveau,
10:59 pendant des décennies, de vivre en paix dans le monde.
11:01 C'est-à-dire à la fois repenser l'OTAN
11:03 et repenser le Conseil de sécurité de l'ONU ?
11:05 C'est ce que vous nous dites, il faut tout revoir ?
11:06 L'ONU, si vous voulez, devra être repensé complètement.
11:10 Le Conseil de sécurité est aujourd'hui complètement décrédibilisé
11:13 parce que c'est un des membres qui est défenseur du droit international occidental,
11:16 parce que c'est bien un droit occidental néanmoins,
11:19 un des membres l'a injurié, ce droit.
11:21 Donc, évidemment, le Conseil de sécurité ne vaut plus,
11:24 mais le reste non plus.
11:26 C'est un monde qui a été créé sur une volonté américaine,
11:30 une pensée américaine qui était une bonne pensée,
11:32 qui était dire arrêtons de faire parler de logique de puissance
11:36 et travaillons sur le multilatéralisme,
11:39 travaillons sur la responsabilité collective.
11:42 Mais les Américains eux-mêmes ont ébréché le propre édifice
11:45 qu'ils avaient construit.
11:46 Ce monde, cette architecture s'est petit à petit brisée.
11:52 Il faut en penser une nouvelle qui devra tenir compte des nouveaux équilibres.
11:57 L'OTAN, la question se pose.
11:59 Pourquoi ? Elle n'est plus efficace l'OTAN ?
12:01 Non, mais si vous voulez, il va bien falloir à un moment donné,
12:06 la Russie ne va pas s'échapper.
12:07 Il va falloir construire une façon de vivre avec la Russie.
12:10 On peut vivre avec, on peut vivre contre,
12:13 on peut vivre sans en tenir compte, mais il faudra bien, elle est là.
12:16 Et donc, peut-on reprendre les instruments qui,
12:20 finalement ont produit la guerre ?
12:21 Peut-on reprendre les mêmes instruments pour construire la paix ?
12:24 Non, le monde est à repenser,
12:26 le monde européen et le monde tout court, c'est un des grands enjeux.
12:30 Si vous êtes obnubilé par les affaires du présent,
12:32 vous ne pouvez pas penser le futur.
12:35 Or, le rôle du stratège, c'est de façonner le présent
12:37 en fonction d'un futur qu'il veut.
12:39 Et aujourd'hui, ce futur n'est pas pensé
12:40 aux différentes échelles dont on a parlé.
12:43 Mais ceux qui construisent la paix,
12:44 vous le savez bien, tout au long de l'histoire,
12:46 ce sont ceux qui gagnent les guerres,
12:47 ce ne sont pas ceux qui les perdent.
12:49 Donc, ce sont les Américains, encore une fois,
12:51 qui vont imposer la Pax Americana partout dans le monde ?
12:54 Vous avez raison, c'est une vraie question.
12:57 Nous avons eu trois paix au XXe siècle.
12:59 La paix de 19, la paix de 45 et la paix de 91,
13:02 qui toutes les trois ont été des Pax Americana.
13:04 Il y en avait une intelligente, c'était la paix de 45
13:07 qui a assuré à peu près, enfin, si,
13:08 qui a assuré 45 ans de paix sur le territoire.
13:11 Les deux autres ont débouché sur la guerre.
13:13 La paix de 1919 a créé 60 millions de morts.
13:17 Vingt ans après, la paix de 91 a débouché sur la guerre en 2022.
13:23 Pourquoi ? Parce que les Américains ont de grandes qualités,
13:26 mais c'est un État.
13:27 Vous savez, l'intérêt est la boussole des États.
13:29 C'est comme ça, on ne peut pas faire autrement.
13:31 Et c'est pour ça que l'Europe doit se penser absolument
13:34 en acteur géopolitique, à savoir ce qu'elle veut,
13:37 et à savoir ce qui est bon pour elle,
13:38 et ce qui est bon pour elle n'est pas forcément
13:40 la meilleure solution pour les Américains.
13:42 Nous sommes la première puissance économique au monde, ou presque.
13:45 Nous sommes 450 millions d'habitants.
13:47 Nous avons le droit d'avoir des intérêts divergents
13:50 et à construire un système de sécurité dans lequel nous vivons.
13:54 Il faut se rappeler ce que disait le secrétaire d'État Blinken
13:57 quand il passe au mois d'avril à l'OTAN, à Bruxelles.
14:01 Il dit à ses camarades ministres d'affaires étrangères,
14:03 "Ne vous trompez pas, maintenant, vous devez vous préparer
14:06 à la guerre contre la Chine."
14:07 La question se pose quand même.
14:09 Est-ce qu'il est dans l'intérêt de l'Europe
14:10 de voir un affrontement frontal entre les États-Unis et la Chine ?
14:14 Probablement pas, et sûrement pas d'ailleurs.
14:17 Et donc, la France, pardon, l'Europe,
14:20 doit se penser en acteur géopolitique,
14:24 se concevoir un destin et s'en donner les moyens.
14:26 Merci beaucoup, général Vincent Dépardieu,
14:28 de cette analyse de la situation.
14:30 Je rappelle le titre de votre livre,
14:31 "Devenez leader", aux éditions Odile Jacob.
14:33 Merci à vous et à vous, Romain Désart,
14:34 pour la suite de la matinale.
14:36 Sous-titrage Société Radio-Canada
14:38 [Musique]

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